Karuta : La France sur l’échiquier japonais et mondial ! 2/2

Après nous avoir présenté la pratique du Karuta et son association Karuta France, avec quelques recommandations pratiques en bonus, Amandine nous emmène au Japon auprès des tournois et clubs locaux.

La Présidente du club revient sur ses expériences des compétitions, sur ses voyages de perfectionnement et sur les rapports de Karuta France avec les équipes internationales. Car, évidemment, les fans ne se limitent pas aux sols japonais et français !

Présentation de l’histoire et des différentes versions de karuta (tels le Chirashidori et le Kyogi Karuta)

Journal du Japon : Qu’en est-il des autres clubs de karuta internationaux ?

Amandine : Nous sommes aujourd’hui le plus gros club de karuta d’Europe car nous sommes les plus actifs. Malheureusement le Covid a forcé des gens à arrêter des pratiques régulières. Avant cet évènement, nous avions des antennes dans plusieurs villes de France en plus de Paris. Avec les confinements, plusieurs petits clubs se sont éteints car les membres étaient passés à autre chose ou ils avaient perdu la motivation, après deux années sans pratique. Partout dans le monde, d’autres clubs ont souffert de cette situation et ce fut un challenge pour tous de se remettre en selle.

L’Italie était aussi un club très actif et les quelques membres qui pratiquent encore essaient de venir aux évènements. Le club de Hongrie essaie aussi de se déplacer le plus souvent possible. Depuis quelques temps, celui de Londres compte beaucoup de joueurs intéressés par la compétition, et ils s’entraînent régulièrement, ce qui fait plaisir. En autre gros club non-européen, je connais le Brésil. Il y en a aussi deux petits en Amérique mais le Brésil est très actif. En Asie, on compte des clubs en Chine et en Thaïlande avec des communautés très importantes et très impliquées. Nous sommes en France une vingtaine à participer régulièrement aux entraînements et tournois.

Avez-vous déjà eu l’occasion de voyager au Japon dans le cadre de votre sport ?

J’ai eu l’occasion d’y aller sept fois dans le cadre du karuta. Chaque fois que nous y allons avec mon mari, en plus de profiter de ce pays que l’on aime beaucoup, nous participons à des entrainements avec des clubs qui nous ont beaucoup aidés à nous développer en France. Notamment le club de Sugimami à Tokyo. L’année dernière, nous y sommes allés dix mois pour pouvoir pratiquer le karuta beaucoup plus régulièrement qu’en France et être dans les conditions japonaises. Ce qui nous a aussi permis de renforcer les liens entre l’association française et celles japonaises que nous connaissons déjà.

Nos autres membres ont déjà voyagé au Japon pour la plupart, certains pour participer au tournoi, d’autres pour simplement visiter le pays. Y aller leur permet de découvrir une autre façon de pratiquer le karuta par rapport à la France. Ils découvrent des volumes plus importants de pratiquants, pouvant amener une ambiance plus pesante dans les tournois japonais.

Au Japon, ils vont plus facilement s’élever au niveau car ils peuvent pratiquer avec beaucoup de joueurs de leur niveau. Or, nos membres les plus certifiés, de 3e dan, peuvent plus difficilement monter davantage en restant en France. En tout cas, les Japonais sont agréablement surpris de rencontrer des étrangers pratiquant du karuta.

Quelle fut la plus marquante de vos expériences là bas, en lien avec le karuta ?

Pour ma part, c’était la ville d’Otsu. C’est ici que se trouve Ōmi-jing, que l’on peut traduire par « temple du karuta », et près duquel se déroule chaque année le match entre le champion et la championne. Il s’y déroule des tournois assez importants. Quand cette ville a compris que beaucoup d’étrangers s’intéressaient à cette discipline, elle a voulu organiser en 2018 le premier tournoi international de karuta.

Ce sport peut se jouer seul mais aussi en équipe dans certains cadres de tournois. On fait toujours du 1 VS 1 mais il y a alors 3 à 5 matchs en même temps. C’est le nombre de victoires qui va déterminer l’équipe gagnante. En l’occurrence, la ville d’Otsu a essayé d’inviter le plus de pays possible, ceux dont au moins cinq pratiquants pouvaient se déplacer jusqu’au Japon. Or il y avait des gros écarts de dan cumulés pour les équipes. Nous étions le pays cumulant le plus de dan avec la Thaïlande, et les équipes « juniors » japonaises étaient 2e-3e dan.

