[Utopiales 2024] La science en manga, une fiction ?

Après la table ronde sur les kaijû, il sera encore question des Utopiales, mais de la science en manga cette fois-ci. Le contenu de la discussion de 45 minutes avec un quart d’heure de questions-réponses abordera de nombreuses œuvres et même si vous ne les connaissez pas toutes, les explications devraient vous donner envie d’en savoir plus et s’avèrent donc de bonnes recommandations.

Allez, on ne perd pas plus de temps et on laisse Emmanuel Salinesi, le modérateur de la table ronde faire les présentations !

De gauche à droite : Emmanuel Salinesi, Yonathan Bartak, Pellichi et Olivier Paquet ©Photo de David Maingot pour Journal du Japon

Présentation des intervenants et du thème

Emmanuel Salinesi : Bonjour à tous et merci d’être là pour cette conférence intitulée « La science en manga, une fiction ? » tôt un dimanche matin. On va commencer par faire les présentations.

Material & Methods ©Pellichi

Cette conférence est présentée par moi-même, Emmanuel Salinesi, membre de l’association Ouestampes qui travaille depuis 2 ans maintenant avec les Utopiales pour l’organisation du pôle asiatique. Passons aux intervenants. Il y a Olivier Paquet, docteur en science politique, auteur de science-fiction et, aussi, grand passionné de mangas et d’animation japonaise. On continue les présentations avec Pellichi qui est docteur en biologie, illustratrice et autrice de mangas de vulgarisation scientifique (Material & Methods). Et enfin, Yonathan Bartak également membre de l’association Ouestampes et qui, depuis pas mal d’années, anime des conférences sur le manga et l’animation japonaise.

La science en manga est un thème large donc nous avons choisi de le réduire autant que possible pour tenir 45 minutes. Nous allons donc plutôt nous intéresser aux scientifiques dans les mangas. Dans un premier temps, nous parlerons des scientifiques dans la science-fiction puis le manga scientifique à vocation plutôt documentaire, même si on se rendra compte ce que ce n’est pas si courant que ça. Et quand nous parlerons de sciences, nous nous intéresserons plutôt aux sciences de la vie, la physique et pas particulièrement aux sciences humaines, non pas par dédain mais pour se recentrer et ne pas s’éparpiller.

Pour commencer, je vous propose un exercice d’histoire. Quand on parle d’histoire du manga, de science et de science-fiction, on revient toujours sur la même œuvre, Astro Boy. Olivier Paquet peut-être, voulez-vous bien nous parler de la figure du scientifique dans cette série ?

Astro Boy qui incarne la « bonne » science et l’avenir

Astro Boy ©Kana

Olivier Paquet : Chez Osamu Tezuka, les sources occidentales sont vraiment importantes. C’est un auteur du tout début de l’après-guerre et c’est essentiel parce que, d’une part, c’est par sa famille qu’il avait accès à la culture occidentale. Et le Japon est une des rares nations à ne pas avoir été dominées totalement par l’Occident. L’archipel nippon s’est développé grâce à la science et à la technologie. Le Japon a surpris le monde occidental quand par exemple il a battu l’Empire russe dans une bataille navale [NDLR : la bataille de Tsushima lors de la guerre russo-japonaise (février 1904 – septembre 1905). Plus d’information dans notre dossier sur la Seconde Guerre mondiale avec l’épisode 1 : Prélude à la Guerre du Pacifique partie 1/2 et partie 2/2] avec des inventions techniques et technologiques. Pour la première fois de l’histoire, une nation « non blanche », pour faire simple, avait battu une nation européenne. Cela introduit quelque chose d’important sur le rapport à la science et à la technologie et comment les Japonais se les ont appropriées. Et quand le nationalisme et le militarisme japonais se sont emparés du pays et ont produit la catastrophe finalement de la Seconde Guerre mondiale, c’était avec cette idée.

Quand Tezuka arrive à maturité et qu’il réalise ses premières œuvres, il est dans une situation où le Japon a connu les bombes atomiques et incendiaires. Il y avait cette peur finalement, chez Tezuka, que cette technologie occidentale qui a écrasé le pays soit repoussée et la traiter comme non japonaise. Et je pense qu’en créant Astro, Tezuka veut d’une certaine manière que la nouvelle génération ne repousse pas la science et qu’elle s’en empare. Astro est un petit robot et la génération des parents est celle qui a connu la catastrophe. Ce que je trouve fascinant, c’est qu’en 1952, le mangaka utilise ce qui a détruit Hiroshima et Nagasaki pour faire du robot avec un cœur atomique un personnage de héros qui doit apprendre à contrôler ses pouvoirs. Et c’est un rapport justement à la science, à la technologie et à l’avenir qui est essentiel.

Emmanuel Salinesi : D’ailleurs, dans la version originale, Astro s’appelle Tetsuwan Atomu pour marquer encore un peu plus ce symbole.

