Gaming Memories #67 – 30 ans de PlayStation
Il y a 30 ans naissait l’une des consoles de jeu les plus emblématiques de tous les temps : la PlayStation de Sony. Puisque, sans doute, l’intégralité de la presse vidéoludique va en parler ce mois-ci, Journal du Japon n’y coupera pas : le 67e numéro de Gaming Memories vous emporte en décembre 1994 pour un retour sur la 32 bits du géant japonais !
La PlayStation, un projet de très longue date
Si la PlayStation est sortie officiellement en décembre 1994 au Japon, l’histoire de Sony avec le jeu vidéo remonte cependant à plus loin dans le passé.
Dans la deuxième moitié des années 1980, on pouvait trouver trois fabricants de consoles de jeu vidéo majeurs : Nintendo (NES), NEC (PC-Engine) et SEGA (Sega Mark et Master System). Cependant, un autre support fonctionnait du tonnerre à cette époque et inondait le marché par la même occasion : les micro-ordinateurs. Parmi ceux-là, l’un en particulier nous intéresse, un dont nous avons déjà parlé dans la rubrique et qui a été le berceau de séries cultes du jeu vidéo telles que Metal Gear : le MSX.
À cette époque, certains étaient propriétaires des droits de leurs machines, comme les trois cités plus haut, mais d’autres étaient plus libres et tous pouvaient fabriquer leur propre petite version. C’est justement le cas du MSX ; vous avez bien compris, Sony était l’une des entreprises à avoir construit leur propre version de cet ordinateur. Un premier pied posé dans le monde du jeu vidéo, bien avant la PlayStation ! Mais les choses se précisent encore plus quelques années plus tard. Nintendo, dans son coin, créé le Famicom Disk System pour sa NES, le support de stockage de jeu par disquettes. Nintendo, sans doute inspiré par les prouesses techniques de la PC-Engine CD-Rom² en 1987, a dû vouloir réaliser la même chose pour leur console suivante : la Super Nintendo.
Sony, ou plutôt leur employé Ken Kutaragi, avance à nouveau de quelques pas dans le monde du jeu vidéo : c’est à lui que l’on doit le processeur sonore de ladite Super Nintendo. Sony commence à viser très large à partir de ce moment : l’idée de créer un lecteur CD-Rom pour la Super Nintendo n’est pas suffisante, Sony envisage alors une console hybride acceptant à la fois les cartouches de SNES et les CD-Roms. Nintendo aurait été les acteurs principaux dans la création des jeux, mais Sony aurait eu tous les droits sur toute production finissant sur leur console ! Une intention bien agressive de la part de Sony…
Ce projet, nommé le Super Disc, ne vit finalement jamais le jour, mais reste une idée. Pouvez-vous deviner quel nom il aurait dû avoir, et pour quelle raison on se doit d’en parler ? Cet add-on était censé s’appeler Play Station. Sa conception fut belle et bien achevée et il aurait dû être annoncé au CES (Consumer Electronics Show, cet évènement dédié au jeu vidéo aussi important que l’E3) 1991. Mais les choses ne se sont pas passées aussi bien que prévu. Nintendo n’aime pas l’idée imposée par Sony que ces derniers soient propriétaires des droits et revenus des jeux qui sortiront sur leur machine commune. Deux jours avant l’évènement et l’annonce importance, le président de Nintendo Hiroshi Miyauchi annule la collaboration avec Sony sans les prévenir et se tourne vers leur concurrent le plus sérieux, Phillips… une idée bien saugrenue dans un sens, il faut l’avouer (cela a donné lieu à quelques jeux Mario et Zelda vraiment mauvais dont la honte et les memes continuent d’exister sur Internet…). Fait amusant : le nom « Play Station » était déjà une marque réservée par Yamaha, le géant japonais spécialisé dans les instruments et matériel de musique ainsi que divers véhicules motorisés. Mais certains chez Sony aimaient tellement le nom qu’ils ont préféré mettre une somme imposante pour le prendre, plutôt que de trouver un autre nom !