J’ai pu être dans l’équipe française de ce sekai taikai  (tournoi international), en plus du fondateur, de mon mari et des membres présents depuis les débuts de l’association. C’est ainsi que nous avons découvert plein de clubs étrangers dont nous ignorions l’existence, tels les Brésiliens et les Américains. Nous avions revus les Italiens, que nous connaissions déjà par nos pays mitoyens et nos rencontres européennes.  Il y avait neuf équipes, le tournoi a duré toute la journée et nous avons remporté ce premier tournoi international d’Otsu en battant le Japon en finale.

Les rencontres internationales étaient très enrichissantes vis à vis des parcours et des stratégies de karuta de chaque club. Les Japonais nous ont donné plein de conseils pratiques et ils nous ont permis de visiter historiquement le coin, dont leur musée du karuta. Suite à la réussite du tournoi sur le plan humain et à leur excellent accueil, ils ont réitéré l’expérience en 2019.

Ils ont alors réinvité les pays qui n’avaient pas pu se déplacer pour la première édition, en plus des trois meilleures équipes (le Japon, la France et la Thaïlande). Cette fois-ci, nous avons perdu contre le Japon en finale, mais cela s’est joué de peu. Les organisateurs ont invité le Meijin et l’une des vice-Queen de l’époque pour qu’ils nous donnent des petits cours de stratégie et réalisent une présentation des matchs. Leurs petits ateliers étaient très enrichissants.

Mais la troisième édition du tournoi n’a pas pu avoir lieu en 2020 à cause du Covid. Nous espérons qu’un jour nous reviendrons à ce niveau d’échanges internationaux, ce qui n’est pas encore le cas : les clubs et la ville d’Otsu ont repris difficilement leurs activités après la pandémie.

Présentation de la ville d’Otsu

Avez-vous pu participer à d’autres tournois ?

Un autre tournoi où la France a souvent eu l’occasion de participer : le Kokumin Bunkasai, ou tournoi interculturel. Le Japon organise un tournoi de ses meilleures équipes. Chaque préfecture y envoie ses plus forts joueurs et tous s’affrontent dans des tenues traditionnelles intégrales. Sauf qu’en 2015, notre club et celui de la Chine furent exceptionnellement accepté car plusieurs membres étaient déjà sur place.

Malgré notre motivation, nous étions tombés sur de très bons joueurs. Nous n’avions réussi à battre qu’une seule préfecture, ce qui avait étonné pas mal de Japonais. nous avons pu aussi observer les autres équipes qui s’affrontaient. Même en perdant avec de gros écarts de score, c’était très intéressant d’apprendre de chaque partie. L’année suivante, nous étions revenu avec la Chine, et l’Amérique nous avait rejoint.

Peut-on participer aux tournois nippons sans être Japonais ?

C’est un peu comme les Jeux Olympiques : chaque année, une nouvelle préfecture organise et reçoit le tournoi interculturel. C’est elle qui va choisir si les pays étrangers peuvent y participer ou non. En 2023, pour des raisons de sécurité à la sortie du Covid, la préfecture avait refusé. Ce qui peut se comprendre. Par contre cette année, en novembre, la France pourra envoyer une équipe. Ce qui permettra à nos membres de rencontrer des joueurs plus forts qu’eux et échanger avec eux autour du karuta.

Avez-vous rencontré ou revu des clubs japonais en dehors des tournois ?

La plupart des clubs où l’on va s’entraîner au Japon sont extrêmement ouverts et sympathiques. Le club de Yokohama par exemple, qui va jusqu’à nous demander contre quels niveaux de joueurs nous souhaitons participer. Parfois nous nous sentons gênés de demander à affronter de trop forts joueurs, alors que des joueurs de 3e-2e dan veulent se mesurer à nous pour évaluer notre niveau.

Ça me fait le même effet que de voir des Japonais jouer à la pétanque dans Tokyo. C’est curieux et amusant de les voir s’amuser à un sport traditionnellement français. Alors que je pensais que c’était une pratique de niche. Je me dis qu’ils doivent ressentir la même chose avec le karuta.