Yonathan Bartak : Effectivement, ce qui est intéressant dans Astro Boy, c’est la figure d’Astro, ce petit robot qui est une figure d’espoir. C’est d’ailleurs une thématique qu’on retrouve assez régulièrement et pas forcément dans de la science-fiction, même dans les toutes premières heures du magical girl où apparaît un pouvoir qui vient de l’extérieur et qui diffère de ce que les Japonais connaissent et que les jeunes enfants s’approprient puisque ce sont eux qui vont faire la transmission générationnelle et qui vont par la suite vraiment utiliser ces pouvoirs/technologies.

Dans Pluto de Naoki Urasawa qui s’est basé sur Astro, on retrouve beaucoup plus la dangerosité du nucléaire et de la technologie. Et tout au long d’Astro Boy, on retrouve en opposition la bonne science, celle qui aide avec Astro qui tend la main aux autres et la mauvaise science qui est beaucoup plus destructrice.

Bande-annonce de la série animée Pluto sur Netflix

Emmanuel Salinesi : Paradoxalement, cette dernière est beaucoup incarnée dans le manga Astro Boy par le docteur Tenma qui est le créateur d’Astro. J’ai d’ailleurs une citation de Tezuka lui-même pour son rapport à la science, déçu que l’on voit son œuvre comme finalement un hymne à la science alors que lui la considère comme quelque chose d’assez terrifiant. Il écrit donc dans son autobiographie parue chez Kana au début des années 2010 [NDLR : Ma vie manga en 2011] :

« Relisez mieux Astro Boy s’il-vous-plaît et vous verrez que ce que je dis, c’est que la technologie et la science ont une influence négative sur l’humanité et que la course à la technologie est en contradiction avec le progrès humain ou celui de la société ».

Olivier Paquet : D’ailleurs, les derniers chapitres sont très sombres en fait, puisque les robots sont en guerre avec les humains. Il y a une évolution.

Mobile Suit Gundam The Origin ©VEGA

Emmanuel Salinesi : Oui, il écrit ça à la fin de sa vie alors qu’Astro Boy date de plus de 30 ans. Le début est quand même assez sombre : c’est l’histoire d’un robot créé à l’image de Tobie, le fils décédé du Docteur Tenma, qui est abandonné par son père car il se rend compte qu’il ne sera jamais son fils disparu. Le manga de science-fiction va un peu évoluer dans les années 70 en commençant à s’adresser à un public plus adulte, en tout cas plus adolescent peut-être, puisque Astro Boy et les premiers mangas de Tezuka restaient avant tout des œuvres pour enfants. Je pense par exemple à la série Gundam.

« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » – Rabelais

Yonathan Bartak : En 1979, il y a Gundam qui arrive. C’est une série de gros robots avec l’idée qu’il s’agit d’armes à la fois offensives et défensives, où les pilotes se battent à l’intérieur de leurs machines. On retrouve en quelque sorte la bonne science et la mauvaise dont on a parlé avec Astro Boy précédemment. Dans Gundam, ce qui compte, ce n’est pas tellement le robot mais plutôt ce qu’on en fait. C’est une thématique assez courante dans la science et je pense que Pellichi sera d’accord avec moi.

Et cette idée d’avoir des robots géants qui existaient déjà avant Gundam [NDLR : Tetsujin 28-gō de Mitsuteru Yokoyama (1956) est le premier manga de gros robots et il faudra attendre Mazinger Z de Gô Nagai (1972) pour que les robots géants soient pilotés de l’intérieur] s’est popularisée avec Gundam avec tout ce que ça a amené en merchandising ou en vente de maquettes en amenant un public aussi un peu plus féminin. Le mecha a profondément marqué l’animation japonaise.

Emmanuel Salinesi : Est-ce qu’il y a des personnages de scientifiques dans la science-fiction qui vous ont marqué ?

Pellichi : C’est une question piège. Je suis plutôt anime des années 80-2000. Je pense à Steins;Gate. Le héros s’autoproclamant savant fou est vraiment le plus connu et le plus marquant en terme de personnage haut en couleur et de scientifique caricatural. Pas en bien ni en mal, c’est juste marquant.

Emmanuel Salinesi : C’est vrai que pour certains scientifiques, on ne sait pas s’ils sont vraiment scientifiques ou s’ils sont juste autoproclamés. C’est une œuvre marquante assez récente j’allais dire, même si elle a une quinzaine d’années maintenant et qu’elle continue à avoir de l’actualité.

Olivier Paquet : C’est un personnage effectivement très émouvant qui n’est pas le savant fou qu’on a envie de détester. C’est autre chose et on a de l’empathie pour lui, on pleure pour ce qui lui arrive… Et c’est pour ça aussi qu’il est marquant : c’est le savant fou tel qu’on l’imagine dans la culture populaire mais en faisant quelque chose de bien plus émouvant.

Yonathan Bartak : Le savant fou, c’est quand même une figure qui revient en fait assez souvent et pas spécifiquement dans le manga.

Olivier Paquet : Sur l’histoire de la science-fiction japonaise dans la littérature, Jules Verne a eu une influence énorme. Dans son Tour du monde en 80 jours, il y a 2 ou 3 pages au Japon et cela a eu un succès gigantesque dans le pays.

Emmanuel Salinesi : Peut-être que le fait que cela soit un auteur français a aidé aussi.

