Anim’Est 2024 : Rencontre avec l’artiste Sarah Àlainn
Pour sa première en France, l’artiste Sarah Àlainn a choisi la convention Anim’Est pour se produire sur scène. Ainsi, les visiteurs ont eu l’opportunité de découvrir le talent de la chanteuse australo-japonaise le temps d’un week-end. Connue pour avoir chanté des musiques de jeux, sa carrière ne se résume pas qu’à cela et Journal du Japon l’a rencontrée afin d’échanger avec elle sur son parcours et ses différentes casquettes.
Entretien avec une virtuose du violon
Originaire de Sydney, Sarah Àlainn a appris à jouer du violon à l’âge de 5 ans. Elle a d’ailleurs étudié l’instrument avec Perry Hart qui a été élève du célèbre violoniste américain Szymon Goldberg. Du Conservatoire de musique de Sydney à l’Université de Tokyo, son talent lui a permis par la suite de débuter dans le chant grâce au titre Beyond The Sky composé par Yasunori MITSUDA, l’ending du jeu vidéo Xenoblade sorti en 2010. Elle continuera ensuite à chanter des musiques du secteur comme le morceau Heal The World du compositeur Kevin Penkin que l’on peut entendre dans Arknights (2019) ou encore Sunbreak issu de Monster Hunter Rise : Sunbreak (2022). Sarah Àlainn a sorti son premier album en 2012 et s’est faite un nom au Japon et en Australie. Elle a d’ailleurs été amenée à chanter avec Andrea Bocelli sur la chanson No Llores Por Mi Argentina. Elle ira même jusqu’à chanter l’hymne national japonais devant la famille impériale nippone en 2015. Son parcours ne se résume pas qu’au chant ou au violon, elle est aussi animatrice radio pour Tokyo FM et FM Osaka.
Durant Anim’Est, elle a donné un concert d’une heure en collaboration avec le pianiste Benyamin Nuss, qui lui aussi a joué des morceaux pour des jeux vidéo comme Final Fantasy . Sarah Àlainn a repris des chansons de son répertoire, l’occasion de chanter un de ses nouveaux titres, Eight Melodies où elle a fait participer le public, qui est tombé sous le charme de la puissance vocale de la chanteuse.
Le lendemain, elle nous a accordé de son temps avant une conférence et une séance de dédicaces :
Ses débuts et sa passion pour la musique
Journal du Japon : Bonjour Sarah, merci d’avoir accepté l’interview de Journal du Japon. Pouvez-vous nous raconter un peu plus votre parcours ?
Sarah Àlainn : En ce qui concerne la musique de jeux, j’ai fait mes débuts avec la chanson Beyond The Sky composé par Yasunori MITSUDA. J’ai eu beaucoup de chance à l’époque, j’étais étudiante au Japon dans le cadre d’un échange universitaire pour y apprendre le japonais. J’ai des origines japonaises en partie. Pour cette chanson, Monsieur MITSUDA cherchait une anglophone de naissance. Il a aimé ma voix. C’est la première fois que je m’entendais dans un studio. Je suis à la base violoniste mais j’ai toujours adoré chanter.
J’ai grandi en Australie mais les gens ne me voyaient pas comme une chanteuse. C’est vraiment à travers les musiques de jeux que j’ai fait mes premiers pas dans ce métier.
Qu’est-ce qui vous passionne dans le chant ?
Pour moi, c’est une des expressions les plus libres qui soit. Cela me permet de dire plus de choses qu’en parlant. Je peux exprimer mes émotions de manière naturelle. Dans les musiques de jeux, il y a tellement d’émotions à exprimer qu’on faisait souvent appel à moi pour les thèmes de fin ou principaux et c’est un honneur.
Comment arrivez-vous à concilier le violon et le chant dans les titres où vous êtes amenée à faire les deux ?
Personnellement, j’ai envie de montrer que je suis capable de faire les deux. Contrairement au piano ou à la guitare qui sont des instruments d’accompagnement, le violon est tellement proche de la voix que c’est difficile de les concilier. Je m’efforce cependant de le faire au maximum. Ce n’est pas un problème pour les morceaux que j’enregistre puisque je le fais séparément.
En 2015, vous avez chanté devant la famille impériale. Dans quel état d’esprit étiez-vous ?
C’est bien sûr un des honneurs les plus importants qui soit. Au Japon, ne serait-ce qu’être dans la même pièce que l’empereur est inimaginable. Quel que soit son bord politique, personne ne critique la famille impériale. J’ai dû chanter l’hymne du Japon et j’étais très nerveuse.
Une carrière marquée par les musiques de jeux
Comment en êtes-vous arrivée à jouer pour des musiques de jeux vidéo ?
En l’occurrence, mes débuts sur Beyond The Sky étaient un hasard. Avant que ça n’arrive, je ne jouais pas vraiment aux jeux vidéo. J’en étais simplement familière car c’était de plus en plus populaire en Australie.
Comment cela se passe lorsqu’un studio de jeux vidéo vous demande d’enregistrer un morceau pour leurs licences ?
En général, c’est à travers les compositeurs que ça se passe. La musique intervient assez tôt dans la production d’un jeu. J’essaye de m’informer sur l’histoire pour savoir de quoi il en retourne. Je reçois les offres très à l’avance, parfois deux ans avant qu’un jeu ne sorte.
Sur quelle musique de jeu avez-vous pris le plus de plaisir ?
