Japan Week 2024 : un festival international à Colmar

Afin de terminer en beauté les 160 ans des relations entre le Japon et l’Alsace, la ville de Colmar a accueilli cette année la 49e édition de la Japan Week. L’International Friendship Foundation, un des organisateurs de l’évènement, a amené dans ses valises pas moins de 300 Japonais désireux de faire découvrir leurs talents dans la ville qui a inspiré l’illustre Hayao MIYAZAKI. Face à cette manifestation culturelle, les colmariens et les alsaciens ont répondu présents et ont pu découvrir toutes sortes d’activités et de représentations du 12 au 17 novembre 2024. En cette rare occasion, Journal du Japon a profité de ce moment pour aller à la rencontre des acteurs nippons heureux d’y participer.

Comment la culture nippone était-elle valorisée ? Quelles étaient les différentes animations et démonstrations ? À quoi ressemble cette Japan Week ? On fait le point dans cet article.

La Japan Week : une manière de montrer un petit bout du Japon

L’IFF (International Friendship Foundation) organise depuis 1986 un évènement qui permet aux habitants de la ville d’accueil de découvrir la culture japonaise sous des angles différents. L’objectif à travers ce programme est de promouvoir et de valoriser les amitiés entre le Japon et le pays hôte en proposant sur plusieurs jours des représentations sur scène, des ateliers ludiques ou encore des expositions. Chaque année, la Japan Week se déplace un peu partout en Europe comme au Royaume-Uni où se fera la 50e édition à Manchester l’année prochaine, en Italie et plus récemment en Espagne qui a accueillie l’évènement à Séville en 2023. D’ailleurs, ce n’est pas la première fois qu’elle vient en France : la ville de Strasbourg en a été l’hôte en 2008 tout comme Lyon en 1999. La Japan Week s’avère être un succès puisque l’IFF a enregistré 15 000 visites l’année dernière ou encore 24 000 personnes pour celle d’Athènes en Grèce il y a cinq ans.

Pour cette année, la ville de Colmar a candidaté pour recevoir le festival nippon pendant six jours. Le choix de la ville n’est pas anodin puisque chacun a en tête la maison Pfister qui a inspiré Hayao MIYAZAKI pour le Château Ambulant sorti en 2004. Pour preuve : ce monument du patrimoine colmarien figure sur l’affiche de la Japan Week. En plus de l’IFF et de la municipalité, le CEEJA (Centre Européen d’Etudes Japonaises d’Alsace) coorganise cet évènement, l’occasion pour eux d’avoir lancé le 12 novembre, lors du lancement du festival, le financement participatif pour le Musée Européen du Manga et de l’Anime ainsi qu’un concours de dessin pour la mascotte.

Afin de faciliter l’organisation, trois bâtiments ont été occupés dont le Koïfhus, pour accueillir les exposants japonais, le Cercle Saint-Martin pour les spectacles et Les Catherinettes pour la cérémonie d’ouverture. Ces endroits avaient la particularité de se trouver au centre-ville et étaient accessibles à pied en une quinzaine de minutes, ce qui a permis aux familles de s’y rendre en peu de temps sans faire de longues distances. Au total, 300 artistes et professionnels japonais sont venus du Japon pour partager leur savoir-faire auprès du public français. D’ailleurs, la coordinatrice locale de l’IFF expliquait que cela permettait de « comprendre la culture de l’autre » .

Un festival qui allie l’artisanat et l’art

Atelier de Calligraphie, Japan Week Colmar 2024
Atelier de Calligraphie ©Leo Thomas pour Journal du Japon

Durant notre passage à la Japan Week, nous avons pu découvrir plusieurs japonais désireux de montrer aux colmariens leurs coutumes, leurs métiers et leurs traditions à travers des démonstrations et des ateliers pour petits et grands.

Un atelier pour transmettre la culture architecturale nippone

Des bruits de marteaux résonnaient dans les murs du Koïfhus. Ce n’était pas des travaux de rénovation mais un atelier pour construire une cage à poules en bois initiée par l’association Kumundar Gujô. Initialement installée au Koïfhus l’association a accueilli une classe d’écoliers de la ville afin de montrer aux enfants les techniques d’assemblage des poutres utilisées pour la cage à poules. Les élèves se prenaient au jeu et s’en donnaient à cœur joie avec les petits marteaux !