Olivier Paquet : Les traductions des ouvrages de Jules Verne étaient les meilleures ventes. Il y a donc eu beaucoup d’essais pour imiter son œuvre dont Michel Strogoff. On retrouve la figure du savant vernien dans Nadia, le secret de l’eau bleue (1990) par exemple. Il y a vraiment une influence vernienne très forte, du rapport à la technologie et ses conséquences. Les conséquences on les a aussi avec Hayao Miyazaki dans Nausicaä de la Vallée du Vent (1984).

Nadia et le secret de l’eau bleue ©NHK

Emmanuel Salinesi : Il y a des influences occidentales dans Le Château dans le ciel (1986) de Miyazaki où l’on retrouve aussi ce pouvoir scientifique de destruction inspiré des Voyages de Gulliver de Jonathan Swift avec l’île volante de Laputa.

Le post-apocalyptique

Yonathan Bartak : On retrouve assez souvent dans le manga et l’animation japonaise le sous-genre post-apocalyptique qui en fait découle des bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki et de cette apocalypse vraiment vécue par les Japonais. Après cela, comment on avance, qu’est-ce que l’on construit ? Quel type de régime politique mettre en place après le désastre du militarisme japonais qui a été particulièrement offensif et colonisateur ?

On retrouve ce côté post-apocalyptique dans Gundam aussi avec en guise d’ouverture la destruction de la ville de Sydney rayée de la carte.

Emmanuel Salinesi : La Fédération de Zéon, les méchants de l’histoire même si c’est plus compliqué que cela, fait s’écraser une colonie spatiale sur Terre. Ça provoque un trou au niveau de Sydney et potentiellement un hiver nucléaire.

Nausicaä de la Vallée du Vent ©Studio Ghibli

On a un peu évoqué Miyazaki et c’est vrai que c’est tentant d’en parler quand on parle de science-fiction et de post-apocalyptique. Dans Nausicaä de la Vallée du Vent, il y a aussi une dimension assez scientifique finalement avec le personnage de Nausicaä qui est beaucoup de choses déjà dans le film. Et si vous lisez l’intégralité du manga, c’est un personnage extrêmement fort dans beaucoup de sens.

Olivier Paquet : Hayao Miyazaki est né en 1941 et a vécu la catastrophe de la baie de Minamata [NDLR : une grave intoxication au mercure qui a touché plus de 10 000 habitants de la baie, touchés par la maladie de Minamata dans les années 50]. Il raconte que ce qui l’a intrigué, c’est qu’assez rapidement après la pollution, la nature a repris ses droits et même qu’il y a eu une explosion naturelle. D’où, dans Nausicaä, la forêt toxique, cet esprit écologique qui est essentiel dans le manga. Ce n’est pas juste une aventure : il y a une réflexion écologique donc effectivement scientifique qui intervient.

Il y a aussi une démarche effectivement plus scientifique et d’ailleurs même sur des œuvres différentes comme Princesse Mononoké (1997). Sur la relation de la technologie et de la nature, c’est très particulier parce que la nature dans l’œuvre de Miyazaki n’est pas quelque chose de forcément bénéfique. C’est beaucoup plus trouble.

Emmanuel Salinesi : Dans les films de Miyazaki, c’est intéressant le fait que l’effondrement d’une certaine manière de la civilisation n’est finalement pas tant que ça un problème et c’est presque même une sorte de solution. Il faut que l’humanité renonce à une partie d’elle pour vivre en harmonie avec la nature. On le constate dans Princesse Mononoké, Nausicaä et d’autres de ses œuvres.

Pellichi : Dans Nausicaä, ce que je trouve intéressant c’est en plus cette démarche de naturaliste de Nausicaä et surtout la remise en question du personnage. Se poser des questions et aller observer s’inscrit pleinement dans une démarche scientifique. C’est aussi ça qui est marquant chez elle.

Emmanuel Salinesi : Olivier, je sais que vous vouliez parler de la série Escale à Yokohama. On est d’ailleurs plusieurs autour de cette table à beaucoup aimer cette œuvre.

Escale à Yokohama ©Meian

Olivier Paquet : Il se trouve que j’ai plus d’années au compteur et que c’est à BD expo dans les années 90 qu’avait été diffusé le LaserDisc des OAV d’Escale à Yokohama. Ce que je trouve formidable, c’est qu’il s’agit d’une œuvre post-apocalyptique mais cool : l’humanité sait qu’elle est en train de disparaître mais ce n’est pas grave. Ce que je trouve extrêmement émouvant, c’est que la nature essaye de se souvenir de ce qu’a été l’humanité et ses traces. Le personnage central est un robot, Alpha dont la principale activité est de préparer du café chaque matin, même s’il n’y a quasiment personne pour venir dans son café. Le plus tragique qui arrive dans son aventure, c’est qu’un jour d’orage, elle est foudroyée sur son scooter. C’est à peu près le truc le plus dramatique qui va lui arriver et pourtant, c’est passionnant.

Elle essaye aussi de connaître les humains en les observant. Il y a aussi une démarche finalement naturaliste chez ce robot qui ne comprend pas ce que sont les humains. Elle les observe, et essaie de comprendre son environnement et la nature. C’est quasiment une démarche scientifique. C’est un « post-apo » ultra calme avec très peu de dialogues et des pages magnifiques où l’on montre la nature, le temps qui passe et cette évolution où l’herbe recouvre les routes et les chemins.

