Beyond Good-bye : une ode à la vie
Nous sommes déjà en décembre, et l’année touche bientôt à sa fin. Entre deux téléfilms de Noël, peut-être voudrez-vous un peu changer de disque ? Journal du Japon vous invite à visionner Beyond Good-bye, fraîchement arrivée sur Netflix le 14 novembre 2024. Une romance un brin atypique avec le café en toile de fond, le tout en parcourant les paysages d’Hokkaido et d’Hawaï. Et si les romances tragiques ne sont pas votre de tasse de thé, vous pouvez toujours piocher du côté de Followers ou Alice in Borderland, dont la saison 3 est prévue pour 2025.
Au-delà de la romance
L’histoire d’une seconde chance
Alors qu’elle venait d’accepter sa proposition en mariage, Saeko Sugawara perd brutalement son fiancé dans un tragique accident. Seule survivante, elle va devoir réapprendre à vivre dans un monde où Yusuke n’est plus. En se plongeant corps et âme dans son travail, et grâce à son entourage très présent dans cette épreuve, Saeko parvient petit à petit à aller de l’avant.
Kazumasa Naruse, marié depuis plusieurs années et vivant dans la campagne d’Hokkaido avec sa belle-famille, souffre d’une maladie cardiaque et mourra s’il ne reçoit pas de greffe de cœur. Résigné et persuadé qu’il ne passera pas l’année, il est cependant sauvé par la mort de Yusuke qui devient son donneur.
Si les lettres de remerciements mutuelles entre Saeko et Naruse étaient parfaitement anonymes, conformément aux règles d’éthique, le destin décide de s’en mêler. La jeune femme rencontre l’homme que son fiancé défunt a sauvé dans le train, sans savoir que c’est lui. Les deux adultes, faisant le même trajet quotidiennement, commencent à sympathiser. Jusqu’à ce que tout bascule …
Des destins liés
Comme dans la plupart des dramas japonais récents, bien qu’on s’intéresse essentiellement aux protagonistes principaux, les personnages secondaires ne sont jamais en reste. Les destins de chacun s’entremêlent au fil des épisodes.
Saeko est dépeinte comme une jeune femme indépendante, ambitieuse et excellant dans son travail. Mais en parallèle, elle semble quelque peu défaitiste et elle est plus à l’aise avec le fait de parler que d’écouter. Passionnée par son travail dans le café, elle est très impliquée. C’est un personnage assez banal mais auquel il est simple de s’identifier. En effet, aussi forte essaie-t-elle de se montrer, elle a aussi ses moments de doutes et de faiblesses.
À contrario, Yusuke est une personne très solaire et enjouée, qui voit le positif partout dans son quotidien. Avec son caractère jovial et avenant, il est apprécié de tout son entourage et a même réussi à percer la carapace de Saeko. Il réussit toujours à voir le bon côté des choses, peu importe leur gravité. Sa joie est contagieuse et il sait mettre tout le monde de bonne humeur.
Quant à Naruse, c’est quelqu’un qui se décrit lui-même comme fade. Il vit de manière sobre et ne semble pas avoir de passion qui l’anime particulièrement. Pourtant, suite à sa greffe de cœur, il va hériter de certaines caractéristiques propres à Yusuke, grâce à la mémoire cellulaire. Il se surprendra même à apprécier cette nouvelle version de lui-même : plus intrépide, drôle et enthousiaste.
À eux trois, ils couvrent un prisme de personnalités assez large et on s’attache rapidement à eux à travers leurs histoires respectives. Du côté des personnages secondaires, on découvre le meilleur ami de Yusuke, Kengo, la femme de Naruse, Miki, et celui qui apparaît comme le père de cœur de Saeko, Hiro. Chacun sera d’ailleurs impacté par la relation et les décisions de Saeko et Naruse.
Des thématiques fortes et profondes
La gestion du deuil
Vu le démarrage de la série avec le décès de l’un des personnages principaux, le spectateur se doute que l’intrigue intègrera à part entière le deuil et sa gestion. Dans les premières scènes, on ressent aisément la peine de Saeko, et l’actrice Arimura Kasumi transmet plutôt bien la douleur de son personnage. Cependant, lorsque l’histoire démarre vraiment, on retrouve une Saeko qui a l’air de mener sa vie comme si rien ne s’était passé. De prime abord, on pourrait penser qu’elle est rapidement passée à autre chose. Pourtant, il n’en est rien : Saeko est toujours très fortement éprise de Yusuke, et semble surtout avoir éteint ses émotions afin de pouvoir avancer. En effet, malgré des apparences trompeuses, certains signes montrent qu’elle n’a pas tourné la page de son fiancé. Tout d’abord, elle vit dans la maison qu’il avait trouvée pour leur vie de jeunes mariés. Ensuite, elle porte sa bague de fiançailles en collier en permanence. Enfin, elle se rend très régulièrement dans le café de Kengo, le meilleur ami de Yusuke, où ce dernier travaillait.
