[Archives JDJ] Conférence de Tsukasa Hôjô et Kenji Kodama à Japan Expo 11
Tsukasa Hôjô, l’auteur des séries Cat’s Eye, City Hunter, Family Compo ou encore Angel Heart, était l’invité d’honneur « manga » de la 11e édition de Japan Expo. Le mangaka est venu fêter ses 30 ans de carrière sur le salon.
Pour marquer le coup, il était accompagné du réalisateur Kenji Kodama, celui qui a adapté Cat’s Eye et City Hunter pour le petit écran. Les deux hommes ont participé à une conférence publique le dimanche 4 juillet 2010 justement axée sur ces deux animes.
Article publié à l’origine le 10 juillet 2010
Tsukasa Hôjô et Kenji Kodama nous ont confié quelques anecdotes sur l’histoire des adaptations animées Cat’s Eye et City Hunter, œuvres majeures du mangaka, au cours d’une conférence publique. Un échange qui nous a permis d’en apprendre plus sur la difficulté d’adapter du City Hunter à l’écran et de découvrir l’humour des deux invités. Impossible de se tromper, il s’agit bien des créateurs de Ryô Saeba.
C’est à la fin de cette conférence donnée sur la scène principale de la 11e édition de Japan Expo que les fans français ont pu voir maître Hôjô dessiner en direct le visage de Ryô Saeba, notre héros mythique des années 80.
Quand vous avez découvert les images du générique de Cat’s Eye (différent en France, ndlr), très sexy et pourtant diffusé dans tout le pays, qu’avez-vous pensé ?
Kenji Kodama : Je n’étais pas encore dans l’équipe de production au moment de la création de ce générique, quand je suis arrivé il était déjà prêt. Mais je me souviens qu’en le voyant je m’étais demandé s’ils avaient le droit de faire quelque chose d’aussi sexy… (Rires)
D’après la rumeur, un générique encore plus sexy existe, mais a finalement été censuré par la production…
Tsukasa Hôjô : Oui, c’est vrai. Dans la version que l’on connaît, quand Hitomi relève ses cheveux en arrière, elle est en maillot. Or dans la première version elle n’avait même pas de maillot ! (Rires)
Kenji Kodama : Je n’étais pas au courant que cette version existait. Aujourd’hui, il existe sûrement des coffrets DVD où on peut retrouver ce générique en bonus ?
Nous avons demandé à la société Tokyo Movie Shinsha de nous montrer cette version, mais elle se refuse à le faire…
Kenji Kodama : Mais moi non plus je ne l’ai pas vu !
Quelles ont été vos impressions lorsque vous avez vu le 1er épisode de City Hunter, c’était ce à quoi vous vous attendiez ou c’était encore mieux ?
Kenji Kodama : Entre Cat’s Eye et City Hunter, nous avons changé de maison de production. Nous sommes passés de TMS au studio Sunrise. J’avais quelques appréhensions, les couleurs allaient par exemple peut-être être différentes… Et quand j’ai découvert les images de City Hunter j’ai été étonné de retrouver les mêmes couleurs, la même qualité d’impression. En fait, une partie de l’équipe qui avait travaillé sur Cat’s Eye a travaillé sur City Hunter.
Quand il a fallu rendre le « mokkori » (érection en français, ndlr) de Ryô dans le dessin animé, comment s’est faite la prise de décision ?
Kenji Kodama : On en a pas vraiment parlé, mais pour l’anime nous avions conscience que ça pouvait être vu par des enfants. Au lieu de refaire exactement comme l’original, nous avons essayé de l’adapter de manière plus subtile. Ryô est un personnage très expressif, parfois dur à retranscrire. Nous avons cherché à exprimer le « mokkori » par le mot « mokkori », en jouant sur l’intonation de la voix du comédien de doublage plus que par l’image.
Tsukasa Hôjô : Je vais vous raconter une anecdote que même M. Kodama ne connaît pas. Au départ, quand il y a eu la question d’adapter le manga en anime, les producteurs de la série TV voulaient vraiment diffuser le « mokkori » tel quel dans la version animée. C’est les éditeurs et moi-même qui avons souhaité limiter cette diffusion. Nous avons beaucoup discuté et trouvé cet autre moyen d’expression (cité ci-dessus).
Quelle a été votre réaction quand « My City » (nom de référence utilisé dans le manga donc, ndlr) est devenu « Lumine Est » ?
Note : Le bâtiment Lumine Est, anciennement My City, se situe à Shinjuku devant la sortie Est de la gare. C’est généralement là que les Japonais se donnent rendez-vous pour aller à Kabukichô. Dans City Hunter, ceux (plutôt celles) qui font appel à Ryô doivent laisser un « XYZ » sur le tableau des rendez-vous précisément à cet endroit.
Tsukasa Hôjô : J’étais vraiment déçu.
