La femme au kimono blanc : une femme libre
Le premier roman de l’Américaine Ana Johns est paru cette année en français. Il narre le destin d’une Japonaise qui s’oppose à sa famille dans les années 1950 pour épouser un militaire américain. Le récit du combat d’une femme forte, imprégné d’éléments socio-culturels sur l’Archipel.
Un amour impossible
Japon, 1957. La femme au kimono blanc commence ainsi : « Mon nom de naissance est Naoko Nakamura. Mon nom d’épouse, Naoko Tanaka. Et dans l’entre-deux, pendant une brève période, je me suis appelée autrement : un nom non traditionnel, issu d’une cérémonie de mariage peu conventionnelle célébrée sous un vieil arbre orné de lumières scintillantes. »
Naoko est une femme forte. Elle va tenir tête à sa famille, et tout particulièrement à son père, pour épouser Hajime, un militaire américain dont elle est très amoureuse. Mais dans le Japon de l’après-guerre, encore marqué par la défaite et par l’Occupation, épouser un gaijin (étranger), et pire encore un Américain, est très mal perçu.
Malgré le soutien discret de sa mère, Naoko va donc endurer mille souffrances pour vivre cet amour.
Pour raconter cette histoire, l’auteure suit les pensées de deux femmes. D’un côté, Naoko, qui retrace les événements suivant sa rencontre avec Hajime en 1957-1958. De l’autre, Tori Kovac, la fille de Hajime (qui s’appelle en réalité Jimmy Kovac), issue d’un second mariage. Tori est journaliste et, à la mort de son père, elle décide d’enquêter sur cette première vie qu’il n’a que vaguement évoquée mais qui semblait si importante pour lui.
Le roman est fait de va-et-vient entre les fils de ces deux histoires.
Tradition et culture japonaises de l’après-guerre
Il comporte beaucoup d’éléments socio-culturels sur le Japon, comme par exemple la cérémonie de mariage shinto (Naoko porte à cette occasion le shimoruku de sa mère, la robe de mariée traditionnelle japonaise ainsi que le chapeau en demi-lune), ou l’enterrement traditionnel shinto.
Voici ce qu’explique Naoko lors de l’enterrement de sa mère : « Parce que je n’étais pas à la maison pour les derniers préparatifs, je n’ai pas osé demander à Père ou à Obaachan quels effets personnels se trouvaient à l’intérieur du cercueil. Y ont-ils bien mis les six pièces de monnaie pour une traversée facile de la rivière Sanzu ? La Sanzu est la rivière que les défunts doivent franchir sur le chemin de l’au-delà. Les vertus du défunt déterminent l’endroit où s’effectue le passage. Ils sont au nombre trois. Un pont, un gué et des rapides infestés de serpents. Okaasan empruntera le pont du fait de sa vie de bienfaits et de son cœur pur. »
“Connaître et comprendre les traditions et la culture japonaises m’a pris des années de recherches, nous a expliqué l’auteure. Bien que La femme au kimono blanc soit une oeuvre de fiction, elle est constituée d’événements historiques et de faits réels, notamment issus de ma propre histoire -ou plutôt de celle de mon père”. L’auteure s’est en effet inspire de l’histoire d’amour qu’avait eu son père avec une jeune femme japonaise durant son service dans l’US Navy pendant l’Occupation.
Pour décrire au plus près les traditions japonaises et la culture de cette époque, Ana Johns a fait de longues recherches sur Internet, utilisé des blogs et des articles. Grâce à des forums sur Internet, elle a également rencontré des Américains professeurs de Japonais ayant vécu au Japon, ainsi que des couples mixtes constitués de Japonaises et de militaires américains.
Dans l’adversité, tracer son chemin…
Le roman est aussi empreint de réflexions sur la vie, issues des pensées des deux femmes.
Ainsi par exemple, une réflexion de Naoko sur les émotions produites par le bonheur et le malheur : « Le chagrin et le bonheur ne passent pas. Ils se terrent en nous et deviennent nos os. Nous nous tenons sur leurs jambes inégales, en tentant de garder l’équilibre quand il n’y en a plus ».
L’intérêt principal du roman se trouve dans ces introspections, dans la découverte de la vie au Japon dans les années 1950, et dans le personnage de Naoko. En effet, cette dernière va se battre jusqu’au bout, sans jamais vaciller, pour vivre avec l’homme qu’elle aime. L’auteure décrit avec beaucoup de justesse les états émotionnels par lesquels elle passe, de la passion lorsqu’elle est avec Hajime au désespoir lorsqu’elle en est séparée.
Les deux autres personnages principaux, Tori et Hajime, sont également des personnages libres, qui n’hésitent pas à se battre contre les conventions. Voici ce que dit Tori sur elle-même et sur son père : « Je n’avais jamais réussi à me fondre dans la masse et à suivre le mouvement. Au lieu de ça, j’allais toujours à contre- courant pour créer mon propre chemin. Une indépendance entêtée qui m’avait souvent attiré des ennuis. Je réprimai un rire. Tel père, telle fille. En décidant d’épouser une Japonaise dans les années 1950, Pops était l’incarnation de la « route la moins fréquentée ». »
La femme au kimono blanc est un roman qui donne matière à méditer. L’histoire est par ailleurs tellement prenante que malgré sa taille (432 pages), il est difficile d’en interrompre la lecture. Ana johns a également un second roman en cours d’écriture. Il ne portera pas sur la culture japonaise mais sera lui aussi inspiré de faits réels et historiques et aura pour cadre une culture originale (elle ne nous a pas dévoilé laquelle). À suivre !
La femme au kimono blanc, Ana Johns, éditions Charleston, Paris, 432 pages, 22,90 euros. Traduction de Typhaine Ducellier. Plus d’informations sur le site des éditions Charleston.