Guerre du Pacifique : Épisode 3 – L’avancée japonaise dans le Pacifique (partie 1/2)

Dans la seconde partie de l’épisode 2 – Pearl Harbor, nous nous étions quittés avec l’attaque « surprise » du 7 décembre 1941 de la flotte américaine du Pacifique sans déclaration de guerre au préalable par l’Empire du Japon. Depuis cet événement déclencheur, les États-Unis sont dorénavant complètement impliqués dans la Seconde Guerre mondiale aux côtés du Royaume-Uni contre l’Allemagne et le Japon. Malgré la puissance économique des Américains, les Alliés auront du mal à contenir l’avancée japonaise dans le Pacifique. La marine et l’aviation impériale japonaise iront de réussites en conquêtes en ce début de la guerre du Pacifique.

Le « nouvel ordre japonais » en Asie du Sud Est

En « ce jour d’infamie » du 7 décembre, le Japon n’a pas attaqué que Pearl Harbor. La destruction de la principale base américaine visait à neutraliser les États-Unis dans la zone afin que les Américains, seule puissance vraiment en état de combattre l’empire ne puisse plus s’opposer militairement à la création de la « sphère de co-prospérité de la grande Asie orientale », bloc de pays asiatiques qui seraient dirigés par le Japon, leur libérateur rendant « l’Asie aux Asiatiques » d’après ce slogan anticolonialiste occidental. Cet expansionnisme vise aussi à répondre aux sanctions économiques prises par Washington en juillet 1941, après l’invasion de la Chine et de l’Indochine française. Le Japon lance ainsi une vaste opération en bombardant puis en débarquant des troupes sur ces objectifs : la Thaïlande, la Malaisie, Shanghai, Singapour, les bases américaines de Guam et Wake, Hong-Kong et les Philippines.

Carte de l'avancée japonaise dans le Pacifique de 1937 à 1942

Carte de l’avancée japonaise dans le Pacifique de 1937 à 1942 ©Wikipedia

La Malaisie et la Thaïlande

Invasion japonaise de la Thaïlande le 8 décembre 1941

Invasion japonaise de la Thaïlande le 8 décembre 1941 ©Wikipedia

Le 6 décembre à 23h45 (5h45 à Hawaï soit deux heures avant l’attaque de Pearl Harbor du 7 décembre à 7h56), les troupes du général Yamashita entament leurs opérations de débarquement. La veille, à 9h05, l’expédition venue d’Hainan (île au sud de la Chine) et du Cap Saint-Jacques aux larges de l’Indochine française (au sud du Vietnam, Vung Tau aujourd’hui) s’est scindée en deux avec pour objectifs le sud de la Malaisie, vers Kota Bharu et les ports thaïlandais pour s’installer et attaquer la possession anglaise voisine. 5 300 hommes du 56e régime d’infanterie japonais débarquent sur la plage de Kota Bharu en Malaisie. Face aux Japonais, la 8e brigade indienne est sur ses gardes : le convoi avait été repéré dès le 6 décembre par un Hudson, navire de reconnaissance et le lendemain, le transport de troupes japonaises escorté par un croiseur naviguant vers Singora (Thaïlande) avait été signalé. Le brigadier Key, commandant de la 8e brigade indienne dispose ainsi d’un précieux temps pour mettre en place les défenses.

Les tirs d’infanterie et d’artillerie pleuvent pour repousser le débarquement japonais. Vers 2h, les appareils de la Royal Air Force interviennent. Le navire amiral, le Awajisan Maru, est touché et en flammes. A 3h30, cela n’empêchera pas le colonel Nasu, commandant du 56e RI d’annoncer que le débarquement est réussi en précisant qu’il y a de nombreux obstacles requérant l’appui d’une seconde vague. La journée du 8 décembre est difficile pour chaque camp. À 19h, Key donne l’ordre de repli. Les Japonais viennent de créer une brèche dans les défenses côtières britanniques. Le débarquement aura coûté la vie de 15% des effectifs soit 850 hommes.

