Domo Arigato Mister Roboto !
Depuis un an, Roboto, un nouveau venu a fait son entrée dans le milieu très restreint des éditeurs de films au format physique, qui plus est spécialisés dans le cinéma japonais. Une entrée qui a vite fait parler chez les fans de jidai-geki, de kaijû eiga et autres jitsuroku, avec en l’espace de quelques mois la sortie, dans des éditions très soignées, de films de Kinji Fukasaku, de Teruo Ishii, de Hideo Gosha, de Kenji Misumi et d’un magnifique coffret Gamera, rapidement épuisé.
Il nous semblait donc important de rencontrer Alexandre, fondateur de ce nouveau label Roboto, pour en apprendre mieux sur sa politique éditoriale et sur son travail d’éditeur.
La passion du support physique
Journal du Japon : Les amoureux du support physique et du cinéma japonais dont je fais partie étaient très enthousiastes d’apprendre l’arrivée d’un nouvel éditeur sur le marché français ! Pourrais-tu te présenter un peu ?
Alexandre Vankeirsbilck : Je m’appelle Alexandre, je suis de la région de Lille et j’ai fondé Roboto il y a maintenant 1 an. Avant ça, je n’avais absolument jamais travaillé dans le milieu du cinéma ou de l’édition. Je suis évidemment collectionneur et passionné de Cinéma, et tout particulièrement de cinéma asiatique, ce qui inclut aussi l’aspect vidéo et tout l’exercice éditorial qui se cache derrière.
Je trouve ça passionnant de constater les différences entre ce qui se fait d’un pays à l’autre, ou même entre les éditeurs d’un même pays. Les politiques éditoriales peuvent être très différentes. Certains sont sur de l’ultra-collector, quand d’autres sont sur un esprit plus dépouillé avec le film et rien que le film. C’est vraiment intéressant de voir comment ce monde évolue et c’est quelque chose que je voulais faire moi-même depuis très longtemps : depuis l’époque des superbes éditions de HK Vidéo, de Wild Side du début, etc. qui ont été déterminantes dans la construction de ma cinéphilie.
C’était un domaine dans lequel j’aurais alors aimé travaillé ; mais n’étant pas basé sur Paris, ça aurait été compliqué à l’époque et je m’étais donc fait une raison. Mais l’envie restait présente et les années passant (j’approche de la cinquantaine), je ne voulais pas traîner ce regret sans avoir essayé. C’est comme ça qu’est né Roboto, en septembre 2023.
Et qu’elle est donc la ligne éditoriale de Roboto ? Qu’elles sont les limites temporelles que tu te fixes, ou en terme de genre ? On voit déjà qu’un certain nombre de collections différenciées se dessinent …
Je n’ai pas vraiment de borne temporelle en ce qui concerne l’ancienneté des films : si un film des années 30 qui m’intéresse a bénéficié d’une restauration, je ne m’interdirais pas de l’éditer. Et j’irais plutôt jusqu’à la fin du vingtième siècle, voire fin des années 2000, si l’occasion se présente (pour éditer des Takashi Miike, par exemple). J’affectionne le cinéma japonais un peu fou, un peu rugueux, et à partir des années 2010, il m’intéresse beaucoup moins. D’autant plus que d’autres s’en occupent déjà très bien en France ! Le gros morceau ira donc de la fin des années 60 à la fin des années 90.
En terme de collections, la ligne Classique rassemblera les films des années 50-60, du jidai geki, ou encore de la comédie à la Tora-san, ou du vieux film noir de la Nikkatsu, si je peux en éditer. Il y a aussi la collection gangster, la plus avancée pour l’instant pour des questions de goût personnel ; le yakuza-eiga et ses différentes déclinaisons étant ce qui me passionne le plus. D’autant plus que beaucoup reste à faire en France dans ce domaine. On y trouvera donc autant du ninkyo à l’ancienne que sa modernisation des années 70, le jitsuroku.
Il y a aussi la collection tokusatsu, lancée avec le coffret Gamera et qui se poursuivra dès la prochaine vague d’annonces, non pas sur le film de kaijû, mais sur un sujet différent cette fois. C’est aussi une volonté de tester des choses différentes, puisque qu’à part le kaiju eiga généralement assez demandé (le coffret Gamera est parti très rapidement – les 70 ans de Godzilla ont certainement aidé), j’ai très envie de m’aventurer aussi sur le terrain du sentai, des metal hero, Kamen Rider et autres. On verra bien s’il y a aussi un public !
