JK Haru – Sex Worker in Another World : un isekai qui fait la différence

S’il existe bien un genre de manga qui est surreprésenté, c’est celui-ci : l’isekai. Le principe de base n’est pas inintéressant, mais il amène régulièrement à certaines dérives et à l’utilisation de certains clichés qui peuvent facilement être lassants. Pourtant, parmi tous les titres disponibles, il y a en un, plus discret, que vous devriez absolument découvrir. Mais attention, ce n’est pas un titre à mettre entre toutes les mains, surtout pour les plus jeunes. Laissez nous vous présenter JK Haru – Sex Worker in Another World, aux éditions Meian.

JK Haru - Sex Worker in Another World : l'isekai n'est pas ce que vous croyez

Ah, le monde merveilleux des isekai

Beaucoup a déjà été dit sur cette pirouette scénaristique qui permet à un auteur d’offrir à un personnage à une nouvelle vie. Cette seconde chance est souvent accessible soit après une mort plus ou moins violente (généralement le personnage est renversé par une camionnette), soit par une invocation depuis un autre monde. Il peut également s’agir, comme c’est le cas dans Sword Art Online ou Shangri-La Frontier, de l’entrée volontaire du dit-personnage dans un autre monde par un moyen, peu importe lequel. Cela étant, la finalité reste la même : vivre une nouvelle vie dans un autre monde tout en gardant ses souvenirs de son monde d’origine.

Certains titres sont connus pour être très particuliers, comme c’est le cas de Reborn as a vending machine chez Vega Édition. Tandis que d’autres s’amusent des nombreux clichés persistants dans le monde du manga pour se faire un nom et dans ce cas-là, on peut par exemple penser à Konosuba – Sois Béni Monde Merveilleux aux éditions Meian. Mais au milieu de la pléthore de titres disponibles, il en existe quelques-uns qui se démarquent pour le sérieux de leur histoire. Et à ce jeu-là, vous pourriez être surpris de ce qu’un isekai peut vous proposer. C’est le cas d’un titre de la collection Daitan de chez Meian : JK Haru – Sex Worker in Another World.

De quoi ça parle exactement ?

Tiré d’un roman non édité chez nous, JK Haru – Sex Worker in Another World est un manga en sept tomes créé par Ko HIRATORI (scénariste) et J-Ta YAMADA (dessin). L’histoire commence de manière assez classique : nous rencontrons Haru KOYAMA, une lycéenne tokyoïte comme il en existe tant, qui, après avoir été percutée par un camion, se retrouve dans un monde fantasy/médiéval. Et qui dit monde médiéval, dit aussi monde régit par les hommes, pour les hommes.

Pour survivre, très peu d’options qui s’offrent à elle. Même si elle avait hérité d’un skill surpuissant (ce qui n’est pas le cas), les femmes ne sont pas autorisées, ici, à combattre. Si elles peuvent éventuellement aller sur le champ de bataille, c’est uniquement en qualité de prêtresse et donc de heal, mais elles doivent forcément être accompagnées d’un homme. Haru n’a alors qu’une seule solution devant elle : intégrer la taverne du Chat Bleu Nocturne qui est également…une maison de passes. Notre jeune adolescente indépendante venue tout droit du monde moderne se retrouve ainsi à devoir user de ses charmes et de son corps si elle souhaite survivre. Bienvenue dans JK Haru – Sex Worker in Another World, un manga où la femme a autant de droits qu’un meuble, mais qui, vous allez vite le comprendre, va vous secouer et vous remettre les idées en place.

Pour survivre, Haru n'a qu'un seul choix
Dans ce nouveau monde, Haru n’a que très peu de possibilités qui s’offrent à elle. Elle intègre donc la taverne du Chat Bleu Nocturne, qui est également une maison de passes.

Une adolescente dans une maison de passes : une opportunité scénaristique ?

Effectivement, le contexte de notre rencontre avec Haru est loin d’être tendre et pourrait vous décourager à continuer votre lecture. Néanmoins, ne vous y fiez pas. Dans les premiers tomes, le duo d’auteurs aborde la situation de notre protagoniste avec une légèreté déconcertante. Car après tout, ne dit-on pas qu’il n’y a pas de sous-métier ? Plusieurs hypothèses peuvent expliquer cette contradiction, entre le traitement scénaristique de la situation et la réalité du métier.

