L’Attaque des Titans – la puissance du mythe : un travail par Nicolas Allard

A-t-on besoin de présenter encore ce titre qui a certainement bouleversé plus d’une personne en une décennie, à savoir L’Attaque des Titans ? Réelle figure de proue du catalogue de Pika lors de sa sortie en manga, puis de Wit Studio et Mappa pour l’anime, cette série ne cesse de faire couler l’encre. Alors que l’anime est enfin terminé depuis le mois dernier, Journal du Japon a décidé de revenir sur un ouvrage sorti le 29 novembre dernier : L’Attaque des Titans – La puissance du mythe écrit par Nicolas Allard et édité chez Pix’n Love.

Retrouvez pour l’occasion une description du contenu du livre avant de découvrir une interview de l’auteur sur sa genèse ! Et n’hésitez pas à partager vos propres théories sur ce titre en commentaires.

ATTENTION : cet article contient de légers spoils pour ceux qui n’auraient pas encore lu la fin de la série ou ne seraient pas arrivés au bout du visionnage de l’animé !

Présentation du livre L’Attaque des Titans – La puissance du mythe

Si vous connaissez déjà le travail de Pix’n Love éditions et ce qu’ils peuvent proposer en terme de sujets, alors cet ouvrage traitant de L’Attaque des Titans ne devrait pas beaucoup vous surprendre. L’éditeur est en effet force de proposition sur des ouvrages de la pop culture et ce titre n’y fait donc pas exception, en proposant son approche novatrice sur le sujet. L’Attaque des Titans – La puissance du mythe rejoint d’autres ouvrages d’univers manga assez dantesques et qui questionnent énormément le lecteur : Détective Conan, Dragon Ball, Naruto, l’œuvre de Naoki Urasawa….

À partir d’un univers bien précis, leurs auteurs décident de prendre tel ou tel parti afin d’aller plus loin sur la série visée. Ainsi Nicolas Allard prend le parti-pris de parler politique et philosophie de manière intimement liée, tout en apportant un regard franc sur la genèse de L’Attaque des titans et sur ses thématiques si fortes : l’amitié, l’amour, la monstruosité…

L’ouvrage L’Attaque des Titans – La puissance du mythe est réellement là pour expliciter la genèse de la série en remettant en avant le rôle même de son auteur Hajime Isayama. Un livre ne peut pas naître sans auteur, et celui de SnK(Shingeki no Kyojin) avait une image de son titre dans son esprit bien particulière, bien installée, que Nicolas Allard remet en place. Tout comme il a écrit sur de nombreux univers de la pop culture (Star Wars, Jurassic Park, Dune, Games of Thrones…) il rassemble ici toutes les références culturelles de Hajime Isayama comme un véritable fer de lance pour la mise en place de l’histoire de ses titans et de ses protagonistes.

Nicolas Allard évoque, en effet, à plusieurs reprises les similitudes entre les sagas sur lesquelles il a pu écrire et L’Attaque des Titans, ne serait-ce qu’au niveau de la construction, des thématiques et la manière dont elles sont installées et gérées. Mais il fait aussi référence à la façon dont le lecteur lui-même peut réagir face à tel ou tel moment de la série. En replaçant l’auteur du manga avec son parcours, ses envies, ses expériences, Nicolas Allard retrace les origines mêmes d’une série à la fin si tragique mais au parcours épique.

Le titre paru chez Pix’n Love s’organise de la manière suivante : un premier point très détaillé et commenté sur Hajime Isayama avec son histoire, ses aspirations mais aussi ses angoisses. On comprend ainsi la mise en place d’un univers aussi riche que SnK en puisant dans toutes ses influences culturelles et en cherchant à faire un titre qui lui parle ainsi qu’à ses lecteurs.

Nicolas Allard continue en abordant cette fois un sujet plusieurs fois exprimés mais sous différents angles : l’héroïsme, un thème pas toujours simple à aborder pour SnK mais pour autant bien présent. Une fois ces informations décrites, l’auteur écrit au sujet de la dimension politique mais aussi philosophique de L’Attaque des Titans en s’attardant sur des points précis : une élite égoïste, un Sieg Jäger à l’idéologie déséquilibrée, le rôle du temps, le sens de la vie mais aussi l’amitié, l’amour avec son lot de disparités.