Construction cage à poules en bois, Japan Week Colmar 2024
Atelier de construction cage à poules ©Leo Thomas pour Journal du Japon

Kumundar Gujö est une association crée en 2019. Depuis sa naissance, elle propose des ateliers ludiques basés sur la découverte du bois et de toutes ses fonctions dans l’architecture japonaise. Ces initiations permettent notamment aux enfants de les sensibiliser au toucher, de part la souplesse et la douceur du cèdre, à la vue grâce aux couleurs de ce type de bois, mais aussi au parfum qu’il dégage… et enfin au son joué avec l’usage des marteaux. Un des dirigeants et architecte, Yoji, accompagné de Vladim Robin, charpentier, ajoutent que ces ateliers peuvent « familiariser les enfants, les aider à avoir confiance en eux en sachant qu’ils peuvent construire eux-mêmes ».

Poutres en bois, Japan Week Colmar 2024
Poutres ©Leo Thomas pour Journal du Japon

Cet atelier est aussi l’occasion de présenter plusieurs types de poutres avec des formes différentes et qui peuvent s’assembler. Attention, « toutes les poutres répondent à des besoins différents » affirme Vladim Robin. En effet, certaines poutres sont à utiliser pour monter une structure et d’autres pour soutenir un plafond de manière horizontale. Les deux professionnels du bâtiment expliquent aux visiteurs que cette technique d’assemblage est celle utilisée au temple Kiyomizu-dera de Kyoto.

Une démonstration de la cérémonie du thé

Association Chu No Yu Crossing Cultures, Japan Week Colmar 2024
Association Cha No Yu Crossing Cultures ©Leo Thomas pour Journal du Japon

Après l’effort des poutres, place au réconfort avec l’Association Chu No Yu Crossing Cultures. Son objectif est simple, il est de faire découvrir le Cha No Yu, la cérémonie du thé aux étrangers. Le premier jour de la Japan Week, les membres de l’association proposaient aux visiteurs, pendant une heure et par petits groupes, de voir le déroulé du rituel du début jusqu’à la fin.

Pendant cette séance, les visiteurs se sont installés à des tables classiques faisant face à un décor ressemblant aux lieux où se pratiquent les rituels. L’hôte débute la cérémonie en saluant la calligraphie accrochée au mur et le bouquet installé au sol. Par la suite, ils montrent aux spectateurs les ustensiles utilisés pour servir le thé comme le bol ou le fouet en bambou. Le protocole est scrupuleusement suivi en nettoyant d’abord le bol. L’hôte ajoute une cuillère à café de poudre de thé vert matcha et ajoute de l’eau chaude dans le récipient pour ensuite le fouetter. Le but est d’obtenir une surface mousseuse. L’art ne se trouve pas uniquement dans sa préparation mais aussi sur la manière de le déguster. La tradition veut que nous tournions le bol avant de boire le thé. Il nous a aussi été possible de préparer le thé matcha en fouettant nous-mêmes jusqu’à obtenir cette surface mousseuse.

Initiation Cérémonie du thé, Japan Week Colmar 2024
Préparation matcha ©Leo Thomas pour Journal du Japon

Le thé matcha qui nous a été servi est très amer, il est conseillé de prendre quelque chose de sucré comme un carré de chocolat au lait pour diminuer l’amertume. Il est également possible de décliner le matcha en pâtisserie (cookies, cakes…)

Une mise en avant de destinations méconnues et de produits originaux

Le public colmarien et alsacien a pu rencontrer quelques professionnels du tourisme japonais voulant mettre en avant des destinations qui espèrent rivaliser avec les géants que sont Tokyo et Kyoto. On trouvait aussi des produits qui cherchent à casser les codes.

Le charme naturel d’Hokkaïdo

Professionnels du tourisme, Japan Week Colmar 2024
Stand Hokkaïdo ©Leo Thomas pour Journal du Japon

Une des destinations à l’honneur est l’île d’Hokkaido qui se trouve au nord du Japon et qui nous a toujours passionné au sein de l’équipe de JDJ. Représentant environ 22% du territoire japonais, elle est notamment appréciée pour sa nature environnante. Montagnes, lacs… elle peut séduire tout les mordus de randonnée qui aiment ne faire qu’un avec ses paysages. Méfiance, la moyenne des températures n’est pas la même en fonction des endroits. À Hakodate au sud d’Hokkaïdo, les températures peuvent aller jusqu’à -7 degrés au mois de janvier.

