[Critique] Kagurabachi : la nouvelle pépite du Jump
C’est LE lancement à ne pas rater de ce mois de février, voire de l’année 2025, chez Kana : Kagurabachi. Après une année de hype sur les réseaux sociaux autour de cette nouvelle série du Shônen Jump avec l’accès aux 50 premiers chapitres sur Manga Plus, le titre débarque enfin en France. Alors, pourquoi ce titre fait-il autant parler de lui ? En quoi renouvelle-t-il le manga shônen ? Quels sont les éléments de son succès potentiel ?
Toutes ces questions méritent bien une critique à la lecture du premier tome. Alors, que vous soyez fan de combats de sabre, de sorcellerie, ou d’univers semi-traditionnel sous fond d’une histoire de vengeance, plongez avec nous dans la sombre histoire de Chihiro.

En résumé : c’est John Wick version samouraï
Très bref synopsis du premier tome, n’est-ce pas ? Cette image, gardez-la en tête, car c’est la volonté de l’auteur lui-même : écrire et dessiner une histoire de vengeance. On suit le jeune Chihiro, fils du plus célèbre forgeron du Japon, Kunishige Rokuhira, qui apprend le métier auprès de son père dans une maison isolée de tout. D’emblée on observe le père et le fils, après leur entrée dans la forge, où un lien harmonieux se crée dès le passage au martelage du fer, dont découle la création de katanas. Ceci à l’inverse des scènes domestiques, où l’on découvre un Chihiro taciturne, mais terre-à-terre face à son père, qui lui est dans son monde. Il y a aussi cet achat de trois poissons rouges : un noir, un rouge et un calico.
Ces deux phases, entre travail et vie domestique, rythment la vie des deux hommes, parfois interrompue par un certain Shiba, un ami de Kunishige. Ce dernier rappelle sans cesse au jeune garçon l’aura de son père, mis sur un piédestal, car ses sabres ont mis fin à la guerre de Seitei. Chihiro le sait bien et respecte son père. Il est déterminé à devenir un aussi grand forgeron que ce dernier.
Mais cette vie idyllique s’achève le jour où une organisation de sorciers, nommée Hishaku, débarque chez eux : la maison et la forge sont détruites, les sabres du maître sont volés et Kunishige est tué… Blessé au visage, détruit émotionnellement, le jeune Chihiro n’appelle qu’à une seule chose : la vengeance par la mort. Trois années plus tard, dans un train, on le retrouve, âgé de 18 ans, une balafre sur la partie gauche de son visage, toujours avec son regard impassible, le tout renforcé par une longue veste noire avec col, et armé de deux sabres. Une tenue digne d’un John Wick qui n’est mu que par la haine envers les meurtriers de son père. Accompagné de Shiba, il traque désormais ceux qu’il juge indignes de porter un sabre… en n’oubliant jamais Hishaku.
Cette chasse à l’homme l’amène à combattre les yakuzas, possiblement liés à cette organisation. C’est lors d’un premier face-à-face contre un clan de la pègre que notre héros déploie toute sa force avec Enten (Abîme Céleste), son sabre ensorcelé « habité » par les trois poissons de son adolescence. Chihiro nettoie littéralement un hangar rempli d’une cinquantaine de yakuza à lui tout seul.
Les cadavres, le sang et la haine règnent sur le passage de ce John Wick en samouraï, mais où est-ce que cette quête vengeresse va le mener ? Ça, on vous laisse le découvrir !
Takeru Hokazono, un auteur à l’image de Chihiro
Takeru Hokazano, l’auteur de Kagurabachi, est un lecteur assidu du Shônen Jump depuis son enfance. Son rêve était simple : se faire publier dans le magazine qui a éveillé son envie d’être mangaka. Il a grandi avec Naruto, qui l’a grandement inspiré pour ses premiers one-shots parus dans le Jump Giga, dont un nommé Enten. On remarque tout de suite l’inspiration pour le sabre de Chihiro. Mais quelle est l’origine de ce héros taciturne ? Les réponses se trouvent dans un échange avec l’éditeur de Hokazono.
Dedans, il évoque l’envie simple de l’auteur de concevoir une histoire de vengeance avec un « personnage tout en noir » pour renforcer son côté cool. Ainsi, Chihiro est conçu, et on l’observe bien dans ce premier tome, comme un personnage charismatique par son allure et son caractère. En ce qui concerne l’histoire de vengeance, c’est une sorte de défi pour le Jump, peu habitué à accueillir ce type de production. Les inspirations de l’auteur sont à rechercher, d’après son éditeur, dans les films dont il est féru : John Wick en tête et les films de Tarantino. Du côté de ses inspirations mangas, il faut se tourner vers Naruto, Chainsaw man, Ajin et L’Attaque des Titans. Après lecture du tome 1, on retrouve bien les diverses atmosphères de ses inspirations. Nous évoquions un défi pour le Jump : ce défi de jeunesse est amplement réussi pour ce lancement. Pourquoi le qualifier de jeunesse ? Cette histoire est d’abord la première sérialisation de l’auteur, d’autant plus à son âge : 23 ans.
D’autres auteurs à succès, comme Yukinobu Tatsu (le mangaka de Dandadan), sont passés par la case assistant pour apprendre le métier, puis se sont lancés dans des premières séries courtes avant d’exploser avec une série phare. Takeru Hokazano, lui, a débuté pendant la pandémie de Covid-19, durant son cursus universitaire, à l’aube de sa vingtaine. Repéré pour ses one-shots, dont le premier se nomme Enten (dont le nom est repris pour le sabre de Chihiro) et le second Farewell! Cherry Boy!, parus dans le numéro du printemps 2021 du Jump Giga. C’est durant cette saison que Enten gagne le 100e prix Tezuka : l’auteur a alors 19 ans.