  • La première : les deux mangakas sont des hommes et ils peuvent être victimes de certains biais qui vont influencer l’image qu’ils ont de ce qu’est réellement une maison de passes. En gros, il n’est pas impossible qu’ils transposent leurs propres illusions/fantasmes dans leur manga.
  • La deuxième : cette contradiction est voulue et va justement permettre d’accentuer la dureté de l’histoire, mais également mettre en valeur la résilience de Haru. Elle ne peut pas retourner dans son monde d’origine, donc pourquoi ne pourrait-elle simplement pas apprivoiser ce nouveau monde et le faire sien ?

Concentrons-nous davantage sur cette seconde hypothèse.

Une histoire en apparence légère jusqu’à ce que…

Comme dit précédemment, les premiers tomes de JK Haru – Sex Worker in Another World sont d’une légèreté extrêmement déroutante. Une légèreté qui se ressent même à travers le dessin. J-Ta YAMADA nous propose en effet un dessin rond, chaleureux, vivant. Le manga est parsemé de moments quotidiens d’une banalité impressionnante, comme lorsqu’on voit trois amies assises autour d’un thé en terrasse discuter de leurs histoires de cœur.

Un dessin au service de l'histoire
Côté dessin, JK Haru – Sex Worker in Another World peut se vanter d’avoir un dessin extrêmement bien maîtrisé qui est au service de son histoire.

Haru s’est vraisemblablement très bien, peut-être même trop bien, acclimatée à sa nouvelle vie. Elle est souriante, elle a rencontré de nouvelles personnes, a réussi à se faire des amies et semble apprécier sa nouvelle condition. Mais ça, c’est en apparence. Car derrière son grand sourire, Haru peine à réellement trouver sa place, elle qui avait l’habitude d’être si indépendante, de ne jamais avoir besoin de l’autorisation ou de la protection d’un homme. Son statut d’être humain lui a été retiré. Elle est au service des hommes. Elle n’est là que pour les satisfaire.

Et c’est précisément ce contraste qui est perturbant à la lecture. L’adolescente parvient à donner le change incroyablement bien et à nous plonger dans une sorte d’illusion où, finalement, la vie qu’elle mène n’est pas si mal. Elle nous donnerait presque envie de la rejoindre. Il sera même question, pour l’une de ses collègues et amie, d’une histoire d’amour avec un beau et gentil soldat, seul moyen pour une fille de joie de quitter sa condition et d’enfin retrouver le « droit chemin« . Une romance qui va accentuer le contraste. Haru veut y croire. Son amie veut y croire. Nous, lecteurs, voulons y croire. Nous voulons notre happy end dans ce monde de violence et d’inégalités. Mais entre ce que nous souhaitons et ce que les mangakas ont prévu pour la suite de l’histoire, il y a un fossé profond. Un fossé qu’il va nous falloir franchir pour réellement prendre la mesure de ce qu’est réellement JK Haru – Sex Worker in Another World.

Une histoire légère, vraiment ?
Lorsqu’on lit les premiers tomes du manga, nous sommes confronté à une étonnante légèreté. Mais cet élément scénaristique va vite se transformer en cauchemar.

Un manga aux allures féministes ?

Revenons aux codes qui composent le genre des isekai. Pour qu’un manga soit un isekai, le premier prérequis reste le passage dans un autre monde. Mais il n’est pas rare qu’entre l’ancien et le nouveau monde, le personnage principal se retrouve à faire face à l’équivalent d’une divinité. Cette dernière va ainsi proposer à l’élu d’obtenir un don censé lui faciliter grandement la vie. Ce don est généralement un détail important du scénario et peut faire office de fil rouge dans l’histoire. Mais dans JK Haru, l’adolescente n’a jamais eu ce privilège. Contrairement à Chiba, son camarade de classe, qui, en essayant de sauver Haru dans le monde moderne, s’est, lui aussi, retrouvé dans ce monde. Ce dernier est devenu surpuissant mais n’a qu’une seule idée en tête : en faire le moins possible pour en profiter au maximum. Lui, qui, dans un autre manga, aurait été le personnage principal, est donc un personnage secondaire qui va permettre à Haru de mieux comprendre le monde qui l’entoure. Il va devenir les yeux et les oreilles de notre protagoniste.

