Magilumière Co. LTD. : David contre Goliath au pays de la magie
« Pouvoir du prisme lunaire ! Transforme-moi ! » Enfant, vous ne rêviez que d’une chose : devenir l’une de ces magical girls que vous adoriez tant. Mais que se passerait-il si la magie devenait finalement un produit comme un autre ? Dès lors, Start-up ou multinationale ? Qu’est-ce qui vous conviendrait le mieux ?
Alors que My Hero Academia s’approchait déjà de la fin, un nouveau venu a fait son apparition dans le célèbre magazine de prépublication Shônen Jump+. Intitulé en Japon Kabushiki Gaisha MagiLumiere, c’est depuis octobre de cette année que la maison d’édition Kana publie en français Magilumière Co. LTD., créé par le duo Yû AOKI (au dessin) et Sekka IWATA (au scénario).
Ce titre, qui compte déjà 14 tomes de sorti dans son pays d’origine, ne manque pas d’originalité puisqu’il nous plonge dans une société moderne où, à l’image de My Hero Academia et des superhéros, les magical girls et la magie existent, à grande échelle. Et leur existence a permis à une toute nouvelle industrie d’exister : celle des magical girls. Sauf que voilà, lorsqu’un service ou un produit révolutionnaire apparaît quelque part, deux états d’esprits s’opposent : celui des start-up et celui des multinationales dont le seul but est de combattre les monstres.
Résumé : Le métier de « Magical girl » consiste à débarrasser le monde des « monstres », classés parmi les phénomènes naturels. Fraîchement diplômée, Kana Sakuragi peine à trouver un emploi quand elle fait la rencontre de l’employée d’une start-up de magical girl au cours d’un entretien d’embauche. Pour Kana, c’est la porte d’entrée vers le monde du travail et le début des aventures comme magical girl !
Magilumière Co. LTD. : la magie n’est finalement qu’un métier parmi tant d’autres
Quiconque a lu ou vu des titres de magical girls le sait : il y a des codes à ne surtout pas ignorer. Que ce soit la transformation, la formule « magique » associée à celle-ci, etc., un auteur qui se lancerait dans le genre sans respecter ces codes serait très certainement décrié. Mais réjouissez-vous, fan de Sailor Moon, Magical Dorémi ou encore magical girls, Magilumière Co. LTD. n’a pas oublié ses racines. À la différence que, de nouveau, la magie est essentiellement technologique. Nos combattantes du mal auront donc une identité civile (qui peut être aux antipodes de son look de magical girl), une formule pour se transformer, une uniforme bien girly et toute la panoplie qui va bien.
Néanmoins, si pour vous, pratiquer la magie revient à lancer des sorts, invoquer des créatures magiques ou créer des potions, vous pouvez tout de suite effacer cette vision de votre esprit. Dans Magilumière Co. LTD., la magie se veut pratique et utile, mais surtout moderne. Ici, elle est représentée à travers les traits de produits développés grâce à des technologies avancées. On se retrouve donc avec des bureaux remplis d’écrans qui vont analyser les performances des magical girls, des produits, leurs forces, leurs faiblesses, etc. Des développeurs vont ainsi travailler sur des nouvelles magies, des nouveaux artéfacts et permettre aux magical girls d’être toujours plus efficaces.
Pour devenir magical girls, certaines candidates vont suivre une formation spécifique, tandis que d’autres vont y aller à l’instinct ou s’appuyer sur tous les documents à leur disposition (y compris les manuels d’utilisation de leurs outils). C’est le cas de Kana, qui, grâce à sa mémoire, va surprendre plus d’une personne. C’est en effet cette capacité mémorielle qui va lui permettre d’étonnament bien prendre en main ses nouveaux outils de travail et donc d’être relativement efficace assez rapidement.
Remodelant le concept, l’histoire n’en oublie pas de questionner ouvertement ce qu’attend le public d’une « vraie » magical girl. Ainsi, dans le tome 2, les auteurs ont choisi de plonger Kana dans une situation assez typique du monde des agences : le stage chez la concurrence. Car oui, lorsque deux agences (ou deux entreprises) sont partenaires, il n’est pas rare qu’elles « se prêtent » leurs talents (quitte à parler des agences, autant utiliser leur vocabulaire, n’est-ce pas ?). La jeune magical girl se retrouve donc à rejoindre temporairement les rangs d’un conglomérat spécialisé dans le maquillage. Étonnant ? Pas tant que ça, car leur public cible n’est autre que la magical girl. Et pour vendre leurs produits, leur logique est très simple : si ce produit correspond aux besoins d’une magical girl, il correspondra aussi aux vôtres. Logique IM-PA-RA-BLE. Qui a dit que la magical girl ne pouvait pas une femme coquette ?
Si vous vous apprêtez à crier au scandale quant à la représentation de la femme, nous vous recommandons de baisser vos armes. En lisant ce second tome (ou même en visionnant l’anime), vous réaliserez que, malheureusement, cette image est très représentative d’une certaine industrie : le luxe. Les magical girls de l’entreprise qui accueille Kana ne sont pas uniquement des combattantes du mal, elles sont surtout et avant tout la vitrine et l’image de leur entreprise. Et elles n’ont pas réellement le droit à l’erreur quant à leur apparence, ce qui est assez commun chez certaines maisons.