Sa carrière lancée, il débute Kagurabachi dans le Weekly Shônen Jump en septembre 2023. La série est d’office un carton pour le Jump, dans sa version papier, mais aussi en ligne avec Manga Plus, que la Shûeisha détient. Le manga rafle les prix les uns après les autres. Il remporte les votes des lecteurs dans le sondage Manga Plus AX de 2024, face à Sakamoto Days et Blue Box. De même, lors du dixième Next Manga Award dans la catégorie imprimée pour l’année 2024. L’ascension de la série et de l’auteur sont à l’image de Chihiro.
Il débute sa quête vengeresse jeune, dès 15 ans, avant que le lecteur ne le retrouve autour de ses 18 ans. Sa jeunesse s’accompagne d’une force fracassante et déstabilisatrice pour ses adversaires. Comme son créateur, il arrive dans la place et il compte bien poursuivre son ascension. Or, qui dit jeunesse, dit apprentissage, mais aussi dépassement de soi et amélioration pour rester le meilleur. Là encore, il y a un parallèle entre l’auteur et son héros.
Même si sa série gagne en popularité sur tous les fronts, son auteur évolue et se perfectionne pour rendre son manga meilleur. Son éditeur témoigne d’un avant, avec ses one-shots, où il possédait des lignes et traits qu’il qualifie encore de « novice » et d’un après où il a rapidement mûri. Chihiro va-t-il suivre cette courbe de croissance et de perfectionnement ? Les dernières pages de ce premier tome laissent présager qu’il doit rapidement affiner son art du sabre et le mûrir à un autre stade, s’il veut accomplir sa vengeance…
Fan de films de vengeance et s’inspirant de mangas où la découpe et l’action règnent en maître, sur fond d’un univers bien sombre, on commence à percevoir un peu mieux le portrait de cette étoile montante du Jump. Le cadre étant posé, analysons les bases de ce premier tome…
Les ingrédients de cette nouveauté
Les personnages
Force de tous récits, d’autant plus pour un premier tome, sont la construction et l’écriture de ses personnages, que l’on peut diviser ici entre le héros principal d’un côté puis ses adjuvants et ses opposants.
Chihiro est construit d’emblée comme un personnage cool, charismatique par son attitude insaisissable et son regard énigmatique.

