Festival Hanabi, un florilège de films à voir

Le Festival Hanabi, véritable vitrine du cinéma japonais contemporain, est devenu un rendez-vous incontournable pour les amateurs de culture nippone et les cinéphiles curieux. « Hanabi », qui signifie « feux d’artifice » en japonais, symbolise l’esprit du festival : de la créativité, des émotions et de la diversité. Le fil conducteur des films présentés reste tout de même la société japonaise et ses nombreux codes, ainsi que les défis qu’elle pose. Organisé chaque année dans des salles de cinéma en France, l’événement propose une sélection de films mettant en lumière des réalisateurs connus et d’autres moins qui émergent dans le monde du cinéma.

L’édition 2024 s’est tenue dans des lieux divers et variés, de Paris à Mont-de-Marsan et a réuni une programmation riche et variée, entre drames, comédies, récits et même documentaire. Plus qu’un simple festival de cinéma, Hanabi est une invitation à voyager à travers, les paysages et les valeurs du Japon d’aujourd’hui, le tout dans une ambiance chaleureuse et conviviale. Journal du Japon vous propose la critique de cinq films projetés sur les sept proposés, pour vous donner sans aucun doute, l’envie de les voir aussi !

Le Jardin Zen -Naoko Ogigami

Synopsis : « Luxe, calme et volupté. Tout va pour le mieux dans la vie parfaitement réglée de Yoriko et de tous ceux qui, comme elle, ont rejoint la secte de l’eau. Jusqu’au jour où son mari revient à la maison après de nombreuses années d’absence, entraînant avec lui une myriade de problèmes. Rien, pas même ses plus ferventes prières, ne semble restaurer la précieuse quiétude de Yoriko…Avec tout cela, comment faire pour rester zen ? »

Il s’agit du tout premier film de Naoko Ogigami distribué en France : une comédie noire, mettant en scène le quotidien d’une femme seule au Japon et qui souhaite le rester. Le public ressent la pression de la société japonaise sur les mères et épouses, qui se doivent d’entretenir un foyer, de le sublimer, tout en paraissant parfaites aux yeux de l’extérieur.

Dans ce film, Yoriko, joué par Mariko Tsutui, porte le spectateur d’un bout à l’autre. Cette dernière brille par son jeu et incarne à la perfection cette femme quittée devant assumer son fils seule. Son quotidien se résume à l’entretien de sa maison et à son travail de caissière au supermarché. Yoriko a trouvé refuge dans une secte, aux principes de vie purs à l’image d’un jardin zen. L’actrice a récréé chez elle ce paysage, qu’elle entretient avec précision chaque jour. Cette métaphore est à l’opposition de sa situation, une femme brisée qui cherche la paix. Cependant, le retour de son mari va tout bouleverser, ainsi que celle de son fils, qui lui amène sa compagne. Les angoisses de Yoriko ressurgissent et mettent à mal sa tranquillité.

Toute cette histoire se déroule dans un univers lumineux, mais cloisonné, zen, mais oppressant. Le rythme est lent, le moindre détail est travaillé en s’appuyant sur les expressions des acteurs et leurs dialogues. L’humour est toujours sur le fil, apportant une légèreté à des sujets lourds. Ce choix de réalisation s’avère payant dans les scènes humoristiques et touche le spectateur, mais révèle quelques lourdeurs. En effet, certaines scènes s’attardent sur des détails peu importants et auraient pu être écourtées pour gagner en efficacité.

La scène finale, sublime, conclue le film d’une lueur d’espoir pour l’avenir, mettant en avant une note de liberté.

Egoist – Daishi Matsunaga

Synopsis : « Éditeur dans la mode, Kôsuke est d’une élégance insolente. Obsédé par son apparence, il embauche Ryûta, un garçon simple, comme coach sportif personnel. Au fil de leurs entraînements, des sentiments de plus en plus passionnés se développent entre les deux hommes, jusqu’au jour où Ryûta disparaît brusquement… »

Ce film aborde un sujet de plus en plus exploré dans la société japonaise, mais qui reste encore profondément tabou : l’homosexualité. Cependant, ce thème n’est pas ce que l’auteur traite en priorité. Ici, on parle d’amour propre et d’amour pour les autres, mais aussi de solitude et de quête identitaire. Daishi Matsunaga aborde ces sujets à travers la relation entre Kôsuke un homme qui a réussi dans sa vie professionnelle, mais qui cherche le grand amour et Ryûta, un jeune homme qui se cherche et qui tente de s’en sortir financièrement.