La création de la console approche
Malgré cette trahison mutuelle – ou retour de flamme pourrait-on dire – entre Sony et Nintendo, l’idée de travailler ensemble n’est pas morte avec l’annonce ratée au CES. Des discussions se font, des centaines de prototypes sont imaginés. L’idée était que Nintendo ait plus de contrôle et de revenus sur les jeux qui naissent sur cette machine en commun, et en retour, Sony peut continuer à utiliser ce processeur sonore créé pour la Super Nintendo. Mais en interne, ça grogne chez Sony. Nombreux sont ceux qui désapprouvent l’idée que la firme se mette au jeu vidéo. Certains pensent que Nintendo et SEGA ne sont que des fabricants de jouets, mais Kutaragi, qui œuvre pour que le projet existe, persiste, convaincu dur comme fer que le jeu vidéo est une branche à exploiter.
Sony doit prendre des décisions. Ils décident donc de finalement couper tout pont avec Nintendo en mai 1992 pour se plonger sur leur propre console. Le président de Sony à cette époque, feu Norio Ohga, décide de faire confiance à Kutaragi et regroupe plusieurs équipes de sa firme liés à la technologie pour l’entourer sur la création de sa machine. La question se pose alors : est-ce que la PlayStation (oui oui, comme le supposé projet avec Nintendo mais en un seul mot) doit se bâtir sur des sprites en 2D ? Ou sur des polygones en 3D ? Tenez-vous bien, la décision a été prise pour Sony par… SEGA.
SEGA, ou plutôt par leur Virtua Fighter, premier jeu de baston en 3D et succès immense en arcade. Un bien mauvais timing pour la firme au hérisson bleu, sachant comme la PlayStation enterrera la pauvre SEGA SATURN tout aussi prometteuse en un rien de temps. On tient là une belle ironie du sort : Sony n’a aucune expérience en termes de construction de consoles et de développement à ce moment…
Spécificités techniques
La PlayStation est une console de cinquième génération, aux cotés de la Sega Saturn et la future Nintendo 64. C’est une machine dite « 32 bits », au contraire des générations précédentes 16 bits (Mega Drive et Super Nintendo) et 8 bits (NES, PC-Engine et Master System). Ses jeux tournent sur CD-Rom, ce qui permet une bien plus grande capacité de stockage et donc d’utilisation de données.
Son processeur a été conçu par Toshiba, compagnie importante fondée en 1875 et spécialisée dans cette technologie au Japon. Le processeur a évolué au fil des versions de la console corrigeant les problèmes des précédentes, mais reste un cœur 32-bits capable de gérer aussi bien la 2D que la 3D. Le nombre de couleurs y étant disponibles excède les 16 millions pour plus de 150 000 affichées en même temps. Elle peut afficher jusqu’à 4000 sprites (éléments du décor, personnages, objets…) à la fois et atteint 32 niveaux de transparence. Bien sûr, les effets visuels comme les rotations, fondus, brouillard et scrolling sont de la partie et les jeux tournent général entre 15 et 30 images par seconde (le premier Tekken se vantait de tourner à la vitesse incroyable de 20fps !)
Aux yeux de tous, la PlayStation est impressionnante, et on n’a encore jamais vu de la 3D à cette échelle dans nos consoles. Cependant, dans les faits, il faut poser un constat : la Saturn de SEGA est plus puissante. Elle possède deux cœurs (un pour la 2D et l’autre pour la 3D, certes difficiles à joindre mais certains y sont très bien parvenus), son processeur sonore est plus puissant aussi et peut simuler une sorte de son surround. Elle dispose d’une mémoire interne et sa cartouche de sauvegarde est équivalente à huit de PS. Elle est capable de lire les SCD (l’ancêtre des DVD) et ses portages de jeux de combat sont considérés comme « arcade perfect ». Sans parler de son lecteur quasiment silencieux (voire totalement silencieux lorsqu’il n’a pas besoin d’être utilisé) et les temps de chargement dépassent rarement plus de deux secondes… mais est-ce que cela va stopper Sony ?
Lancement de la console
La console a donc été mise en vente le 3 décembre 1994 au Japon avec le slogan « Play has no limits », une semaine après la Sega Saturn (si ça ce n’est pas de l’acharnement…). Elle se vend à 100 000 unités dès le premier jour, temporairement dépassée par la Saturn (estimée 500 000 vendues dans le même laps de temps) et Virtua Fighter ; mais d’ici fin 1994, soit juste quelques semaines plus tard, le chiffre de vente triple du côté de Sony. La tactique de la forme, qui consistait à contacter les éditeurs pour les rallier à leur cause s’avère aussi efficace : on estime à 400 le nombre de jeux en développement contre 200 sur Saturn et 60 sur Nintendo 64 quand elle arrive en Europe en septembre 1995…
À cette époque, on pouvait souvent trouver la bande-son du jeu lisible sur un poste CD. Ces disques, par ailleurs, avaient la particularité d’être noirs et non argentés comme des CD-Roms basiques. Sony a longtemps fait croire que c’était une protection contre le piratage, mais au final, les jeux de PlayStation pouvaient tout aussi bien être piratés que n’importe quel autre disque. Cependant, bien sûr, on pouvait les reconnaître l’un de l’autre grâce à cette particularité.
