Guerre du Pacifique : Épisode 3 – L’avancée japonaise dans le Pacifique (partie 2/2)
Dans notre épisode 3 – L’avancée japonaise dans le Pacifique partie 1/2, après l’attaque de Pearl Harbor, le Japon lance une offensive de grande ampleur dans le Pacifique dans le but de créer la « sphère de co-prospérité de la grande Asie orientale » au profit du Japon. A cause des sanctions économiques imposées par les États-Unis, le Japon doit conquérir rapidement de nouveaux territoires pour se procurer du pétrole, vital pour l’armée impériale engagée sur plusieurs fronts. Le Pays du Soleil levant convoite les Indes néerlandaises riches en matières premières et les premiers succès nippons les rapprochent de cet objectif.
Dans cette seconde partie, nous reprendrons les batailles du début de l’année 1942 avec la poursuite des combats aux Philippines et en Malaisie amenant la chute de Singapour. Avec la prise des Indes néerlandaises, les Japonais iront de victoire en victoire jusqu’au tournant de la bataille de Midway.
La conquête de la Malaisie
Le 1er janvier 1942, le Général Yamashita a pris largement l’avantage militaire et psychologique en ayant effectué le tiers du parcours jusqu’à Singapour en seulement 3 semaines de campagne. L’axe Kuala Lumpur-Malacca en Malaisie s’ouvre devant lui jusqu’au sud de la péninsule. Retraite après retraite, les troupes britanniques reculent en Malaisie. Si elles essaient de les arrêter en défendant les fleuves et rivières, les Japonais motivés maintiennent la pression et poursuivent les débordements poussant les Britanniques à se replier, craignant de se faire encercler. Les colonnes traversent la jungle malaise, appuyée par des débarquements amphibies et des chars. Les défaites s’enchaînent : Kampar le 2 janvier, Port Swettenham le 9, Kuala Lumpur le 11. Dans la débâcle, une grande partie du matériel et des stocks est abandonnée à l’ennemi japonais.
S’il ne fait aucun doute que la Malaisie est presque déjà perdue, le Général Wavell, Commandant en chef des forces alliées (Américains, Britanniques, Australiens, Hollandais) de l’Asie du Sud-Est, apprend qu’aucun plan de repli sérieux n’a été élaboré. La perte de Johore, province au sud de la Malaisie, signifierait la chute de Singapour. Comme pour la France qui avait jugé les Ardennes impénétrables en 1940, les Britanniques n’avaient pas organisé les défenses côté terre estimant que la jungle serait un obstacle suffisant : ils supposaient que le Japon les attaquerait par la mer. Ils pensaient que la Navy intercepterait les Japonais en Malaisie ou qu’ils seraient au moins contenus dans la province de Johore.
Les forces ennemies déferlent sur Singapour via 3 routes : Malacca, le long de la voie ferrée et de la route Gemas-Labis ainsi que le long de la côte orientale par Endau. Après le large repli ordonné par le Général Wavell, une ligne de défense est installée sur le Sungai Muar (rivière Muar) en limite de la province de Johore par le Général Benett, commandant de la 8e division australienne. Singapour n’est plus qu’à 150km. Des renforts arrivent aussi avec les 7 000 hommes de la 44e brigade et la 18e division britannique. Les troupes mal entraînées et manquant d’expérience sont vite éliminées par les troupes de Yamashita. Les Zero japonais détruisent les 50 Hurricanes facilement. Le 30 janvier 1942, le Général Percival, commandant en chef anglais donne l’ordre d’un regroupement général dans l’île de Singapour. Le repli terminé le 31, chaussée et voies ferrées dans le détroit de Johore sont détruites par les Britanniques : la Malaisie est abandonnée aux Japonais !
