Le Japon contre les flots et le volcanisme : quand les mangas représentent les forces de la nature
Là où les séismes ont frappé, la roue de la destruction ne fait que commencer, comme pour le séisme du Nouvel An au Japon, d’origine marine, qui a provoqué un tsunami…
Ainsi, après avoir abordé il y a deux semaines les séismes dans l’archipel et dans les mangas, Journal du Japon vous propose un second volet sur les conséquences de ces derniers. Les séismes ne sont qu’un déclencheur pour d’autres catastrophes comme les tsunamis ou le réveil de puissants volcans. Il était donc temps de nous pencher sur ces deux autres calamités.
Le Japon face à la fureur des flots déchaînés
Pour rappel, lors de notre bref contexte sur « qu’elles sont les catastrophes représentées dans les mangas », les séismes étaient en premier avec 53 % d’apparitions, les tsunamis, en deuxième, avec 28 % et le volcanisme, en dernier avec 19 %. L’analyse de ces deux héritiers ira dans le sens des chiffres.
Concernant cette catastrophe aquatique, l’étymologie même de cette catastrophe renvoie au paysage culturel nippon : « tsu » renvoyant au port et « nami » à vague. Le tsunami est donc une « vague de port » : une vague unique ou une série de vagues s’abattant sur la côte. De plus, la justification peut se poursuivre avec une « certaine » délimitation géographique des tsunamis : 80 % se concentrent sur l’ensemble du pourtour Pacifique, dont le Japon fait partie intégrante. Une dernière justification est nécessaire pour clairement affirmer la filiation du tsunami au séisme : quel est le lien entre les deux catastrophes ? La réponse est définie dans l’ensemble des sources mangas évoquant le tsunami.
La double planche ci-présente est extraite du manga Spirit of the Sun, précédemment cité pour les séismes. Cette dernière doit être découpée en deux parties, entre droite et gauche, pour analyser les faits. La première case représente clairement des survivants : fatigue d’un premier choc, blessures visibles sur chaque visage (bandages, saleté, traces de sang). La population de Tôkyô et de Yôkôhama, à travers ces blessés, a déjà subi en amont un séisme de magnitude 8.8 sur l’échelle de Richter.
Tous regardent, sans un mot, avec peur et effroi, un seul endroit, regroupé dans les cases deux et trois. Les deux cases représentent clairement un tsunami. Kawaguchi use de l’onomatopée « fouush » pour illustrer l’arrivée massive d’eau. La troisième case : une immense vague, plus grande que les tours de la capitale, déferlant comme un mur d’eau sur la ville. L’eau pousse, s’embarque des bâtiments en béton, balaye les voitures en arrière-fond, là où les habitants paniqués tentent de fuir cette mort prochaine. Les deux villes sont submergées après le passage du premier fils du méga-séisme. Le mangaka dessine la même scène de destruction totale pour la seconde ville du pays : Ôsaka, qui est engloutie à 98 % par un tsunami, issu d’un « grand tremblement » ; seul le château des Toyotomi reste en partie émergé.
Le double scénario catastrophe, ici, décrit et répond à une logique mécanique. Ces tsunamis suivent un séisme marin. Ce dernier engendre une perturbation brutale des plaques, qui provoque un ensemble d’ondes vibratoires qui s’étendent rapidement. Le résultat est double : les vagues se forment sous l’effet conjugué de la profondeur des fonds (l’océan Pacifique atteint en moyenne 5 000 m) et des ondes mécaniques. En conséquence, elles se déplacent à une vitesse proportionnelle à cette hauteur ; donc les vagues se déplacent à une vitesse moyenne de 800 km/h pour s’abattre ensuite sur la côte, emportant les débris du séisme[1]. La double planche démontre cette mécanique avec l’arrivée rapide et brutale d’un gigantesque mur d’eau sur Tôkyô. Le cas de Spirit of the Sun devient un cas représentatif général au sein des mangas où près de 81 % des mangas traitant des tsunamis répondent à la logique mécanique décrite[2].
