Cthulhu no kami – Partie 1 : le JDR cross-over réussi !

Vous venez de monter dans le train à Yokohama et vous êtes en route pour la station thermale de Yushu. Arrivés sur place, rien ne passe comme prévu… Vous voilà confrontés à des créatures surnaturelles, les Larmes d’Amaterasu. Si cette intrigue vous interpelle, venez découvrir le nouveau jeu du studio Deadcrows : Cthulhu no kami et l’interview de David Grollemund.

chtulu no kami
Livres d’univers et écran de jeu de Chtulhu no Kami ©Studio Deadcrows – Photo de Morgane Mokhtari

Après vous avoir présenté les forums RPG et Voice of Cards, Journal du Japon vous présente aujourd’hui un nouveau jeu de rôle (JDR ou RPG) : Cthulhu no kami. La gamme est actuellement composée de 7 livres : 5 livres d’univers (un pour chaque époque : Heian, Edo, Meiji, Showa, Moderne) et 2 livres de règles (un pour le meneur de jeu (MJ) et un pour les joueurs) et est complétée par un recueil de scénarios, un écran de jeu incluant un livret permettant une nouvelle option de jeu (personnage en passe de devenir un être des profondeurs) et des aides de jeu (livret de personnage, balance karmique, jetons…). Les termes relatifs au JDR sont japonisés pour se mettre dans l’ambiance dès le départ !

Chaque livre d’univers commence par une nouvelle. Puis viennent des informations concernant l’époque donnée : évènements marquants, personnes célèbres, us et coutumes… Ces informations importantes permettent d’ancrer l’histoire dans la réalité et d’agrémenter la partie de détails historiques comme on le retrouve traditionnellement dans les jeux Cthulhu. La place du mythe ainsi que des yôkai dans l’époque est aussi abordée. Chaque livre se termine par un scénario et des personnages pré-tirés. De nouveaux profils et de nouvelles voies permettent d’adapter un personnage à une époque donnée.

Le livre du Sensei (pour le maître du jeu) détaille l’horreur japonaise ainsi que le mythe de Chtulhu adapté à la sauce nippone. Un chapitre est dédié aux différents types et règles relatives à la magie. Il se termine par un scénario. Ce livre permet de mieux comprendre le contexte mystique et de voir les possibilités d’imbriquer l’horreur lovecraftienne aux créatures issues du folklore japonais. Le livre de l’Eiyu (joueur), en plus de présenter les règles de jeu et de création de personnage, fait des rappels sur l’histoire, la géographie et la culture traditionnelle du Japon, permettant ainsi aux joueurs de s’ancrer eux aussi dans le réel. Le livre se termine par une liste de noms et prénoms japonais, ce qui est bienvenu pour s’affranchir de générateurs de nom aléatoire.

Chtulu no kami propose un univers riche mêlant horreur lovecraftienne et japonaise. Ses règles plutôt simples basées sur le système Chroniques Oubliées (D20) et la présence de scénarios et pré-tirés devraient lui permettre de conquérir les fans du Japon. A l’occasion de la sortie des livres au format papier, Journal du Japon a eu l’opportunité d’interviewer David Grollemund pour retracer les étapes du projet, ses prochains développements et d’obtenir des conseils de jeu !

Gamme Chtulhu no kami ©Studio Deadcrows

Journal du Japon : Bonjour et merci pour votre temps, pourriez-vous vous présenter ?

David Grollemund : Je suis associé chez Book in Game et l’actuel directeur de gamme sur Cthulhu no kami. C’est un jeu qui a connu pas mal de péripéties mais qui est maintenant entre mes mains depuis bientôt 2 ans. Mon rapport au Japon, c’est une longue histoire. D’enfant à jeune adulte, j’ai beaucoup pratiqué les arts martiaux, ce qui m’a amené à m’intéresser à la culture japonaise. Au lycée, j’ai lu beaucoup de mangas mais aussi de la lecture japonaise classique comme La pierre et le sabre ou encore La parfaite lumière [NDLR : de Eiji Yoshikawa]. Concernant le jeu de rôle, j’ai mis longtemps à aborder l’archipel. J’avais testé La légende des 5 anneaux mais je n’avais pas été convaincu. Je suis très attaché à l’histoire et ce jeu reprend certes l’esprit d’une époque mais sans le cadre. Et c’est ce cadre qui m’a manqué.

Chtulu est en effet un jeu connu pour le côté historique où le réalisme et la recherche du détail sont très développés. Ainsi, le joueur peut se projeter dans une époque.

C’est effectivement ce qui m’a enthousiasmé quand on m’a proposé de m’occuper de Cthulhu no kami. C’est le jeu qu’il me manquait dans mon étagère rôliste.

Est-ce que vous pourriez nous parler de la genèse du projet ainsi que de ces grandes étapes de développement ?