Yonathan Bartak : Et je trouve qu’il y a quelque chose de très intéressant aussi justement dans le fait qu’Alpha ne vieillit pas mais qu’elle grandit en apprenant des choses et vivant de nouvelles expériences tout au long du manga. Et on est dans un monde où la nature reprend ses droits et ce personnage quelque part figé permet justement de voir que tout le reste est en mouvement. Alpha est en quelque sorte le témoin du temps qui passe et des transformations de la société humaine qui disparaît au profit de la nature.

Emmanuel Salinesi : Escale à Yokohama est à la fois une série joyeuse et extrêmement mélancolique comme beaucoup d’œuvres japonaises où l’on assiste dans la bonne humeur à l’extinction de l’humanité. C’est formidable et assez terrifiant.

Olivier Paquet : Et ça me donne l’occasion de citer Twin Spica (2003) : j’avais adoré cette série même si elle est absolument pas connue. C’est une histoire de conquête spatiale vue par une enfant de 15 ans dont la mère est morte suite au crash de la première fusée. Et cela parle du deuil et en même temps de l’enthousiasme de la conquête de l’espace et comment toute une nation se mobilise. Qu’est-ce que c’est que d’aller dans l’espace et rêver l’espace ? Comment promouvoir un projet scientifique alors qu’on est issu d’une catastrophe ? En France, seuls 4 tomes sur les 16 que compte le manga ont été traduits et publiés par l’éditeur Clair de lune qui a stoppé la parution de mangas. La série animée avec des choses extrêmement simples est très émouvante.

Yonathan Bartak : Cela me fait penser justement aussi à Dennō coil (2007), une série pionnière avec de la réalité augmentée avant que cela ne soit à la mode. Sous ses débuts presque joyeux avec une jeune fille qui sait gérer des monstres en réalité augmentée, on se rend compte petit à petit que l’histoire porte beaucoup sur le deuil, la relation avec les autres et la famille. C’est une œuvre très touchante que je vous recommande.

Pellichi : Ce contraste entre la légèreté du quotidien et la lourdeur du sujet traité est assez courant finalement dans beaucoup de mangas de SF / tranches de vie.

La vulgarisation scientifique en manga

Steins;Gate ©Mana Books

Emmanuel Salinesi : On va revenir rapidement sur Steins;Gate pour permettre d’avancer dans la deuxième partie de cette table ronde. C’est intéressant parce que comme on l’a dit, on suit des personnages de scientifiques. Et dans l’œuvre, il y a vraiment une démarche et une volonté des auteurs de vulgarisation scientifique. Assez régulièrement, il y a des inspirations de travaux scientifiques en astrophysique comme le trou de ver par exemple pour expliquer le voyage dans le temps de l’histoire.

On va se tourner vers Pellichi pour aborder la question de la vulgarisation scientifique, comme c’est finalement ce que vous faites. Quand on est docteur en biologie, comment on se retrouve à dessiner des mangas de vulgarisation scientifique ?

Pellichi : Cela part d’un constat assez simple : on peut parler de tout en manga. Il y a vraiment quelque chose de très fort avec ce médium qui fait que l’on peut rendre tout accessible, de façon ludique et attractive. On peut parler de pêche et de camping de façon complètement passionnante. Et alors, pourquoi pas la science et la recherche ?

Emmanuel Salinesi : Pellichi, est-ce que vous vous êtes lancée dedans pour combler un manque éditorial ? Quand je cherche, dans ma mémoire, des mangas de vulgarisation scientifique, je pense directement à Manga science publiée chez Pika éditions au milieu des années 2000 [NDLR : série arrêtée au tome 10 sur les 14 publiés au Japon]. Et j’ai l’impression que depuis, il n’y a pas eu grand-chose. Est-ce qu’il avait donc une volonté d’apporter de la nouveauté et quelque chose qui n’existe quasiment pas en fait ?

Pellichi : Oui, le manga de vulgarisation scientifique n’est pas très courant mais il y en a quelques uns de vraiment très sympas comme Moyashimon qui parle de bactéries et de fermentation. Après justement, ce qui me dérangeait le plus, c’était la figure du chercheur qu’on décrit pas mal dans les mangas, soit de science-fiction ou de fiction scientifique, on trouve souvent le savant fou qui a cet amour pour la science, cette connaissance presque infinie… et en fait, la science, elle ne se fait pas comme ça. (rires) C’est plus compliqué et ce sont des gens normaux. Plus qu’un manque éditorial, c’était surtout mieux représenter le chercheur, celui de la vraie vie, tout simplement.

Emmanuel Salinesi : Vous avez fait un projet en partenariat avec le laboratoire iBrain (Imagerie et Cerveau) de l’UMR Inserm de l’Université de Tours. Vous confirmez que les scientifiques là-bas sont des gens normaux et totalement équilibrés ? (rires)

Pellichi : Oui, après vous avez de tout comme dans tout milieu : il y a une grande diversité de personnes et de personnalités. Le but est de parler de la recherche telle qu’elle est faite avec ses bons côtés, comme les découvertes, mais aussi que c’est long et compliqué.