On notera, au passage, que la PS était soumise à un zonage : les jeux d’une « région » (Europe par exemple) ne pouvaient pas fonctionner sur une console américaine ou japonaise et inversement. Une pratique des plus agaçantes (aussi présente sur Nintendo et certaines SEGA) qui ne sera levée qu’à partir de la PS3.
Des jeux par milliers…
… littéralement ! Les chiffres peuvent varier au vu du raz-de-marée de jeux sortis sur la machine, mais on peut aisément compter plus de 4000 titres différents parus dans le monde, rien que ça. Ce nombre incroyable est le résultat de la politique de Sony vis-à-vis des éditeurs : les accompagner et mettre tous les jeux sur un pied d’égalité, au contraire de Nintendo. Kutaragi, alors que la 32 bits n’était pas encore sortie, avait contacté un grand nombre d’éditeurs, plus ou moins reconnus et grands pour leur présenter la console. Nombre d’entre eux, agacés par la façon qu’avait Nintendo de traiter les éditeurs tiers (prioriser leurs propres jeux sans s’occuper de ceux des autres), ont vu la PlayStation comme une bonne opportunité. L’Atari Jaguar et la 3DO, les deux autres machines de cinquième génération sorties cette même année 1993, ont très vite coulé par manque total de soutien envers les éditeurs, et Sony forme une équipe interne pour contacter et rencontrer 300 studios de développement pour introduire leur projet…
En premier lieu, ce sont Konami et Namco qui se sont liés le plus rapidement à la cause de Kutaragi. Namco, en concurrence directe avec SEGA en arcade, y voyait l’opportunité parfaite d’y porter leur jeu de course au succès phénoménal, Ridge Racer. Celui-ci fut d’ailleurs tout simplement le tout premier soft a être sorti sur la machine !
La PlayStation est également le berceau de nombreuses séries de légende telles que Resident Evil, Silent Hill, Grand Theft Auto (GTA) ou encore Tomb Raider ; c’est aussi là qu’ont continué nombre d’entres elles auparavant chez Nintendo ou concurrents comme Metal Gear Solid, Street Fighter, MegaMan, Final Fantasy et plus encore. Alors, forcément, dans tout cet ouragan de jeux, il y en a forcément un bon nombre qui valent difficilement le coup, comme sur toute machine. Mais le parc de jeux de la PlayStation est immense et peut plaire à nombre de joueurs. Et combien de joueurs occasionnels se sont retrouvés face à Tekken, ce dernier devenant une référence absolue de jeu de baston en peu de temps ?
Avec tout ça, la console regroupe plus de 900 millions de jeux écoulés dans le monde. Gran Turismo (1997) détient le record de 10 millions d’unités vendues à lui seul, suivi par quelques classiques tels que Crash Bandicoot, Final Fantasy VII et VIII et autres Metal Gear Solid, bien entendu. L’arrivée de la PlayStation 2 en 2001 n’a pas arrêté son ainée pour autant, puisque des softs y ont vu le jour jusqu’en 2003. Parmi les éditeurs notables ayant développé sur la machine, on compte de grands noms du jeu vidéo comme Capcom, Namco, SquareEnix (Squaresoft à cette époque) ou Konami. Enix (Dragon Quest), Atlus (Persona) et Bandai sont aussi passés par là…
Le catalogue de jeu est donc massif, et la PlayStation devient un peu la console de monsieur tout le monde. En avoir une autre, dans les cours de récré à l’école, c’est ringard. La PlayStation c’est l’avenir pour les jeunes qui n’ont que leur GameBoy dans les mains. Avec cette machine, des genres entiers se sont démocratisés auprès du grand public, comme les RPG via Final Fantasy, ou les jeux musicaux tels que Parappa the Rapper entre autres. La PlayStation a fait du mal à certains, mais elle a aussi apporté beaucoup au monde du jeu vidéo, par cette idée brillante de laisser passer les éditeurs en premier…
Succès et suite
Si la PlayStation a très vite enterré la Sega Saturn, les chiffres de cette dernières sont pourtant plus hauts durant le mois de décembre 1994 – 100 000 PS vendues pour 300 000 Saturn. Mais la console de Kutaragi explose très vite une fois l’effet Virtua Fighter passé, et on se l’arrache tellement que des marchés parallèles se forment pour en trouver. Aux États-Unis, la charge initiale de 100 000 consoles s’est écoulée en deux jours à peine et ne parlons pas du Royaume-Uni – entre septembre et fin décembre 1995, ce sont 800 000 consoles qui partent. Au final, au travers le monde, on estime que plus de 102 millions de PlayStation ont été vendues…