La chute de Singapour
Pour défendre l’île de 40 km sur 25, Percival a sous ses ordres 85 000 hommes dont 15 000 administratifs et non-combattants. Les unités sont incomplètes, inexpérimentées, sous-équipées et démoralisées, enchaînant les revers et les replis successifs. Le général britannique doit interdire le passage des troupes japonaises du détroit de Johore, bras de mer de 700m à 5 km de large séparant la Malaisie de Singapour. Il compte repousser l’envahisseur sur les « plages ». Il affecte ses troupes le long des 50 km de rivage. Persuadé que l’attaque interviendra au nord-est, il y concentre le gros de ses moyens. Contre l’avis de Wavell, il ne met qu’une division australienne sur la face nord-ouest de l’île, là où le détroit est le moins large et où donc le débarquement semble être le plus probable. Il est vrai que pour tromper ses adversaires, le Général Yamashita avait créé une diversion en occupant un petit îlot dans le secteur nord-est.
Le général japonais prépare l’invasion avec 3 corps d’élite (Garde impériale, 5e et 18e divisions) et dispose d’une centaine de navires de débarquements. La patrouille australienne rend compte de leur concentration dans le secteur nord-ouest, ce qui ne fait pas réagir le commandement britannique. Dans la nuit du 7 au 8 février, les Japonais ont traversé le détroit et débarquent sur l’île de Singapour. Vers 1h du matin, ils ont installé une solide tête de pont au sud du détroit et les Australiens évacuent leurs positions avancées. Au matin, le Général Percival alerte Wavell et lui confirme avoir préparé un plan pour concentrer leurs forces autour de la ville de Singapour si nécessaire. Australiens et Britanniques se resserrent sur la ville. Les chars japonais arrivent. Sur leur route, civils et militaires sont tués. Des réfugiés tentent de fuir avec des bateaux : la marine nipponne en embuscade les coulent et seuls quelques chanceux survivront. Les obus pleuvent sur Singapour.
Le 13 février, le Général Yamashita fait larguer par avion un message invitant son homologue britannique à se rendre. A ce moment, les consignes du premier ministre Churchill sont claires : « L’honneur de l’Empire et de l’armée britannique est en jeu. Alors que les Russes combattent comme ils le font et que les Américains s’accrochent à Luçon, la réputation de notre pays et de notre race est engagée. Il ne faut pas songer à épargner les troupes ou les populations civiles. » Réunion de crise entre le commandant en chef britannique Percival et ses adjoints : ils souhaiteraient arrêter les combats mais attendent le feu vert de Londres. Churchill donne la prérogative à Percival qui peut s’il le souhaite hisser le drapeau blanc. Le dernier réservoir d’eau est saisi par les Japonais : une épidémie est redoutée où plus d’un million de civils se concentrent dans un rayon de 5 km seulement. Le dimanche 15 février, Percival convoque à nouveau ses adjoints. Sans eau, sans possibilité de contre-attaque (troupes épuisées et démoralisées sans possibilité de renfort), la décision est vite prise : la reddition ! Le cessez-le-feu intervient à 20h30.
Le général en personne s’est rendu à Yamashita qui s’est personnellement engagé à protéger les femmes, les enfants et les civils britanniques… La campagne de Malaisie aura duré 73 jours avec comme bilan 9 000 morts et blessés et 130 000 prisonniers du côté britannique contre 3 000 morts pour le Japon. Les promesses de Yamashita ne seront pas respectées et beaucoup partiront pour les camps de travail où des milliers y mourront. Singapour, la « forteresse imprenable » est tombée en seulement 7 jours. Winston Churchill qualifiera la chute de Singapour comme étant la « pire des catastrophes » et « la plus grande capitulation » de l’histoire militaire britannique.