Finalement Nicolas Allard s’attaque à la monstruosité omniprésente dans cette série avec la symbolique des Titans, la malédiction d’Ymir, Fritz 1er et sa personnalité si cruelle avant de s’arrêter longuement sur la fin du titre et son aspect tragique indéniable, renforçant cet aspect de mythe. Pour cela, il n’hésite pas à rappeler le rôle de Mikasa et de toute forme d’amour toxique présente dans SnK mais également du rôle intrafamilial assez violent. Mais y a-t-il au cœur de toute cette série un certain bonheur ? L’auteur propose d’y répondre avant de conclure.

Et si vous souhaitez en apprendre davantage sur la conception de ce livre et sur la vision même de son auteur alors découvrez notre interview, inédite, réalisée pour l’occasion.

Entretien avec Nicolas Allard au sujet de son livre

Journal du Japon : Bonjour et merci de nous accorder du temps et de répondre à nos questions. Pour ceux et celles qui n’auraient pas encore eu l’occasion de lire votre livre, pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Nicolas Allard : Je m’appelle Nicolas Allard. Je suis professeur agrégé de lettres modernes en classe préparatoire et essayiste. Je suis spécialiste de pop culture et des littératures de l’imaginaire (science-fiction, fantasy). J’ai écrit des essais sur Star Wars, Game of Thrones, Dune, Jules Verne, La Planète des singes, Jurassic Park et L’Attaque des Titans.

Quelle est votre relation vis-à-vis du milieu du manga et de l’animation ?

Je lis des mangas et regarde des animes depuis l’enfance. Mes premiers coups de cœur ont été Saint Seiya, Captain Tsubasa et surtout Dragon Ball. Cette passion ne m’a ensuite jamais quitté. En 2021, j’ai écrit le livre Les Mondes extraordinaires de Jules Verne (éditions Armand Colin). Dans cet essai, j’ai cherché à montrer l’influence majeure exercée par l’écrivain français sur de nombreux artistes à travers le monde. J’ai consacré un chapitre entier au Japon. Les romans de Jules Verne ont inspiré de nombreux mangakas et réalisateurs japonais, notamment Hayao Miyazaki.

On le sait aujourd’hui, L’Attaque des Titans est un titre qui a fait apparaître de nombreuses thèses et autres réflexions sur le sujet durant la dernière décennie. De fait, de nombreux ouvrages sont sortis pour en discuter : comment vous êtes-vous positionné pour aborder vous-même la question et sortir votre titre ?

J’écris toujours un livre avec la volonté de proposer un contenu inédit. Il est donc très important de connaître au préalable les autres ouvrages publiés sur un même sujet. Or, j’avais constaté qu’il y avait plusieurs angles qui n’avaient pas été abordés dans les livres précédemment consacrés à L’Attaque des Titans.

Quel a été votre processus de réflexion pour écrire votre livre ? Par exemple, aviez-vous déjà toutes vos thématiques à l’esprit ou les avez-vous élaborées en complément d’autres écrits sortis sur L’Attaque des Titans ?

L’Attaque des Titans est un de mes mangas préférés. Cela faisait plusieurs années que j’envisageais d’écrire un livre d’analyse à son sujet. J’avais donc en tête les thématiques que je souhaitais aborder. Je n’ai pas eu à procéder à de trop grandes modifications quand le processus d’écriture a été lancé.

On remarque que vous avez une réelle approche mélangeant philosophie et référence de la pop-culture, la preuve en est vos autres ouvrages sur différents univers (Star Wars, Jurassic Park, Dune…). Comment l’idée de les relier à L’Attaque des Titans vous est venue à l’esprit ?

Hajime Isayama, le créateur de L’Attaque des Titans, a toujours revendiqué son attachement aux grandes œuvres de la pop culture. Il assume parfaitement le fait de s’être directement inspiré de certaines d’entre elles, comme Star Wars ou Jurassic Park. Dans mon livre, j’ai voulu montrer à quel point L’Attaque des Titans avait des sources d’inspiration diverses, en analysant ce que chacune d’entre elles avait pu apporter à ce manga si riche.