Il faut savoir que chaque jour des employés de la gare devaient effacer des « XYZ » sur les tableaux de rendez-vous…
Tsukasa Hôjô : Avec le succès du manga et du dessin animé, j’imagine que sur tous les tableaux on en trouve !
Même si le héros de City Hunter est un homme, les femmes ont une place très importante dans votre œuvre. Ce n’est pas trop dur de dessiner des jolies filles ?
Tsukasa Hôjô : Je suis très content que vous les trouviez jolies, mais c’est une question de goût. Peut-être que certains ne les aiment pas du tout. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Ola du public.
Ryô est un personnage complexe, qui change plusieurs fois d’humeur en très peu de temps. M. Kodama, il n’a pas été trop difficile à animer ?
Kenji Kodama : Les dessins de M. Hôjô sont effectivement très réalistes et recherchés. On s’est vraiment demandé si on pouvait faire quelque chose de comique avec des dessins aussi réalistes. En plus, Ryô n’est pas capable de garder son sérieux plus de 2 minutes, donc nous nous sommes posés la question… Mais nous avons pris beaucoup de plaisir à le faire, et en plus il a eu beaucoup de succès, donc nous sommes très contents.
Les génériques du dessin animé City Hunter correspondent parfaitement à l’univers de la série, notamment Get Wild. Comment s’est passé le choix des titres ?
Tsukasa Hôjô : La première fois que j’ai entendu Get Wild, c’était chez moi, la production m’avait envoyé la cassette. Quand j’ai écouté les premières notes, je me suis dit que, quand même, ça ressemblait à un air que je connaissais, que ce n’était peut-être pas une mélodie originale, que la personne l’avait volé à quelqu’un d’autre et que ce n’était pas bien. J’étais septique. Et quand je me suis rendu compte qu’en fait, la chanson proposée était écrite par le même compositeur (TM NETWORK), je me suis dit, ouf, tout va bien !
Le groupe de pop-rock TM NETWORK a travaillé sur 3 chansons, deux sous le nom du groupe et une sous le nom de l’un de ses membres, Tetsuya Komuro (Running to Horizon). Pouvez-vous nous parler de cette collaboration ?
Discussion entre Kodama et Hôjô sur les génériques qui ont été utilisés et qui ne se souviennent plus des noms précis des titres.
Kenji Kodama : On voulait commander un second générique à TMN pour City Hunter, en se demandant s’ils allaient accepter. Ils nous ont dit que le premier était incontestablement la source de leur succès et c’est donc avec plaisir qu’ils ont accepté de recommencer.
Mais c’est vrai que c’est encore le même compositeur (Takashi Utsunomiya, l’un des membres de TMN, ndlr) qui a écrit la musique du film avec Jackie Chan dans sa version japonaise.
Puisqu’on parle du film City Hunter, dont le rôle de Ryô a été attribué à Jackie Chan, qu’en avez-vous pensé ?
Tsukasa Hôjô : L’œuvre principale reste le manga. Le dessin animé, c’est encore autre chose, et le live j’en suis très détaché. Je ne m’y intéresse pas énormément. C’est vrai qu’une adaptation au cinéma de City Hunter pouvait faire plaisir aux fans, en plus avec un acteur bien connu du grand public. Mais en fait le film a été tourné à Hong-Kong, et quand j’y suis allé les fans m’ont demandé pourquoi j’avais choisi Jackie Chan, qui n’était d’après eux pas terrible, ni très beau, et là je me suis dit que je n’aurais peut-être pas dû donner mon accord !
Vous êtes un des rares auteurs qui a vu ses deux principaux mangas adaptés au cinéma, puisque Cat’s Eye aussi a connu un live…
Tsukasa Hôjô : Oui, c’est vrai.
Ça a permis surtout de découvrir l’actrice Norika Fujiwara dans l’un de ses premiers films, et elle est assez populaire au Japon aujourd’hui.
Avez-vous pris le temps de regarder les épisodes de City Hunter ?
Hôjô et Kodama : Oui on regardait !
Y’a-t-il eu des éléments dans l’anime qu’il n’y avait pas dans le manga et dont vous auriez aimé avoir l’idée ?
Tsukasa Hôjô : J’ai surtout pris conscience du décalage, de la différence de timing entre le manga et l’anime. Je suis très influencé par le cinéma et j’aime dessiner des mangas comme si je faisais un film. Mes plans sont donc travaillés comme si je cherchais à placer une caméra. Les maisons d’édition m’ont souvent dit que faire une succession de tel ou tel plan n’était pas crédible, et j’ai eu souvent du mal à comprendre ces critiques. Mais en regardant les animes, je me suis rendu compte que, comme c’est quelque chose qui roule dans le temps, il y avait un mouvement, on pouvait changer de plan à chaque instant. Et j’ai repris conscience de la différence entre les deux, ce qui était possible dans l’un et dans l’autre.