Kôsuke, joué par Ryohei Suzuki, est le personnage autour duquel tourne l’intégralité du film. Il se sent seul, triste depuis le décès de sa mère, et il cache son homosexualité à son père. Lorsque Ryûta apparaît dans sa vie, Kôsuke va tout faire pour acheter et garder cet amour, avec de l’argent et de nombreux cadeaux. Cette maladresse trahit son envie d’être tout simplement aimé.

La palette des émotions représentées dans ce film est étonnement large et bien traduite, malgré des dialogues de la vie de tous les jours parfois superficiels. Les scènes entre les deux hommes sont authentiques, simples et pures. Elles traduisent une différence sociale, dans les gestes et dans les moments les plus intimes. Le choix de mise en scène est particulièrement bien choisi dans ces moments explicites.

Cependant, si Egoist séduit par son sujet et la qualité de ses interprétations, son dénouement laisse un goût d’inachevé. La dernière partie du film, bien qu’émotionnellement puissante, bascule dans un mélodrame qui, au lieu de sublimer l’histoire, ajoute une lourdeur au scénario. La disparition de Ryûta, notamment, aurait pu être davantage explorée. Au lieu de cela, le réalisateur insiste sur la relation que Kôsuke met en place avec la mère de Ryûta. Le dénouement final reste très attendu. Malgré cela, ce film ambitieux demeure profondément humain et nous délivre un jeu d’acteur bouleversant.


Le joueur de Go – Kazuka Shiraishi


Synopsis : « Ancien samouraï, Yanagida mène une vie modeste avec sa fille à Edo et dédie ses journées au jeu de go avec une dignité qui force le respect. Quand son honneur est bafoué par des accusations calomnieuses, il décide d’utiliser ses talents de stratège pour mener combat et obtenir réparation… »

C’est un voyage au cœur d’Edo que nous propose ce film, un hommage aux samouraïs et au jeu très populaire à l’époque, et toujours célèbre aujourd’hui : le jeu de go. Ici, peu de combats, mais un code d’honneur bien présent et une société japonaise codifiée avec les valeurs de l’époque. Ce film très visuel offre des décors subtils, des costumes soignés et un scénario qui fait plonger le public dans le quotidien des personnages.

Le jeu de go, un jeu de stratégie sur damier, fait ici parti de la trame narrative et constitue le fil conducteur de ces deux heures de film. Au-delà de son aspect loisir et culturel, il représente la stratégie, les luttes entre les classes et celles des personnages. Sans rien connaître aux règles du jeu, on se retrouve fascinés et intrigués à chacune des parties. Le personnage principal, un samouraï devenu rônin (sans maître) dont le passé le hante de par son injustice, est un homme attaché au code de son statut et présente des sentiments subtiles et discrets tout au long du film. Sa relation avec sa fille Okinu est pleine de respect mutuel et de tendresse. C’est un protagoniste attachant, dont le destin va être bousculé au cours de l’histoire.

Le film interroge aussi sur les principes non compatibles avec la société, comment concilier les deux ? Ces codes amène le personnage principal à faire des choix, mais parfois aussi, à les remettre en question. Le récit se divise en deux grandes parties : la première, plutôt calme et paisible, pose le cadre et entretien les relations entre les personnages. La seconde, plus dynamique, met en scène un samouraï tourmenté en quête de justice. Les personnages secondaires ne sont pas en reste dans le récit et tous apportent une profondeur, avec un casting impressionnant et une justesse de jeu sans aucune faute, le tout dans une mise en scène qui tend vers la poésie.

Le joueur de Go est bien plus qu’un film historique. C’est une œuvre qui offre une réflexion sur l’honneur et les relations humaines. Fidèle à l’époque Edo, le film offre cependant une forme de modernité dans le scénario, tout en offrant une profondeur sur les différents thèmes abordés.

Jusqu’à l’aube – Sho Miyake


Synopsis : « Misa et Takatoshi sont collègues dans une petite entreprise d’instruments scientifiques pour enfants. Quand ils découvrent chacun être confronté à des problèmes de santé qui troublent leur quotidien, une relation de soutien mutuel se noue entre eux. »

Le film de Sho Moyake, expose une subtile relation humaine entre deux personnages fragiles qui vont au fil du temps reprendre leur vie en main grâce à la générosité de l’autre.