La bataille de Bataan
Dans la première partie de cet épisode 3, nous avions vu que le Général MacArthur avait évité le pire et avait réussi à replier ses troupes sur la presqu’île de Bataan. Il faut dire que son homologue japonais, le Général Homma avait plus envie de parader en vainqueur à Manille que de batailler. Lorsqu’il déambulait dans les rues de la capitale le 2 janvier 1942, il accorda aux forces américaines et philippines un répit pour se retrancher. 80 000 hommes se sont regroupés dans la péninsule de 50 km de long sur 20 de large. Les stocks de munitions sont bons mais les vivres doivent être rationnés et les médicaments manquent, notamment la quinine pour lutter contre le paludisme.
Le Général MacArthur compte défendre Bataan. Il compte sur la rivière Calaguiman, les marais et les hauteurs du mont Natib pour faire office de barrière naturelle et de première ligne pour ralentir les soldats japonais. Le plan Orange prévoit de résister dans l’attente de renforts américains… En ce début de l’année 1942, les États-Unis ne peuvent appuyer MacArthur : les Philippines sont condamnées même si le Président américain Roosevelt aimerait agir mais ne peut pas envoyer de soldats supplémentaires. Américains et Philippins ne cèdent pas et continuent de se battre. Malgré les souffrances et les pertes, les Japonais grignotent du terrain.
Réfugié sur l’îlot de Corregidor, le général américain s’est préparé à lutter jusqu’au bout et à mourir dans une mêlée sanglante. Toute l’Amérique regarde et admire MacArthur qui est érigé en héros national. Roosevelt a d’autres projets pour le défenseur de Bataan et Corregidor. Pour sauver ce symbole, le président lui ordonne le 23 février de fuir Corregidor pour l’île de Mindanao encore libre pour se rendre en Australie et prendre le poste de Commandant suprême des forces alliées dans la zone du sud-ouest pacifique. Dans la nuit du 11 mars, il obéit et commence la traversée avec sa femme et son état-major. Arrivé à bon port, il promettra qu’il reviendra… A son nouveau poste, il découvre comment le pays est vide de troupes et qu’aucun renfort immédiat n’est annoncé, MacArthur devra faire grand avec peu.
Depuis le départ du général américain, ce sont les généraux Wainwright et King qui sont au commandement. Sur Bataan, les soldats américains et philippins ont reculé d’une trentaine de kilomètres. La ligne de défense Bagac-Orion s’organise. Le Général Homma est en retard sur les plans japonais et reçoit des troupes fraîches, de l’artillerie et des bombardiers. Le 3 avril au matin, canons, obusiers et mortiers préparent l’assaut du mont Samat, point haut du dispositif américain. Après 4 jours de combat acharné, la ligne de résistance craque et les troupes japonaises se dirigent vers les positions du Général King. Affaiblies par la maladie, le manque de nourriture et le moral au plus bas, les troupes américaines et philippines ne peuvent plus se battre. Le 9 avril, deux émissaires avec des drapeaux blancs sont envoyés par le général : Bataan capitule. 2 500 hommes parviennent à gagner Corregidor pour continuer la lutte.
Le sort des 78 000 prisonniers, physiquement et moralement à bout ? Les Japonais les entraînent dans une marche infernale de plus de 100 km pour les regrouper à San Fernando, au nord de Manille. Les malades et ceux qui traînent sont abattus. Fidèles au bushidō, les Japonais ne se rendent jamais et doivent mourir au combat plutôt que le déshonneur d’être faits prisonniers. C’est une des explications données pour justifier ces crimes de guerre à l’encontre des prisonniers de guerre. Le code d’honneur du samouraï n’explique pas par contre la barbarie de l’armée impériale à l’encontre des populations civiles…
La bataille de Corregidor
Si Bataan a baissé les armes, la forteresse Corregidor se dresse toujours contre l’envahisseur nippon et barre l’entrée de la baie de Manille. Corregidor est la dernière parcelle du territoire philippin à protéger. Le Général Wainwright dispose d’environ 15 000 hommes, essentiellement des administratifs et ne peut réellement compter que sur les 1 130 marines du 4e régiment. Le paysage est un atout : ses falaises limitent les débarquements. Corregidor est protégée par 56 pièces d’artillerie et les canons et mitrailleuses assurent la défense antiaérienne. Après la défaite à Bataan, les Japonais peuvent dorénavant pilonner Corregidor avec les bombardiers et leurs artilleries depuis la péninsule de Cavite. Les bombardements s’intensifient avec les obusiers de 240 qui causent de lourds dommages et l’aviation qui prépare l’assaut final. Les bombes pleuvent en ce jour du 29 avril 1942, date anniversaire de l’Empereur. Le Général Homma fait acheminer des navires de débarquement depuis la baie de Lingayen.