Les magical girls pour critiquer les business model
Mais en plus d’aborder les exigences pour le moins rétrogrades de certaines industries, Magilumière Co. LTD. aborde également un autre monde : celui de la concurrence et des bénéfices. Et c’est là que le manga devient réellement intéressant. Car si certaines magical girls suivent une certaine éthique, ce n’est pas forcément le cas de toutes. Tuer un monstre revient à s’assurer une rémunération, voire une prime. Plus le monstre est gros, plus la prime l’est aussi. Alors pourquoi ne pas voler la proie des autres en prétextant venir les aider ? Car oui, le manga n’a pas oublié cette douce rivalité que l’on retrouve souvent chez les magical girls. Sauf que, dans le cas présent, si elles ne se battent pas pour l’amour d’un homme, elles se battent pour devenir (ou rester) au TOP du TOP de leur profession et ainsi maintenir le niveau de l’entreprise qui les emploie.
À travers cette concurrence déloyale, le manga n’hésite pas à attaquer et à critiquer ces entreprises qui, parce qu’elles ont davantage de pouvoir d’action, se permettent certains comportements problématiques. Et croyez-le ou non, mais dans le monde des start-up, certaines entreprises se permettent de mettre en place une stratégie relativement similaire quand il s’agit de gagner de nouveaux clients. L’attaque n’est-elle pas la meilleure défense, dit le dicton ? Un élément scénaristique qui permet très facilement d’instiller une certaine rivalité entre les magical girls de différentes entreprises. Et on le voit assez rapidement lorsque Kana et sa collègue Koshigaya vont se faire voler une proie juste sous leur nez. Celle qui commettra cet affront est une « consœur » appartenant à l’entreprise leader du marché.
Des personnages qui cristallisent à la perfection des comportements réels
Et ce genre de comportement, on le croise assez facilement dans le monde professionnel. Admettons que vous soyez employé.e par une agence de taille raisonnable (disons moins de 50 employés) et que vous soyez dans le même bâtiment qu’une grosse agence. En cas d’appel d’offre important, il ne serait pas étonnant de voir le directeur commercial de la plus grosse agence descendre pour essayer de vous faire lâcher l’affaire.
Par ailleurs, dans le second tome du manga, on est très vite confronté à un autre élément qui va nous rappeler notre monde actuel : le capilatisme vs l’humain. Si dans Magilumière Co. LTD. le monde des start-up est présenté comme idéal et propice à la créativité, celui des grandes entreprises devient celui des requins sans foi ni loi à part l’argent et les bénéfices. Sans surprise, le tome 2 aborde par ailleurs subtilement un début de confrontation entre les deux visions. De plus cette confrontation va être amenée à cristalliser beaucoup de choses comme la rancœur d’un patron qui aurait vu l’un de ses meilleurs ingénieurs partir afin de monter sa propre entreprise. Car un talent rare qui s’enfuit, c’est un concurrent dangereux en plus sur le marché et de potentielles innovations qui nous passent sous le nez et donc moins de chiffre d’affaires. Alors qui de David ou de Goliath pourra gagner cet affrontement business ? Seule la suite du manga pourra nous le dire.
Magilumière Co. LTD. : une histoire proche de My Hero Academia ?
Autre point qui peut vous décider à lire Magilumière Co. LTD. : son dessin. Ce qui est très impressionnant avec ce manga, c’est la similitude de son dessin avec celui de My Hero Academia. Et lorsqu’on se renseigne sur le dessinateur, ce dernier semble énormément apprécier la série de Kohei HORIKOSHI. C’est tout du moins ce que laisse penser sa page Pixiv, sur laquelle l’artiste a partagé certaines de ses créations. On ne sera donc pas dépaysé de ce côté-là.
Autre point de similitude avec My Hero Academia : son personnage principal, Kana Sakuragi. Si dans le cas présent, il s’agit d’un personnage féminin, elle partage plusieurs points communs avec Deku. Tout comme lui, elle est en marge de la société puisqu’étant au chômage. Elle a du mal à trouver sa place, mais possède une sorte de « super talent » : sa mémoire. Une mémoire qui va grandement lui servir dans sa future carrière de magical girl. Et comme Deku, elle manque cruellement de confiance en elle au début de l’histoire, mais les choses vont rapidement tourner en sa faveur.
Par ailleurs, bien que ce soit visiblement le premier travail du dessinateur, le scénariste, lui, n’en est pas à son coup d’essai. Sekka IWATA avait en effet réalisé un autre manga, toujours en binôme avec un dessinateur, Kento MATSUURA, que vous connaissez peut-être pour son travail sur Phantom Seer de chez Kazé/Crunchyroll. Intitulé Sekai no owari no penfurendo, ce titre est disponible en japonais sur le Shônen Jump+. L’histoire se déroule dans un monde post-apocalyptique. On y suit deux personnages, une jeune fille et un homme adulte, qui se rencontrent par le biais d’une papeterie en ruines.
Dans ce manga, qui bénéficie déjà d’une première saison animée diffusée sur Prime Video (la plateforme de streaming d’Amazon), vous pouvez oublier le destin. Pas question que seules quelques élues puissent utiliser la magie. Car la magie n’est pas réellement la magie comme on peut l’entendre dans d’autres titres comme L’Atelier des Sorciers ou même Sabrina, l’apprentie sorcière. Dans Magilumière Co. LTD., la magie est le résultat d’un amalgame de compétences très techniques et surtout très technologiques. Le manga pose de nombreuses questions, notamment sur le passage à l’âge adulte (en tout cas dans les deux premiers tomes) et sur ce que peuvent être réellement les magical girls.