On peut aussi adjoindre une logique chronologique à ces productions. Chaque représentation, ou évocation de la peur d’un tsunami, se lie avec celle des séismes : le manga Survivant. L’histoire du jeune S, sortie initialement en 1976, suit l’histoire d’un jeune garçon enfermé dans une grotte après un séisme. Lorsqu’il remonte à la surface, il découvre un Japon englouti par les flots dus à des tsunamis gigantesques[3]. Cette histoire s’inscrit dans une période où la sismicité de l’Archipel est très instable. Cependant, la représentation, l’évocation ou non d’un tsunami et la peur engendrée par les flots s’encrent dans la culture cindynique nippone. Autrement dit, une réponse est apportée face la menace venue des mers comme le système d’alerte tsunami transposé dans les mangas par des sirènes. Ce dernier existe bel et bien à une double échelle : japonaise et Pacifique nommé le Tsunami Warning System. La lecture des mangas permet d’aboutir à plusieurs conceptions claires : le tsunami est bien un « fils » du séisme ; si ce dernier se produit en mer, il résulte d’une cascade de catastrophes qui renforce le séisme comme destructeur total.
Les mangakas s’attardent bien sur un aspect scientifique des tsunamis : celle de la mécanique des ondes évoquées, la rapidité et la brutalité couplée à un gigantisme. Le tout déployé, accentué et mise en valeur par une graphie tendant vers des œuvres traditionnelles, des estampes du XIXe siècle principalement. Dans One Piece, et en partie Spirit of the Sun, les vagues dessinées sont un écho à la grande vague de Kanagawa d’Hokusai. Plus récemment, dans Jujutsu Kaisen, on apprend très tôt que les fléaux, les monstres que les exorcistes doivent combattre, sont issus des sentiments négatifs humains. Plus ces derniers sont forts envers un élément, une pensée, une peur, plus le fléau en devient puissant. Ainsi, durant l’arc Shibuya, on découvre le fléau nommé Dagon, incarnation de la force des flots, craint par l’humanité. Finalement, l’ensemble permet d’ériger le tsunami comme peur générale et rampante des Japonais après un séisme. Néanmoins, les cas généraux évoqués peuvent être précisés à certaines zones du Japon, encore plus précaires face à la calamité aquatique, comme la côte du Sanriku, au nord-est du Japon.
Je reviendrai vous voir est un manga « one-shot » qui décrit l’expérience de l’illustrateur Nobumi, dans la zone sinistrée de la triple catastrophe de Fukushima en 2011. Ayant évoqué la première catastrophe, passons à la seconde catastrophe de Fukushima : le tsunami provoqué par le séisme marin de magnitude 9 sur la côte du Sanriku. Cette dernière inclut la ville de Sendai et la préfecture de Fukushima. La zone touchée par la triple catastrophe, dont la finalité est la radioactivité, se nomme zone sinistrée. Ici, le héros, Nobumi, vient de Tôkyô pour aider les enfants sinistrés, avec un groupe de bénévoles. La scène marque le choc du Tokyoïte face aux dégâts. Le séisme n’a pas frappé la région, étant un séisme marin. Par conséquent, la destruction est celle du seul tsunami : dégâts sur les bâtiments (les maisons détruites, les poteaux électriques rompus) et poussées du tsunami (voitures déplacées) ; le tout s’installant très profondément dans les terres. Cette poussée mécanique provoque la mort directe de plus de 19 000 personnes : emportées, noyées ou broyées, ce dont la planche témoigne. La stupéfaction de Nobumi reflète celle d’une société consciente des tsunamis et leurs dégâts destructeurs, mais dont la mémoire reste floue. La zone sinistrée et les dégâts affiliés s’étendent principalement dans la préfecture de Fukushima. Les mangakas avec leurs œuvres vont s’attarder à représenter les nombreux dégâts matériels du tsunami[4]. La catastrophe provoque un sursaut représentatif qui appelle à ne pas oublier ce drame national. Cependant, la représentation des dégâts, la portée du tsunami peut interroger : la mémoire de la côte du Sanriku possède-t-elle des traces de tsunamis antérieurs ? Oui, et cela très tôt. Lors de la période antique, les chroniqueurs de la Cour impériale rédigent des annales consignant les désastres naturels : séisme, volcanisme et tsunamis. L’ensemble de chroniques se nomme le Nihon Shoki, Annales du Japon. Dans notre cas particulier de la côte du Sanriku, on doit se référer à la dernière chronique antique : le Nihon sandai jitsuroku terminée en 901[5]. La source décrit un séisme d’une grande puissance, nommé tremblement de terre de Jôgan Jishin[6], qui provoque un tsunami de puissance proportionnelle.