L’invasion commence le 5 mai à 21h et 2 000 hommes du 61e régiment d’infanterie débarquent sur les plages au nord du terrain d’aviation de Kindley. Avec l’appui des bombardements, les Japonais sont loin de s’imaginer que la partie sera compliquée et se laissent surprendre par le feu des défenseurs qui décime les premiers rangs nippons. Malgré les pertes, l’assaillant continue et installe petit à petit des têtes de pont pour progresser et repousser les défenseurs qui se retrouvent débordés par le nombre. Durant la nuit, les Américains improvisent une ligne de résistance pour bloquer l’accès vers le tunnel de Malinta et l’intérieur de l’île. Les Japonais débarquent quelques chars légers : il ne fait plus aucun doute que la bataille est perdue…
Le Général Wainwright redoute un massacre dans le tunnel de Malinta où se trouvent 4 000 à 5 000 blessés, malades, infirmiers ou personnel des services. A 10h, il envoie comme ultime message à Washington : « Dites à la nation que mes troupes et moi-même avons accompli tout ce qui était humainement possible […] Avec un profond regret et un respect nullement diminué envers mes vaillantes troupes, je vais me présenter au commandement japonais. » A midi, le 6 mai 1942, les drapeaux blancs sont hissés sur Corregidor. Pour accepter la reddition, les Japonais exigent l’arrêt des combats de toutes les troupes aux Philippines : le Général Sharp continue encore la lutte à Mindanao. Le Général Wainwright ordonne ainsi au général de cesser les combats. Certains refuseront d’arrêter la lutte, « prendront le maquis » et entreront dans la résistance et la guérilla philippines aux ordres du Colonel Fertig qui prendront de l’ampleur et tiendront jusqu’à la libération. 16 000 personnes seront faites prisonniers à Corregidor.
L’invasion de la Birmanie
Le Japon est toujours en guerre contre la Chine nationaliste de Tchang Kaï Chek qui tient bon grâce au soutien des Britanniques et des Américains, avec les armes, munitions et vivres qui transitent par la route dite de Birmanie, seul itinéraire restant depuis la fermeture de l’accès au Yunnnan par la vallée du fleuve Rouge en Indochine française [confère le paragraphe sur l’invasion japonaise de l’Indochine française].
Depuis le 8 décembre 1941, les Japonais se sont installés dans le pays frontalier, en Thaïlande, à Bangkok et dans la presqu’île de Kra. Si la Birmanie ouvrirait la route à l’immense pays indien, l’Inde n’apparaît pas comme un objectif de conquête. La Birmanie intéresse par contre le Japon pour, comme dit précédemment, couper la chaîne logistique menant à la Chine mais aussi pour le pétrole de Yenangyaung. Dès janvier 1942, les Japonais commencent l’invasion. Au préalable, les raids aériens du 23 et 25 décembre 1941 auront préparé le terrain. Durant plusieurs heures, les bombardiers et chasseurs japonais attaquent Rangoun, la capitale qui est aussi le premier port birman et qui est la principale porte d’entrée du pays. C’est aussi de là que les voies ferrées mènent à la « route de Birmanie ». L’armée impériale du Japon privilégieront l’accès depuis Bangkok par le col des Trois Pagodes, chemin le plus rapide et le plus direct d’accès à la Birmanie : le long de la rivière Kwaï, de Nong Pladuk en Thaïlande à Thanbyuzayat en Birmanie, les Japonais feront construire par des prisonniers de guerre et des habitants réquisitionnés une voie ferrée de plus de 415km de long. Plus de 18 000 Anglais, Australiens, Américains, Hollandais mourront sur ce chantier titanesque. Le roman et le film Le pont de la rivière Kwaï s’inspire de cet épisode tragique de la Seconde Guerre mondiale.