En Thaïlande, à Pattani et Singora, les Japonais, à leur grande surprise, sont accueillis par des coups de fusils des policiers. Le rapport de force très inégal oblige Bangkok à ordonner un cessez-le-feu au bout de quelques heures. Le 3e groupe aérien peut ainsi s’installer à Singora et commencer à attaquer le nord de la Malaisie. L’aviation japonaise depuis cette base s’emploie ainsi à annihiler l’aviation britannique. Tokyo est pressée de disposer de ce protectorat britannique qui fournit 38% du caoutchouc mondial et 58% de l’étain ! Une belle prise qui mène à son extrémité sur Singapour, colonie et base navale britannique importante.

Carte de la Malaisie

Carte de la Malaisie

Les 5e et 18e divisions japonaises débarquent sur la partie occidentale de la péninsule malaise et comptent utiliser les routes qui mènent à Kuala Lumpur (capitale malaise), Malacca et Singapour. Sur leur route, la 11e division indienne défend le carrefour routier de Jitra. Les défenseurs ont manqué de temps pour disposer des barbelés et des mines sur le chemin. Les défenses britanniques sont trop étalées : la 5e division japonaise, avec ses chars, rencontre peu de résistance et continue d’avancer vers le sud. Le 11 décembre vers 22h, le général Percival accepte l’ordre de repli, redoutant d’être débordé. Le repli tourne à la débandade quand des rumeurs d’encerclement et le bruit des chars japonais arrivent aux oreilles de la 11e division. Les troupes abandonnent leurs armes et leur matériel lourd. Jitra ouvre la porte de la Malaisie et la campagne malaise est d’ores et déjà compromise. Gurin, à 40km au sud de Jitra tombe le 15. L’île de Penang est abandonnée le 16 et Taiping est occupée le même jour. Les troupes britanniques fuient. Ipoh tombe le 28. Le 31 décembre, plus du tiers du chemin vers Singapour a été parcouru.

Shanghai

Dans leurs concessions, la vie des occidentaux n’avait presque pas changé depuis le début de la Seconde Guerre mondiale. Les Japonais occupaient déjà Shanghai mais discrets, ils n’intervenaient pas dans la vie des concessions. Dans la nuit du 7 au 8 décembre, à 0h04 (10h à Hawaï), les canonnières américaines (Wake) et anglaise (Petrel) sont attaquées. La garnison française est épargnée. Avec seulement quelques obus tirés, Shanghai est totalement passée sous la coupe japonaise. L’aviation nipponne a tôt fait de le signaler en déversant des tracts en chinois et en anglais :

L’état de guerre est proclamé par tout l’Empire japonais avec les États-Unis d’Amérique et l’Empire britannique aujourd’hui, 8 décembre 1941. Toutes les forces américaines ou anglaises ont été détruites lorsqu’elles ont résisté. Dans les concessions internationales, l’activité des Américains et des Anglais est supprimée. L’armée japonaise maintiendra l’ordre et éliminera toute influence anglaise ou américaine pour le bien des peuples de la grande Asie.

Les autorités militaires japonaises prendront des mesures sévères pour maintenir l’ordre et la prospérité du grand Shanghai. Toute personne contrevenant aux intérêts japonais sera arrêtée et toute manifestation réprimée. L’hostilité aux forces japonaises sera sanctionnée.

Le public doit vaquer à ses occupations normales. Les civils américains et anglais se feront enregistrer à un bureau spécial en vue de leur internement. Tout acte de sabotage ou de destruction de la part des ennemis du Japon sera puni par la loi martiale.

Le commandant en chef des armées de terre, de l’air et de mer de Shanghai

La Seconde Guerre mondiale – de l’invasion de l’URSS à Pearl Harbor de Pierre Montagnon (éditions Pygmalion) – Chapitre 21 « Journées noires » p.299

Singapour

HMS Repulse et HMS Prince of Wales coulés par l'aviation japonaise (Mitsubishi G3M dits "Nell")

HMS Repulse et HMS Prince of Wales coulés par l’aviation japonaise (Mitsubishi G3M dits « Nell »)

Le 7 décembre à 5h, l’offensive japonaise frappe Singapour. Privés de couverture aérienne (des chasseurs), le HMS Repulse et le fleuron de la Royal Navy, le HMS Prince of Wales, sont coulés en moins de 2 heures par les avions japonais laissant ainsi Singapour sans cuirassé pour la protéger. La ville de Singapour qualifiée de « forteresse imprenable », est assiégée et cernée par l’armée japonaise (la Thaïlande et l’Indochine étant occupées depuis 1940 et la Birmanie sous contrôle dès décembre 1941). Elle ne résistera pas bien longtemps, faute de moyens nécessaires à sa défense.