Des premières pages à l’épilogue de ce tome, son regard reste hermétique et imprime sa détermination à terrasser ses ennemis, qu’ils soient des yakuzas ou sorciers. Il voue un culte à la haine et sa balafre lui rappelle son objectif au quotidien. Néanmoins, derrière cet aspect dur, froid voire glaçant, se cache un jeune homme, dont la vie a été détruite le jour de la mort de son père. Lors du premier chapitre, nous sommes directement plongés dans sa vie d’adolescent apprenti forgeron et celle de son père. Un père qui l’a élevé et vit avec lui depuis son enfance, ce qui est rare pour un shônen d’où ils sont généralement absents. Il le respecte par-dessus tout. Ce respect, visible lors de la conversation avec Shiba, allège le récit et la noirceur du personnage, car il laisse transparaître l’amour d’un fils. En voulant respecter la « voie du sabre », telle qu’un forgeron la conçoit, et honorer sa vengeance, Chihiro est plus qu’un simple vengeur noir.
De plus, l’arrivée de son amie Char renforce la légèreté du personnage, car il est le seul à tenter de la comprendre en lui proposant de sortir : ils partent manger ensemble et discutent avant qu’il la protège face à un sorcier. Peu à peu commence à naître une forme de complicité, certes timide, mais présente, qui permet d’adoucir notre personnage principal. Ainsi, Chihiro paraît plus « humain » entre le début et la fin du tome. Il conçoit les émotions et le mangaka laisse une ouverture pour le développement de ces dernières. Sans oublier que cette rencontre signifie le lancement total de « l’arc 1 » du manga par la création de ce duo.
Côté puissance, un même schéma d’évolution est décelable entre le début et la fin. Endurci par l’apprentissage des arts de la forge, le jeune homme développe sa force brute après la mort de son père : trois années d’entraînement pour manier le sabre, en partant de zéro. Par conséquent, lors des premiers combats de Chihiro, au-delà de l’aspect graphique sublime, nous voyons l’amplitude de sa force conséquente, sans parler de la très belle maîtrise de son arme. Cependant, cet état de grâce accordée au personnage n’a pas vocation à perdurer, car il ne serait pas intéressant pour les lecteurs. En plus, cette maîtrise du sabre ensorcelé démontre sa force, oui, mais aussi un manque de technique, car il se repose totalement sur Enten. À la fin du tome, le futur duel entre Chihiro et Sôjô vient rebattre les cartes : deux personnalités vont s’affronter avec deux sabres ensorcelés du même forgeron. Ce combat, qui se déroulera dans le tome 2, forcera sans nul doute Chihiro à développer sa technique de sabre et renforcer ses techniques de combat. Toutefois, pour ce volet de développement, Chihiro peut compter sur ses proches : Shiba et Char.

D’abord Shiba, personnage introduit lors de l’enfance de Chihiro, est un des amis de son père et un vétéran de la guerre de Seitei. Il est l’un des grands « fans » de Kunishige. Affecté à la surveillance de la forge et à la protection de la famille Rokuhira, il n’arrive pas à temps pour protéger son père lors de l’attaque des sorciers. Après cet évènement, il a vraisemblablement recueilli Chihiro et l’accompagne dans sa quête de vengeance via la collecte d’informations. Derrière son caractère et ses répliques en décalage, on perçoit rapidement qu’il est assurément un bon combattant et sorcier. Cela provient de son ancienne affectation : membre du Kamunabi, une sorte de police secrète au service du gouvernement, chargée de l’ordre public. Pour l’instant, Shiba n’a pas déployé l’ensemble de ses talents, mais ses contacts, sa force brute et son intelligence des informations seront utiles à Chihiro.

En ce qui concerne Char, elle est l’un des rares personnages féminins de ce tome. Elle est petite, de constitution frêle, un peu tête en l’air, mais surtout très affamée ! Son introduction apporte de la douceur à l’aventure avec son caractère d’enfant et son envie de découvrir le monde, même si cela amène son lot de situations épiques ! Cette jeune fille, dernière survivante de son clan à l’instar de Chihiro, devient l’objet de la quête de ce dernier lorsqu’elle demande une protection face à un homme avec un sabre magique. Assurément, Char sera au cœur de l’intrigue du premier arc à cause de sa capacité de régénération, comme dans le développement émotionnel de notre personnage. Ainsi, ce personnage promet tant une histoire tragique, qu’une belle relation avec Chihiro dans le rôle d’un grand frère.