Le 15 janvier 1942, le Général Iida débute les manœuvres dans l’isthme de Kra qui relie la Thaïlande et la Birmanie. Les soldats japonais progressent le long de la côte occidentale de l’isthme et ils dépassent rapidement Victoria Point abandonné. Tavoy est atteinte le 19. En moins d’une semaine, trois aérodromes (Victoria Point, Mergui et Tavoy) sont au mains des Japonais. En passant par la région de Raheng, la 55e division s’empare de Kawkareik le 20 janvier et est en marche vers Moulmein. Comme en Malaisie, les troupes japonaises progressent rapidement et encerclent leurs adversaires. Moulmein tombe le 30 janvier, apportant ainsi au Japon un port et un aérodrome de plus. Les Japonais se dirigent vers Rangoun depuis deux routes : un détachement à Moulmein contourne le golfe de Martaban tandis que d’autres soldats empruntent les vallées du Salouen et du Sittang, plus au nord. Les troupes de la 17e division d’infanterie indienne tentent une retraite le long de la Sittang mais les troupes japonaises arrivent au pont de la rivière avant eux. Le 22 février, le pont est détruit afin qu’il ne puisse être capturé. La perte des deux brigades qui n’ont pas pu franchir le pont avant l’explosion signifie que Rangoun ne pourra pas être défendue. Le Général Wavell donne néanmoins l’ordre de défendre le port, même si la ville est heureusement évacuée, le 7 mars.
Le Général Alexander a reçu quelques renforts dont la 7e brigade blindée arrivée du Moyen-Orient. Il souhaiterait avec l’aide du Général américain Stilwell et sa division chinoise tenir une ligne Prome-Toungoo pour ainsi barrer les vallées des fleuves de l’Irrawady et du Sittang au moins le temps que la mousson arrive. Le Général Iida reçoit deux nouvelles divisions ainsi que deux régiments de chars grâce à la chute de la Malaisie. Tandis que la Royal Air Force a dû se réfugier en Inde et que les « Tigres volants » regagnent la Chine, le général japonais peut compter sur plus de 400 appareils. Faute de moyens militaires, le Général Alexander ne pourra pas protéger les champs pétrolifères de Yenangyaung ni défendre Mandalay, la ville aux mille pagodes et ancienne capitale royale birmane. Le 18 avril, les Japonais s’emparent de Yanangyaung et la « route de Birmanie » est coupée avec l’occupation de Lashio le 28 avril. Mandalay est abandonnée le 30 avril. Les commandants Alliés prennent finalement la décision d’évacuer leurs forces de Birmanie. Les Britanniques se replient vers le nord-ouest dans la direction de l’Inde, et la 6e armée chinoise vers l’est. La longue marche de 1 400 km avec une température qui excède 40°C sera difficile. 13 000 Anglais, Indiens et Birmans sont morts au combat durant cette retraite. 250 000 réfugiés sont aussi morts sur la route. Le Général Stilwell avec franc-parler dira : « Quelle raclée ! Oui, on s’est fait virer de Birmanie. C’est une honte ! A nous de comprendre pourquoi, afin d’y revenir et de la reprendre.«
La perte des Indes orientales néerlandaises
Les Indes orientales néerlandaises ont tout pour attirer les convoitises du Japon : un territoire de près de 2 millions de km² étalés sur 5 000 km ; des îles fertiles et nourricières avec la production et la culture d’épices, de riz, tabac, sucre et thé avec des sols riches en matières premières comme le pétrole, l’étain, du charbon, du nickel et même de l’or ou de l’argent, ressources qui manquent cruellement sur l’archipel nippon. Grâce à ces 13 677 îles dont 6 000 habitées, les Pays-Bas se sont taillés le 3e plus gros Empire colonial du monde (après les empires britannique et français). C’est d’ailleurs pour elles que les plans d’invasion se sont tournés vers le sud plutôt que vers le continent chinois. L’armée sur place ne compte que 140 000 hommes et défendre les 80 000 km (environ) de côtes est un grand défi. Surtout, la marine ne dispose que de quelques croiseurs et destroyers et n’a ni porte-avions ni couverture aérienne sérieuse. Après la conquête de la Malaisie et des Philippines, les Japonais peuvent se reporter sur les Indes néerlandaises pour s’approprier le pétrole, ressource vitale pour la poursuite de la guerre.
