Gaming Memories Xtend 01 – Le LaserDisc, cette incroyable technologie trop vite oubliée
Dans les années 1980, alors que les salles d’arcade étaient un vaste terrain d’expérimentations dans lequel tous tentaient de faire la plus grosse impression auprès des joueurs, une nouvelle technologie faisait son apparition : le LaserDisc. Gaming Memories, quant à lui, inaugure le premier numéro de son nouveau type d’articles plus centrés sur l’histoire du jeu vidéo en se penchant sur ce support incroyable mais éphémère.
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Origine du Laserdisc
De nos jours, tout le monde connait les CD-Roms, DVD et Blu-rays, mais d’autres types de disques de stockage mémoire ont été créés au fil des décennies, tels le GD-Rom, le HD-DVD ou le LaserDisc : c’est précisément de ce dernier dont nous allons parler.
Imaginé à l’origine dès 1963 par David Paul Gregg et James Russell, le LaserDisc (ou « LD ») ne commença à devenir réalité qu’en décembre 1978. C’est une technologie mise au point par Philips (concepteurs des lecteurs), MCA Inc. (concepteurs des disques) et Pioneer Corporation. Elle permet une bien meilleure qualité image et son que les VHS (JVC) et autres bandes vidéo Betamax (version améliorée des VHS créée par Sony), avec une plus haute résolution et profondeur d’image déjà plus proche d’un cinéma que des enregistrements parsemés de parasites des bandes VHS…
Le LaserDisc a été une innovation faramineuse aussi pour le son : en effet, si de nos jours Dolby (qui s’est fait connaître du grand public par le son Dolby Digital sur les DVD) est une norme absolue, c’est par les LD que cette technique de son surround (6.1, carrément) est apparue, de même que le son DTS. C’est au Japon et à Hong-Kong qu’il a eu le plus de succès. Malheureusement, au contraire des VHS sur lesquelles il était possible d’enregistrer ses programmes à volonté, ce support disque, pourtant volatile, ne le permettait pas, par refus des concepteurs. Sony a cependant proposé une version quelques années plus tard, contenant 3.28Go de mémoire (contre 700Mo pour les CD-Roms et 4.7Go sur les DVD sortis onze ans plus tard !).
Malgré leur âge, les LaserDisc ont eu une belle vie : des films sont sortis dessus jusqu’en 2001, alors que les DVD existaient déjà depuis fin 1996 au Japon, leur berceau. Des lecteurs de LD continuèrent à sortir jusqu’en 2009. Pioneer, qui possédait les droits, continua même à assurer leur réparation jusqu’en 2020 !
Les débuts d’une nouvelle technologie
On l’aura donc compris, le LaserDisc est une grande avancée technologique par rapport aux standards de l’époque – cassettes vidéo comme CD-Roms. Le support a donc été utilisé pour le jeu vidéo par la même occasion, tout d’abord en arcade avant d’être porté tout naturellement sur machines de salon dédiées…
Le tout premier jeu connu sur LD est un shooter nommé Astron Belt et signé SEGA. C’est une grosse claque visuelle et sonore dans les salons de présentations de jeu vidéo de l’époque – jamais avant on n’avait vu quelque chose d’aussi impressionnant. De façon surprenante, Astron Belt alterne les phases aux décors originaux avec d’autres tirés de divers films tels que Star Trek II, de quoi impressionner encore plus. Mais Astron Belt est aussi très limité et offre très peu d’interactions, ce qui lui vaudra malheureusement d’être rapidement oublié. Une bien belle vitrine technique de ce que pouvait offrir le support, sans rien de spécial à y voir derrière…
La vraie claque arrivera l’année suivante, en 1983, avec le mémorable Dragon’s Lair de Don Bluth (Fievel, Anastasia, Titan AE). Ancien de chez Disney, il propose un véritable dessin animé interactif qui en met plein les yeux et dans lequel il va falloir braver d’innombrables pièges pour arriver jusqu’à la fin. Des pièges mortels, qui ne peuvent être évités qu’en appuyant au bon moment sur le bouton demandé pour que le personnage fasse la bonne action, sans quoi la piste vidéo change pour une séquence de mort. D’une difficulté légendaire, Dragon’s Lair est un précurseur dans le monde du jeu vidéo. D’une certaine façon, il préfigure déjà les QTE (Quick Time Event), ces mini-événements à remplir dans un temps très limité qui ont inondé le monde du jeu vidéo depuis Shenmue en 1999 jusqu’à la moitié des années 2010 !