Emmanuel Salinesi : Quelle forme prend le manga pour aborder la science ? Si on oublie la science-fiction dont on a déjà parlé, est-ce qu’il y a des mangas vraiment scientifiques qui vous ont parlé au cours de votre vie ou récemment ?

Yonathan Bartak : Tout récemment, il y a le manga Céleste Harmonie, chez Komikku éditions en France (2024), qui raconte la vie de Sophie Germain. Alors malheureusement, on sent que le manga n’a malheureusement pas marché au Japon et compte seulement 2 tomes dans des circonstances expéditives. C’est dommage car je trouvais intéressant d’avoir un manga basé sur la vie (l’enfance, l’École polytechnique) d’une mathématicienne française du 18e siècle. C’est l’exemple le plus récent en France qui parle vraiment de scientifique.

Pellichi : Oui, des mangas qui parlent de scientifiques réels, il y en a pas beaucoup en effet. Par contre, des mangas qui évoquent la science ou avec des personnages de scientifiques, il y en a encore et certains se vendent très bien.

Dr. Stone ©Glénat

Par exemple, il y a Dr. Stone que j’aime bien recommander à un jeune public, notamment parce que c’est un mélange parfait entre aventure et vulgarisation scientifique. En théorie, ça marche mais avec les nombreux facteurs dans la réalité, ça peut échouer. Mais la théorie et sur le principe des expériences, c’est super chouette.

En moins réaliste je pense aux Brigades immunitaires. Si vous aimez Il était une fois… la Vie, c’est un peu un remaster plus accessible en version manga.

Yonathan Bartak : Il y a aussi La Petite faiseuse de livres – Ascendance of a Bookworm qui a aussi ce côté didactique où l’héroïne explique très bien l’histoire et la fabrication des livres avec son évolution.

Pellichi : Il y en a pas beaucoup de mangas et d’anime donc l’inventaire est vite fait. L’anime Science Fell in Love, So I Tried to Prove it est une comédie romantique assez marrante car l’histoire se déroule dans un laboratoire, avec des chercheurs en mathématiques qui essaient de prouver des choses avec les statistiques. Cela explique plein de trucs sur cette discipline et c’est assez inattendu de la part d’une comédie romantique.

Yonathan Bartak : J’ai entendu cette phrase que je trouve assez drôle qui est :

« Quand tu as fait un post-doctorat en France et que tu cherches du travail, tu crées une chaîne YouTube. Quand tu as fait un post-doc au Japon et que tu cherches du travail, tu écris un light novel ».

Au Japon, de nombreux light novels ou « romans illustrés » sont écrits par des auteurs ayant fait des études, des doctorats parfois sur des sujets très spécifiques et ils se disent qu’avec cette maîtrise, ils peuvent écrire un roman avec. Ce n’est pas toujours publié mais des versions sur internet existent. C’est quelque chose qui est assez courant dans le paysage du roman japonais d’avoir ces concepts scientifiques un peu poussés à l’extrême.

Emmanuel Salinesi : Alors je vais citer une œuvre qui me tient très à cœur Tokyo Magnitude 8.0, qui part du postulat que c’est de la pure fiction basée sur des recherches scientifiques mais qui malheureusement est devenue réalité plus tard. Dans cette série de 2009 [NDLR : 2 ans avant le séisme de 2011 qui provoqua la catastrophe nucléaire de Fukushima], un séisme de magnitude 8 sur l’échelle de Richter dévaste Tokyo. Ce n’est pas du tout joyeux mais les scénaristes avaient une démarche scientifique et de vulgarisation pour écrire les 11 épisodes.

Des kaijû et des gros robots

Yonathan Bartak : En s’éloignant du manga, j’en ai déjà parlé hier pour ceux qui étaient à la scène Shayol à 15h00, à la table ronde sur les kaijû : on retrouve énormément la science dans la culture japonaise avec les kaijû, ces créatures géantes et inconnues qui débarquent. Dans l’énorme majorité des films, il y a un scientifique qui essaye d’analyser le monstre et de comprendre son comportement afin de donner un avis tranché. Est-il un allié ou va-t-il nous écraser ?

Le personnage du scientifique permet d’expliquer son fonctionnement, son écosystème, ses caractéristiques. Et si jamais il y a besoin de vaincre le kaijû, et c’est souvent le cas à la fin, c’est souvent le scientifique qui sauve la situation en réussissant à trouver la faiblesse de la créature. L’armée rentre ensuite en scène car cela reste des films assez militaristes quand même.

Mazinger Z ©Isan manga

Olivier Paquet : Avec les grands robots, il y a aussi Mazinger Z (1972) de Gô Nagai. Et pour raconter l’histoire, qui est aussi intéressante par rapport à la science, c’est une équipe d’archéologie qui va sur Rhodes et qui découvre un robot. Il y a un conflit intérieur. Ce que je trouve formidable, c’est que les robots sont inertes et qu’il faut aller dans les profondeurs du Mont Fuji pour trouver le japonium qui permet de les animer. Cela veut dire tellement de choses sur le rapport aussi du Japon à l’Occident. De la même manière, le robot Goldorak (1975) vient lui aussi de l’étranger. Cela remonte à des choses très anciennes sur l’idéologie, sur les sciences occidentales et l’esprit japonais. Comment apprend-on cette science qui nous est extérieure ? Comment on la maîtrise et comment on l’adapte ?