De plus, même l’entourage de Saeko semble s’inquiéter de son attitude en apparence désinvolte. Elle fait mine que tout va bien, maîtrisant l’art de rester de marbre. Mais, au fond d’elle, elle semble profondément brisée et perdue. Les flashbacks récurrents de ses souvenirs avec Yusuke viennent renforcer ce sentiment. Sa véritable source de réconfort est finalement le travail, dans lequel elle se donne corps et âme afin de redonner du sens à sa vie. Dénicher les meilleurs cafés à présenter au public, s’investir dans des projets, c’est là sa manière de ne pas trop se focaliser sur le décès de Yusuke, qui a laissé un grand vide en elle.
Mais ce n’est pas la seule à souffrir du deuil : Kengo se révèle être beaucoup plus sensible que Saeko face à la mort de son ami d’enfance. On aborde ainsi la perte d’un être cher de deux façons diamétralement opposées : un personnage froid en apparence mais qui souffre à l’intérieur, et un autre qui laisse transparaître ses émotions sans mettre de barrière.
Malgré tout, le spectateur pourrait avoir un sentiment d’un sujet pas assez traité en profondeur, car finalement le deuil se place presque en thème secondaire du drama, laissant une plus grande place à la romance complexe pensée par le scénariste.
La greffe de coeur et son impact
L’intrigue est dévoilée selon le point de vue de Saeko d’une part, et de Naruse de l’autre. Le scénariste met habilement en parallèle deux émotions contradictoires ; la douleur de la perte d’un être cher et la joie d’une famille à nouveau réunie grâce à la réussite de la greffe de cœur. La mort de Yusuke fait office de pont entre ces deux univers diamétralement opposés. Du côté de Naruse et de sa femme Miki, le décès de ce dernier a finalement apporté de l’espoir ainsi qu’une seconde chance. C’est un message extrêmement fort qui est transmis ici, sensibilisant au passage le spectateur à l’importance du don d’organes. C’est un sujet qui reste après tout sensible et soumis à la controverse. Pourtant, cet acte témoignant d’une grande empathie peut sauver des vies, des familles et prolonger en quelque sorte la vie du défunt.
C’est également ce message que fait passer la série. En effet, au lendemain de sa greffe de coeur, Naruse est un homme changé. On pourrait penser que le fait d’avoir frôlé la mort et d’obtenir une seconde chance serait la raison de son changement radical de caractère, passant d’un homme discret et effacé à quelqu’un de jovial, enjoué et enthousiaste. Mais avez-vous remarqué que ce sont les adjectifs utilisés pour décrire Yusuke, un peu plus haut ? Naruse se découvre subitement une passion pour le café qu’il abhorrait pourtant, et est capable de jouer un morceau de piano alors qu’il en était incapable avant. Ainsi, au fur et à mesure de la série, le lien à la limite du surnaturel entre Yusuke et Naruse se dévoile petit à petit, Naruse réalisant qu’il porte en lui des « souvenirs » de son donneur.
Si d’apparence, cette partie du scénario pourrait s’avérer fantasque et tirée par les cheveux, des témoignages de personnes ayant reçu des greffes de cœur mentionnent des changements de goûts, des sensations de déjà-vu et la nette impression d’avoir des souvenirs qui ne nous appartiennent pas. Il existe même une étude narrative sur le sujet, intitulé « Au-delà de la pompe ». Ce titre aurait d’ailleurs pu inspirer celui de la série. La version de Beyond Good-bye est bien sûr plus poussée et exagérée pour servir l’intrigue et sa romance en pseudo triangle amoureux. Dans la vie réelle, il est scientifiquement confirmé que le cœur n’a pas de mémoire mais que ce sont les terminaisons nerveuses qui peuvent impacter certains aspects de la personnalité et des goûts. Quant au drama, on appuie sur cette caractéristique afin de donner une dimension particulière aux relations entre les personnages. De plus, il est normalement impossible pour un receveur de rencontrer son donneur ou son entourage. C’est pourtant tout le coeur de l’intrigue de Beyond Good-bye, où Saeko fait face à un homme dans le corps duquel « vit » encore son fiancé et dont la mémoire semble encore perdurer.
Bilan
Un message puissant et porteur d’espoir
Beyond Good-bye se veut être une série qui invite à la réflexion sur la vie et la mort, l’impact de nos choix de vie. On s’interroge sur le sens que l’on veut donner à notre existence, et on saisit à quel point celle-ci est éphémère. Tout peut basculer à n’importe quel moment et c’est ce qui donne la rage de vivre et l’envie de se battre.
Le parallèle entre la perte d’un être cher et le processus de deuil d’un côté, et la seconde chance offerte grâce à cette perte est plutôt bien traité et émouvant. Le malheur des uns fait le bonheur des autres mais, malgré tout, chaque personnage témoigne d’une véritable reconnaissance à la vie. Certaines émotions sont très bien retranscrites, et on ressent la sincérité des émotions entre tous les personnages et leurs destins entremêlés.