Une conférence s’était tenue à Singapour quelques mois avant les premiers bombardements, en octobre 1940, avec des représentants britanniques et australiens des 3 corps d’armée et ils avaient estimé que la défense de la Birmanie et de la Malaisie nécessitait un minimum de 582 appareils. Le 7 décembre 1941, la veille de l’attaque, il n’y avait que 164 appareils disponibles en Malaisie et à Singapour et tous les chasseurs étaient des Brewster F2A Buffalo dépassés ! Il n’y avait que 31 bataillons d’infanterie sur les 48 requis et aucun char. La plupart des unités étaient inexpérimentées et mal équipées. La soutien à l’URSS était alors prioritaire : la Grande-Bretagne a envoyé 676 appareils et 446 chars dans l’année 1941. Tout ceci explique comment le général Yamashita et ses 36 000 hommes ont réussi à battre les 85 000 troupes britanniques commandées par le général Percival. Du côté japonais, on dénombre 3 500 tués et 6100 blessés pour 5 000 morts ou blessés et 80 000 prisonniers du côtés des alliés.

Guam

Possession américaine depuis 1898, l’île de Guam (534 km²)  au sud des Mariannes est sous domination japonaise (anciennes possessions allemandes confiées à l’administration japonaise au lendemain de la Première Guerre mondiale). Sans grande défense, elle tombe facilement. Après l’attaque de Pearl Harbor (8h à Hawaï), les bombes commencent à tomber à 8h27 (12h57 à Hawaï). La garnison de 500 hommes ne peut pratiquement pas répliquer. Le destroyer Penguin est coulé et les casernes détruites. L’invasion commence le lendemain à l’aube. 700 hommes débarquent sur Dungas Beach et se dirigent vers la capitale, Agana. 30 minutes de combat suffiront pour que le capitaine McMillin, gouverneur de l’île, ordonne le cessez-le-feu jugeant la résistance suicidaire. Bilan : 17 tués américains et 500 prisonniers pour 10 Japonais morts. Guam est surtout la première parcelle de territoire que les États-Unis viennent de perdre.

Wake

Carte des défenses de Wake en décembre 1941

Carte des défenses de Wake en décembre 1941 ©Wikipedia

Amiral Kimmel

Amiral Kimmel

Wake n’est qu’un modeste atoll de 1 000 hectares de sable et de coraux qui de par sa position, à mi-chemin entre Hawaï et les Philippines, a pris une valeur stratégique. Wake se résume par sa piste de 1 500m qui sert d’escale de ravitaillement et de base de reconnaissance vers les Marshall (îles japonaises). Sous le commandement du capitaine de frégate Winfield Scott Cunningham, l’île ne peut compter que sur 450 hommes et une escadrille de l’aéronavale pour résister. Les Américains ont résisté à la première offensive japonaise du 11 décembre. L’amiral Shigeyoshi donne l’ordre de repli après avoir subi de lourdes pertes : 2 destroyers coulés, 3 croiseurs légers, 1 destroyer et 1 transporteur de troupes endommagés. Du côté américain, il ne reste que 3 Wildcats indemnes sur les 12 avant l’attaque. Pour résister, il va falloir du renfort.

A Hawaï, l’amiral Kimmel souhaiterait soutenir Wake. Il dispose de 2 porte-avions, l’Enterprise et le Lexington, qui par miracle se trouvaient en mer lors de l’attaque de Pearl Harbor. Avec le Saragota, en provenance de Californie, il crée 3 Task Forces articulées chacune autour d’un porte-avions. Ainsi, dans ses plans, la Task Force 13 de l’amiral Fletcher serait envoyée à Wake.