D’ailleurs, que cela soit pour les grands robots ou le cas d’Astro, ce sont des jeunes héros qui doivent apprendre à gérer leur pouvoir. Devenir adulte c’est se contrôler. Et ce que vous disiez sur Tezuka et le problème de la technologie c’est ça : tout au long de l’histoire, Astro ne connaît pas tous ses pouvoirs et il doit donc apprendre à les contrôler. Cela dit aussi beaucoup de choses sur l’évolution de la science et de la technologie.

Emmanuel Salinesi : On retrouve encore une fois cette dualité très présente dans les mangas et les anime de SF des années 50-60-70 où le robot peut être à la fois le sauveur de l’humanité mais aussi son destructeur, en fonction des mains dans lesquelles il tombe. La science peut amener l’humanité au meilleur comme au pire. Il y a toujours, en tout cas pendant au moins une quarantaine d’années, en arrière-plan dans la science-fiction japonaise l’image des 2 bombes atomiques qui ont rasé le Japon en 1945.

Olivier Paquet : Je me permets quand même de citer l’œuvre qui m’a fait découvrir un peu le manga, Akira [NDLR : 1990-1992 en France en kiosque chez Glénat]. On a la totale : des scientifiques et une sorte de bombe atomique sur Tokyo. Il y a aussi la totale remise en cause de la société par Katsuhiro Ōtomo.

La destruction de Tokyo le 6 décembre 1982 dans le manga Akira ©Glénat

Yonathan Bartak : Pellichi, toi qui travailles en labo, les robots géants c’est pour bientôt ?

Pellichi : (Rire) Je crois qu’il y a des problèmes pour créer des robots géants. En attendant, vous pouvez toujours aller au Japon et voir ceux qui sont juste animés.

Olivier Paquet : Et c’est d’ailleurs super intéressant de voir comment des images de science-fiction (Astro Boy entre autres) ont dirigé l’ingénierie.

Emmanuel Salinesi : C’était une question que j’allais poser justement. La science a influencé la science-fiction. Comment le manga et l’animation ont pu influencer la science et les recherches en robotique en retour ?

Olivier Paquet : On sait que le robot bipède est ce qu’il y a de pire et ça n’a aucun intérêt. Il y a tellement plus efficace pour faire avancer une machine. Quand on interroge des ingénieurs, c’est : « Ah bah, j’ai vu Astro, j’ai vu Tetsujin 28 ». C’est vraiment l’imagerie du manga qui les a poussés à faire ça. Et même moi, je me souviens d’une scène en tant qu’écrivain de science-fiction. Cela se déroulait à Prague, en République tchèque. Il y avait Václav Havel [NDLR : Président de la République fédérale tchèque et slovaque de 1989 à 1992 puis Président de la République tchèque de 1993 à 2003] qui était à un rendez-vous diplomatique avec le robot ASIMO (dont le nom peut évoquer celui de l’auteur et théoricien de la robotique Isaac Asimov) de l’entreprise Honda Motor qui disait bonjour, sachant que le terme « robot » a été inventé par l’écrivain tchèque Karel Çapek. On avait donc toutes les traditions de la science-fiction réunies en un lieu et je trouvais ça formidable.

Emmanuel Salinesi : ASIMO, c’est Asimov avec comme design Astro Boy.

Yonathan Bartak : Récemment au Japon, ils ont essayé de construire un Gundam qui bouge. Plein de scientifiques de différentes entreprises de pointe se sont réunis pour le monter à Yokohama. Et comme il est posé sur le sol japonais, à un moment ou un autre, s’est posée la question de la législation. Ils sont donc allés se renseigner auprès de la mairie pour savoir comment était considéré leur Gundam ? Il s’agit en fait d’un bâtiment. Il faut qu’il soit relié à la terre et le Gundam ne pouvait donc pas sauter. Pour le faire voler ou du moins décoller, ils ont donc utilisé l’astuce de mettre une grosse tige derrière accrochée à la terre, un peu d’ailleurs comme quand on expose un gunpla [NDLR : maquette de Gundam en kit à monter soi-même]. Le Gundam échelle 1:1 est un bâtiment et à ce titre, il doit respecter les normes anti-sismiques, de résistance au vent, à la neige…

Vidéo de la chaîne YouTube Japan Go! avec le Gundam en action

« Le manga arrive à nous faire regarder ailleurs« 

Emmanuel Salinesi : Est-ce que pour vous le manga, qu’il soit de science-fiction ou de science, peut être une manière de s’ouvrir justement à la science ? Est-ce que des mangas de sport ou le manga de manière générale peuvent donner envie de débuter une carrière dans le sport et le dessin par exemple ? Est-ce qu’en lisant un manga on peut avoir envie de devenir scientifique ?