Misa et Takatoshi sont cabossés par la vie et surtout par leurs angoisses et maladies qui les isolent de la société japonaise et du monde professionnel. Tous deux vont se retrouver à travailler dans une petite société de jeux scientifiques pour enfants. Malgré des débuts difficiles, les autres employés savent les comprendre et ne le jugent pas sur leur réaction en cas de crise. C’est dans ce contexte bienveillant que ces deux personnages vont faire connaissance et se lier peu à peu d’amitié. La relation est respectueuse et chacun essaie de comprendre l’autre tout en trouvant des solutions pour l’aider. On comprend cependant assez rapidement que les deux jeunes gens ne tomberont pas amoureux et que le récit se concentre sur cette amitié unique et pudique.


Toute la mise en scène est conçue pour mettre en avant le récit, le cadre est simple, le décor également et les plans fixes nombreux. Ce choix de réalisation met en avant les moments de grâce (comme la scène au planétarium) et l’apprentissage des deux personnages à vivre avec leurs failles.
Il est important de mettre en avant les personnages secondaires de ce film, toujours gentils et compréhensifs et qui contribuent à faire évoluer les deux protagonistes. La dynamique collective marque le public.

Jusqu’à l’aube est une ode à l’humain, à sa fragilité et au pouvoir des relations humaines. Ce film offre une vague de fraîcheur dans le cinéma japonais, une note positive et donne la part belle à la solidarité qui aboutit à de jolies perspectives.

Black Box – Shiori Ito

Synopsis : « Depuis 2015, Shiori Itô défie les archaïsmes de la société japonaise suite à son agression sexuelle par un homme puissant, proche du premier ministre. Seule contre tous et confrontée aux failles du système médiatico-judiciaire, la journaliste mène sa propre enquête, prête à tout pour briser le silence et faire éclater la vérité. »

C’est avec un documentaire que le festival Hanibi se clôture et non pas des moindres. Black Box est le journal intime filmé par Shiori Itô, une jeune femme violée en 2015 par un proche et ami du premier ministre : Noriyuki Hamaguchi. Elle y raconte son long, très long combat pour se faire entendre dans une société ultra patriarcale où les viols sont peu condamnés et surtout peu reconnus. Le poids de cette société dans cette affaire judiciaire est oppressante et Shiori Itô le raconte et le détaille parfaitement.

Le documentaire est un témoignage personnel et engagé, entièrement écrit et réalisé par Shiori Itô elle-même. Elle y raconte son quotidien, ses doutes, on la voit pleurer, rencontrer ses avocats, les témoins… La jeune femme touche le public et le relie à sa cause. Son combat se finit par une victoire au civil, libératrice et inédite dans la société japonaise qui laisse de l’espoir pour toutes les victimes de viols dans le pays.

Toutefois, le spectateur ne peut entrer dans un débat, le film étant entièrement réalisé par la victime et n’ayant aucun autre point de vue. Ce film a pour vocation de dénoncer et c’est ce qui lui donne toute sa force. En effet, même si la jeune femme est le sujet principal du récit, le but de ce film va bien au-delà et pointe les nombreux déficits de la société japonaise. On y voit une scène avec d’autres femmes victimes, qui témoignent, essayant de briser l’omerta et les nombreux obstacles qu’elles rencontrent dans leur combat. Ce film dénonce aussi la politique du pays qui protège ses sujets, malgré les actes criminels commis. Peu importe les victimes, l’image est plus importante. Ce procès et ce documentaire finissent pas représenter une avancée dans ces deux domaines, avec une portée historique.

La réalisation est le point faible du film, avec un manque criant d’images pour illustrer les témoignages audio par exemple et certaines prises de vues peu pertinentes (immeubles…). On peut cependant penser que cela rend le récit plus intime et plus authentique, soulignant ainsi que la réalisatrice n’est pas une professionnelle du cinéma.

En résumé, Black Box est un documentaire courageux grâce à son propos et son message. Shiori Itô, brise le silence et pointe l’injustice, ce qui ne laisse aucun spectateur indifférent.


Hanabi a offert aux spectateurs un festival riche en émotion avec des films différents les uns des autres, mais qui se rejoignent par leur représentation de la société japonaise. Pour tous les amateurs cinéphiles ou non, ces films sont l’occasion de mieux comprendre le Japon avec des œuvres incontournables, à voir absolument prochainement.

Madeline Chollet

@mad_ctravel

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