2024, une année record pour le tourisme au Japon

36,8 millions, c’est le nombre de touristes étrangers s’étant rendus au Japon durant l’année 2024. C’est tout simplement le nouveau record enregistré par la Japan National Tourism Organization (JNTO), dépassant celui de l’année 2019, où le Japon avait accueilli environ 32 millions de visiteurs.

Alors, peut-on parler de surtourisme ? Quelles conséquences et comment le pays ou nous, simples visiteurs, pouvons-nous y faire face ? Journal du Japon vous détaille ce phénomène, qui perdure depuis plusieurs années…

Causes et conséquences d’un tel afflux touristique

Ces chiffres impressionnants peuvent s’expliquer par plusieurs facteurs. Parmi ces derniers, on peut citer : la volonté du gouvernement japonais de promouvoir son patrimoine artistique et culturel, notamment via son label « Cool Japan », qu’il soit « classique » (temples, sanctuaires, paysages, châteaux, musées d’art et d’histoire, etc.) ou « récent » (manga, animation, jeux vidéo, J-pop, drama, etc.) ; l’inertie due à la réouverture des frontières japonaises en octobre 2022 ; ou encore la reprise progressive du tourisme chinois. Mais aussi, point non-négligeable, le faible taux du yen par rapport à l’euro et au dollar US. En effet, en 2024, le yen a atteint un taux record, atteignant son minimum début juillet, avec une parité de 1 € valant 175 ¥ ! Une aubaine pour les touristes étrangers.

Si l’on imagine aisément les effets positifs sur l’économie japonaise d’un tel afflux touristique, il ne faut pas négliger les conséquences que cela peut engendrer.

La première question que l’on peut se poser en voyant de tels chiffres, c’est est-ce que l’on ressent vraiment les effets de cette augmentation de touristes sur place ? Notre équipe étant allé au Japon en 2023 et 2024 sur la même période (juillet et août), et bien… et bien oui, malheureusement, en particulier sur les lieux les plus prisés comme la ville de Kyoto. À l’instar de Venise ou Barcelone, l’ancienne capitale impériale est, depuis plusieurs années déjà, sujette à ce qu’on qualifie de surtourisme. Une situation qui se traduit par un nombre de touristes excessivement nombreux, entraînant divers problèmes pour les habitants (incivilités), l’environnement (déchets, pollution), ou encore les infrastructures (surcharge, incapacité d’accueil). Les Japonais parlent de 観光公害 « kankô kôgai », que l’on pourrait traduire par « pollution touristique ».

Des sites touristiques submergés

Cette situation fait que des sites comme le Kinkaku-ji, Fushimi Inari Taisha, ou encore le Kiyomizu-dera sont littéralement envahis par les touristes. Certains quartiers et rues subissent également le même sort, comme l’emblématique quartier de Gion, ou encore les rues piétonnes de Ninenzaka et Sannenzaka, où il devient difficile de mettre un pied devant l’autre. Vous pouvez toujours prendre de belles photos des rues traditionnelles, avec la pagode en fond illuminée par le soleil couchant… avec une vingtaine de personnes qui ont eu la même idée que vous.

Mais ce genre de problème ne se limite pas à Kyoto. À Tokyo, il faut parfois jouer des coudes pour avancer dans les quartiers les plus connus, comme Shibuya ou Harajuku. La longue file d’attente, sous un soleil de plomb, nous a dissuadé de visiter le château d’Osaka. Les daims du parc de Nara, eux, ne se sont probablement jamais aussi bien portés. Une demi-heure d’attente avant de pouvoir entrer (juste entrer) à l’intérieur du musée du mémorial de la paix de Hiroshima, pour ensuite patienter pendant une heure et demie, avant d’enfin pouvoir le visiter… et rester bloquer plusieurs minutes dans ses couloirs, saturés de monde. Et il en va de même pour les boutiques type Nintendo Store ou Pokemon Center, où il faut parfois patienter plus d’une heure avant de pouvoir entrer, se frayer un passage parmi les curieux et autres amateurs, pour au final ne pas trouver ce que vous cherchiez… c’est la vie.

Vue de la rue Dotonbori à Osaka, avec ses hauts bâtiments au second et arrière plan, et des touristes au premiers plans.
La rue Dotonbori à Osaka – Maxime Albertos pour ©Journal du Japon – Tous droits réservés

Le comportement de certains touristes

Une autre conséquence qui va de pair avec l’augmentation du nombre de touristes, c’est la hausse des comportements inadaptés, ou pour être plus précis, le risque de cela se produise, volontairement ou involontairement d’ailleurs. En effet, plus de touristes signifie plus de personnes susceptibles d’agir de façon inappropriée dans telle ou telle situation. Ce risque est d’autant plus grand si la personne n’a pas eu la curiosité de se renseigner un minimum sur les us et coutumes du pays visité, et sans oublier les inévitables différences culturelles.