Les activités peuvent être très intéressantes comme le ski au nord de Sapporo, la capitale de l’île. On compte sur l’île environ 100 stations, de quoi ravir les amateurs de remontées mécaniques. Il faudra tout de même compter entre 5 000 yens (environ 31 euros) et 8 200 yens (environ 50 euros) par jour pour profiter des pistes de ski. Pour rester sur la même période de janvier, vous pouvez admirer les sculptures de neige qui représentent des temples ou bien des personnages de manga. Enfin, il serait dommage de rater la floraison des cerisiers en fleur qui, contrairement à d’autres endroits du Japon, peuvent durer jusqu’au mois de mai.

Etajima, une île discrète face à Hiroshima

Professionnels du tourisme, Japan Week Colmar 2024
Stand Etajima ©Leo Thomas pour Journal du Japon

Vous n’avez peut-être jamais entendu parler de cette petite ile mais une fois que vous en aurez découvert les bons plans, vous aurez hâte de vous y rendre ! Etajima fait face à la grande Hiroshima . Elle est accessible uniquement par ferry en une demi-heure de traversée. « On peut faire une simple excursion ou rester quelques nuits » ajoute Ako, représentante de l’association en lien avec l’Office du Tourisme d’Etajima. Des bateaux peuvent partir d’Hiroshima mais aussi depuis l’île de Shikoku. Les touristes qui désirent dormir sur place peuvent trouver des hôtels de style occidentaux ou japonais. Les visiteurs ont également la possibilité de découvrir l’île par la mer avec le Sea Pica, un petit navire de croisière qui évite aux touristes de poser le pied à terre.

Cet endroit est aussi le moment idéal pour découvrir la gastronomie locale grâce à son produit phare, l’huître, car un festival lui est dédiée le premier dimanche du mois de février de chaque année. On peut également passer de l’océan à la terre où l’on cultive des olives pour en faire une huile qui est d’ailleurs certifiée par l’association italienne des Experts de l’huile d’olive méditerranéenne. Si elle est approuvée par nos amis italiens, ça vaudrait le coup de tester !

Une petite révolution pour le saké !

Professionnels du tourisme, Japan Week Colmar 2024
Stand Fleuve LLC ©Leo Thomas pour Journal du Japon

Chaque problème a une solution et la société Fleuve LLC en a trouvé une pour faire face à la pénurie de bouteilles de saké. Cette entreprise d’Hokkaïdo a conçu et développé une bouteille à vide permettant de conserver la fraîcheur d’une boisson comme si elle venait d’être ouverte. Lorsque l’on ouvre une bouteille ordinaire, le saké a tendance à s’oxyder en raison de l’exposition de l’air et vient modifier le goût et les arômes. À ce titre, un institut de recherche a fait le test de la durée de conservation sous vide d’un vin blanc et a confirmé que le goût était le même après un mois.

La pandémie a laissée des traces dans l’industrie du saké. La pénurie de bouteilles constitue un frein pour les brasseries de saké. En plus de conserver le goût de la boisson, le fait de le mettre sous-vide élimine le problème de la résistance contrairement aux bouteilles de verre qui se cassent très facilement si elles tombent. L’entreprise a pu nous faire goûter un saké sous-vide et en effet, le goût reste inchangé avec des arômes fruités. « On peut y stocker du vin ou de l’huile d’olive » ajoute le représentant du Fleuve LLC. Il est possible de les acheter seuls mais il faudra compter une trentaine d’euros pour l’achat de cinq pochettes sous-vide.

Une mine d’or d’artistes !

Plusieurs artistes se sont succédés chaque soir au Cercle Saint-Martin de Colmar. Une vingtaine d’entre eux ont foulé la scène avec le désir de raconter une histoire différente à travers leurs talents. Ainsi, le public a eu droit à des démonstrations d’instruments traditionnels, des danses ou encore à une chorale.