Amiral Nimitz

Amiral Nimitz

Mais après le désastre de Pearl Harbor, les États-Unis cherchent des coupables… Une enquête du Congrès est lancée et le secrétaire à la Marine, Knox se rend à Hawaï : le triste spectacle de l’allée des cuirassés le met dans une profonde colère. L’amiral Kimmel et le général Short serviront de boucs émissaires et c’est l’amiral Nimitz qui prend le commandement le 17 décembre. En attendant l’arrivée de Nimitz à son nouveau poste, c’est l’amiral Pye aux ordres par intérim. Les Américains craignent une nouvelle attaque à Hawaï mais, de Wake ou Hawaï, qui doit avoir la priorité ? Pour sauver Wake, faut-il risquer de perdre des porte-avions ? Washington est indécis. Pye envisage un temps de renforcer la Task Force 13 par la 11e, partie attaquer les îles Gilbert. La présence de porte-avions ennemis font craindre un piège. Dans le même temps, face à ces gros risques, Washington ne voit plus Wake comme un atout mais plus comme une charge. Pye ordonne finalement aux Task Forces 13 et 11 de rester à distance de l’atoll.

L’amiral Kajioka est bien décidé à laver l’affront du 11 décembre. Pour prendre Wake, il revient à la charge avec 4 croiseurs lourds, 2 porte-avions rentrant de Pearl Harbor et une force de débarquement de 2 000 hommes. Les soldats américains en infériorité numérique ne peuvent compter que sur leurs pièces d’artillerie pour résister. A 7h, les Japonais ont réussi le débarquement. Aucun secours n’est possible. Pye ordonne aux Task Forces 11 et 13 de se replier sur Pearl Harbor. A 7h30, Wake se rend et hisse le drapeau blanc. L’amiral Kajioka rebaptise l’atoll Otori-shima, « l’île des oiseaux » : 1 500 Américains sont prisonniers et 120 sont morts. Du côté japonais, on dénombre 800 victimes. Avec Guam et Wake, le Japon contrôle les routes maritimes du Pacifique central.

Hong-Kong

La colonie hongkongaise de 83 km² est britannique depuis 1842, suite au traité de Nankin. L’île est une proie vulnérable : Hong-Kong est encerclée par les Japonais qui occupent une grande partie de la Chine dont Canton qui n’est qu’à une centaine de kilomètres. Déjà considérée comme perdue avant les combats, la ville est peu protégée : garnison militaire modeste (6 bataillons d’infanterie), peu d’avions et de navires (1 vieux destroyer et 8 bateaux lance-torpilles). Le général Sakai dispose lui d’environ 20 000 hommes, avec des blindés, de l’artillerie, des mortiers de siège, de l’aviation et une petite force navale pour isoler la colonie britannique. Le général Maltby organise une ligne de défense (Gindrinkers line) sur 17 km pour barrer l’accès à la partie sud de la péninsule, de Gindrinkers Bay à Port Shelter. Il estime ainsi pouvoir tenir une semaine. Avec un rapport des forces au minimum de 2 contre 1, les Japonais ont vite fait de dépasser la rivière Sham Chun qui sépare la Chine continentale et Hong-Kong. Dans la nuit du 9 au 10 décembre, ils surprennent et capturent la première compagnie du 2e bataillon qui tenait la position fortifiée de Shing Mun. L’ensemble de la ligne de défense est découvert : l’évacuation de la partie continentale de Hong-Kong devient inévitable.