Le plan de conquête prévoit trois forces en trois étapes. A partir de Cam Ranh en Indochine, la force ouest devra occuper Sumatra, Banka et l’ouest de Java ; de Davao à Mindanao, la force est se voit confier Bornéo et l’est de Java ; et la force centrale, depuis Davao également, aura la charge d’intervenir à Célèbes, Ceram, Timor et Bali. Au planning : Bornéo et les Célèbes en janvier 1942 ; Timor et Sumatra en février ; et Java la plus riche et peuplée dans un 3e temps,en mars.
En janvier, les troupes japonaises rencontrent peu de résistance et leurs débarquements appuyés par leurs portes-avions permettent au Japon d’avoir le contrôle sur Bornéo et les Célèbes. A noter cet unique revers japonais dans la nuit du 23 au 24 janvier où l’US Navy réussit à couler 4 transporteurs et 1 patrouilleur. Furieux de la destruction des installations pétrolifères, les Japonais massacreront toute la population européenne de Balikpapan (à l’est de Bornéo).
Le mois de février est catastrophique pour les néerlandais. A la fin du mois, Java se retrouve encerclée par l’envahisseur nippon. A la suite de batailles navales, la flotte alliée de l’ABDA composée de 9 croiseurs, 26 destroyers et 40 sous-marins subit de lourdes pertes. Le 27 février, l’Amiral hollandais Doorman tente d’intercepter un convoi japonais signalé devant Java avec 4 croiseurs et 9 destroyers. Sans radar ni aviation de reconnaissance, pour attaquer de manière efficace, il faut se rapprocher ce qui rend les navires vulnérables aux torpilles japonaises qui ont montré leur efficacité à Pearl Harbor par exemple. Mal renseigné, le convoi est bien protégé avec 4 croiseurs et 10 destroyers. L’attaque tourne vite mal : les croiseurs De Ruyter et Exeter sont touchés et un destroyer est coupé en deux par une torpille. Persistant et continuant le combat de nuit et à courte distance, les torpilles japonaises finissent le travail et coule le De Ruyter avec l’Amiral Doorman et plus de 300 marins. Le bilan de ce lourd échec à la bataille de la mer de Java : 2 croiseurs et 4 destroyers perdus. Britanniques et Américains retirent leurs derniers destroyers et sous-marins. Java est dorénavant encerclée et la mer est libre…
Les Japonais débarquent sur l’île de Java le 1er mars. Les combats dureront une semaine et l’ultime bastion de Bandoung tombe le 9 mars à minuit. La radio passe comme dernier message : « C’est fini […] Adieu, en attendant des jours meilleurs, et longue vie à la Reine ! » Les Pays-Bas viennent de perdre leur Empire des Indes. Il reste aux Néerlandais quelques territoires au sud de la Nouvelle-Guinée occidentale, essentiellement de la jungle et de la mangrove.