Artistes japonais, Japan Week Colmar 2024
Gakuso Touche et G&O Ladies Clinic Choir ©Leo Thomas pour Journal du Japon

En témoigne Gakuso Touche qui se compose à la fois de professeurs de musique mais aussi d’amateurs d’instruments à cordes. Pendant leur passage, ils se sont associés à la chorale G&O Ladies Clinic Choir avec qui ils se produisent régulièrement. Les deux groupes ont repris des musiques d’animation du film du Studio Ghibli, Mon Voisin Totoro. Ce qui a surpris les spectateurs, c’est l’âge des musiciens avec des jeunes comme des plus âgés. Aussi, il était très agréable de voire la chorale marquée par une joie contagieuse. Plus étonnant encore : toute la salle a été touchée de voir une petite fille de trois ans jouer du violon lors de la reprise du morceau Totoro .

Ils ont ensuite laissés la place à Hogaku Ensemble Sakura où cinq musiciennes jouaient plusieurs instruments dont le koto, la harpe japonaise. Le son qu’il émet paraît doux à l’oreille et il est encore plus beau lorsqu’il est combiné avec d’autres instruments de musique comme le piano ou le shinobue, la flûte nippone. Plus rare encore, ce groupe a donné l’occasion aux visiteurs de découvrir le horagai. Il s’agit d’un énorme coquillage que l’on peut appeler également un conque, à très forte intensité sonore au point qu’il fasse « tomber les araignées des arbres ». Sa résonnance peut couvrir jusqu’à 3 kilomètres à la ronde. Jadis, il était utilisé comme un moyen de communication, qui est sa fonction première. Pendant un quart d’heure, ils ont joué des morceaux comme Sakura, Sakura et des titres populaires issus de film d’animation comme Princesse Mononoké.

Artistes japonais, Japan Week Colmar 2024
Hogaku Ensemble Sakura ©Leo Thomas pour Journal du Japon

Pour terminer cette soirée, les derniers artistes constituaient une troupe de danseurs, le Classic Ballet Coppelia, qui a souhaité raconter une histoire tirée d’un conte japonais. La chorégraphie évoquait l’histoire d’un vieil homme sauvant une grue prisonnière d’un piège. Après cette péripétie, le vieux pêcheur va se marier avec une femme pouvant tisser des étoffes. La curiosité étant un vilain défaut, il la surveille et découvre qu’il s’agissait de la grue qu’il avait secouru… alors qu’il s’était engagé à ne pas la regarder confectionner ces étoffes avec ses plumes. Afin de le punir, la grue le laissa seul et quitta la maison.

Une cérémonie d’ouverture pour marquer le coup

Au sein du bâtiment des Catherinettes, les organisateurs de la Japan Week ont mis en place la traditionnelle cérémonie d’ouverture du festival qui a eu lieu le 13 novembre 2024. Durant deux heures, une dizaine d’artistes se sont succédés pour impressionner une salle pleine à craquer. Pour donner une ambiance festive, la fanfare Sanganesendensya a ouvert le bal en jouant des chansons de l’ère Showa (1926-1989) mais aussi des tubes populaires à l’aide de tambours portables et des clarinettes. Ils ont ensuite laissés la scène à d’autres groupes, du club de Wadaiko (joueurs de taïko) aux Toe Show Girl (spectacle de claquettes japonaises) en passant par l’Orchestre à vent de l’université d’Aichi Shukutoku et bien d’autres artistes.

Inauguration, Japan Week Colmar 2024
Inauguration Japan Week ©Leo Thomas pour Journal du Japon

La cérémonie s’est conclue par l’inauguration de la Japan Week en présence d’Eric Strauman, maire de Colmar, d’Hiroyuki UCHIDA, Consul Général du Japon à Strasbourg, du CEEJA et des membres de l’administration de l’IFF. Le maire s’est réjouit que les « colmariens puissent découvrir la richesse et la diversité de la culture japonaise ». Enfin, un échange de cadeaux s’est fait entre les représentants français et japonais.

Rencontre avec Samuraï Artist Kamui , des chorégraphes désireux de retracer l’art de combat des guerriers japonais

Samurai Artist Kamui, Japan Week Colmar 2024
Samurai Artist Kamuï ©Leo Thomas pour Journal du Japon

Un des groupes les plus attendus de la Japan Week était la troupe Samurai Artists Kamui qui a épaté le public durant la cérémonie d’ouverture. Ce n’était pas leur première venue en France, ils ont eu l’occasion de se produire en spectacle de nombreuses fois pour Japan Expo, en duo cette année avec Mika KOBAYASHI.