Je me suis amusée sur tous les morceaux. Tous ont en commun d’être une sorte des ballades (chanson racontant une histoire pouvant être dramatique, drôle ou romantique) . Après Beyond The Sky, beaucoup de compositeurs ont eu envie d’imiter ce style. C’est toujours agréable de les chanter. J’ai récemment chanté pour Saga Emerald Beyond (2024) qui était radicalement différent car le style et le tempo n’étaient pas les mêmes. Il y avait même un peu de rap. C’était l’enregistrement le plus amusant.
Anim’Est, son premier concert donné en France
Pendant vos concerts, vous portez une tenue ayant un rapport avec les univers de jeux. Est-ce que c’était le cas pour celui donné à Anim’Est ?
J’avais l’intention de changer de tenue pendant le concert mais pour des raisons techniques, je m’en suis tenue à une seule ; malheureusement, cette robe était liée à une chanson que je n’ai pas pu chanter faute de temps. Elle était spécifiquement conçue pour un de mes titres Flag of the Brave. J’ai sorti le 27 novembre une reprise de cette chanson en amont de la prestation à Anim’Est. À travers cette tenue, je voulais rappeler la scène dans le tableau La Liberté guidant le Peuple d’Eugène Delacroix. Le voile dans la tenue rappelle les drapeaux.
Vous avez joué avec Benyamin Nuss, comment l’avez-vous rencontré ?
Il est très connu dans la musique de jeux et il vient souvent au Japon pour travailler avec des compositeurs Japonais. Pour les nouveaux titres, on en a enregistré deux ensemble. Vu qu’il vit en Europe, c’était la bonne occasion de jouer avec lui à Anim’Est.
Pouvez-vous nous parler des trois chansons que vous avez sorties à l’occasion de la convention ?
Mon intention était de les sortir en vue de ce concert. Comme c’était ma première en France, je voulais que ce soit un peu spécial. Par accident, je me suis rendue compte que les jaquettes des trois chansons donnaient le drapeau français en les alignant. Deux chansons sont tirées de jeux et l’autre concerne un animé. Je les joue régulièrement au Japon.
Qu’est-ce que ça vous a fait de jouer en France pour la première fois ?
Honnêtement, je ne savais pas trop à quoi m’attendre. J’avais un peu cette image sévère envers ceux qui essayent de parler français. J’ai toujours eu un peu peur à l’idée de parler la langue. Le public était très accueillant et les spectateurs très réceptifs.
Écoutez-vous des chansons d’artistes français ?
Je dois dire que j’aime les vieilles choses. Par exemple, je suis allée voir Michel Polnareff (dont ma mère était déjà fan !) en concert à Orléans. J’ai beaucoup de respect à la fois pour l’artiste de scène et pour le compositeur. Je suis aussi une admiratrice des compositions de Michel Legrand, dont je joue souvent la musique. Ces dernières années, j’ai découvert Starmania et je suis même allée voir le spectacle à Paris. Michel Berger était un génie ! J’essaie aussi d’écouter les tubes récents, mais je suis déjà très satisfaite en écoutant les artistes si talentueux du passé.
Ses projets actuels et futurs
Vous animez une émission de radio Peace Of Mind, pouvez-vous nous en parler ?
C’est diffusé sur Tokyo FM et FM Osaka, une radio japonaise importante. Je l’anime depuis maintenant neuf ans. J’écris les textes, je choisis la playlist. Toutes les semaines, j’essaye de parler de musiques liées au thème abordé dans l’émission. La semaine avant Anim’Est, il y avait le jour de la musique de jeux et j’avais présenté beaucoup de musiques issues de cet univers. C’est très rare qu’elles soient diffusées à la radio !
Est-ce que les Japonais écoutent souvent la radio ?
La génération un peu âgée écoute la radio et beaucoup d’étudiants aussi. Je reçois chaque semaine des lettres d’auditeurs et j’en lis une à chaque émission. Le plus jeune avait 22 ans et le plus âgé autour des 80 ans.
Quels sont vos projets à venir ?
J’aimerais continuer à jouer en France. L’idée est de sortir l’année prochaine un album qui serait composé de musiques de jeux vidéos et de dessins animés.
Ses endroits favoris au Pays du Soleil Levant
Quels sont vos endroits préférés au Japon ?
Okinawa est magnifique car la mer y est splendide et les habitants sont plus détendus. J’aime beaucoup l’île de Kyûshû. La nourriture est excellente et le climat est plus chaleureux qu’à Tokyo.
Avant d’achever cet échange, que représente pour vous la culture japonaise ?
Une question difficile. Je me demande ce que les autres ont répondu ! Si je devais résumer ça en un mot, ce serait
« mélange ». Que ce soit dans la musique traditionnelle gagaku ou dans les chansons d’idoles, je suis fascinée par la quantité d’éléments issus d’autres genres ou cultures, mais tout de même combinés pour produire un résultat particulièrement japonais. Ayant été élevée entre plusieurs cultures, j’espère moi aussi contribuer à créer quelque chose de particulièrement japonais.
Merci beaucoup à Sarah Àlainn pour cette rencontre très intéressante et instructive. En ayant écouté son album One sorti en 2022, notre coup de cœur s’est porté sur la reprise de Bohemian Rhapsody de l’iconique groupe britannique Queen. Comme pendant le concert à Anim’Est, l’émotion alliée à la puissance vocale étaient au rendez-vous. Comme elle a pu l’évoquer dans cette interview, nous avons été charmé par ces ballades à travers les univers de jeux vidéo. Une chose est sûre, nous attendons avec hâte les prochains concerts qu’elle donnera en France !
Pour les curieux qui souhaitent écouter ses chansons, vous pouvez vous rendre sur les différentes plateformes : Spotify, Apple Music ou encore Youtube Music.