[Archive JDJ] Conférence de Masao Maruyama à Japan Expo 2012
Producteur de séries d’animation, Masao Maruyama est le co-fondateur du célèbre studio Madhouse et le fondateur du studio d’animation Mappa, dont la première réalisation est Kids on the Slope. Invité de l’éditeur Dybex, qui a diffusé cette série sur Dailymotion, ce personnage influent de l’animation japonaise était présent pour une conférence publique. Avec plus de 50 ans de carrière, Masao Maruyama a produit un grand nombre de succès mais c’est un homme discret et généreux que les visiteurs ont découvert. C’est même presque intimidé, mais aussi avec humour, qu’il a répondu aux nombreuses questions du public.
article originellement publié le 10 juillet 2012
Q : Bonjour, je suis un grand de fan de la série Gunslinger Girl saison 1, produite par le studio Madhouse. Pouvez-vous nous décrire le travail que vous avez effectué sur cette série et comment vous l’appréhendez ?
Masao Maruyama : Alors Gunslinger Girl est composé de deux saisons réalisées à plusieurs années d’intervalles et je me suis occupé de la première. Au Japon, cette œuvre est quand même difficile à appréhender. Comme il s’agit de l’histoire d’une petite fille qui a tué des gens, il a été difficile de cibler le public et de monter le projet. Je me suis inspiré du film Léon, de Luc Besson, que j’adore et qui a des similitudes.
Q : À quel point est impliqué l’auteur du manga dans la production de l’anime ?
Masao Maruyama : Concernant Gunslinger Girl, l’auteur était assez impliqué et a beaucoup collaboré avec le réalisateur. J’ai souvent eu l’occasion de travailler sur des adaptations de manga, comme Card Captor Sakura de Clamp ou Master Keaton de Naoki Urusawa. Mais c’est avant tout le réalisateur qui s’occupe de l’adaptation en anime. Moi, je m’occupe plus des relations avec les maisons de production. L’oeuvre originale est d’abord publiée dans les magazines donc les intentions de l’auteur original sont très importantes. Une série animée est un travail entre le réalisateur, le directeur artistique et les animateurs, c’est un travail de groupe. De plus, l’animation est soumise à la contrainte du découpage en épisodes. Par rapport à ça, le mangaka a plus de liberté pour créer son œuvre. Donc il y a parfois des malentendus entre les producteurs de l’anime et le mangaka. Mais même si l’adaptation animée n’est pas identique au manga, pour moi ce qui compte c’est que le public apprécie l’oeuvre en tant qu’anime.
Q : Vous avez déjà travaillé sur les adaptations des mangas Monster et Master Keaton de Naoki Urasawa, est-ce que vous prévoyez d’adapter ses autres œuvres ?
Masao Maruyama : Je suis moi-même un grand fan de Monsieur Urasawa. Quand j’ai su qu’il venait à Japan Expo, je me suis dit « si je peux, moi aussi ! » En fait, j’ai envie d’adapter tous ses mangas (rire). Mais il y a un petit problème. Comme ses œuvres sont souvent longues, voir très longues, il est compliqué d’adapter ces histoires sous forme d’une série. Et donc les sponsors ne veulent pas forcément financer les projets. Aujourd’hui j’ai 70 ans et je pense que je ne pourrais travailler encore au maximum que 3 ans de plus, même avec beaucoup d’efforts. Le projet que je voudrais absolument faire avant la fin de ma carrière est l’adaptation du manga Pluto. J’ai débuté dans l’animation il y a 50 ans. J’ai travaillé chez Mushi Production, qui a réalisé la série Astro Boy. J’ai également produit toutes les œuvres de Naoki Urusawa adaptées en anime. Et comme Pluto est inspiré d’Astro Boy, c’est comme un signe du destin. Malheureusement, comme je vous le disais ce n’est pas aussi simple de financer ce genre de projets. Pour adapter Pluto, je devrais produire 8 épisodes d’une heure. Si je pouvais rassembler l’argent nécessaire, je le ferais même immédiatement.
Q : Votre première série est Ace o Nerae! (Jeu, set et match!), quel a été l’impact de cet anime sur le studio Madhouse ?
