Le gardien des souvenirs, un voyage émouvant entre vie et au-delà

Revivre ses souvenirs pour trouver la sérénité : tel est le propos du roman Le gardien des souvenirs de Sanaka HIIRAGI, qui nous plonge dans un univers où les défunts peuvent revisiter leur passé au cœur d’un mystérieux studio photo. Publié en France le 1er mars 2024, ce livre aborde avec délicatesse et originalité le thème de la mort, récurrent dans la littérature japonaise contemporaine. À travers une narration douce-amère, l’écrivaine nous offre une réflexion sur la place des réminiscences au crépuscule de la vie.

Un concept original : le studio photo entre deux mondes

Un lieu unique et magique

Couverture du livre Le gardien des souvenirs

L’histoire se déroule dans un lieu hors du temps, un studio photo situé entre notre monde et l’au-delà, où les défunts peuvent revivre leurs souvenirs avant de partir définitivement. Ce concept ingénieux sert de toile de fond au Gardien des souvenirs.

Les personnages vont traverser cette antichambre de l’au-delà, revisitant leur passé à travers des photographies soigneusement choisies. Dans ce lieu atypique, chaque défunt est invité à désigner une photo représentant une année de sa vie, parmi une collection comprenant une image pour chaque jour vécu ! Ce processus de sélection devient un voyage introspectif.

Accompagnés par Hirasaka, le mystérieux propriétaire du studio, les disparus peuvent revivre des instants clés de leur existence. À la fois guide et gardien, Hirasaka les aide à naviguer dans cet entre-deux-mondes, leur expliquant le déroulement et les aiguillant dans leur quête de souvenirs.

Le studio lui-même est un endroit fascinant, offrant aux défunts la possibilité de profiter une dernière fois des plaisirs terrestres, comme savourer une tasse de thé. Bien que les besoins vitaux ne soient plus ressentis, les envies persistent, ajoutant une touche de nostalgie. L’expérience culmine avec la création par Hirasaka d’une lanterne rotative, projetant les photos choisies. Cette projection finale marque le véritable départ vers l’au-delà, bouclant ainsi le cycle de la vie et des souvenirs.

Le voyage dans le temps

Un aspect fascinant de l’histoire est la possibilité pour les personnages de retourner dans le passé pour revivre une journée précise de leur existence. Lorsqu’une photo importante apparaît floue — symbole d’un souvenir marquant, mais altéré par le temps, Hirasaka propose aux défunts un voyage dans le temps pour revisiter le jour où la photo a été prise. Ce voyage, limité à une seule fois et d’une durée de 24 heures, permet au disparu de revivre ce moment crucial et de reprendre la photo, cette fois avec une clarté renouvelée.

Pendant ce retour dans le passé, les voyageurs et Hirasaka sont invisibles et inaudibles pour les vivants, ne pouvant ni interagir avec eux ni modifier le cours des événements. Cette expérience offre une opportunité unique de réconciliation avec leur histoire personnelle, tout en permettant au lecteur de plonger dans le vécu intime des personnages.

Trois destins entrelacés : des personnages touchants et divers

Le roman suit trois personnages principaux, chacun apportant sa propre perspective sur la vie et la mort.

  • Hatsue, une vieille dame de 92 ans, ancienne éducatrice pleine d’humour et d’empathie qui a consacré sa vie aux enfants. Son histoire, dont les souvenirs révèlent une vie riche en émotions, est empreinte de sagesse et de bienveillance. Son dévouement offre au lecteur un aperçu d’une existence remplie de moments doux, mais aussi de sacrifices.
  • Waniguchi, un yakuza au cœur tendre, dont l’apparence brutale cache une profonde sensibilité. Sa rencontre avec un jeune homme probablement autiste va bousculer ses certitudes et défier ses préjugés. Ce personnage inattendu apporte une touche de complexité au récit, montrant que même les individus les plus endurcis peuvent être touchés par la compassion.
  • Mitsuru, une petite fille entre la vie et la mort, victime de violences, dont l’histoire touchante révèle la fragilité et l’injustice de la vie. Son récit, bien que délicat à aborder, donne une profondeur émotionnelle supplémentaire à l’œuvre. Sa présence dans le studio photo souligne l’innocence de l’enfance, offrant une perspective différente sur le thème de la mort et des souvenirs.