Avec les sorties du 19 novembre et le coffret Kaidan, débute aussi la collection épouvante.
On est donc sur 4 collections pour le moment. Une collection supplémentaire fera sans doute son apparition au premier semestre 2025, consacrée cette fois au direct-to-video : le V-cinema des années 90, une période très riche ! Il s’agira encore d’un test pour voir si le public répond présent.
Des défis et des surprises
En parlant du succès du coffret Gamera : les films sont édités dans un format assez luxueux avec livret, limité à 1000 exemplaires. Il avait été question, au delà de ces 1000 exemplaires, pour les éditions rencontrant le succès, d’une réédition plus simple. À quoi peut-on s’attendre pour ces éditions simples ?
On n’y trouvera pas les livrets. Les disques seront rigoureusement les même en terme de contenu et bonus. Pour les films qui étaient édités en digibook combo Blu-ray/DVD, le DVD sautera probablement aussi. Il s’agira certainement d’un boîtier plastique simple avec jaquette : l’essentiel donc, à un prix réduit, uniquement pour les éditions épuisées ou en passe de l’être.
Une question qui vient à l’esprit, lorsque l’on pense au marché de l’édition, est celle de l’acquisition des droits : comment s’est passée la prise de contact avec les ayant-droits japonais ? A-t-elle été difficile ?
Le premier contact est le plus difficile en effet, notamment quand on n’a pas d’expérience passée dans le marché de l’édition, comme c’est mon cas. La première question qu’on me pose quand je me présente est toujours « chez qui avez-vous travaillé ? Carlotta ? Canal ? TF1 ? Gaumont ? ». Et ils sont toujours très surpris d’apprendre que je suis un simple passionné venant de nulle part !
Le plus compliqué, c’est donc d’aller à leur rencontre, de leur expliquer que l’on est sérieux et que l’on compte diffuser les films et promouvoir leurs catalogues (Toei, Kadokawa, Daiei, etc.), s’ils le veulent. Il faut se présenter, leur expliquer le contexte, les raisons de notre démarche, qu’il ne s’agit pas d’un plan amené à s’arrêter au bout de 6 mois mais d’une démarche sérieuse et réfléchie qui a vocation à durer. Lors de mon premier entretien avec Toei (en visio), qui a duré une heure, j’ai commencé à sortir de mes armoires tout un tas de films édités en Angleterre, en m’interrogeant sur leur absence en France, en leur expliquant qu’il y avait des choses à faire de ce côté-là … Ils ont pu se rendre compte que j’avais bien compris le fonctionnement de la chaîne de production, du système de royalties, etc. Et maintenant, ça va tout seul !
Évidemment, il y a des spécificités commerciales différentes de la France et qui peuvent surprendre de prime abord. Par exemple je pensais que les prix étaient dégressifs plus on achetait de films. Or ce n’est pas du tout le cas avec Toei, notamment. Un film coûte un prix donné quel qu’il soit, à l’exception de certaines licences qu’ils désignent comme AAA et qui ont une tarification spécifique plus élevée. Il faut donc s’habituer à la façon de travailler des Japonais, d’autant plus qu’elle peut différer d’un studio à l’autre. Kadokawa, par exemple, accepte de baisser un peu ses tarifs en fonction du volume.
Mais c’est aussi ce qui est intéressant ! Peu à peu, on apprend à se connaître et l’on sait ce qu’on peut demander ou qu’il faut éviter. En tout cas maintenant, les relations se passent bien.
Donc comme je le disais, le plus dur est le premier contact. Pour Shochiku, par exemple, je n’ai pas encore pu travailler avec eux, car on n’a toujours pas réussi à se parler : ils sont totalement débordés et sont seulement deux pour gérer l’ensemble des sorties monde. Ils me disent « si vous voulez acheter un film, voilà le prix, mais si vous voulez discuter, nous n’avons pas le temps et ne répondront pas ». C’est donc plus compliqué.
Mais les studios se parlent entre eux. Les commerciaux se connaissent tous et il y a parfois des transfuges. Ils leur arrivent donc de discuter des éditeurs français et j’espère bien, qu’à terme, ça m’ouvrira la porte de ceux avec qui je ne travaille pas encore.
Tu dis qu’il y a généralement une constance dans la tarification des films, hormis les triple A. Pour l’instant, par rapport à ce que tu voudrais éditer, as-tu rencontré des refus pour certains films ? Concernant l’aspect financier ou bien par rapport à la qualité des masters, par exemple. D’ailleurs, qu’est-ce qui est déterminant pour toi, à ce niveau ?