D’après les témoignages, ce dernier aurait dévasté le nord de la ville de Sendai, sur trois kilomètres à l’intérieur des terres. Le témoignage antique doit être corroboré avec la période impériale. En 1896, un tsunami destructeur frappe cette même côte et emporte avec lui environ 26 000 âmes[7]. Le passif de la côte, couplé aux dégâts destructeurs de la poussée des eaux, permet de rebondir sur la représentation des tsunamis : un mur d’eau s’abattant sur toutes les terres. Dans le cas de Nobumi qui observe les dégâts suivant la zone de la côte, il voit de manière tangible les dégâts de vagues ayant inondé la côte à hauteur de cinq à plus de dix mètres pour certaines parties de la côte.
Ces mangas démontrent une peur ancrée dans la société nippone que la culture populaire exprime ; on comprend mieux la « psychose » autour de l’alerte tsunami pour les régions touchées par le double séisme du mois d’août. Cependant, les séismes peuvent provoquer le réveil de volcans, surtout dans pays situé dans la ceinture de feu. Cette région, connue pour ces sources chaudes, est un véritable foyer de volcans actifs. Ainsi, après avoir exploré les tsunamis, il est crucial de se pencher sur une autre menace naturelle : les volcans.
L’Apocalypse en éruption : le réveil infernal
Le Japon, Pays du Soleil Levant, et aussi le pays du volcanisme et de ses aléas : pluie de débris volcaniques, coulée de lave et rideau de cendres. Donc, la liste des dégâts associés à la présence d’un volcan est vaste. Cette destruction est aussi visible en Europe avec le Vésuve. Ce volcan d’Italie du Sud a détruit la ville de Pompéi, le tout en figeant ses habitants et la mémoire de ce drame dans une couverture de cendres…
Or, le Japon ne possède pas qu’un seul volcan, mais plus de 200, dont 77 sont considérés comme actifs. En tout, le Japon possède 10 % des volcans actifs de la planète[8]. Dans cette liste, quatre sont qualifiés de dangereux par les géologues : le mont Aso et Sakurajima sur l’île de Kyûshû, le mont Mihara sur l’île d’Izu et le mont Asama sur l’île principale, Honshû. Face à ce potentiel destructeur, pourquoi les mangas représenteraient-ils moins le volcanisme ? Un volcan particulier est-il la source d’une peur ? Une peur sous-dimensionnée ou moins importante que les deux premières calamités ?
Spirit of the Sun, manga déjà utilisé pour les séismes et tsunami, donne une première piste, bien loin des quatre volcans. Après les « grands tremblements » puis le tsunami sur Tôkyô, ces séismes ordonnent le réveil brutal d’un volcan : le mont Fuji. Son éruption provoque l’expulsion de matière rocheuse et de cendres, visible sur la planche de gauche ; le tout accentué par un boucan d’enfer généré par les onomatopées : « broom », « vvouuf », « braa… rouum ». Néanmoins, le mangaka représente clairement le mont Fuji, visible par les mots de Gen : « Non… Le Fuji !! » qui se réveille et explose, au niveau de son deuxième cratère – visible sur la planche de droite. Au fur et à mesure du réveil, l’expression sur le visage du jeune garçon, et du chien : passent de l’étonnement à une peur quasi-paralysante.
Alors, pourquoi le mont Fuji ? Sachant que le Japon possède des volcans actifs ou qui l’ont été avec de nombreux dégâts : l’explosion du Mont Asama, en 1782[9], provoque une baisse du rendement des récoltes… et le réveil du mont Unzen dix années plus tard provoque un tsunami. Ici, le cas du mont Fuji renvoie à des éléments que nous avons a déjà vus : la proximité avec la capitale et son statut de semi-endormi. Concernant la distance, le Fuji-san est à environ 100 km de distance de Tôkyô – là où le mont Asama est à, environ, 140 km et le mont Unzen, lui, sur l’île de Kyûshû, se situe à 1 200 km de la capitale. Ainsi, la peur volcanique réside dans le réveil du volcan par une force sismique, le tout au plus proche de la cité la plus peuplée au monde. Dans la suite des planches, l’auteur décrit et dessine la nature du mont Fuji, celui d’un cas typique de volcan gris de subduction – soit en lien direct avec la tectonique des plaques – dit « explosif », comme le Vésuve en Italie : projections de nuées ardentes – un mélange de cendres volcaniques noires – et de blocs de laves solidifiées nommées scories, le tout expulsé à grande vitesse du volcan.