A l’inverse d’autres livres écrits sur cette série, vous prenez le parti d’aborder concrètement dans un premier temps le contexte de la mise en place de l’œuvre par Hajime Isayama et de toutes ses références (pop-)culturelles. Pourquoi décider de revenir aux sources plutôt qu’attaquer le sujet de plein fouet ? Non pour déplaire au lecteur bien entendu !

Je considère qu’il est toujours important de connaître le contexte dans lequel une œuvre a été élaborée. Cela offre de précieuses clés de compréhension. Même lorsqu’il s’en défend, un auteur reste influencé par ses expériences personnelles et le monde dans lequel il vit. Analyser une œuvre, surtout lorsque celle-ci est complexe, suppose au préalable d’avoir une fine connaissance de la contextualisation.

Contrairement à d’autres titres sur la question, vous énoncez que L’Attaque des Titans a une part politique assumée importante, avant d’avoir son aspect philosophique plusieurs fois perçu et abordé par ses lecteurs ou encore d’autres spécialistes. En quoi ce choix vous paraissait si pertinent d’en parler aujourd’hui ?

La dimension politique de L’Attaque des Titans me paraît indéniable. Il me semble que c’est d’ailleurs l’une des raisons de son succès. Bien que cette histoire relève du genre de la dark fantasy, elle traite de sujets qui restent très actuels, comme l’utilisation politique du mensonge mais aussi la question des discriminations sociales et ethniques. Dans la continuité de la philosophe Hannah Arendt, Hajime Isayama mène une réflexion profonde sur le totalitarisme, une forme de régime qui n’a malheureusement pas quitté notre monde. Dans cette œuvre, la dimension politique et la dimension philosophique sont intimement liées.

D’après le titre de votre livre, L’Attaque des Titans serait un véritable mythe, comme peuvent l’être d’autres récits à l’instar de ceux d’Ulysse, Antigone, d’Abel et Caïn ou même de figures historiques s’en approchant tels César et sous certains aspects Napoléon. D’après vous, en reprendrait-il donc tous les codes ?

L’Attaque des Titans est un mythe moderne, à l’instar de Star Wars de George Lucas, par exemple. Hajime Isayama reprend des codes d’anciennes épopées, mais il a le grand mérite d’en faire une réappropriation très personnelle. Faire d’Eren Jäger une sorte de héros monstrueux n’est pas courant dans les récits mythiques. L’absence de manichéisme est également un des grands atouts de ce manga.

Dans un second temps de votre ouvrage, vous abordez ce qui donne trait à ce récit épique et sa fin si tragique en détaillant les sujets de l’amitié, l’amour, l’intérêt du temps mais aussi du rôle symbolique des Titans avec leurs origines. Quel est votre processus pour aborder ces thèmes en les vulgarisant suffisamment ?

Lorsque j’écris mes livres, je m’appuie sur une abondante documentation, mais aussi sur plusieurs références artistiques, littéraires et philosophiques, dont certaines sont particulièrement pointues. Au moment de l’écriture de l’ouvrage, je m’efforce toujours d’avoir un propos accessible. Si nécessaire, j’explicite certains concepts. Je travaille sur des sagas populaires et il me paraît essentiel de ne pas m’adresser à une minorité de lecteurs. Par ailleurs, je suis professeur et mon métier consiste à rendre le plus clair possible des contenus littéraires et philosophiques qui peuvent ne pas être simples de prime abord.

Vous terminez votre livre sur l’impact fort des différentes interactions sociales touchant certains personnages : le cœur même de la famille Jäger, la passion de Mikasa, le bonheur impossible… Pourquoi choisir d’indiquer que ce sont sûrement tous ces facteurs qui ont contribué particulièrement à cette fin qu’on peut qualifier de véritable tragédie ?

L’Attaque des Titans tire sa complexité de la multitude des thématiques et des enjeux qui y sont développés. Afin de pouvoir apprécier à sa juste valeur la tragédie finale, il était important de rappeler tous les éléments qui la constituent. Hajime Isayama a patiemment construit son récit. L’Attaque des Titans est un immense puzzle, dans lequel chaque pièce, même la plus infime, a son importance. C’est ce qui contribue notamment à rendre ce manga si passionnant.