Concernant la qualité des masters, c’est toujours un plus quand ils ont été restaurés. Cependant, je me refuse à ne pas sortir un film qui me plaît uniquement parce que le master ne serait pas parfait. Ainsi, pour The Great Jailbreak, de Teruo Ishii, il s’agissait d’un master un peu vieillissant, mais le film me tenait à cœur. À contrario, sur les films Kaidan qui arrivent en novembre, c’est un vrai plaisir de découvrir ces master totalement restaurés en 4K !
En terme de refus, jusqu’à maintenant, il n’y a qu’avec Shochiku, justement, où certains films n’étaient absolument pas ouvert à négociation, sans que j’en connaisse la raison. J’avais notamment demandé Les 47 Ronins de Kenji Misumi et l’on m’avait dit que c’était bloqué pour la France. Idem pour la trilogie samouraï de Yoji Yamada. Pour Godzilla aussi, tout est bloqué jusqu’à minimum 2027.
Il y a aussi des cas particuliers, comme Combat sans code d’honneur, de Kinji Fukasaku, dont les droits du premier sont bloqués en VOD pour la France, ce qui me retient forcément pour sortir les suivants.
Évidemment, se pose aussi la question des enchères pour un titre particulier quand il intéresse plusieurs éditeurs… Mais il y a aussi des coups de chance : j’étais ainsi persuadé que les droits des Gamera avaient déjà été achetés en France, et pourtant, à ma grande surprise la commerciale de Kadokawa m’a appris que c’était le seul territoire où ils ne s’étaient pas vendus ! Il y avait pourtant bien un marché, puisque le coffret s’est très bien vendu !
Sinon, il n’y a pas vraiment de limites particulières, même si pour l’instant, il me serait difficile d’aller vers des licences où les prix seraient trop élevés, comme Combat sans code d’honneur justement.
Cependant, il est vrai qu’au Japon tout est cher. D’autant plus que, contrairement aux États-Unis ou à l’Europe, où il est possible d’aller chercher des petites pépites méconnues et moins chères suivant leur notoriété – ce qui peut-être utile pour grossir tranquillement en tant qu’éditeur – avec le Japon, il faut tout de suite sortir l’artillerie lourde financièrement. Pour l’instant, ça tient car je travaille par passion et je ne me verse pas de salaire. Il faudra voir sur le long terme.
Tu évoquais Kinji Fukasaku. C’était justement une excellente surprise pour les cinéphiles de voir deux films du réalisateur sortir enfin en Blu-ray dont Shogun’s Samurai et, à titre personnel, de voir un film de Hideo Gosha à nouveau édité en France (le dernier étant Les Loups, il y a presque 10 ans). Je pense que nous sommes beaucoup à se demander pourquoi ces films n’avaient pas déjà été édités ou réédités en France. Aurais-tu une idée, en tant qu’éditeur autant que fan ?
Je pense qu’il y a plusieurs raisons. D’une part, comme je l’évoquais, les films japonais ne sont pas bon marché. Le ticket d’entrée est donc assez élevé pour les petits éditeurs. Ensuite, je pense qu’à une époque, il y a eu trop de sorties et le public n’arrivait plus à suivre, ce qui a provoqué un effondrement du marché du film de patrimoine japonais. On a donc peut-être cru à tort que ça ne prenait plus en France. S’en est donc suivi une période de creux. Mais on voit tout de même que l’intérêt est toujours là.
Ceci dit, autant je peux comprendre qu’un Ishii ou même un Hideo Gosha résonnent moins, autant je ne m’explique pas vraiment l’absence de Fukasaku, ne serait-ce qu’à cause de Battle Royal qui est connu dans le monde entier. Après, j’entends aussi certain éditeurs dire qu’ils ne veulent plus travailler avec le Japon car c’est trop laborieux. Il est vrai qu’il y a de nombreuses étapes de validation et qu’il est parfois compliqué d’être réactif, car ils peuvent aussi bien répondre dans la minute que vous faire attendre plusieurs semaines. Or il faut bien que le processus avance !
Par exemple pour Violent Streets, j’avais envoyé les visuels pour validation à Toei et n’ai pas eu de réponse pendant un mois. J’ai dû me résoudre à lancer la production, estimant que c’était bon, et ils ont fini par répondre en demandant des changements. Mais c’était trop tard ! Ils se sont finalement montrés compréhensifs. Parfois, il y a aussi des décisions imprévues qui arrivent : cette année, Toei a ainsi décidé de monter ses prix de 20%, ce qui n’est pas anodin.