Tout cet argumentaire permet de comprendre l’usage d’un tel volcan par le mangaka : forte impression, déclencheur d’un nouveau cycle de désastres. Mais qu’en est-il historiquement ? L’ensemble représentatif déployé dans le manga peut être mis en parallèle avec un témoignage de la dernière éruption, en 1707, relaté dans le Nihon Ôdai Ichiran de Gahô Hayashi :
« Hôei 4, le vingt-deuxième jour du dixième mois : une éruption du mont Fuji. Le mâchefer et les cendres tombent comme de la pluie à Izu, Kai, Sagami et Musashi »[10]
Cette dernière éruption du mont Fuji marque tant les mémoires qu’elle est écrite dans des chroniques. Son auteur Hayashi Gahô est un lettré de l’époque Edo, il observe cela depuis Edo – ancien nom de Tôkyô. Il décrit une pluie de cendres touchant l’ensemble Est du pays, dont « Musashi », ancienne division administrative du Kantô, après un séisme. Cette explosion de 1707 transforme le volcan avec l’émergence de trois cheminées – dont une qui explose sur la planche. Par conséquent, le rapport à la catastrophe se base sur une peur ancrée d’un réveil brutal du Fuji provoqué par un séisme, à l’instar de l’éruption de 1707.
Cette peur ponctue les pensées des Japonais, comme avec le séisme de 2011. Même si ce dernier est un séisme marin, au large des côtés, il redonne conscience de deux éléments : la proximité d’un volcan « non-actif », proche de la capitale et la peur d’une nouvelle éruption, plus destructrice que celle de 1707. Le personnage de Sato, dans Colère nucléaire. L’après catastrophe, rumine constamment sur le possible réveil du volcan. Donc, il prie de nombreuses fois les dieux pour que cela n’arrive pas, au risque que le Japon soit perdu. Or, cette angoisse du réveil n’est pas qu’un mirage fictionnel de son auteur, elle est concrète : le séisme de 2011 a provoqué une augmentation de pression dans une des chambres magmatiques du volcan pouvant provoquer son éruption[11].
Cependant, Spirit of the Sun montre aussi les dégâts post-catastrophe d’un volcan : la pluie de cendres. De prime abord, elles semblent insignifiantes, mais elles sont aussi mortelles que l’instant T. L’après-éruption marque souvent les esprits via la cascade de catastrophes engendrées. Dans Spirit of the Sun et Neon-Genesis Evangelion, les personnages ont vécu des hivers rigoureux et meurtriers, dont la responsabilité est imputée aux cendres. Ceci est d’autant plus frappant dans Neon-Genesis Evangelion, car c’est le monde entier qui est frappé par cette baisse des températures, entraînant des famines et des morts… Historiquement, le Japon subit cinq de ses pires famines en corrélation avec des périodes d’activités volcaniques intenses. Au-delà du simple Japon, les conséquences climatiques des volcans sont mondiales : après les éruptions du Tambora, en 1815, et du Krakatoa, en 1883, tous deux en Indonésie, les températures mondiales ont baissé, provoquant des hivers rigoureux et de mauvaises récoltes[12]. Mais quid des représentations non-adossées au Fuji ? Jujutsu Kaisen et One Piece offrent, eux, d’autres visions de la peur volcanique.
L’explosif Jogo entre en scène avec la volonté de tuer Gojo. Mis en échec par ce dernier, il lance son extension de territoire pour le terrasser : coulée de lave, magma en fusion, volcans en activités, il enferme Gojo et Yuji dans une boucle infernale qui rappelle les prémices de la Terre. Là où Dagon représentait la peur aquatique des Hommes, lui symbolise l’angoisse en lien avec les phénomènes terrestres, principalement la peur des volcans. Ajoutons que ces attaques ne sont que des références à cette puissance terrible : jet de lave de mini-volcans, frelons volcaniques, sans compter les nombreuses explosions, l’usage de magma… Durant l’arc Shibuya, Jogo lance une ultime attaque, celle d’une nuée ardente, sous formes d’une météorite, détruisant l’ensemble du quartier.