Cette fin vous paraît-elle satisfaisante ?

Le dénouement de L’Attaque des Titans a suscité des réactions très contrastées. C’est un cas de figure que l’on a connu il y a quelques années avec la fin de Game of Thrones, un univers proche de celui créé par Hajime Isayama. Même s’il présente quelques faiblesses, le dénouement de L’Attaque des Titans me paraît satisfaisant. C’est une conclusion au goût doux-amer, à l’image de ce qu’est ce manga. Les dernières images restent ouvertes à l’interprétation et ne proposent pas de solution simple, voire simpliste. C’est une fin courageuse, même si je comprends qu’elle n’ait pas plu à tout le monde. Mais c’est le propre des grandes sagas d’avoir un dénouement qui divise, tant chacun a fini par s’imaginer quelle serait la conclusion idéale.

Pour vous, quel a été le moment le plus difficile à écrire et à expliciter en détail ?

Peut-être la réflexion que mène Hajime Isayama sur le sens de la vie. C’est un sujet qu’il parvient à bien représenter dans son manga, sans avoir à recourir à un grand nombre de mots. Il y a un certain nombre de sous-entendus qui y sont associés. Il importait donc d’expliciter sa pensée, en se livrant à des interprétations bien étayées. Aborder les thèmes de l’héroïsme ou de la monstruosité était plus simple car il y a davantage de matière à ce sujet dans le manga.

Quels personnages de l’œuvre de Hajime Isayama vous ont le plus marqué finalement ? Et quel serait celui ou celle qui a le plus fait écho en vous ?

J’aime beaucoup le personnage de Mikasa Ackerman car, comme je le montre dans le livre, c’est sans doute le plus tragique de tous. Elle survit certes aux différents conflits, sans en porter des stigmates aussi profonds et durables que Livaï Ackerman. Toutefois, elle va devoir passer la majeure partie de son existence sans Eren Jäger, l’homme qu’elle aimait et qu’elle a été contrainte de tuer. Elle est un symbole de résilience assez admirable. Il n’est pas étonnant que le dénouement se focalise tout particulièrement sur elle. Quant au personnage dont je me sens le plus proche, je pense qu’il s’agit de Jean Kirschtein. C’est sans doute lui qui ressemble le plus à l’humanité ordinaire. Malgré ses faiblesses et ses défauts, il parvient à devenir un authentique héros, au prix d’une évolution qui n’avait rien d’une évidence au début du manga.

Afin d’en apprendre davantage, comment se sont passés vos échanges avec Pix’n Love pour réaliser cet ouvrage ?

J’avais déjà écrit un livre pour les éditions Pix’n Love : il était consacré à la saga littéraire et cinématographique de La Planète des singes. Comme lors de notre précédente collaboration, les échanges ont été vraiment excellents. Mon éditeur, Marc Pétronille, m’a laissé beaucoup de liberté. Il a toujours su être disponible et à l’écoute de mes demandes. Nous avons travaillé en bonne intelligence. Ce fut une expérience très positive et je tiens à l’en remercier.

Enfin, auriez-vous un dernier message à apporter aux lecteurs de votre livre ou à nos propres lecteurs pour les pousser à vous lire ?

L’Attaque des Titans : la puissance du mythe est à ce jour le seul ouvrage à aborder l’œuvre d’Isayama de façon aussi complète. Le livre porte sur l’ensemble du manga et de l’anime, ce qui n’est pas le cas de toutes les autres publications. Nous avons voulu proposer aux fans de SnK un ouvrage de référence sur leur saga favorite. L’Attaque des Titans : la puissance du mythe aborde aussi bien la genèse du manga que ses plus grandes thématiques, sous un angle littéraire et philosophique qui n’avait pas été autant exploité précédemment.

Merci beaucoup !

Pour retrouver le travail de l’éditeur autour de la série,rendez-vous sur son site internet pour davantage d’informations. Pour suivre l’auteur du livre, n’hésitez pas à aller jeter un œil sur son compte Twitter pour vous tenir au courant de son actualité.