Olivier Paquet : Je vais parler de mon expérience. Quand j’ai regardé Albator, cela m’a fait observer les étoiles. Il y a un truc que je trouve absolument génial chez les Japonais c’est qu’ils montrent les étoiles, plus que l’aspect scientifique, qu’ils donnent envie de regarder ailleurs. Le manga arrive à nous faire regarder ailleurs : les étoiles, la nature, la science…

Du mouvement de la Terre ©Ki-oon

Yonathan Bartak : Justement en regardant les étoiles, cela me fait penser à une œuvre que l’on n’a pas encore citée, Du mouvement de la Terre qui raconte l’histoire en Pologne de personnes qui s’opposent au géocentrisme. Spoil : cela se passe assez mal pour ces personnages. Ils remettent en cause la religion et le fait que la Terre soit au centre de l’univers. A cette époque d’Inquisition, l’héliocentrisme est compliqué à entendre.

Leur vie leur importe peu, ce qui compte pour eux est de faire avancer la science et de transmettre à d’autres pour qu’ils reprennent leurs travaux ensuite. C’est vraiment une œuvre qui est assez incroyable de ce point de vue-là sur la transmission des savoirs.

Ils observent les étoiles avec la technologie de l’époque. Ils en tirent leur conclusion. Parfois, ils abandonnent parce qu’ils se rendent compte qu’ils pensaient avoir fait une découverte mais en fait non. Ce n’est pas grave car d’autres personnes reprennent derrière et continue la recherche pour découvrir enfin l’héliocentrisme et essayer de répandre cette théorie. À réserver à un public averti car il y a des scènes de torture.

Pellichi : Pour répondre à la question, il y a 2 aspects. Le premier, c’est qu’effectivement, le manga peut susciter des carrières ou donner envie de comprendre. Comme je le disais, la grande force du manga est de pouvoir intéresser sur des sujets complètement distants ou anecdotiques en transmettant cette passion et en projetant dans un univers dans lequel le lecteur n’est pas forcément familier.

Et deuxièmement, c’est intéresser à la science pour ses tenants et aboutissants. En science-fiction, on projette la science : on crée des scénarios apaisés ou catastrophes. En fait, on est responsable de la science. On n’a pas abordé l’intelligence artificielle mais en ce moment, il y a beaucoup de mangas et d’anime de science-fiction autour de l’IA. Cela nous amène à nous poser des questions essentielles, des implications de la science et que c’est à nous de choisir en fait.

Olivier Paquet : Ce que je trouve formidable justement dans le manga, c’est sa grammaire narrative. Moi, j’étais passionné, par exemple, par Hikaru no go (1999). Les traits lorsque les joueurs balancent leur pierre crée une dynamique. La façon d’avancer dans les cases implique le lecteur et le fait participer. On sent que pour les mangakas, le plus important est de faire avancer l’histoire plus que l’aspect éducatif. C’est parce qu’on a impliqué le lecteur avec la grammaire narrative que l’aspect éducatif peut arriver. En Occident, le problème, c’est qu’on a souvent tendance à penser l’inverse.

Pellichi : Je suis assez d’accord. C’est qu’en fait le manga a le pouvoir de nous faire vivre toutes ces situations, c’est-à-dire que l’on n’est pas spectateurs et qu’on est vraiment avec les personnages. Je pense que c’est aussi ce qui fait son succès aujourd’hui, notamment chez le jeune public. On a ainsi l’impression d’apprendre par soi-même et non que l’on nous enseigne.

Emmanuel Salinesi : C’est quelque chose que je constate au quotidien. Je suis professeur documentaliste, je travaille dans un CDI de lycée et effectivement, on accroche beaucoup plus facilement les élèves et c’est à cela que nous servent les mangas. C’est permettre aussi d’amener les élèves vers des choses qui peut-être ne les intéressent pas si on leur en parle tel quel. En les diluant dans une histoire avec une trame narrative percutante, cela peut peut-être éveiller quelque chose en eux.

Questions du public

Fullmetal Alchemist Perfect édition ©Kurokawa

Question du public n°1 : Bonjour et merci pour ces échanges : c’était très intéressant. J’aurais 2 petites remarques et questions. La première, c’est quand vous avez parlé des figures de scientifiques dans le manga, il y a une œuvre qui m’est venue en tête, c’est Fullmetal Alchemist. Avec cette science fictive, l’alchimie permet d’aborder de manière détournée tout un tas de sujets autour de la science. Et la deuxième remarque que j’avais par rapport à Escale à Yokohama qui évoque la fin du monde de manière apaisée. En fait, en y réfléchissant, c’est un type d’œuvres que j’apprécie mais qu’on retrouve souvent plutôt dans un contexte de fantaisie. On pense par exemple à Tolkien où il y a toute une idée de la fin de monde ou d’un cycle.

Olivier Paquet : Vous citez FMA et c’est bien. L’alchimie n’est pas une science et à travers son principe essentiel d’équivalence, on fait prendre conscience de quelque chose d’essentiel de notre réalité. Et effectivement, Fullmetal Alchemist peut faire comprendre une base essentielle de la chimie avec son histoire rocambolesque.

Emmanuel Salinesi : On revient à ce fameux dilemme moral que l’on peut réduire à cette citation de Rabelais : « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Finalement, les alchimistes portent aussi sur eux le fait d’être responsables dans FMA d’un génocide qui est au cœur du récit. Cette science est encore une fois dévoyée.