Aux côtés de Jogo dans l’univers volcanique, et apparu bien avant lui dans le manga One Piece, le personnage de l’amiral incarne pleinement ce thème volcanique. La force de l’amiral se conçoit dans le fruit qu’il a ingéré : le fruit du magma de type logia. Le lecteur découvre l’étendue de sa force et de son implacabilité lors de la Guerre au Sommet, face à Barbe Blanche. Sous les ordres de l’amiral en chef Sengoku, il déploie toute sa puissance contre les pirates via une pluie de rochers volcaniques meurtrière, à l’instar d’une éruption. Comme Jogo, son panel de techniques tourne autour de ce milieu ardent. Après cette bataille, il combat Aokiji pour le contrôle de la Marine, ce combat transforme l’île de Punk Hazard en une île duale : entre terre de glaces et terres magmatiques…
En outre ces ressemblances dans les techniques, ces deux personnages incarnent, dans leurs mentalités, un tempérament volcanique : sentiment de supériorité, hostilité, irritabilité et colère sont leurs crédos. Par sa stature et sa force, Akainu est si implacable et hostile dans sa conception de la justice absolue qu’il n’hésite pas à tuer ses soldats ayant peur, car trop lâches à ses yeux. Il inspire une réelle crainte par son tempérament et sa colère instable. Jogo, lui, est l’image même du volcan, tant physiquement – peau rugueuse, un crâne en forme de cône, mais aussi ces oreilles, qui forme deux autres cheminées – que dans sa pensée : son sentiment de supériorité – avant son combat avec Gojo –, son irritabilité et son impatience qui laisse exploser ses pulsions.
Pourquoi ces mangakas ont-ils créé ces personnages ? Le lecteur s’interroge et ne peut s’attacher qu’aux traits de caractères évoqués plus haut, mais ces auteurs s’insèrent aussi dans un contexte de fortes activités volcanique : le mont Aso entre régulièrement en éruption, une fois par an de 2014 à 2016 puis une nouvelle fois en 2021. De ce fait, l’inquiétude de la société à ces catastrophes se reflète, par le biais des auteurs, dans leurs œuvres au travers de certains personnages, qui cristallisent toutes les caractéristiques volcaniques.
Les Apôtres de la destruction japonaise : séismes, tsunamis et volcans
Là où l’article précédent s’attachait à évoquer l’ensemble des catastrophes naturelles visibles par un graphique, les mangas et les planches cités ici le démontrent pleinement : tsunami et volcanisme sont associés aux séismes, à diverses échelles.
Les tsunamis représentés démontrent une peur des flots s’abattant sur le Japon. La graphie de ces rouleaux marins accentue l’appréhension d’un méga-tsunami, dont la destruction viendrait achever les survivants du séisme. Les mangas et les auteurs mettent en corrélation les deux phénomènes : séisme marin et tsunami vont de pair. La catastrophe volcanique, elle, est dévastatrice, bien au-delà de l’archipel japonais, par sa portée mondiale. Toutefois, le volcanisme n’est que dernier dans le graphique, face aux tsunamis et séismes, et le Fuji monopolise les planches… la proximité de la capitale prend le pas sur d’autres représentations, car il n’y a pas eu de « Fukushima volcanique ». Qui plus est, la surveillance technologique (radars, scans, drones) des volcans permet d’avertir et d’évacuer la population rapidement pour éviter une catastrophe de grande ampleur. L’imprévisibilité fait donc plus peur que le danger visible.
Finalement, les mangas représentent trois grandes catastrophes naturelles totales, dont le lien est pluriel : toutes sont imprévisibles, hormis les volcans en activité, et s’érigent comme des anges destructeurs du Japon, voire du monde. En outre, elles sont toutes liées à la puissance du séisme. Sans lui, il n’y a pas de cascade de catastrophes. Il est le déclencheur de l’apocalypse et principale peur transmise par la culture populaire, sauf si ce dernier est commandé par des divinités en colères…
Mais pour cela, il faudra attendre un 3e et ultime épisode dans dans quelques semaines !
Bibliographie et pour aller plus loin
Sources mangas (ordre alphabétique des dessinateurs et dates de publications française)
AKUTAMI Gege, Jujutsu Kaisen, Paris, Ki-oon, 2020.