La Japan Week a été l’opportunité pour Journal du Japon d’échanger avec Tetsuro SHIMAGUCHI, le fondateur de Samurai Artist Kamui qui est connu pour avoir joué dans KILL BILL de Quentin Tarantino.

Journal du Japon : Merci de nous faire l’honneur de répondre à nos questions. Pouvez-vous d’abord nous raconter votre parcours ?

Tetsuro SHIMAGUCHI : Cela fait 26 ans que nous avons monté le groupe Samurai Artist Kamui. Il y a 12 ans, nous avons crée une méthode qui s’appelle le kengido. Actuellement, nous ne sommes pas seulement basés au Japon. Nous développons des dojos en Italie, en Angleterre, en Turquie et en République Tchèque.

Qu’est-ce qui vous a poussé a crée ce groupe ?

Tout d’abord, il y avait beaucoup de films historiques avec des samouraï. On appelle tate les scènes de combat des samouraï. Quand je les voyais, j’ai considéré que ça devait devenir un art. Ce n’est pas seulement un morceau de l’histoire. Je me suis dis que cela devait devenir un art japonais que j’allais pouvoir montrer au monde entier. 16 ans auparavant, j’ai inventé cette forme d’art, j’y ai amené des arts traditionnels japonais comme la danse, le wadaiko avec l’art martial que j’ai aussi étudié.

Est-ce que le but recherché est de retracer à votre manière l’histoire des samouraï ?

Plutôt que de retracer, il s’agit de rencontre. Les samouraï nous évoquent des histoires et des époques différentes et je pioche dans tout ça. Je souhaite plutôt parler de l’esprit du samouraï et c’est ce qu’il faut transmettre aux générations futures.

Peut-on considérer le kengido comme un art martial à part entière ?

Il contient une partie d’art martial et une partie de performance artistique. J’ai été moi-même formé par des maîtres de Shinkage Ryu (école d’art martial) et j’en suis le créateur. Le kengido comprend le karaté et d’autres sports traditionnels japonais.

Quelles sont les principales difficultés du kengido ?

Lorsqu’on est performeur, on a envie de se mettre en avant. C’est une mauvaise chose mais on a un égo très fort. On a une très grosse énergie mais ce n’est pas seulement soi-même que l’on valorise sur scène. Pour faire le kengido, il faut penser au public qu’on a en face. C’est vraiment cet équilibre entre nous et ceux pour qui nous performons. Il s’agit de communication. Si je comprends l’autre, je comprends la distance à mettre et à quel moment je peux intervenir. C’est assez facile pour les gens qui ne sont pas timides mais ce n’est pas une question de corps… plutôt de pureté. C’est très difficile pour ceux qui ne cherchent qu’à s’exprimer eux-mêmes et je leur dis de penser à celui qu’ils ont en face de soi, c’est comme ça qu’on peut le mettre à mal.

Quel est le sens des chorégraphies que vous avez présenté aux spectateurs durant la cérémonie d’ouverture ?

Samurai Artist Kamui, Japan Week Colmar 2024
Show Samurai Artist Kamui, Cérémonie d’Ouverture ©Leo Thomas pour Journal du Japon

À la Japan Week, il y a de la musique et, pour ces spectacles, on prend en compte les différents éléments, on les mélange pour les amener vers un art de la performance. Il y a différentes formes de samouraï mais, ensemble, ils produisent quelque chose. C’est comme une danse, on met en harmonie notre intérieur. Dans les théâtres, on fait des combats beaucoup plus réels. Un samouraï contre un samouraï qui combattent l’un contre l’autre. Il y a aussi des chorégraphies qui nous amènent à raconter des histoires. Par exemple, je suis maître samouraï. Depuis tout petit, je prends des samouraï et je les élèves… et au dernier jour d’un long apprentissage, je mets en jeu la vie de mon apprenti et ça sera un véritable combat mais c’est pour construire la responsabilité du samouraï de demain, son honneur du guerrier japonais. Ainsi la génération suivante pourra transmettre mon esprit. C’est donc ce type d’histoire que l’on va jouer sur scène.

Utilisez-vous de vrais katana sur scène ?