La menace qui pèse sur l’Australie
Les Japonais ont réussi très rapidement à prendre possession des richesses des Indes orientales néerlandaises et ne comptent pas s’arrêter là. Les envahisseurs débarquent sur les îles de la Nouvelle-Bretagne et de la Nouvelle-Irlande, anciennes possessions allemandes devenues australiennes sous mandat de la SDN. Les ports de Rabaul en Nouvelle-Bretagne et Kavieng en Nouvelle-Irlande sont des bases de départ vers les Salomon britanniques et la Nouvelle-Calédonie française. Si les Japonais parviennent jusque là, l’Australie et la Nouvelle-Zélande sont en grand danger d’invasion. Les recherches d’après-guerre montreront que les dirigeants japonais n’avaient pas pour ambition de conquérir l’Australie. En occupant la Nouvelle-Guinée, la Nouvelle-Calédonie et Fidji, cela leur permettait d’isoler l’Australie de leur principal allié, les États-Unis.
Au 10 mars 1942, le Japon est pratiquement à l’apogée de son expansion (la Birmanie et Corregidor ne sont pas encore sous contrôle). En 3 mois seulement, les soldats japonais ont conquis Hong Kong, la Malaisie, les Indes néerlandaises, les Philippines, Wake, Guam, la Nouvelle-Bretagne, la Nouvelle-Irlande et une partie de la Nouvelle-Guinée !
Toutes ces conquêtes se sont faites à un prix modique : 5 torpilleurs, 8 sous-marins, 50 000 tonnes de navires marchands, 10 000 morts et 4 000 blessés. En face, c’est la perte de 9 cuirassés, 7 croiseurs, 1 porte-avions léger, 200 000 tonnes de navires marchands et 500 000 prisonniers civils ou militaires mis au travail ! Les Japonais vont de succès en succès mais tout cela ne durera pas… A suivre dans notre prochain épisode : le tournant de la bataille de Midway !
Super article. Merci pour cette série.
Il est intéressant de montrer le côté cruel des japonais. Le grand père de mon épouse Malaisienne est mort à Singapour car il était anglais. Sa sœur nous raconte parfois la cruauté des soldats japonais.
Aspect qui de nos jours leur est difficile d’admettre.
Bonjour et merci pour ce retour.
En effet, les massacres et actes de barbarie des Japonais ne sont pas à oublier. En Asie, le passé colonialiste nippon entache encore aujourd’hui les relations du Japon avec ses voisins à cause de politiciens notamment qui continuent de nier les crimes de l’armée impériale pendant la Seconde Guerre mondiale. Les excuses et les remords sont importants et toujours attendus pour les nombreuses familles de victimes. Ce devoir de mémoire est important aussi, même s’il est douloureux d’apprendre comment des membres de sa famille ont été traités. En espérant que les prochaines générations puissent apprendre des erreurs de leurs ainés et les reconnaître…
Salut David, oui je confirme que la nouvelle génération semble différente. La preuve est, nos meilleurs amis sont japonais. Cependant j’ai comme un doute qui subsiste du fait de l’aspect culturel très fort au Japon. Le groupe prend toujours le dessus sur l’individu et en général, on se « sacrifie » pour le bien du groupe. C’est pourquoi je pense que ce pays ne doit pas changer sa constitution et doit rester pacifiste. On ne sait jamais… l’histoire peut se répéter.
Il y a des progrès certes minimes mais en restant optimiste on peut espérer que cela s’améliore vraiment…
D’ailleurs, peut-être que la révélation des remords que l’empereur Hirohito aurait aimé exprimer après la guerre aura une influence sur les Japonais.
Pour la Constitution japonaise qui date de l’après-guerre et de l’occupation américaine, je doute quelle reste comme elle est. Avec les tensions et les points chauds en Asie (Chine, Corée et Russie), je pense malheureusement que l’avenir est au réarmement du Japon qui pour garantir sa sécurité intérieure ne pourra pas rester éternellement sous la protection des États-Unis.