Studio Cabana : quand NANA continue d’inspirer les auteurs
Dans l’univers de la romance torturée, il y a un manga que nous connaissons tous : NANA, signé Ai YAZAWA. Mais récemment, un manga de la collection Moonlight des éditions Delcourt/Tonkam pourrait bien prendre la même direction et nous rappeler notre adolescence pour nombre d’entre nous.
NANA, le simple fait d’évoquer le titre de ce manga devrait vous torturer le cœur et l’âme. Deux adolescentes, portant le même prénom, se rencontrent par hasard à bord du même train et pour la même destination. Le début d’une histoire qui a marqué et qui continuera de marquer les fans de manga. Quiconque a lu NANA le sait : le manga de Ai YAZAWA n’est pas une simple romance ou une simple histoire d’amitié entre deux femmes que tout semble opposer. C’est un regard sans fard sur la vie, mais aussi sur les rêves et les difficultés qui l’accompagnent. Et dans le genre, aucun titre n’a eu autant d’impact que NANA. Certains s’en sont très certainement inspirés, d’autres ont peut-être cherché à l’imiter, mais NANA reste ce qu’il a toujours été destiné à être : unique, intouchable, inimitable.
Mais l’univers du manga est vaste et parfois, sans que l’on s’y attende, il peut arriver qu’un titre nous en rappelle un autre. Qu’il nous laisse la même sensation, qu’il provoque ce même pincement au cœur ou cette même impression d’impuissance. Dernièrement, c’est un nouveau titre de la collection Moonlight, de la maison d’édition Delcourt, qui pourrait bien vous replonger dans le passé. Amour torturé, musique, adolescence, quête de soi, Studio Cabana partage de nombreux points communs avec le chef-d’œuvre inachevé de Ai YAZAWA. Mais ce bonbon doux-amer saura-t-il trouver son public ?
Studio Cabana : doit-on y voir un hommage à NANA ?
NANA est connu pour ses histoires d’amour plus vraies que nature. Des relations qui se font et se défont, et qui sont un véritable pied de nez aux romances idéales que l’on peut croiser dans certains titres ou films. Les personnages s’aiment, se blessent, se torturent mutuellement. Ai YAZAWA savait mettre sur le papier ces relations dont on ne parle jamais, celles qui sont une drogue et qui nous prouvent que, au fond, nous sommes nous et pas un autre. Ces relations qui peuvent nous sauver comme nous tuer tant elles sont intenses.
Bienvenue au Studio Cabana, où les riffs acérés des guitares se calent sur le rythme des cœurs battants…
Yukari Maki est une lycéenne plutôt banale, dont la vie est brusquement bouleversée lorsqu’elle aperçoit à la dérobée Yusuke Kusaka, le délinquant de sa classe, interpréter une chanson d’amour. En entendant cette voix mélancolique qu’elle ne lui connait pas et ne ressemble en rien à l’attitude habituelle du jeune homme, Yukari tombe immédiatement sous son charme… – Résumé officiel
Les fausses notes d’un amour torturé
Signé Aguri UMA, Studio Cabana reprend quelques ingrédients de NANA tout en se les appropriant. La musique comme fil rouge, un amour torturé comme guide et une amitié qui ne sait pas réellement sur quel pied danser. Peut-on y voir un clin d’œil au titre de Ai YAZAWA ? Peut-être, sûrement même. Tout comme Nana OSAKI, Yusuke KUSAKA, personnage masculin principal de Studio Cabana, vit un amour torturé. Un amour dont il n’arrive pas à se passer et qui lui offre sa meilleure inspiration pour ses chansons.
Mais si Nana cherchait à exister en tant qu’elle-même et non à travers cet amour, Yusuke, lui, n’a pas la même maturité. Ou plutôt, n’a pas le même vécu, ni la même histoire. Pour lui, tout est bon à prendre, y compris de pauvres miettes que veut bien lui laisser l’élue de son cœur. Sa rencontre avec Yukari MAKI, une camarade de classe, va venir bousculer la partition un peu fausse qui lui servait de vie. De nouvelles notes, de nouveaux accords vont ainsi apparaître. Et une nouvelle mélodie va, petit à petit, se créer dans ce trio amoureux dont l’un des membres, Haruki SHIRAI, est finalement aussi dérangeant qu’hypnotisant que le beau Takumi ICHINOSE lui-même.
Quand l’égoïsme se confronte à l’innocence
Mais plus on avance dans Studio Cabana et plus l’histoire prend une tournure différente de NANA. Le manga d’Aguri UMA est à la fois plus léger, mais tout aussi dur. Si l’on retrouve le classique trio amoureux, il semble que ce soient le feu et l’eau qui s’affrontent en duel.