Ces trois récits s’entrelacent habilement, prodiguant une vision kaléidoscopique de l’existence humaine et de ses moments les plus marquants. Sanaka HIIRAGI parvient à tisser des liens subtils entre ces histoires apparemment disparates, créant une tapisserie narrative riche et émouvante.

Un guide énigmatique et bienveillant : Hirasaka, le gardien des souvenirs

Hirasaka, le propriétaire du studio, est une figure fascinante, insondable et adorable, qui ajoute une dimension supplémentaire au récit. À la fois guide et gardien des souvenirs, il s’adapte avec intelligence à chaque personnage, sans jamais porter de jugement. Sa présence mystérieuse et bienveillante en fait un guide parfait pour les défunts traversant cette étape entre la vie et l’au-delà. Son rôle est d’accompagner les âmes dans leur dernier voyage, leur permettant de faire la paix avec leur passé avant de partir.

Ses interactions avec les protagonistes, en particulier avec Waniguchi, le yakuza, apportent une touche d’humour et d’émotion au récit. Hirasaka, avec son côté précieux et méticuleux, crée des situations cocasses lorsqu’il interagit avec le yakuza au tempérament brut. Ces moments de légèreté contrastent avec les thèmes plus graves du roman, équilibrant parfaitement l’ambiance générale. Cette capacité d’adaptation souligne la sensibilité de l’autrice dans le traitement de sujets aussi délicats que la mort et le deuil.

Une exploration sensible de la mort et des souvenirs

Ainsi va l’existence. La vie est une sorte de voyage où l’on avance en se délestant peu à peu de ses souvenirs.

Un style d’écriture fluide et évocateur

Sanaka HIIRAGI propose un style fluide et agréable, rendant la lecture du roman rapide et immersive. Le récit est bien structuré, avec des descriptions détaillées qui octroient au lecteur de visualiser clairement le studio photo et les souvenirs des personnages. Son écriture, légère, mais profonde, permet de créer une atmosphère à la fois cosy et mélancolique.

Un souci du détail remarquable

Pour assurer l’authenticité des éléments techniques liés à la photo, l’autrice s’est entourée d’experts, notamment des conservateurs du Musée japonais des appareils photographiques. Cette attention aux détails enrichit l’expérience de lecture, offrant une crédibilité supplémentaire, en particulier dans la description des nombreux appareils photo disponibles dans le studio et des méthodes de développement utilisées par Hirasaka.

Des thèmes universels traités avec sensibilité

Le gardien des souvenirs aborde des questions existentielles qui touchent chacun d’entre nous :

  • L’au-delà et la transition : le roman explore avec subtilité ce qui pourrait succéder à la vie, offrant une vision réconfortante sans pour autant tomber dans le cliché.
  • Le pouvoir évocateur des souvenirs : à travers le processus de sélection des photos, l’œuvre souligne comment ils façonnent notre identité et donnent sens à notre existence.
  • Entre nostalgie et acceptation : en revisitant leurs moments de joie et de regret, les personnages cheminent vers une acceptation sereine de leur histoire.
  • Résonance littéraire : les thèmes de la mort et du voyage temporel rappellent d’autres romans japonais, tels que le célèbre Tant que le café est encore chaud (dont vous pouvez retrouver la critique de son troisième tome). Les amateurs de ce type d’ouvrage apprécieront sans doute Le gardien des souvenirs pour sa capacité à mêler passé et présent avec délicatesse. Bien que le concept du voyage dans le temps ne soit pas nouveau dans la littérature japonaise, Sanaka HIIRAGI apporte sa propre touche à ce thème.

L’autrice parvient à créer un équilibre entre les moments de légèreté et les passages plus graves. Le roman saura émouvoir les lecteurs par sa douceur et sa profondeur. Il offre une réflexion sur la vie, la mort et l’importance de chérir nos souvenirs, tout en nous rappelant la beauté éphémère de l’existence. Cette perspective unique sur la mort la présente non pas comme une fin abrupte, mais plutôt une transition paisible. La structure du récit, alternant entre les trois histoires principales, maintient l’intérêt du lecteur tout au long du livre, créant un rythme agréable et une narration captivante.

Pour vous procurer Le gardien des souvenirs, rendez-vous sur le site de l’éditeur ou dans votre librairie préférée.

Zoé Crozet-Robin

Rédactrice Web SEO, je suis passionnée de musique, jeux (vidéo et de société). Mes sujets de prédilection au Journal du Japon sont la littérature et les séries/dramas japonais ! Bonne lecture :)

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