Dans le meilleur des cas, cela peut donner lieu à des quiproquos ou à des situations cocasses et, dans le pire des cas, à des comportements totalement irrespectueux. Si à Paris, il est relativement convenu que le piéton moyen traverse sans se soucier de la couleur du feu, au Japon, même le plus pressé des Tokyoïtes attendra patiemment que le petit bonhomme passe au vert, et que la petite mélodie se lance. Non madame, les bassins à l’entrée des temples et sanctuaires ne sont pas faits pour y tremper vos mouchoirs imbibés de sueur… Non monsieur, la personne n’a pas oublié son téléphone, elle l’a simplement laissé pour réserver la table.

Et, malheureusement, il ne faut pas oublier l’égoïsme de certains individus, qui, parce qu’ils sont en vacances, se permettent absolument tout et n’importe quoi, au mépris du respect des autres. Que ce soit le fait de parler fort, ou être bruyant de façon générale, ou encore un manque, voir une absence totale de discipline. Tout ceci exaspère fortement les Japonais, et les autres touristes qui font « l’effort » de se comporter correctement. C’est d’autant plus dommageable lorsque ces comportements sont effectués par des communautés (sans stigmatisation aucune) qui n’ont pas forcément une très bonne réputation auprès des Japonais, alimentant de ce fait les stéréotypes et l’hostilité envers ces communautés, voir des étrangers en général.

Les réactions des autorités locales

Les autorités des endroits concernés ont réagi et mis en place certaines mesures. En mai, le village de Fujikawaguchiko, situé près du mont Fuji, a installé un long filet opaque devant l’un de ses konbini. La supérette était devenue un spot photo très prisé des touristes, offrant une belle vue de l’iconique volcan. Cependant, les comportements irrespectueux et dangereux de ces derniers ont fini par excéder les habitants. En parlant du mont Fuji, ses visites sont maintenant limitées à 4 000 par jour, et les randonneurs devront s’acquitter d’un droit d’entrée fixé à 2 000 ¥. La ville de Gizan Onsen, célèbre pour ses sources chaudes, a elle aussi décidé de limiter ses visites.

Des ouvriers municipaux en train d'installer un filet opaque devant le konbini Lawson, empêchant les touristes de prendre des photos depuis ce point de vue.
Installation d’un filet opaque devant le konbini Lawson – Photo de ©Kazuhiro NOGI / AFP

Pour en revenir à Kyoto, en avril 2024, les autorités ont carrément pris la décision de fermer l’accès aux « rues des geishas » aux touristes suite à des comportements déplacés envers les geishas et leurs maiko : prise de photos sans leur accord, poursuites jusqu’à leur maison, vol de leurs ornements, et j’en passe. La ville a également décidé qu’elle allait augmenter sa taxe de séjour d’ici 2026, et qu’elle pourrait atteindre jusqu’à 10 000 ¥ par personne et par nuit.

Des capacités d’accueil inadéquates

Malgré tout les soucis liés au surtourisme que nous venons d’évoquer, le gouvernement japonais a annoncé qu’il s’était fixé comme objectif d’atteindre les 60 millions de touristes par an d’ici 2030. Un objectif ambitieux, mais est-il seulement réalisable dans la configuration actuelle ? Car si le surtourisme pose déjà certains problèmes, il y a d’autres problématiques inhérentes au Japon, qui font douter sur les capacités du pays à absorber un tel afflux touristique.

La question des transports en commun

Premier point et non des moindres : les transports. Si ces derniers sont plutôt bien développés dans les grandes villes comme Tokyo ou Osaka, ce n’est pas toujours le cas dans les autres villes. Le cas le plus parlant est celui de Kyoto (encore elle !), où le réseau de métro est quasi inexistant et ne dessert pas les sites touristiques. Quant au réseau de bus, il n’est tout simplement pas adapté pour gérer une masse touristique aussi importante. Un comble pour une ville qui repose essentiellement sur le tourisme.