On en a des vrais mais sur scène on utilise des katana et des naginata où il n’y a pas le côté coupant. Néanmoins leur poids est réel. Elles servent notamment pour des tournages de films.

Vous disiez avoir ouvert des dojos en Europe, pourquoi c’est important pour vous de transmettre cet héritage de l’art du combat des samouraï auprès des jeunes générations ?

Je choisis les élèves qui veulent venir dans les dojos. Il y a au total 10 000 personnes qui pratiquent dans le monde entier. Le plus important en tant que Japonais, c’est d’aller à l’étranger et de créer une communication profonde pour partager la culture japonaise. Prenez plaisir de ma performance mais essayez vous-même. Ainsi, vous pourrez faire l’expérience du samouraï.

Trouvez-vous que les Européens s’accrochent trop aux idées reçues autour des samouraï ?

La compréhension des Européens est assez bonne. Aux États-Unis, on voit de « warriors », mais le samouraï est de plus haute classe. Il communique, il protège son pays… Son objectif n’était pas simplement de combattre.

Quelle importance les Japonais accordent à cette histoire ?

C’est très important. La génération actuelle a commencé à oublier ce qui est traditionnel au Japon. De moins en moins de gens connaissent l’histoire des samouraï. Les Japonais l’apprennent néanmoins grâce aux manga.

Comment êtes vous arrivé à jouer dans KILL BILL de Quentin Tarantino ?

En 1998, j’ai créé Samurai Artist Kamui. C’était vraiment très original et finalement nous étions tellement spécifiques que nous n’avions pas de travail. Je suis allé faire des performances de rue à Hollywood. Je ne parlais pas anglais et Quentin Tarantino est venu à Santa Monica avec sa copine et il est passé devant moi. Il adore la culture japonaise et il a beaucoup aimé mes performances et ça a attiré la foule. Je connaissais mal l’univers de « l’Entertainment » et je voyais un grand enfant qui s’agitait devant moi et c’était Quentin.

Cinq ans plus tard, il monte le projet KILL BILL et un comédien japonais m’a présenté à lui et il m’a reconnu. D’ailleurs ce comédien japonais est le père de Mackenyu (acteur jouant Zoro dans la série live action de One Piece sur Netflix) que j’avais formé et son fils qui avait cinq ans était là aussi. C’est une des personnes les plus talentueuses dans cet art de l’épée et il continue à me soutenir.

J’ai d’abord été formateur pour le film et Quentin m’a proposé d’être acteur. C’était un souvenir merveilleux.

Quels acteurs avez-vous formé ?

J’ai formé l’ancien footballeur brésilien, Ronaldinho. Je lui ai déjà appris. En France, Gérard Depardieu a été un de mes élèves. À titre privé, j’ai aussi formé cette année Kévin Feige, président des studios MARVEL.

Pour terminer, quelle est votre définition du Japon ?

Je suis Japonais. C’est mon pays. Ma vie a commencé au Japon. C’est mon point de départ mais aussi mon but. Le Japon a une très longue histoire et je la ressens en permanence. Quand j’y marche, je vois des tas de choses. C’est comme le cœur de l’esprit du monde. Il permet de mettre en lien les uns aux autres et c’est la merveille du Japon.

Merci à Tetsuro pour ces échanges à la fois instructifs, riches mais aussi remplis de sagesse qui reflètent l’esprit du guerrier japonais que sa troupe a voulu montrer pendant la Japan Week. Vous pouvez les suivre sur leur site mais aussi sur Instagram ou Youtube en attendant l’ouverture d’un dojo en France !

Tout au long de ce festival, nous avons eu l’occasion de découvrir de multiples facettes de la culture japonaise à travers des Japonais passionnés par leur savoir-faire, leurs coutumes et leurs traditions. La Japan Week a réussi à casser les stéréotypes et a su montrer des activités et des représentations qui mériteraient d’être mises en avant dans les conventions qui se veulent être les ambassadeurs de la culture nippone populaire et traditionnelle. Nous avons été conquis et touché par ce petit bout d’un Japon dont on a tant à apprendre. Pour les 160 ans des relations entre l’Alsace et le Japon, c’était un très chouette cadeau !

Leo Thomas

Passionné de la culture japonaise depuis plusieurs années, je fais transpirer cette passion via des articles sur des domaines variés (conventions, traditions, littérature, histoire, témoignages, tourisme).

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