Dragon’s Lair sera aussi le jeu qui causera le plus de problèmes aux lecteurs… à cause de sa rapidité et du nombre de chargements permanents qu’ils devaient effectuer, les rails et lentilles de lecture se fatiguaient bien trop vite, rendant à la fois le lecteur ET les disques inutilisables au bout d’un temps, mais il sera également le précurseur de toute une mode. En effet, ce dessin animé interactif n’est que le premier parmi bien d’autres. Au Japon, c’est un véritable engouement qui se dégage du LaserDisc, et les salles d’arcade deviennent un grand laboratoire d’expérimentations des tendances futures du jeu vidéo.
Tous au LaserDisc !
Aux cotés de Don Bluth, on citera bien volontiers LE pionnier du support, Yoshihisa Kishimoto. Bien avant son cultissime Double Dragon, le game designer montre une véritable avancée dans le domaine : là où la plupart des productions sur LD sont de « simples » dessins animés interactifs, il parvient à améliorer le gameplay. Son Cobra Command, qui mettait le joueur dans la peau d’un pilote d’hélicoptère aux prises avec des terroristes, demandait de viser en pleine action et de tirer un certain nombre de fois pour éliminer ses ennemis… sinon, la piste changeait pour une scène de crash ! Plus que d’appuyer sur un bouton au bon moment, l’immersion se faisait par la visée pour toucher les cibles.
Son Road Avenger, sorti plus tard, a renouvelé à nouveau le genre. Plus question de viser, ici : le joueur incarne maintenant un jeune homme dont la fiancée a été tuée par une bande de vauriens. Avec une ambiance entre Mad Max et Hokuto no Ken (Ken le Survivant), il fallait gérer la vitesse et les déplacements pour dégager les vauriens dans les décors. Sur une borne classique ou installé dans une voiture de course à la façon de Outrun de SEGA, Road Avenger en met plein la vue et se démarque définitivement de la concurrence par son gameplay bien plus poussé – rappelons-le, nous sommes encore à l’époque de la NES !
Kishimoto marquera le LaserDisc au fer rouge, c’est certain, mais Data East, pour qui il travaille à ce moment-là, n’est pas la seule société sur le coup. En l’espace de trois ans, c’est plus d’une trentaine de jeux qui sortent sur ce support. Cela peut paraître faible au vu de la marée de jeux vidéo que l’on a de nos jours, mais à cette époque, et pour des productions qui demandaient tant de travail, employant des sociétés d’animation japonaises et des centaines d’animateurs pour créer toutes les animations, c’est bien là un travail colossal qui montre un engouement certain.
Tous s’y sont mis pour apporter leur petite pierre à l’édifice, y compris des sociétés que l’on aurait pu croire apparues avec la console de Nintendo justement. On peut ainsi nommer Taito avec Time Gal, (Bubble Bobble), Namco avec Galaxian 3 (Tekken, Tales of), SEGA bien entendu ou encore Konami et Badlands (plus connu pour Metal Gear Solid, Castlevania)… Ainsi, la plupart des plus grands noms du jeu vidéo pendant son âge d’or des années 1980/90 y sont passés.
Un demi pas vers le progrès
Vous l’aurez compris au travers de ces lignes, le LaserDisc est quelque chose d’impressionnant et de vraiment en avance sur son temps. On est cependant là devant un phénomène de mode plus qu’autre chose : les jeux sont plus ou moins des dessins animés interactifs de durée variable avec très peu d’interactions, à cause de la programmation des disques eux-mêmes. Les joueurs, ainsi, se lassent très vite et en à peine quatre ans d’existence, le LaserDisc devient un souvenir que les joueurs délaissent, préférant le contenu bien plus permissif d’une cartouche.
On tient là la grande majorité des productions sur LD avec Astron Belt, Dragon’s Lair et ce qui en découlera : des jeux sur rails soit en 3D par images de synthèse, ou des jeux sur rails en dessin animé. Kishimoto n’a pas été le seul à tenter une innovation cependant, car on peut trouver quelques jeux qui délaissaient les contrôles traditionnels pour introduire les débuts des Light guns, ces pistolets qui servent à tirer sur son écran pour éliminer des cibles comme dans Time Crisis ou The House of the Dead.
Technologie avant-gardiste, le LaserDisc ne fera malheureusement pas l’unanimité parmi les joueurs qui se lasseront assez vite de tous ces dessins animés interactifs. C’est pourtant un point important de l’histoire du jeu vidéo pour ce qu’il a apporté et une preuve que les graphismes ne font pas tout. Le LaserDisc mérite bien sa place dans cette histoire et nous aurons donc l’occasion de revenir sur certains de ses titres plus en détails dans le futur !