Et le réseau dans son ensemble (trains, métros, bus) n’est pas adapté au transport de bagages autres que les petits bagages. Si vous voulez prendre le shinkansen avec votre valise, il vous faudra réserver les sièges pour gros bagages, qui sont généralement au nombre de… 6 par wagon (la rangée du fond du wagon). L’alternative est l’utilisation du service de takkyûbin, un service d’expédition/livraison rapide de bagages que la grande majorité des Japonais utilisent lors de leurs déplacements. Cependant, cette option reste relativement inaccessible aux personnes qui ne maîtrisent pas un minimum le japonais.

La forte augmentation des prix du JR Pass

Autres points liés au premier, l’augmentation du prix des offres JR Pass, et la pénurie de cartes Suica. Le gouvernement japonais a dit vouloir désengorger les gros sites touristiques, en mettant en avant des zones moins touristiques comme Ise ou encore Hokkaido. La Japan Rail Compagny n’a sûrement pas reçu le mémo lorsqu’elle a décidé d’augmenter fortement ses prix en octobre 2023… Les prix passent, pour les forfaits normaux, de 29 650 ¥ à 50 000 ¥ pour 7 jours (+69 %), de 47 250 ¥ à 80 000 ¥ pour 14 jours (+69 %), et de 60 450 ¥ à 100 000 ¥ pour 21 jours (+65 %). Et pour les Green Pass, les augmentations vont de +68 % à +77 % !

Type de JR PassPrix avant augmentationPrix après augmentation
Normal 7 jours29 650 ¥50 000 ¥
Normal 14 jours47 250 ¥80 000 ¥
Normal 21 jours60 450 ¥100 000 ¥
Green Pass 7 jours39 600 ¥70 000 ¥
Green Pass 14 jours64 120 ¥110 000 ¥
Green Pass 21 jours83 390 ¥140 000 ¥

Un voyage au Japon représente déjà une somme conséquente, entre les billets d’avion, le logement, les activités, les dépenses sur places, etc. Si en plus on y ajoute un JR Pass, on se retrouve à devoir faire le comptable pour ne pas faire exploser son budget. Résultat, au lieu de prendre un forfait sur 14 ou 21 jours, et de l’utiliser au maximum en voyageant un peu partout sur l’archipel, il devient plus rentable de se rabattre sur le forfait 7 jours, et de se limiter au trajet classique Tokyo-Kyoto-Osaka (tout en conservant le JR Pass pour les lignes JR du métro de Tokyo).

Les cartes Suica en rupture de stock

La carte Suica est une carte prépayée et rechargeable, très utile lorsque l’on souhaite prendre les transports au Japon. Elle est malheureusement en rupture de stock depuis août 2023, suite à une pénurie de composant, du moins pour son modèle de base, la Suica « verte ». Heureusement, un autre modèle était proposé à la vente, la Welcome Suica, ou Suica « rouge », avec un design plutôt agréable.

Visuel de la Welcome Suica, de couleur rouge avec des motifs sakura.
La nouvelle carte Welcome Suica – ©JR East/jreast.co.jp

Elle est cependant moins pratique que sa grande sœur : sa première utilisation doit obligatoirement se faire dans une gare ou station de Tokyo ; elle dispose d’une date d’expiration, donc même si vous ne l’utilisez pas, elle sera inutilisable après cette date ; elle n’est valable que pendant 28 jours à partir de la première utilisation. Malheureusement, elle est elle aussi en rupture de stock. Heureusement, il existe des alternatives, comme la carte Icoca, qui fonctionne exactement pareil que la carte Suica.

Limites d’accueil et files d’attente

La capacité d’accueil de certains sites va également être un souci. Si nouvelles structures il y a, celles-ci feront face à un problème d’espace, problème qui n’est pas nouveau au Japon. Il n’y a pas forcément la place de développer de grosses infrastructures capables d’accueillir un très grand nombre de touristes. Et pour les structures déjà présentes, la question de leur réaménagement va se poser très vite. Le musée d’Hiroshima, où nous sommes restés bloqués dans ses couloirs surchargés de visiteurs, est un bel exemple parmi tant d’autres. Certains konbini se retrouvent également submergés et ne sont pas en capacité de gérer autant de clients. Vous allez croire que c’est de l’acharnement, mais il faut aussi citer… le festival d’Obon à Kyoto (encore et toujours !), où les rues, ponts et abords de la rivière Kamo-gawa sont saturés. Les pauvres agents de police ont beau demander avec insistance (mais toujours avec politesse) à la foule d’avancer et de ne pas rester statique, c’est juste impossible.