Invasion japonaise de l'île de Hong Kong du 18 au 25 décembre 1941

Invasion japonaise de l’île de Hong Kong du 18 au 25 décembre 1941 ©Wikipedia

L’île de 88 km² tombera, il ne s’agit que d’une question de temps. Comment pourrait-il en être autrement ? Le général Sakai adresse un ultimatum au gouverneur de Hong-Kong, Sir Mark Young. Pourtant, même face à la menace des bombardements, il refuse catégoriquement. Il faut « tenir bon pour le roi et pour l’Empire » ! Un intense bombardement s’abat sur l’île. Le 17 décembre, un nouvel ultimatum est envoyé, lui aussi refusé. Le lendemain, le débarquement se prépare de l’autre côté du détroit de Lei Yue Mun. Le fort de Sai Wan est neutralisé par les bombardiers en piqué japonais. Dans la nuit, six6 bataillons franchissent le détroit : les Japonais ont un pied sur l’île… Les crimes de guerres viennent avec : prisonniers et personnel médical sont notamment massacrés à la baïonnette… Les contre-attaques britanniques échouent et au matin, la situation est critique : les Japonais ont établi une solide tête de pont au nord-est de l’île. Le carrefour central Wong Nei Chung tombe, menaçant ainsi les forces britanniques d’être coupées en deux. Dans sa tentative de dégagement le général Lawson, encerclé, est tué. La bataille fait rage mais les Japonais poussent sans relâche. La résistance britannique éclate et le 25 décembre, le général Maltby indique au gouverneur que « la poursuite de la lutte signifierait le massacre de la garnison, risquerait d’attirer de lourdes représailles sur la population civile et n’affecterait pas le résultat final ». Sir Young se résigne à capituler sans conditions. Bilan de la bataille de Hong-Kong : 4 500 Canadiens, Écossais, Indiens ou volontaires ont été tués ; 6 500 prisonniers ; 2 750 Japonais tués. Les soldats impériaux avec l’aval du commandement japonais se livreront à la barbarie : viols, pillages et massacres…

Les Philippines

Invasion japonaise des Philippines du 8 décembre 1941 au 8 janvier 1942

Invasion japonaise des Philippines du 8 décembre 1941 au 8 janvier 1942 ©Wikipedia

La prise des Philippines représente pour les Japonais un enjeu crucial. Du fait de sa position géographique, l’archipel peut servir d’appui pour conquérir les Indes orientales néerlandaises. Les Philippines comptent aussi de nombreux puits de pétrole, ressource stratégique vitale pour poursuivre la guerre. A cela s’ajoute le fait qu’en contrôlant l’archipel, le Japon se prémunit d’attaques venant du sud-est asiatique sur son sol. Le 8 décembre, les pilotes japonais attaquent par surprise la base aérienne de Clark Field : la plupart des bombardiers B/17 et des chasseurs Curtiss P-40 Warhawk américains sont détruits au sol sans avoir eu le temps de décoller. L’aérodrome d’Iba au nord-ouest de Luçon est aussi bombardé par les airs. Avec ces 2 attaques aériennes, la Far East Air Force vient de perdre en une seule journée plus de la moitié de ses avions. Les Japonais savent que la résistance de leur adversaire sera dorénavant faible : ils estiment alors que les Philippines, privées de couverture aérienne, seront conquises en 3 mois, Luçon, le nord de l’archipel, en 50 jours.

Le général Homma dispose d’une sérieuse puissance de frappe aérienne avec pas moins de 500 chasseurs et bombardiers. En forces d’invasion, confiant, il a prévu pour Luçon seulement 2 divisions d’infanterie, 2 régiments de chars et des unités d’appui et de services. Les 5e et 11e groupes aériens maintiennent leurs attaques sur les aérodromes et continuent leur tactique de harcèlement sur l’US Air Force du général Brereton. Du côté américain, le général Douglas MacArthur, commandant des forces américaines en extrême-orient, a sous ses ordres 10 divisions d’infanterie, 5 groupes d’artillerie côtière, 2 régiments d’artillerie, 1 régiment de cavalerie à cheval avec quelques voitures de reconnaissance soit près de 200 000 hommes, philippins pour la très grande majorité (15 000 Américains seulement), mal équipés et peu entraînés. MacArthur dispose aussi de la flotte de l’amiral Hart à Cavite, sur la rive sud de la baie de Manille : 1 croiseur lourd, 2 croiseurs légers, 13 vieux destroyers et quelques vedettes et canonnières. Sans couverture aérienne, ces vaisseaux sont inutiles et des cibles flottantes. Les 29 sous-marins sont néanmoins des atouts dans la manche du général.