Si Haruki ne va pas hésiter une seule seconde à servir ses propres intérêts par tous les moyens, Yukari, quant à elle, pourrait facilement être comparée à Candide. Son personnage, qui semble tout méconnaître des secrets du cœur, n’agit que pour épauler et sincèrement soutenir Yusuke dans sa vie. Elle a ce côté pur et innocent que l’on retrouve chez beaucoup d’héroïnes de romance.
Pour autant, le fait qu’elle soit directement opposée à un personnage plus sombre, plus mesquin ne fait que la rendre d’autant plus réelle. D’autant plus que, si d’autres héroïnes de romance peuvent être épuisantes à la longue, Yukari évolue et nous dévoile une maturité inattendue pour une jeune femme de 16 ans.
Même le plus suave des liquides peut devenir un véritable poison
Comme dans NANA, Studio Cabana nous rappelle que, aussi belles ou rassurantes soient-elles, toutes les relations n’ont pas la même saveur ni le même impact sur celui ou celle qui les vit.
Si certaines nous guérissent et permettent à nos ailes d’être de nouveau capables de nous porter, d’autres ne sont là que pour nous empoisonner. Et c’est exactement ce que Yusuke commence à comprendre, lui qui ne connaissait finalement qu’une seule forme de romance. Le jeune homme va, petit à petit, ouvrir les yeux sur le piège dans lequel il s’est lui-même jeté, à l’image de Nana KOMATSU.
Alors l’adolescent va-t-il commettre la même erreur que notre chère Hachi ? Ou au contraire, va-t-il prendre un chemin tout autre ? Pour le découvrir, il va falloir attendre la suite de Studio Cabana, mais une chose nous semble évidente : un affrontement bien ardu est sur le point d’éclater. Un affrontement dont nul ne sortira indemne tant l’un des protagonistes semble être capable à la fois du pire, comme du meilleur…
Studio Cabana : une version plus adolescente de NANA
Si NANA a autant marqué les lecteurs et les lectrices, c’est pour une bonne raison. Ai YAZAWA ne nous épargne rien de la dureté des relations, des difficultés de l’amour. L’amour, ça fait mal autant que ça fait du bien. C’est une drogue dure que l’on peine à trouver et dont on peine à se passer. Par ailleurs, en mettant en scène deux groupes aux sonorités bien distinctes, l’autrice ne manque pas de nous le faire comprendre : il n’existe pas qu’une forme d’amour et il va falloir vous en accommoder.
Mais dans Studio Cabana, l’ambiance est plus feutrée, plus douce, moins raide. Le titre est une version plus édulcorée de ce que NANA nous proposait. Et ça se voit également avec les différences graphiques.
De la douceur du trait peut naître la douceur d’une histoire
Et justement, parlons-en, des différences graphiques. Lorsqu’on compare les deux titres, des différences flagrantes apparaissent, mais pas uniquement au niveau esthétique, qui reste tout à fait subjectif.
Que ce soit dans NANA, Last Quarter ou Paradise Kiss, l’autrice a toujours eu un trait reconnaissable entre mille. Ses dessins sont très dans la longueur, comme pour ajouter une certaine profondeur ou hauteur à son histoire. À contrario, Aguri UMA a un trait qui semble plus réaliste. Bien évidemment, il y a par ailleurs une question d’époque qui rentre en compte, mais cela ne fait qu’accentuer le côté plus enfantin de Studio Cabana. Il en va de même pour le découpage des scènes dans lesquelles Ai YAZAWA paraissait réellement vouloir nous interloquer. Tandis qu’Aguri UMA semble plutôt vouloir souligner la délicatesse d’une relation adolescente naissante, qui ne sait pas encore ce qu’elle est réellement.
Vous reprendrez bien un peu de personnages secondaires ?
D’ailleurs, autre élément qui fait la richesse de NANA et qui manque cruellement à Studio Cabana, ce sont les personnages secondaires. Pour l’heure, le manga d’Aguri UMA n’en est qu’à son troisième tome, pour autant, nous n’avons actuellement eu aucun personnage secondaire marquant.
Et dans ce genre de titre, ce sont justement les personnages secondaires qui permettent d’apporter de la fraîcheur, mais aussi de la profondeur à l’histoire. L’exemple le plus frappant est certainement celui de Misato, soutien ultime de Nana OSAKI et de BLAST. Elle arrive dès le tome 1 dans NANA et, tout au long de l’histoire, sera une sorte de catalyseur de la détresse et des espoirs des deux Nana. C’est aussi en ça que Studio Cabana n’a pas la même maturité que NANA.
Pour autant, le titre est-il décevant ? Non, car le manga d’Aguri UMA n’a pas la prétention de nous bousculer, du moins pas pour le moment, pas encore. Peut-être plus tard ? Dans tous les cas, Studio Cabana mérite qu’on s’intéresse à lui. Ne serait-ce que parce qu’il a ce petit quelque chose qui nous fera un pincement au cœur et qui nous poussera à vouloir aller plus loin, que ce soit par curiosité ou voyeurisme.