Enfin, pour clore ce bref aparté sur les personnages, il faut parler de Sôjô, le premier véritable antagoniste de Chihiro dans l’histoire. Certes, on voit assez tôt un membre d’Hishaku, associé au clan Kôrô. Toutefois, une confrontation prématurée n’aurait pas permis à Chihiro de développer ses capacités en vue de son affrontement avec ces sorciers. De la sorte, il convient d’ériger un intermédiaire pour permettre de passer par un palier : Sôjô. Trafiquant d’armes notoire, recherché par le Kamunabi, il est aussi à la recherche des sabres ensorcelés du père de Chihiro, dans le cadre d’une vente aux enchères de la pègre. La première fois que l’on voit Sôjô, c’est dans un bain d’hôtel accompagné de ses sbires et de geishas. On observe une folie dans son regard qui se confirme tout de suite après le traitement qu’il inflige à son subordonné. Cette dernière transparaît aussi pleinement dans son design : cheveux désordonnés et tombant sur les yeux, un regard livide en apparence, qui traduit une forme d’indifférence envers la mort, couplé à un amour du combat. Ce dernier trait est pleinement renforcé lorsque Sôjô sourit : il n’attend que de croiser le fer avec Chihiro. Le combat annoncé en fin de tome promet d’être au sommet pour notre protagoniste. Face à ce premier rempart qui se dresse devant lui, Chihiro devra se dépasser…
Après cette brève analyse des principaux personnages visibles dans ce premier tome, il convient désormais, d’évoquer l’univers dans lequel ils évoluent tous, étant donné que celui de Kagurabachi sort de l’ordinaire !
Portables, voitures, katana et magie : le décor exotique est planté
Des combats avec des katanas, le tout avec de la sorcellerie, vous vous attendez sûrement à un univers plutôt médiéval, vers l’époque Sengoku (1467-1600) ou durant l’époque Edo (1600-1868), où les samouraïs et les sabres étaient les rois de la société féodale, d’autant plus que le manga débute avec une scène dans une forge traditionnelle. Absolument pas !
Le manga dévoile un univers loin des clichés associés aux récits de capes et d’épées à la japonaise : pas de période Edo, ni de guerres civiles, pas de féodalisme, ni de shôgun ou de seigneurs. Cela sans compter l’autre facette de l’univers : la sorcellerie, qui évolue aussi dans le même environnement. L’auteur propose donc un univers très déconcertant pour ce type de récit. Alors oui, ce n’est qu’un premier tome, néanmoins les grandes lignes sont toutes posées et elles tiennent bon, tout en renouvelant le genre.

Chihiro évolue dans un monde où le sabre fait sa loi. Or, ce monde n’a pas de connotation médiévale, bien au contraire, on y retrouve des constructions à l’occidentale en briques, comme des immeubles, mais aussi de l’équipement contemporain : des voitures et des téléphones, donc de l’électricité. Ces éléments sont en corrélation avec les habitudes de vie « modernes » de la population : costumes et autres vêtements actuels, comme des tee-shirts, des chaînes de restaurants et trains. Nous sommes très loin de l’époque Edo… De plus, Tôkyô est la capitale du Japon de Kagurabachi ; anciennement Edo, Tôkyô ne prend ce nom qu’en 1868. Toutefois, le lecteur averti observera des éléments traditionnels, comme l’architecture de certains bâtiments en bois, principalement les toits, ou dans certains habits.
Takeru Hokazano propose par son œuvre un univers mixte, syncrétique, voire en symbiose entre des éléments traditionnels du Japon : sa culture du sabre et de l’occulte, et le postulat d’un pays pleinement moderne. Ce mélange est si intense que l’on se pose la question : de quoi s’est-il inspiré ? On pense rapidement à la période Taishô (1912-1926) où le Japon possède cet équilibre entre vie occidentale et vie japonaise : les kimonos côtoient les costumes et les tramways circulent aux côtés des pousse-pousse. Cependant, Takeru Hokazano va plus loin en nous présentant une forme « exotique » du Japon pour le lecteur occidental, car son œuvre évoque de manière sous-jacente cette fameuse phrase : « entre tradition et modernité ». En conséquence, on retrouve des éléments clichés comme les sabres ou les tenues, le tout dans une Tôkyô aux technologies contemporains comme le téléphone portable ou encore l’ordinateur, utilisées avec des technologie que l’on peut qualifier de vintages comme les voitures en elles-mêmes. Rajoutons par-dessus cela le prisme de la sorcellerie et on obtient un univers cohérent, propre au syncrétisme visible dans d’autres mangas, puissant et renouvelant le combat de sabre.