C’est donc certainement une combinaison de ces différents facteurs. Mais je suis cependant persuadé que le marché va se développer à nouveau, notamment quand on voit certaines sorties comme le très beau coffret Misumi édité par The Jokers l’année dernière, très vite épuisé. Et l’on observe aussi qu’en Angleterre, des éditeurs comme Eureka ou Arrow sortent du Gosha, du Fukasaku et d’autres avec succès.
Roboto, ou de l’art de (se) faire plaisir …
Justement, je suis personnellement très fan de Seijun Suzuki. On a pu avoir quelques sorties de ses films il y a quelques années, et régulièrement des rétrospectives au cinéma. Peut-on espérer avoir du Suzuki chez Roboto ?
J’y réfléchi ! Surtout que j’ai rencontré dernièrement d’autres cinéphiles qui m’ont aussi encouragé à aller dans ce sens. Mais il faut que je trouve la bonne approche. Car Seijun Suzuki ne se vent finalement pas très bien. C’est un réalisateur très particulier. On reconnaît très facilement un film de Suzuki, tout en ayant du mal à définir précisément ce qui le caractérise. En dehors de ses films phares, comme Le Vagabond de Tokyo ou La Marque du Tueur, il y a plein de pépites méconnues à aller chercher dans sa filmographie, notamment sur le film noir. C’est ce qui m’intéresserait.
Mais il faut trouver une approche pour mettre en même temps la lumière sur lui, présenter qui il était, l’évolution de sa carrière qui a inclus des changements de style … Faire preuve de pédagogie donc, peut-être à travers une rétrospective ou un coup de projecteur quelconque. Je voudrais en discuter avec des structures comme la Maison de la Culture du Japon, ou d’autres, histoire d’organiser un tir groupé sur Suzuki. Un peu comme HK Vidéo avait pu le faire pour Gosha, avec des coffrets thématiques accompagnés de livrets qui permettaient de mieux découvrir le réalisateur. Suzuki est aussi un réalisateur qui mériterait cet effort pédagogique !
Mais La Marque du Tueur et Le Vagabond de Tokyo vont certainement arriver prochainement en France. Ils ont été remastérisés en 4K récemment et lorsque j’ai demandé s’ils étaient disponibles, on m’a répondu qu’ils avaient déjà été vendus … Ces nouvelles copies s’annoncent magnifiques !
Et comment se passe la conception des bonus qui accompagnent tes éditions ? Sur Gamera par exemple, tu as pu récupérer un énorme documentaire pré-existant. Les Japonais ont-ils souvent du matériel promo comme ça ? Est-ce facile de l’inclure dans les éditions ? Et quid des bonus maisons crées spécialement pour l’occasion ?
Il y a très peu de bonus venant du Japon. En général, on a la bande annonce, un lot de photos d’époque et parfois le script, mais ça s’arrête là. Pour la trilogie Gamera, c’est parce qu’elle est relativement récente (une trentaine d’année) qu’ils avaient plus facilement du matériel à proposer. Évidemment, pour les bonus aussi il faut passer à la caisse. Pour Shogun’s Samourai, j’aurai voulu proposer le premier épisode de la série télé, lui aussi réalisé par Kinji Fukasaku, mais je ne pouvais pas me le permettre pour cette toute première salve de sortie.
Les bonus sont donc principalement des choses que je commande exclusivement pour Roboto, à quelques exceptions donc. Pour le coffret fantôme, par exemple, ayant appris que Radiance sortait aussi les films et avait réalisé des entretiens avec Kiyoshi Kurosawa, je me suis arrangé avec eux pour inclure une partie de leur bonus. Le reste est fait pour Roboto, la partie écrite notamment, rédigée en exclusivité pour ces éditions par tout un tas d’auteurs, pas uniquement Français d’ailleurs, dont Tom Mes et Mark Shilling. Cela me permet de collaborer avec des personnes avec qui j’avais envie de travailler de longue date, comme Julien Sévéon, dont j’aimais déjà beaucoup les bonus. Tous ont accepté et fait quelque chose de spécifique. Après, il s’agit de s’assurer que les thématiques entre les différents articles et bonus vidéos ne soient pas redondantes. Il faut coordonner un peu tout ça.
Comment se passe l’élaboration des visuels ?