Yonathan Bartak : Et ce qui est intéressant avec Hiromu Arakawa [NDLR : l’autrice de Fullmetal Alchemist] qui n’est pas elle-même une scientifique, c’est qu’elle a vécu son enfance dans une ferme à Hokkaido mais elle réussit à bien expliquer les choses de manière didactique. Dans Nobles paysans, elle raconte de manière très amusée sa jeunesse. Ce n’est pas de la science mais l’on retrouve cette transmission de ses connaissances.

Question du public n°2 : Merci beaucoup. On a beaucoup évoqué la notion de passation des connaissances dans la science, que ce soit avec Du mouvement de la Terre, les CDI et les élèves… Et j’ai remarqué qu’au fil de la discussion on est passé d’une science finalement assez sublimée et assez fouillis dans les premières années à des choses de plus en plus précises et ancrées dans la réalité, dans des sciences qu’on connaît. Et on l’a aussi avec le parcours de Pellichi qui passe de ses études à la transmission par le manga. Est-ce que vous pensez que c’est quelque chose qui va s’affirmer de plus en plus avec les prochaines générations puisqu’on a grandi avec la science, on la maîtrise beaucoup mieux finalement que des auteurs des années 80-90 où c’était peut-être plus confus ? Et est-ce que vous pensez que dans le futur, on va avoir de plus en plus de séries plus ancrées dans la science et peut-être plus dans la transmission d’un savoir de façon ludique plutôt que juste des métaphores et qu’il faut se méfier et en avoir peur ?

Olivier Paquet : C’est une question très vaste en fait que vous nous posez. Je réfléchis à toutes les implications et en fait, la question c’est quelle était la représentation de la science ? Mais c’est aussi lié d’une certaine manière à l’aspect de divertissement, c’est-à-dire comment on met en scène le scientifique ? Le savant fou, c’est divertissant. On a tous vu ce genre de chose donc au bout d’un moment, il faut faire quelque chose de nouveau. On va alors vers plus de réalisme. C’est assez compliqué de déterminer son évolution car il y a déjà des critères économiques dans le manga. Votre question est très intéressante, mais c’est extrêmement complexe d’y répondre.

Yonathan Bartak : C’est vrai que c’est une question très vaste. Assez régulièrement, on commence à retrouver des offres qui sont vraiment précises dans ce qu’elles vont raconter. Dans Dr.Stone, même s’il y a ce côté fictif dans le futur, c’est quand même très précis dans ce que ça raconte. On a vraiment tout le déroulé scientifique de comment redémarrer une civilisation. En restant sur les grosses séries du Shônen Jump, sans parler de science, il y a Akane-banashi qui parle du rakugo, forme théâtrale typiquement japonaise, de manière vraiment très technique et très précise, en expliquant les mécanismes, les différents grades et la progression, les techniques.

Question du public n°3 : Au niveau de la vulgarisation scientifique, est-ce qu’au niveau de l’édition il y a une demande ? Est-ce qu’il y a des fonds de recherche qui financent des mangas de vulgarisation ?

Yonathan Bartak : Si ça t’intéresse le manga de vulgarisation scientifique, sache que tous les 6 mois il y a un salon au Japon qui s’appelle le Comiket qui vend de l’œuvre amateur et il y a plein de scientifiques qui font leurs propres petits mangas amateurs là-bas. C’est jamais publié de manière professionnelle mais il y en a beaucoup où les scientifiques racontent leurs thèses sous forme de mangas.

Pellichi : Pour le coup, je ne pense pas qu’il y ait de demande vraiment éditoriale. Alors peut-être que ça va venir en France. Au Japon, je pense que dans les sentiers habituels éditoriaux, cela ne sera pas une priorité.

Et pour répondre à la question de financement par des fonds de recherche. La réponse est oui. Par exemple, la collaboration avec l’Inserm est financée avec des fonds de recherche dont une partie est allouée à la communication au public. Créer un manga qui parle des sujets de recherche fait partie des solutions possibles.

Pour mon manga sur la recherche Material & Methods, je suis passée par l’auto-édition. Je n’ai pas forcément trouvé ni cherché d’éditeur parce que c’est un sujet très particulier.

En une heure, beaucoup de sujets et d’œuvres ont servi d’exemples. Ont été abordés la figure du scientifique, de l’image du savant fou très éloigné du quotidien de Pellichi, le manga de science-fiction et la variété de sous-genre avec notamment le post-apocalyptique. Les mangas de vulgarisation de la science sont loin d’être très nombreux mais ont le mérite d’exister. Le format du manga a cette force d’intéresser et d’ouvrir la curiosité vers des sujets qui ne nous intéresseraient pas forcément de prime abord grâce à sa grammaire narrative.

David Maingot

Responsable Culture à JDJ et passionné de la culture et de l'histoire du Japon, je rédige des articles en lien avec ces thèmes principalement.

1 réponse

  1. 17 décembre 2024

    […] La science en manga, une fiction ? (avec Yonathan Bartak, Olivier Paquet, Pellichi et Emmanuel Salinesi) […]

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