Fini les périodes historiques avec leurs guerres civiles et les récits de samouraïs, dans cette bulle temporelle aux allures d’un XIXe siècle compacté, le sabre fait toujours loi dans cette société japonaise hybride. Chaque combat, de sabres ou de sorcelleries, ressort d’autant plus impressionnant par la destruction engendrée sur les bâtiments et les civils : ce ne sont clairement pas de simples règlements de comptes dans une ruelle. L’univers d’Hokazano est à la fois fascinant et intriguant et ne demande qu’à être exploré davantage pour en comprendre les rouages, les codes et son histoire…
Un lore lointain, mais happant !
Si les personnages et l’univers de Kagurabachi sont les clés de cette future pépite, son histoire de fond garde en haleine le lecteur pour ce premier tome, même si elle n’est pas la priorité. Ce dernier se concentrant principalement sur les deux précédentes parties. Cependant, une sorte de toile est visible entre les mailles de ce prémice : le forgeron de légende, la guerre de Seitei et la sorcellerie.
Cet évènement majeur du monde de Kagurabachi est une guerre d’une rare violence qui s’est déroulée quinze années auparavant, où des sabreurs et des sorciers ont combattu. Oui, pour l’instant nous n’avons que ces éléments pour comprendre l’histoire passée de ce monde. En tout cas, cette guerre est la dernière connue avant le début de notre histoire, marquée par une période de paix due à un seul homme, selon Shiba : Kunishige Rokuhira.
À l’instar de cette guerre de Seitei, qui a quasiment plongé le Japon à sa perte, nous ne savons que très peu de choses sur le père de Chihiro : c’est un forgeron légendaire, créateur des sabres ensorcelés qui ont mis fin à cette guerre. Hormis ces éléments visibles dans le premier tome, nous ne savons ni ses origines, ni son histoire, ni comment il a pu mettre au point sa technique de forgeage légendaire. Néanmoins, la population japonaise le connaît très bien comme un héros.
Ce monde de Kagurabachi ne se limite pas aux sabres, il inclut également la sorcellerie. Outre Chihiro et Sôjô, aucun autre sabreur notable n’est apparu, laissant les sorciers comme principaux antagonistes. Leurs pouvoirs destructeurs varient : daruma explosifs, clonage, télépathie, etc., engendrant des combats surhumains. La magie n’est pas exclusive à certains ; elle est accessible à tous avec de l’entraînement. Chihiro utilise cette magie à travers Enten, son sabre catalyseur, exprimant sa volonté. La société n’est pas divisée entre initiés et non-initiés ; les sorciers travaillent pour les puissants et sont visibles de tous.
Ces premiers éléments de lore sont donc disséminés pour préparer la suite de l’histoire, car chaque sabre ensorcelé retrouvé sera une approche vers la quête de Chihiro. Par conséquent, la vengeance permet de remonter le fil de l’histoire de cet univers intriguant où une seule guerre a pu ancrer dans la loi, l’usage du sabre : que s’est-il passé pour provoquer cette guerre ? Est- ce une guerre civile, une agression extérieure ou un conflit entre États ?
Dans tous les cas, le lore de l’univers est plus opaque et intriguant qu’il n’y paraît, sans oublier l’organisation secrète Hishaku responsable d’un potentiel retour à l’état de guerre… Maintenant, il faut vous faire votre propre avis sur ce fil de fond à peine visible, pourtant bien présent.
Maintenant que tous ces éléments sont posés, terminons en tentant de répondre à cette question : « Mais alors, que vaut réellement Kagurabachi ?«
Alors, Kagurabachi, un manga entre Jujutsu Kaisen et L’Habitant de l’infini ?
Écrire et discuter autour de la construction de ce nouveau shônen sans évoquer les combats constituerait un crime ! Toutefois, ce manga est-il novateur face à d’autres histoires comme Jujutsu Kaisen, où l’occulte est omniprésent, ou encore L’Habitant de l’infini, où un certain Manji est impliqué dans une histoire de vengeance en combattant au sabre ?
Le premier tome de Kagurabachi démontre un potentiel incroyable avec ses scènes de combats puissantes, grandeur nature et cinématographiques. Chihiro et Enten forment un duo iconique dans le seul but d’accomplir une vengeance. Cette force de frappe, visible notamment lors de la scène de l’entrepôt, met en avant les capacités du sabre, surtout face aux sorciers poursuivant Chihiro et Char. Les duels, oscillant entre explosions et attaques au sabre, montrent la maîtrise de l’auteur, renforçant le charisme de Chihiro. Grâce à son sang-froid et à sa maîtrise d’Enten, le protagoniste offre un spectacle captivant, soutenu par le découpage habile des planches. Le trait de l’auteur, fin et simple pour les scènes banales, devient précis et détaillé lors des combats. On attend avec impatience le duel entre Chihiro et Sôjô dans le deuxième tome : Enten contre Kuregumo, promettant un choc entre technique et puissance brute !