Toute la partie visuelle est conçue par un ami graphiste, Camille Dutilleul. Il a notamment crée celle de Violent Panic – The Big Crash, qui est une couverture maison et non pas une affiche venant du Japon. Pour Shogun’s Samourai, j’avais demandé à ce que l’on reprenne le visuel d’origine, tellement réussi qu’il aurait été dommage de s’en priver. Pour The Great Jailbreak, c’est un montage avec des photos qu’on avait obtenues.
Pour les coffrets par contre, je fais appel à des illustrateurs, car j’aime avoir des visuels qui recouvrent l’ensemble du coffret, comme c’est le cas avec Gamera. Pour celui-ci, nous avons travaillé avec Kevin West, un dessinateur de comics qui a notamment travaillé chez Marvel. C’était un visuel préexistant. Au départ, Camille devait concevoir quelque chose, mais les photos promotionnelles que nous avions reçues étaient vraiment décevantes. Il n’y avait rien d’exploitable dessus. Nous étions donc assez embêtés, car pris par le temps ; il ne nous restait que 3 semaines avant de partir en production. Je comptais donc trouver un illustrateur, et c’est alors que je suis tombé sur ce visuel de Kevin qui m’a beaucoup impressionné et qui a rapidement accepté notre demande. Au départ Camille proposait de le laisser tel quel, en noir et blanc, en y ajoutant un logo, ce qui ne m’emballait pas vraiment. Devant son enthousiasme, je lui ai fait confiance et il avait totalement raison. Le résultat est vraiment classe !
Pour le coffret Kaidan, c’est le grand Tony Stella qui a travaillé sur l’illustration. Je m’attendais à quelque chose de génial, mais pas à ce point là ! Je suis tombé de ma chaise en découvrant le résultat final ! C’est exactement ce que j’attendais !
C’est donc Camille qui gère – très bien – la cohérence graphique globale des collections, des galettes, les couleurs et les codes visuels, etc. Tandis que les visuels frontaux eux-même sont une combinaison entre son travail et celui d’illustrateurs extérieurs auxquels on fait parfois appel.
C’est toujours un plaisir de travailler avec des illustrateurs pour qu’ils apportent leur touche, tant que ça s’équilibre au niveau du budget.
Concernant Violent Streets, tu as proposé le choix entre deux visuels, l’un dit classique et l’autre original. Est-ce une expérience que tu comptes réitérer ? Qu’est-ce qui t’as amené à cette proposition ?
C’est un peu le fruit du hasard. Camille avait proposé la version dite Roboto, avec le montage de photo et l’effet de nuit. J’avais aimé ce visuel, mais je le trouvais assez disruptif par rapport au film et je craignait que certains ne s’y retrouvent pas. Nous avons donc eu de longues discussions à ce sujet. Or le fabriquant nous avait précisé qu’il pouvait tout aussi bien proposer différents visuels sur l’ensemble des 1000 exemplaires du pressage, par exemple 10 visuels différents à 100 exemplaires chacun, sans surcoût. C’est pour cela que l’on a proposé cette possibilité, pour rassurer les puristes potentiellement désarçonnés par ce nouveau visuel – une version avec tout simplement la jaquette originale non retouchée. J’ai finalement beaucoup aimé cette idée, et je pense en effet qu’on reproposera dans le futur ce choix entre visuel classique et moderne.
Domo Arigato Mister Roboto !
Sur une note plus légère, je voulais te demander d’où t’était venu le nom Roboto ? Personnellement, cela m’a tout de suite évoqué la chanson de Styx qui servait de générique au drama Densha Otoko, il y a une vingtaine d’année !
C’est exactement ça !
Envisagerais-tu justement d’éditer des drama, séries ou autre ?
À vrai dire, je ne connais pas grand chose en drama, mis à part Densha Otoko justement, que j’avais adoré à l’époque. J’aimerai beaucoup l’éditer d’ailleurs, mais j’ai cru comprendre qu’il y avait des problèmes de droit, notamment vis à vis des musiques, tout particulièrement pour le sortir à l’étranger. Je ne sais si c’était un simple bruit de couloir, mais c’est ce que j’avais entendu il y a quelques années, quand Kaze s’intéressait à l’édition de drama en France. Le souci étant que je n’ai pour l’instant pas de contact au Japon vis à vis des drama. Ceci dit, il y a aussi beaucoup de choses à aller chercher du côté du sentai, et ce n’est pas exclu. Tout dépend aussi de la longueur des séries en question.