Il existe beaucoup de clubs et de tournois dans tout le Japon. Par exemple, mon mari a la chance de pouvoir retourner au Japon le mois prochain. En 20 jours, il aura l’occasion de faire cinq tournois. En sachant qu’il a la facilité de pouvoir être très mobile. Par contre dans le cas des gros tournois, comme celui interculturel ou celui de meijin-queen, ils sont annuels.

Quels sont vos rapports avec les autres clubs ?

Nous avons de très bons rapports avec le club de Tsuginami (Tokyo). Depuis les débuts de notre association, ils nous aident énormément. Leur ancienne présidente, Yokoya-san, s’est chargée de l’accueil de nos membres au Japon et nous a offert des kimonos pour les occasions spéciales. Elle essayait de nous aider à chaque fois que nous organisions nos propres tournois en nous rejoignant en France. Elle était d’une extraordinaire générosité. Son aide nous a permis de vraiment nous construire et de nous soutenir, encore aujourd’hui. Nous avons encore des membres qui profitent de leur voyage au Japon pour s’entraîner à leur club.

Il y a aussi celui de Yokohama, un peu plus loin quand on est basé à Tokyo mais que l’on essaie de voir à chacune de nos venues. Nous avions rencontré l’un de leur membre, Yano-san, en Europe parce qu’il avait vécu en Allemagne. Nous le voyions alors régulièrement. C’est toujours intéressant de pouvoir revoir ces personnes intéressantes au Japon. Mais d’autres membres ont aussi des contacts forts avec d’autres membres de clubs que je ne connait pas forcément. Chacun a ses petites niches pour s’entrainer.

Il y a aussi Stone-san. C’est une dame qui jouait au karuta quand elle était jeune et qui s’était expatriée aux États-Unis. Sauf qu’à l’époque, personne n’y jouait, alors elle avait crée un club pour le faire découvrir et permettre aux gens d’y jouer. À force de pratiquer à l’étranger, au niveau de la fédération japonaise de karuta, c’est elle qui gère tous les échanges internationaux. Maintenant elle est en contact avec tous les clubs internationaux, ce qui en fait une aide précieuse quand l’on souhaite communiquer à grande échelle. Notamment avec les clubs dont on ne connaît pas encore l’existence. Par exemple, là, elle gère l’organisation des équipes étrangères pour participer à la prochaine compétition interculturelle. Cette année c’est très bien qu’il y ait une grande diversité de pays, ce qui est en parti grâce à elle.

Vu que notre club commence à être connu au Japon, dès qu’ils sont de passage en France, nous recevons parfois des mails de joueurs de très haut niveau voulant s’entraîner avec nous… Ce qui est super intéressant, car le désavantage des petits clubs étant que l’on joue toujours avec les mêmes personnes. La réputation de notre fondateur au Japon, qui rayonne encore aujourd’hui, participe aussi à celle du club. Il arrive que l’on nous demande de ses nouvelles et que l’on se souvienne de ses participations aux tournois. Aujourd’hui, nous aussi nous sommes reconnus et les liens entre les clubs ne cessent de se renforcer.

Nous remercions une nouvelle fois Amandine pour les compléments d’informations. Grâce à ce riche témoignage en deux parties et aux diverses interventions du club parisien, Karuta France permet au public français de découvrir toute la beauté et l’énergie sollicitée par ce sport poétique… Mais aussi d’entretenir des amitiés avec les clubs internationaux et de surprendre agréablement les Japonais ne se doutant pas que leur sport de niche rencontre des adeptes hors de leur pays.

Vous pourrez retrouver leurs démonstrations en février au Musée Français de la Carte à Jouer (lors de l’évènement Paris Karuta) puis à Japan Expo en juillet.

Marie jenck

Bien que touche à tout, je tend à me spécialiser dans les articles consacrés à la cuisine japonaises ou aux jeux vidéos. Si j'ai l'occasion de mettre en avant la licence Pokémon, l'amour des japonais pour la Normandie (et vice-versa) ou des sujets insolites ; comptez sur moi pour vous régaler en articles passionnants de gens passionnés.

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