Enfin, effet qui découle directement des limites d’accueil, les files d’attente ! Les Japonais et les files d’attente, c’est un peu comme râler pour nous les Français, c’est un sport national. Pour un Japonais, faire 2 heures de queue ne pose aucun souci, pour un Français, pour qui patienter 10 minutes à la poste, c’est déjà trop, c’est plus compliqué. Oui, ici, le trait est volontairement grossi, tout cela pour dire que les files d’attente sont quelque chose de normal et d’accepté au Japon. Donc, vous en avez absolument partout, que ce soit pour entrer dans un temple, un sanctuaire, un musée, un restaurant, une boutique, partout !

Maintenant, imaginez, vous avez déjà fait 30 minutes de queue en avançant petit à petit, puis vous avez patienté plus de 45 minutes sans bouger car le musée est saturé, enfin il vous reste environ 1 heure à attendre pour atteindre l’entrée du musée. Et là, vous voyez un car entier de touristes arriver et passer devant vous et toutes les personnes qui attendent avec vous. À ce moment-là, vous vous dites, déjà est-ce qu’on va un jour pouvoir entrer dans ce musée, mais surtout, est-ce qu’ils ont conscience du problème ? Est-ce que c’en est même un pour eux ? À noter que si vous êtes au Japon durant l’été, vous devrez subir ces files d’attente dans une chaleur étouffante, sans forcément d’accès à des points d’ombres ou d’eau. Dans ces conditions, l’insolation et le malaise ne sont pas bien loin, et là, ça devient dangereux.

Si le gouvernement japonais a bien l’ambition de doubler son nombre de touristes d’ici 2030, il doit dès à présent réfléchir à des solutions pour les divers problèmes engendrés par le surtourisme. La question de ses infrastructures et de sa capacité d’accueil d’une masse touristique aussi élevée doit également être prise en compte.

Du surtourisme, mais pas partout, ni tout le temps

Bon, après avoir soulevé tous ces points négatifs, il est temps d’apporter un peu de nuances à tout cela. Le problème du surtourisme au Japon est réel, mais il est aussi concentré sur les sites touristiques les plus importants. Une fois que l’on s’éloigne, la réalité est tout autre et s’avère bien plus tolérable. On peut citer la ville de Nagoya, situé à mi-chemin entre Tokyo et Osaka, qui a tous les avantages d’une grande ville, les hordes de touristes en moins. Ou encore Kanazawa, qui dispose d’un château, d’un jardin magnifique, et de petites ruelles traditionnelles, et bien qu’assez touristique, cela reste d’un niveau acceptable.

Et même en restant dans ces fameuses zones très touristiques, il suffit parfois de s’éloigner légèrement des sentiers les plus empruntés pour y retrouver une certaine tranquillité. Histoire de se réconcilier avec Kyoto, le palais impérial est relativement épargné par le surtourisme et il est agréable de s’y balader. Le fait qu’il soit assez vaste doit sûrement jouer – et en plus, il est desservi par le métro, lui ! L’ancienne capitale impériale fourmille également de petits temples et sanctuaires, cachés çà et là. Vous en trouverez forcément un voir plusieurs qui ne seront pas noyés par la foule. Et si vous voulez faire les sites les plus connus, privilégiez les visites matinales quand elles sont possibles. À 7 h du matin, le Fushimi Inari est quasiment désert, vous permettant de profiter au maximum du lieu en toute quiétude.

Le sanctuaire Fushimi Inari de Kyoto, tôt dans la matinée, avec presque aucun touriste
Le Fushimi Inari tôt le matin, presque désert – Maxime Albertos pour ©Journal du Japon – Tous droits réservés

Si c’est possible, privilégiez des dates de séjours en dehors des hautes saisons. Vous ferez des économies, vous éviterez les hordes de touristes, et peut-être que vous allez découvrir de nouvelles choses et voir le Japon sous un autre jour. Et si vos choix de dates sont limités ou restreints, pensez à bien vous renseigner sur les sites que vous comptez visiter, prévoyez des itinéraires de secours en cas de forte affluence. Et surtout si vous partez en été, évitez les visites en extérieur trop longues, et aller prendre le frais régulièrement, que ce soit en allant visiter un lieu en intérieur (et donc climatisé), ou en rentrant dans des konbini ou des boutiques.

Enfin, cela ne doit pas vous dissuader ou vous dégoûter d’un éventuel voyage au Japon. Si, comme nous, vous êtes passionné par sa culture, son histoire, ou juste curieux de découvrir de nouveaux horizons, alors allez-y ! Foncez et profitez de cette expérience qui en vaut la peine.

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