Plutôt des séries sentai ou jidai geki, donc ?
Oui. Mais il est vrai que cela reste difficile à « vendre », car il n’y a pas vraiment de précédent. Il n’y a pas d’explication de texte ou d’habitude du public. Les gens serait-il prêts à se lancer dans l’achat d’un coffret à 40 ou 60 euros d’un drama dont ils ignorent tout ? Il faudrait qu’il y ait un écho dans les magazines spécialisés ou par rapport à une actualité culturelle … Ça n’est pas aisé de sortir ça de but en blanc ! Il faut préparer le terrain.
Bright Future
Et qu’elle est ta vision du milieu de l’édition à l’heure actuelle ? Après une période de vaches maigres, on a un peu le sentiment d’un renouveau, avec le travail mené ces dernières années par des éditeurs comme Spectrum, Carlotta, The Jokers, Le Chat qui Fume, etc.
Je trouve cette période assez géniale. J’ai toujours été un grand consommateur de supports physiques, mais ces derniers temps, je n’arrive même plus à suivre le rythme. C’est de la folie ! Encore plus quand on se tourne vers l’import. On a un alignement des planètes, une vraie optimisation : d’un côté, les géants du streaming s’occupent des gros blockbusters à la Marvel, Fast and Furious, etc. Cela s’équilibre avec les acteurs qui s’occupent de cinéphilie pur, dont quelques plate formes de streaming comme UniversCiné ou Filmo TV tout de même, et toute la partie vidéo où l’offre est canon ! On retrouve du cinéma de tous pays, toutes époques et en plus, dans des conditions que l’on n’avait jamais connues, ou très rarement lors de rares diffusions salles il y a très longtemps. On redécouvre donc beaucoup aujourd’hui, et cet équilibre me semble parfait. J’ai juste peur que, fatalement, comme souvent lorsqu’un équilibre est trouvé, quelqu’un arrive et essaie de rafler la mise, fasse monter les prix, etc. Par exemple que des ayants droits pensent avoir trouver la timbale et décident d’augmenter les tarifs au delà du supportable pour les éditeurs.
Même au niveau des entrées salles, on voit cette année que l’on retrouve un peu le niveau d’avant COVID après une période qui faisait peur.
On a donc un bon équilibre entre tous ces acteurs, VOD, vidéo et salle. Après, il faut que le public puisse suivre aussi, ce qui n’est pas toujours évident, notamment quand il s’agit de coffrets aux tarifs un peu élevé. Il y a donc une multiplication de l’offre, ce qui implique de faire des choix.
À partir de là, si l’on accepte de faire ces choix justement, tout le monde devrait pouvoir s’y retrouver.
Quelle est la suite pour Roboto ? Quand aura lieu la prochaine salve d’annonces et quel serait le rythme de sorties que tu comptes avoir ?
Jusqu’à maintenant, on était sur un rythme d’une sortie de deux titres tous les trois-quatre mois. J’aimerai accélérer un peu la cadence, si les conditions évoquées plus haut s’y prêtent (la réactivité des japonais notamment). Il ne s’agirait pas non plus de sortir dix produits tous les mois, mais avoir une sortie prévue tous les deux-trois mois me semblerait être une bonne cadence, voire tout les mois dans un futur un peu plus lointain. Mon rythme idéal, c’est celui de l’éditeur anglais Eureka : tous les mois, ils éditent 3 films ou coffrets. Ensuite, concernant le type de sortie, comme je l’évoquais, il y a des choses sur la table concernant les sentai, Kamen Rider, ce genre de chose … Je compte aussi aller chercher des titres en cinéma d’action, avec Sonny Chiba par exemple. J’espère aussi un retour de Gamera en 2025 avec d’autres titres que la trilogie Heisei. Ensuite d’autres discussions sont en cours, notamment sur le direct-to-video. Peut-être un peu d’animation aussi, de manière marginale (il y a déjà des éditeurs qui font ça très bien), avec un film en particulier que j’adorerai sortir, mais on n’en est encore qu’aux prémices de la discussion. Enfin, comme je le disais, Suzuki est aussi une option.
Roboto a déjà réussi à se faire une belle place avec des éditions soignées et un choix de films classiques enthousiasmants. On ne peut qu’être curieux quand aux surprises que l’éditeur ne manquera pas de nous réserver à l’avenir !
Remerciements à Alexandre Vankeirsbilck pour son temps et sa passion du cinéma japonais !