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MORIKAWA George, Je reviendrai vous voir, Rancon, Akata, 2015.
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Ouvrages
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BOUISSOU Jean-Marie, Manga – Histoire et univers de la bande dessinée japonaise, Paris, Éditions Philippe Picquier, 3e édition, 2013.
DEBROISSE Anne et SEINANDRE Érick, Petit atlas des phénomènes naturels, Paris, Larousse, 2003.
FERGUSON Niall, Apocalypses : de l’Antiquité à nos jours, Paris, Éditions Saint-Simon, 2021.
HEIMBURGER Jean-François, Le Japon face aux catastrophes naturelles. Prévention et gestion des risques, Londres, ISTE Editions, 2018.
LEBLANC Claude, Le Japoscope 98, Paris, Éditions Ilyfunet, 1998
—, Le Japoscope 99, Paris, Éditions Ilyfunet, 1999.
—, Le Japoscope 2000, Paris, Éditions Ilyfunet, 2000.
NINOMIYA Hiroyuki, Le Japon pré-moderne 1573-1867, Paris, CNRS Éditons, 2017.
PELLETIER Philippe, Le Japon, Paris, Armand Colin, 1997.
—, Le Japon, Paris, Le Cavalier Bleu, 2008.
—, Atlas du Japon. Une société face à la post-modernité, Paris, Autrement, 2008.
SCOCCIMARRO Rémi, Atlas du Japon : l’ère de la croissance fragile, Paris, Éditions Autrement, 2018.
SIARY Gérard, Histoire du Japon, des origines à nos jours, Paris, Tallandier, 2020.
[1] DEBROISSE Anne et SEINANDRE Érick, Petit atlas des phénomènes naturels, Paris, Larousse, 2003, p. 34-35.
[2] Le pourcentage présenté est issu d’un calcul entre les données de la base effective, au sein des 28 % représentatifs des tsunamis.
[3] MIYAGAWA Akira (dessin) et SAITÔ Takao (idée originale), Survivant, l’histoire du jeune S, Charleroi, Vega Dupuis, 2018, t.1 p. 16, 86-89, 94-95 : Le manga inclus dans la base de données est un « remake » de l’œuvre originale de 1976, les éléments de scénario comme l’engloutissement du Japon sont restés, donc on peut l’utiliser pour établir un miroir avec les années 1970.
[4] FURUYA Usamaru (dessin), EIFUKU Issei (scénario), SHIBA Hidetaka (supervision), L’histoire de l’empereur Akihito, Charleroi, Vega Dupuis, 2021, p. 194-198 ; MORIKAWA George, Je reviendrai vous voir, Rancon, Akata, p. 28-32, 50-52, 78-81, 93 ; IMASHIRO Takashi, Colère nucléaire. L’après catastrophe, Rancon, Akata, 2015, t.1 p. 87-90 ; TATSUTA Kazuto, Au cœur de Fukushima. Journal d’un travailleur de la centrale 1F, Paris, Kana, 2016, t.1 p. 13, 49-50, 70, 95-96, 102, t.2 p. 12, 48-49, 110, 149-150.
[5] KIKUCHI Yoshio et NESPOULOUS Laurent, « Un musée des désastres à Fukushima », Ebisu, 2015/52, p. 56-57 : La chronique du Nihon sandai jitsuroku peut se traduire par Les chroniques véridiques de trois générations au Japon.
[6] FERGUSON Niall, Apocalypses : de l’Antiquité à nos jours, Paris, Éditions Saint-Simon, 2021, p. 104.
[7] DEBROISSE Anne et SEINANDRE Érick, op. cit., p. 30.
[8] PELLETIER Philippe, Le Japon, Paris, Armand Colin, 1997, p. 46 : l’auteur propose une carte représentative du volcanisme nippon.
[9] NINOMIYA Hiroyuki, Le Japon pré-moderne 1573-1867, Paris, CNRS Éditons, 2017, p. 165.
[10] TITSINGH Issac, Annales des empereurs du Japon, le Fonds de traduction orientale, Paris, 1834, p. 416.
[11] IMASHIRO Takashi, op. cit., t.2 p. 26, 72, 127 ; VANLERBERGHE Cyrille, La pression monte sous le mont Fuji, Le Figaro Sciences, 7 septembre 2012.
[12] FERGUSON Niall, op. cit., p. 96.