Chihiro cherche à venger son père assassiné par un groupe secret, rappelant L’Habitant de l’infini où Manji, un rônin immortel, aide Rin à venger son père. Les deux histoires commencent de manière similaire avec des combats au sabre, mais Kagurabachi suit un chemin différent. Contrairement à L’Habitant de l’infini, destiné à un public mature avec un héros adjoint, Chihiro est le protagoniste principal en quête de vengeance. Les combats au sabre sont moins techniques mais plus cinématographiques, avec un style simple, utilisant une grande alliance de noir et blanc. Chez Samura, un pesanteur palpable accentuent la force des combats, tandis que dans Kagurabachi, la fluidité et le dynamisme prédominent, offrant une expérience globale du combat. Bien que Kagurabachi ne soit pas novateur dans l’usage du sabre et de la vengeance, la construction du récit et des personnages, ainsi que le dessin, transposent le sabre dans une autre dimension, encore plus spectaculaire que les récits historiques.

Concernant l’énergie occulte, elle est devenue un classique des shônens publiés en France : Jujutsu Kaisen ou DanDaDan ne sont que deux gros exemples. Dans Kagurabachi, cette dernière n’est qu’introduite dans ce premier tome pour montrer au lecteur sa force et sa domination sur la société de cet univers. Cependant, la force de ce manga se tient dans l’insertion pleine et entière de la sorcellerie dans l’univers et la société comparée à d’autres productions. Ainsi, il est encore trop tôt pour dire si son usage est novateur ou non.
En conclusion, que vaut Kagurabachi ? Ce premier tome ne lésine absolument pas pour capter l’attention du lecteur par la force brute, entre scènes d’actions dantesques, un style dynamique et cinématographique, plongeant le lecteur au cœur de chaque combat, qui sont les réels points forts de la série. Chihiro comme protagoniste s’éloigne des codes du héros de shônen et son design permet de le démarquer des autres. Le tout associé un univers riche et au potentiel de plus en plus happant : recherche des sabres, lore et histoire. Malgré un tome que l’on peut qualifier d’introductif avec l’ensemble de ces éléments, la série promet ! D’emblée, même s’il reprend des codes d’autres mangas, il s’en démarque dès le début pour proposer une forme hybride du shônen.


En bref, il est encore tôt pour dire si Kagurabachi s’élèvera au rang de pépite shônen en France, surtout par le biais d’un premier tome. L’œuvre rafle les votes et prix au Japon et du côté anglophone. Un anime est d’ores et déjà prévu pour surfer sur l’engouement crée par sa publication. Pour le moment, le premier tome sort le 14 février 2025, demain donc, avant de revenir avec un tome 2, le 18 avril et d’autres tomes avant la fin d’année. Kana mise sur cette étoile montante du Jump à juste titre, car il constitue une sorte d’OVNI par son récit, son histoire, son dessin et s’avère rafraîchissant en intégrant dans l’univers du shônen le thème de la vengeance.
Le savant mélange à la John Wick prend admirablement corps grâce au travail de Takeru Hokazono (pour rappel, c’est sa première série !) avec un personnage « cool », fort, mais qui a encore un grand potentiel à acquérir. Voici un manga aussi plaisant à lire pour ses scènes de combat, que pour son univers, qui ne peut que séduire les amateurs de mangas d’action. Foncez découvrir Chihiro et sa quête de vengeance !