Pourquoi une Mini Cooper ? (Rire)
Tsukasa Hôjô : Dans une ville comme Tôkyô avec beaucoup d’embouteillages, rouler dans une Mercedes semblait un peu compliqué, contrairement à la Mini qui pouvait se faufiler dans les petites rues. Et c’était rigolo de mettre un Ryô très grand dans une toute petite voiture… La Mini de l’animé bouge bien n’est-ce pas ?!
Kenji Kodama : J’aime beaucoup les voitures et c’est le rôle du réalisateur d’associer le personnage et sa voiture et de les faire tourner à la même vitesse. Ça a été un vrai plaisir de pouvoir mettre Ryô dans une Mini.
Tsukasa Hôjô : Dans les premiers épisodes de City Hunter, la Mini roule dans tous les sens. Je me suis rendu compte qu’elle ne roulait pas tant que ça dans les derniers épisodes ! (Rires)
Où Kaori cache-t-elle tous ses marteaux ? (Rire)
Tsukasa Hôjô : Dessiner la réalité dans le manga, ce n’est pas toujours intéressant. Il est parfois difficile de transmettre quelque chose par du réalisme. Les marteaux n’existent évidemment pas mais la colère de Kaori est proportionnelle au poids indiqué dessus !
Une fois j’ai vu qu’elle sortait le marteau de son petit sac à main… Quand j’ai vu ça, ça m’a fait beaucoup rire ! (Rires)
Auriez-vous chacun un message à transmettre au public ?
Kenji Kodama : City Hunter est une œuvre qui peut être comprise par tout le monde et dans chaque époque, et je suis content de voir qu’un public aussi jeune aime encore cette série. Ça me touche énormément et je vous en remercie.
Tsukasa Hôjô : Je me sens un peu bizarre face à tant de fans, avec un accueil si chaleureux, je ne comprends pas pourquoi, là, aujourd’hui, je suis assis sur une chaise avec un micro pour parler à tant de personnes, sachant que j’ai fait City Hunter il y a plus de 20 ans. À ce moment là je ne pensais pas que je serais à Paris aujourd’hui, j’ai du mal à le réaliser, comme si c’était un rêve. Mais c’est la réalité, et merci de m’avoir suivi pendant tant d’années.
Le public doit ensuite choisir entre un dessin de Cat’s Eye ou City Hunter et c’est Ryô Saeba qui l’emporte (malgré l’engouement du public pour les femmes de Hôjô). Pendant que Tsukasa Hôjô se met à dessiner le visage de Ryô Saeba, quelques questions sont posées à Kenji Kodama.
Qu’avez-vous comme voiture ?
Kenji Kodama : Une « Lexus », j’ai toujours le premier modèle sorti il y a 20 ans.
Vous êtes un grand fan du travail de M. Hôjô…
Kenji Kodama : Je suis un très grand fan, même si je ne peux pas dire que je suis le plus grand, mais je suis au moins dans les 5 premiers ! En tout cas, je suis sûrement le seul à pouvoir créer une animation à partir de ses mangas.
…comment se passait la réalisation d’un épisode de City Hunter ?
Kenji Kodama : En tant que fan de Hôjô, je devais absolument faire attention à ne pas décevoir les fans. Je me suis appliqué, j’ai cherché à rester le plus près possible du manga sur la première saison, puis j’ai réussi à me détacher de la version originale et j’ai pris quelques libertés par rapport à ce que je pouvais ressentir.
Qu’est-ce qui vous a plu dans l’univers de Hôjô : le dramatique, le comique, les femmes, les hommes ?
Kenji Kodama : Les femmes sont effectivement très jolies. C’était bien parce qu’il y en avait beaucoup et à chaque nouvel épisode, on devait appeler une nouvelle seiyu (comédienne de doublage, ndlr). J’étais ravi de les accueillir (rires). Mais vers la fin, on avait plus beaucoup d’actrices donc on a dû prendre des femmes plus mûres et j’étais un petit peu déçu ! (Rires)
On peut dire que Ryô est un sex-symbol ?
Kenji Kodama : Le personnage de Ryô est celui que j’aime le plus. C’est un sex-symbol, oui, un beau gosse. Je peux lui demander de faire tout ce que moi je ne peux pas faire comme draguer les femmes, tuer des méchants, etc. Donc je me sentais assez bien à cette époque ! (Rires)
Qu’est-ce qui a été le plus dur à rendre à l’image ?
Kenji Kodama : Faire vivre les personnages de Hôjô est une tâche très difficile car son dessin est très réaliste et compliqué. On s’est tué à le faire !
Tsukasa Hôjô (qui vient d’achever son dessin) : J’ai encore voulu faire difficile et je me suis raté…
Évidemment, peu importe ce que pense M. Hôjô de son dessin, le public est aux anges et se précipite appareil photo ou téléphone portable en main pour mitrailler le maître à côté de son héros. Laissant l’auteur sur un grand moment d’émotion.
Pour aller plus loin :
Notre compte rendu de la visite de Tsukasa Hōjō à Japan Expo 2010