Général Douglas MacArthur

Général Douglas MacArthur

Le 10 décembre, les bombardiers japonais attaquent Cavite et frappent les ateliers de réparations, les entrepôts, l’usine électrique, les casernes, les infirmeries et la station radio, faisant 500 victimes. Un stock de 200 torpilles sous-marines est aussi détruit. En réaction à ce bilan, l’amiral Hart éloigne ses vaisseaux, à l’exception provisoirement des sous-marins. Les raids aériens continuels sur les aérodromes poussent les B/17 à se réfugier en Australie, à Port Darwin. Sans le contrôle du ciel et des mers, l’invasion terrestre des Philippines s’en trouve fortement facilitée.

Dès le 8 décembre, un débarquement de 450 fusiliers marins investit facilement l’île de Bataan. Alors que les bombes pleuvent sur Cavite 2 jours plus tard, 2 régiments japonais débarquent à Aparri et Vigan, au nord de Luçon. Le 12 décembre, Homma possède 2 aérodromes en plus, Laoag et Tuguegrao. Legaspi à la pointe sud-est de Luçon est occupée le même jour : en quelques heures, un nouvel aérodrome est sous contrôle japonais.

Le gros de la 14e armée japonaise se présente le 22 décembre dans la baie de Lingayen (à 200 km au nord de Manille) et le 24 décembre dans celle de Lamon (à 100 km). La capitale va être prise en tenaille. Au nord, les Japonais progressent rapidement grâce à la prise des aérodromes et à l’absence de contre-attaque de l’ennemi. Chars, canons et obusiers de 150 facilitent la percée. Au sud, la 16e division du général Morioka est maîtresse du terrain. MacArthur est démuni et aucun renfort ne peut venir. Pire, la Navy se retire et ses sous-marins se réfugient à Fremantle, en Australie ; les derniers avions aussi ! Comment résister avec uniquement des fantassins ? Le commandant des forces américaines en extrême-orient le sait : Luçon est condamnée ! MacArthur active le plan « Orange » pour dégager 40 000 hommes américains et philippins de la double attaque frontale japonaise. Seules Bataan et Corregidor devront être défendues. Le 25 décembre, il quitte ainsi Manille pour l’île forteresse de Corregidor avec le président philippin Quezon et ses proches. Le 31 décembre, les Japonais sont à seulement 50 kilomètres de Manille.

La conférence Arcadie et la « déclaration commune des nations unies »

A Washington, du 22 décembre au 14 janvier 1942, Winston Churchill, premier-ministre du Royaume-Uni et Franklin D. Roosevelt , président des États-Unis se rencontrent pour aligner leur politique de guerre. Le « Vieux Lion » met à profit le temps de la traversée de l’Atlantique (une longue semaine à bord du flambant neuf cuirassé Duke of York) pour mettre au point un plan d’ensemble sur la stratégie à venir pour la guerre.

Le plan de Churchill

Roosevelt et Churchill à la conférence Arcadie

Roosevelt et Churchill à la conférence Arcadie

Churchill sait que les revers sont inévitables mais il a foi en la puissance économique des États-Unis enfin entrés en guerre depuis Pearl Harbor. Sur le long terme, il est persuadé de la victoire. Cette réunion avec le Président américain est important pour lui car il redoute que les Américains ne donnent la priorité au front du Pacifique pour punir les Japonais. Dans sa stratégie de « l’Europe d’abord », il prévoit de focaliser les efforts sur les forces d’Hitler. Ainsi, il préconise de continuer de soutenir Staline et l’Armée Rouge, d’occuper l’Afrique du Nord française et d’essayer le retour de la France (de Vichy) dans la guerre. Il envisage aussi un débarquement en Europe pour 1943. Au sujet de l’ennemi nippon, il conseille de s’en prendre essentiellement à ses lignes de communications pour affaiblir le Japon. Une fois l’Allemagne battue, il ne resterait plus qu’à se concentrer dessus. Churchill n’arrivera pas à convaincre Staline d’entrer dans la coalition contre l’empire du soleil levant. Le maître du Kremlin lui répondant qu’il refuse de se battre sur ses deux flancs. La Grande-Bretagne a assez d’alliés avec la Chine, les Indes néerlandaises et les États-Unis.