Pourtant, tout au long de la lecture de JK Haru – Sex Worker in Another World, si la place de la femme au sein d’une société patriarcale est évidente, il y a une seconde lecture que vous ne devriez surtout pas manquer. Les ruses et les astuces employées par ses femmes pour réussir à se faire une place. On va donc voir Haru s’engouffrer dans une faille juridique pour participer à une compétition sportive ou encore la voir s’installer simplement sur un banc pour discuter avec deux amies. Et si ces différentes anecdotes peuvent vous sembler normales, il n’en est en réalité rien. Car à chaque fois, Haru doit supporter les regards désapprobateurs des passants. Mais ce manga étant un isekai, le véritable rôle d’Haru, son vrai destin, ne se trouve pas là.

Dès la fin du troisième tome, l’ambiance change. Le plot twist n’est pas loin et nous le devons à un seul et unique personnage : un commandant détaché de la capitale venu prendre la tête de la garnison d’à côté. Son entrée en scène va permettre à Ko HIRATORI de transformer la légèreté prédominante en véritable horreur, progressivement.

Un jour le commandant va littéralement faire vivre le pire à l’une des amies de Haru. L’adolescente proposera par ailleurs un marché à ce tyran machiste et misogyne dans l’unique but de venir en aide à son amie, qui rêvait simplement d’une histoire d’amour avec son soldat. La tournure des évènements va être si horrible, si dramatique, que Haru ne va pas avoir d’autre choix que de se révéler, enfin. J-Ta YAMADA réussit à être explicite juste ce qu’il faut pour que notre imagination fasse le reste. Pour que ce ne soit pas lui qui impose sa vision des évènements, mais nous, qui vivions l’horreur de ce que Haru peut endurer.

C’est à la suite de cette partie de l’histoire que nous découvrons que notre protagoniste est, malgré tout ce qu’on nous essaye de nous faire croire depuis le début, un personnage over cheaté d’isekai. Car si Chiba est surpuissant, Haru, elle, est l’héroïne dont ce monde pourrait bien avoir besoin et elle a bel et bien obtenu un skill ultime (à vous de le découvrir !) qui lui permettra de se venger des soldats qui les ont piétiné, elle et son amie, avant de retrouver sa vie au sein du Chat Bleu Nocturne. Une vie qui ne sera plus jamais la même car Haru se retrouvera désormais à la croisée des chemins.

Précisons enfin que, contrairement à de nombreux isekai qui peuvent durer sur la longueur, ce manga ne compte que sept tomes. Sept tomes extrêmement intenses, mais rondement menés, bien qu’on aurait beaucoup apprécié de connaître la suite de la vie de Haru. Cela étant, les auteurs ont choisi de terminer le manga sur une fin ouverte en disséminant des indices ici et là de ce que pourrait bien être le futur de l’adolescente.

S’il peut effectivement paraître difficile de passer le cap d’un synopsis initial de JK Haru – Sex Worker in Another World, ce manga de chez Meian reste néanmoins une lecture que beaucoup d’entre nous devraient découvrir. Un sujet difficile, un scénario bien maîtrisé et un dessin au service de l’histoire font de ce titre un must-to-read, en dépit de sa discrétion médiatique.

Essayez-le, donc et revenez nous dire ce que vous en avez pensé en commentaire !

Juliet Faure

Tombée dans la culture japonaise avec le célèbre "Princesse Mononoké" de Miyazaki, je n'ai depuis jamais cessé de m'intéresser à ce pays. Rédactrice chez Journal du Japon depuis 2017, je suis devenue la yakuza de l'équipe. Plutôt orientée RPG et Seinen, je cherche à aiguiser de nouvelles connaissances aussi bien journalistiques que nippones.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


Recrutement : en 2025, sortez votre plume, et rejoignez-nous !

Vous aimerez aussi...

Verified by MonsterInsights