La suite, on la connaît. Une seconde version, nommée PS One, sort en 2000. Plus petite, plus « mignonne » et moins bruyante, c’est la toute dernière version de la machine qui a reçu tant de mises à jour et d’améliorations au fur et à mesure des années, et une opportunité de s’ouvrir à une nouvelle dimension par la même occasion : c’est une console de salon tout ce qu’il y a de plus normale, mais elle peut être branchée sur l’allume-cigare d’une voiture et y ajouter un support écran LCD pour y jouer pendant de longs trajets ! Premier pas de Sony vers la future PSP ? En tous cas, en six ans avant que cette machine soit abandonnée totalement, 28 millions supplémentaires ont été vendues !
En 2000 également, Sony lance la PlayStation 2, un an et trois mois après la Dreamcast de SEGA qui marque le début de la 6e génération de consoles (128 bits). Là encore, son succès est immense, et elle devient vite la console de référence, bien loin devant les Xbox de Microsoft et GameCube de Nintendo. C’est tout simplement 155 millions de consoles qui trouvent acquéreur à travers le monde… la PS3 suivra en 2006 et passe quant à elle à des jeux sur Blu-Ray. Malgré sa qualité et l’amour que les joueurs lui portent même encore maintenant, la PS3 se fait globalement devancer par sa concurrente directe : 80 millions de consoles vendues pour 84 millions de Xbox 360 !
La revanche ne tarde cependant pas à arriver. Si la PS3 se voit déclinée dans deux versions (Slim et Super Slim), c’est surtout vers la PS4 que les regards se tournent. Succès colossal à nouveau, la machine sort en 2013 et dispose d’une longévité incroyable : même encore à l’heure où ces lignes sont écrites, en décembre 2024, des jeux sortent encore dessus. Ces 11 années d’existence en font une console qui cumule 117 millions d’unités vendues à travers le monde !
On n’oubliera pas, par la même occasion, les consoles portables : PSP et PS Vita. La première d’entre elle, directement opposée à la Nintendo DS, sort en décembre 2004 soit dix ans après la première PS. D’une puissance équivalente à la PS2, la console accueille à son tour un grand nombre de jeux de tous les genres ; c’est aussi un bijou technologique qui permet de regarder des vidéos, aller sur Internet et écouter de la musique comme sur un lecteur MP3. Plus de 70 millions s’écoulent dans le monde au travers de ses différentes versions…
La PS Vita, en revanche, est ce qu’on peut appeler un flop commercial. Bien qu’elle tienne tête à la PS3 et fasse même tourner des jeux de la génération PS4 sans problème, ce petit bijou de technologie se vend très, très mal à cause d’un prix beaucoup trop élevé : plus de 240 euros pour une console portable et c’est à peine six millions qui trouvent acquéreur, enterrant probablement toute envie de retenter l’expérience chez Sony. Et c’est bien dommage : outre sa puissance graphique et ses deux zones tactiles, la machine dispose d’un gyroscope (elle réagit à sa position dans l’espace et aux mouvements) et peut streamer des jeux de PS3 et PS4, permettant d’y jouer bien confortablement dans une autre pièce.
Grâce à une politique qui a permis à Sony de rallier nombre d’éditeurs à leur cause, la PlayStation est vite devenue une référence du jeu vidéo. Et sachant que Sony commence déjà à se préparer pour une future PS6, on n’est pas près d’arrêter d’en entendre parler. En tous cas, joyeux anniversaire à la toute première PS !
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Merci pour toutes ces informations de la saga PlayStation, fan dès le début je joue encore sur la PS4 et me demande si je dois passer sur la 5 ou attendre la 6 . L’avenir me le dira. En tout cas merci pour tous ces articles qui ont agrémenté l’année 2024 et vous souhaite bonne continuation pour 2025.