La « déclaration commune des nations unies » et la machine américaine en route

Le 1er janvier 1942, les États-Unis, le Royaume-Uni, l’URSS et la Chine signent ce texte appelé « déclaration commune des nations unies » par Roosevelt qui scelle leur alliance « étant convaincus qu’il est essentiel de remporter une victoire complète sur leurs ennemis pour défendre leur existence, leur liberté, leur indépendance et leur liberté religieuse, ainsi que pour sauvegarder les Droits de l’Homme et la justice dans leur propre pays comme dans les autres, et qu’ils sont désormais engagés dans une lutte commune contre des forces sauvages et brutales visant à asservir le monde« . Les signataires déclarent aussi :

« 1° Chaque gouvernement s’engage à mettre en œuvre toutes ses ressources, militaires ou économiques, contre les membres du Pacte tripartite ou ses adhérents avec lesquels ce gouvernement est en guerre.

2° Chaque gouvernement s’engage à coopérer avec les gouvernements soussignés, et à ne pas conclure d’armistice ou de paix séparés avec les ennemis.

Les autres nations qui collaborent ou pourront collaborer par une assistance et une contribution matérielle à la lutte pour vaincre l’hitlérisme pourront adhérer à la présente déclaration. »

Dorénavant engagés dans une guerre totale, les États-Unis enverront prochainement 70 000 hommes en Grande-Bretagne et en Islande permettant ainsi à Churchill de mieux défendre son pays tout en libérant des troupes pour le Moyen-orient et l’Afrique du nord. Un gigantesque programme d’armement américain est prévu :

1942 1943
Avions de combat 45 000 100 000
Chars 45 000 75 000
Canons antiaériens 20 000 35 000
Canons antichars 14 900 non fixé
Mitrailleuses 500 000 non fixé

La production de navires marchands est aussi accélérée avec : 5 339 000 tonnes en 1942 et 12 384 000 tonnes en 1943. Le potentiel dépasse très largement les capacités de construction du Japon et de l’Allemagne réunis. Pour donner une idée du décalage de force, le Japon ne sort que 300 à 500 avions par mois (100 fois moins !). 70 divisions dont 10 blindées sont à l’instruction aux États-Unis. 3 750 000 recrues ont été appelées pour l’armée de terre et 1 million pour l’aviation : la machine à gagner américaine est en route !


Après l’attaque de Pearl Harbor, le Japon lance une offensive de grande ampleur dans le Pacifique dans le but de créer la « sphère de co-prospérité de la grande Asie orientale » au profit du Japon. A cause des sanctions économiques imposées par les États-Unis, le Japon doit conquérir rapidement de nouveaux territoires pour se procurer du pétrole, vital pour l’armée impériale engagée sur plusieurs fronts. Le Pays du Soleil levant convoite les indes néerlandaises riches en matières premières et les premiers succès nippons les rapprochent de cet objectif. Dans la seconde partie, nous reprendrons les batailles du début de l’année 1942 avec la poursuite des combats aux Philippines et en Malaisie amenant  la chute de Singapour. Avec la prise des Indes néerlandaises, les Japonais iront de victoire en victoire jusqu’au tournant de la bataille de Midway qui clôturera l’épisode 3 de « l’avancée japonaise dans le Pacifique ».

David Maingot

Responsable Culture à JDJ et passionné de la culture et de l'histoire du Japon, je rédige des articles en lien avec ces thèmes principalement.

2 réponses

  1. 27 janvier 2020

    […] notre épisode 3 sur l’avancée japonaise dans le Pacifique (partie 1 et partie 2), nous avons vu que, victoire après victoire, les Japonais ont réussi en ce début de […]

  2. 23 mai 2020

    […] notre épisode 3 – L’avancée japonaise dans le Pacifique partie 1/2, après l’attaque de Pearl Harbor, le Japon lance une offensive de grande ampleur dans le […]

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