Masao Maruyama : En fait, la première œuvre de Madhouse n’est pas Ace o Nerae mais disons que c’est la première qui a eu une reconnaissance. J’ai longtemps travaillé dans le monde de l’animation et parmi les réalisateurs qui m’ont particulièrement marqués, il y a Osamu Dezaki qui a réalisé Ace o Nerae. Nous avons travaillé ensemble depuis l’époque Mushi Production, notamment sur Ashita no Joe. Malheureusement Mushi production a fermé suite à des problèmes financiers. Et du coup, j’ai fondé le studio Madhouse. Osamu Dezaki est décédé l’an dernier. Pour moi Madhouse sans lui, ce n’est plus vraiment Madhouse, donc j’ai préféré fonder une nouvelle maison de production, le studio Mappa. Ace o Nerae et Ashita No Joe restent pour moi les souvenirs marquants du travail fait avec cet homme.
Q : Qu’avez-vous pensé des projets de Satoshi Kon ?
Masao Maruyama : Satoshi Kon a travaillé sur beaucoup d’oeuvres et c’est un réalisateur qui est gravé dans mon coeur. Je me souviens que lors des films Tokyo Godfather et Paprika, j’étais venu avec lui à Paris. Si jamais il était vivant, je pense qu’il aurait insisté pour venir avec moi à Japan Expo. Malheureusement, il ne peut être là. Je porte sur moi le T-shirt de la série Paranoia Agent que j’ai produit avec lui.
Masao Maruyama se lève et retire le T-shirt pour le montrer. (applaudissement)
Masao Maruyama : Est-ce que vous aimez cette série ? Je vous offre le T-shirt, il y a quelques microbes donc n’oubliez pas de le laver (rire).
Il plie le t-shirt et le donne simplement à l’heureux spectateur.
Q : Satoshi KON a commencé un nouveau film avant sa disparition, Yume Miru Kikai. Celui-ci devait être achevé par le studio Madhouse mais il semble y avoir des complications. Si Madhouse ne peut pas le terminer, est-ce que vous avec Mappa vous pourriez le réaliser ?
Masao Maruyama : Je m’attendais un peu à avoir cette question et c’est une des raisons pour lesquelles j’étais un peu inquiet de venir ici. Cependant, je pense que j’ai l’obligation de vous répondre. Par rapport à Yume Miru Kikai, le story board est entre mes mains, le scénario est écrit jusqu’à la fin, j’ai aussi les images. Ses derniers mots étaient « je te laisse faire ce que tu veux ». Comme je vous ai dit tout à l’heure, j’ai 70 ans. Même avec beaucoup d’efforts je ne pourrais pas travailler plus de 3 ans encore. Mais si je ne finis pas cette oeuvre, mon ami me dira dans l’autre monde « Ne viens pas au paradis tant que tu n’as pas terminé… » Les animateurs du Japon entier disent qu’ils vont s’assembler pour finir cette œuvre. Le problème c’est le financement. J’espère vraiment que je pourrais finir cette oeuvre dans les trois prochaines années.
Après un court moment de silence, le générique de Kids on the slope est projeté sur l’écran de la scène.
Masao Maruyama : Est-ce qu’il y a des gens qui ont vu cette série ?
De nombreuses mains se lèvent dans la salle.
Masao Maruyama : Je suis impressionné. Vous avez des questions ou des commentaires sur cette série ?
Q : La qualité de l’animation des scènes de musique est remarquable. Quel a été le budget alloué à Kids on the slope ?
Masao Maruyama : Kids on the slope est la première production du studio MAPPA, réalisé avec Shinichiro Watanabe que vous connaissez peut-être de Samurai Champloo. Je n’ai donc pas vraiment réfléchi au budget. J’ai surtout voulu produire une belle œuvre. La diffusion n’a été terminée que la semaine dernière, je n’ai pas encore fait tous les calculs mais on est probablement dans le rouge (rire). Si jamais dans quelques mois Mappa n’existe plus, vous saurez pourquoi (rire).
Merci beaucoup pour votre soutien.
Et c’est sur cette dernière note d’humour que la conférence s’achève sous les applaudissements du public.