Cependant, même si le scénario prend la peine de développer l’impact de la rencontre entre Naruse et Saeko chez tous les personnages gravitant autour d’eux, on peut rester mitigé face aux réactions de certains. Par exemple, les réactions controversées de Miki sont très intéressantes. D’une part, elle est soulagée et profondément heureuse de retrouver son mari guéri. Mais de l’autre, elle ressent une véritable peur face aux changements de personnalité de ce dernier, ce qui est normal. Malgré tout, il peut être frustrant de constater à quel point elle semble tout accepter « docilement ». Cette dualité dans ses émotions aurait mérité un traitement plus en profondeur, pour donner plus de consistance au personnage de Miki. Certaines de ses réactions et de ses décisions au fil des épisodes sont parfois contestables, voire incompréhensibles du point de vue du spectateur. Même s’il ne faut pas oublier que les Japonais abordent les relations humaines très différemment des Occidentaux.
Du côté de Kengo, on ressent un profond bouleversement chez lui suite à la mort de son ami d’enfance. Contrairement à Saeko, il ne donne pas l’impression d’aller de l’avant, visionnant des vidéos souvenirs de leurs moments passés tous les trois, ou prenant soin du caféier que Yusuke avait planté dans son café. Mais ce n’est que dans le dernier épisode que l’on comprend vraiment les sentiments de ce dernier. Un développement plus progressif plutôt qu’une simple révélation qui sort de nulle part aurait sûrement été appréciée et aurait apporté davantage de réalisme dans la relation entre Kengo et Saeko. Cependant, cela reste l’un des personnages les plus attachants, fidèle à ses convictions et ses émotions du début à la fin, tout en prenant soin de tout le monde.
En résumé, Beyond Good-bye véhicule beaucoup de belles émotions mais a tendance à laisser certains sujets abordés en surface là où ils auraient mérité d’être creusés et approfondis. Cependant, le dernier épisode est particulièrement touchant et éprouvant. On comprend que le lien unissant Saeko et Naruse, ainsi que les autres personnages, va au-delà de ce que le scénario nous a laissé penser, c’est-à-dire une « simple » romance sous forme d’un triangle amoureux atypique. Ils ont tous quelque chose à s’apporter, et veilleront les uns sur les autres face à l’adversité.
Bonus : des scènes contemplatives et poétiques réussies
L’une des véritables forces dans les dramas japonais est la part belle à l’image, l’esthétisme et aux prises de vue. Celui-ci n’échappe certainement pas à la règle. À l’instar de First Love, l’histoire se passe essentiellement à Hokkaido, mais cette fois du côté de Otaru et de sa campagne. Le spectateur peut admirer d’incroyables paysages champêtres au fil des épisodes, et des saisons. Les scènes de train occupent aussi une place centrale dans la série et ces dernières sont toujours très immersives et réussies. Les spectateurs appréciant les belles images et les beaux paysages seront ravis de découvrir une partie du Japon moins connue grâce à Beyond Good-bye. La série embarque également ces derniers à Hawaï, mais pas dans les images clichées que l’on pourrait s’en faire. À la place, on découvre une plantation de café, et un quotidien simple et convivial mené par toutes les personnes qui y travaillent.
En parlant de café, c’est la toile de fond de la série. Saeko travaille dans le commerce du café, et c’est également par ce biais qu’elle a connu Yusuke, à Hawaï justement. La personne qui veille sur elle, telle son ange gardien, n’est autre que Hiro, le producteur de la plantation de café où tout a commencé. Enfin, le café fait partie des choses que Naruse commence à apprécier suite à sa greffe et sera aussi l’élément qui lui permettra de rencontrer Saeko de manière fortuite. Le café aurait, selon Yusuke, le pouvoir de nous permettre de remarquer de belles choses que l’on n’avait pas vues. C’est une boisson chaleureuse qui apporte du réconfort à tous. Dans le drama, c’est souvent par le biais du café que les tensions s’apaisent ou que des solutions sont apportées. Les scènes autour de la préparation du café sont extrêmement soignées, avec cette place importante à l’esthétisme typique des œuvres japonaises. Même un non-amateur de cette boisson pourrait avoir envie de s’y essayer tant les scènes donnent envie ! Ces scènes réchauffent le cœur et s’adaptent parfaitement à un visionnage hivernal.
Beyond Good-bye aborde le sujet sensible de la vie et la mort par le biais de la greffe, apportant une dimension qui tranche radicalement avec d’autres romances plus banales. Même si l’amour est au centre de l’intrigue, on est loin d’une romance mièvre et superficielle où les thématiques plus dures servent juste de prétexte. L’équilibre est bien géré, et on se concentre surtout sur le chemin que chacun emprunte pour surmonter les épreuves de la vie. Le tout dans des décors magnifiques et avec une furieuse envie de boire un bon café. Un drama à découvrir emmitouflé dans une couverture bien chaude, avec un paquet de mouchoirs à disposition.