Je ne suis pas à l’origine du projet alors je vais vous parler ce que j’en sais. C’est un projet qui, au tout début, devait sortir chez Sans-Détour [NDLR : éditeur de certaines versions françaises de Cthulhu qui a fermé à la fin des années 2010]. Bref, sans s’étaler sur ce qui s’est passé, ce projet s’est retrouvé orphelin d’éditeur, et Raphaël et Alicia (Hamimi, auteurs) l’avaient proposé à Stéphan (Barat, PDG de Book in Game). Ils ont fait une partie d’essai car cela reste encore la meilleure manière de présenter un JDR. Stéphan a accroché d’emblée, donc ils ont commencé à travailler sur les textes. Et lui a commencé à travailler sur l’aspect production notamment sur le choix des illustrateurs. Le financement participatif a eu lieu en 2019. J’ai ensuite rejoint Book in Game en 2020 sur d’autres projets. A cette époque, c’était Coralie David (autrice) qui avait repris le projet. Elle avait travaillé sur les 2 livres de base ainsi que certains suppléments. Sauf que de l’époque de Sans-Détour, il restait des textes qui étaient certes très intéressants, mais extrêmement décousus, sans trame général ni de liens entre eux. Il manquait une ligne éditoriale et donc quand on essaie d’imposer un cadre à la fin c’est beaucoup, beaucoup plus compliqué. Au bout d’un an et demi, elle a été appelée sur ses propres projets alors qu’il y avait encore 4 suppléments d’époque, le recueil de scénario et celui de l’écran à terminer. Ainsi que toute la partie finalisation avec la production manquait. Donc c’est là où moi j’ai repris la main et où j’ai finalisé le projet.

A combien de tentacules a été écrit le projet ?

La rédaction, ça a été principalement Alicia et Raphaël Hamimi (auteurs) ainsi que Benjamin Ott (auteur). De plus, Guillaume Dequeker (auteur) a travaillé sur l’aspect règles. Ce sont eux qui ont posé des grandes lignes, l’ambiance, qui ont je pense aussi à un moment acté les choix sur ce qu’on allait faire de telle ou telle entité, de parler du mythe, mais aussi de telle ou telle esprit, kami, yokai… Parce qu’un moment il faut trancher et tisser ces liens. Voilà, ils étaient plusieurs et après ils ont été aussi ralliés par plein d’autres personnes qui n’ont écrit parfois qu’un petit scénario ou un point de règle. Mais par exemple le livret de l’écran, je crois qu’il a été quasiment intégralement écrit par Shendor. Mais globalement certaines personnes se sont plus investies sur la rédaction des livres (univers/règles…) d’autres sur les scénarios. Quand il y a beaucoup d’auteurs différents, il est important de mettre une ligne éditrice en avant. Je me suis vraiment plus occupé après de la partie finalisation : finalisation des textes, ordonner tout ça pour qu’on puisse avoir des suppléments qui aient une trame, qui aient une lecture fluide et une cohérence d’ensemble. Donc finalement, c’est un projet avec beaucoup de personnes différentes investies et cela a été un vrai travail d’équipe. Mais c’est aussi ce qui a rendu le projet aussi long dans son aboutissement avec pas loin de 4 ans de retard. On aurait pu faire une livraison en 2 temps mais je m’y suis opposée car il y a beaucoup d’interconnexions entre les différents livres et qu’il fallait vérifier la cohérence d’ensemble.

Les suppléments ont tous la même structure, pourquoi ?

Il y a plein de choses à dire, plein de choses à faire, mais vous ne pouvez pas tout mettre et puis il fallait que le jeu soit jouable. C’est un jeu de rôle, donc l’idée c’est quand même d’avoir un jeu qui ait un intérêt pour le maître du jeu et les joueurs. Si ça ne l’est ni pour l’un ni pour les autres, c’est que même si ce que vous avez écrit est très intéressant, cela n’a pas sa place dans un livre de jeu de rôle. On a conçu ces livres comme une gamme complète qui est censée fonctionner ensemble. L’intérêt de séparer en suppléments est le volume car sinon le livre de base, il ferait 600 pages et ça permet en cours de partie de pouvoir retrouver beaucoup plus rapidement une information dans un livre de taille réduite. De plus, certains joueurs peuvent ne pas être intéressés par toutes les époques.

Est-ce que vous avez fait appel à des traducteurs ou des historiens du Japon ?

Coralie David (autrice) est une très grande connaisseuse du Japon. Après, j’ai systématiquement vérifié avec des ouvrages de références avec entre autres, le Dictionnaire historique du Japon. Par exemple, rien qu’avec cette ouvrage, on enlève déjà tout un tas de petites erreurs qui sont souvent dues à des auteurs qui n’ont peut-être pas poussé leurs recherches assez loin ou qui pensaient savoir des choses. En plus, sur certains chapitres, Jean-Michel Abrassart, expert du Japon, avait fait des vérifications. La transposition des noms et des termes japonais ainsi que la traduction du poème de l’enfer de Tomino qui est dans le recueil de Kaidan ont été effectué par Tony Sanchez.

Pourquoi cette variété dans les illustrations (dessins, photos, estampes) ?

Exemples d’illustrations ©Studio Deadcrows

Le choix de reprendre des photos et des estampes historiques, c’est pour encrer le côté historique. Pour retranscrire un lieu, une ambiance, rien de mieux que de le mettre en images. Donc en ajoutant des estampes, cela crée une ambiance et cela appelle l’imaginaire, ce que la description ne peut pas permettre. Après, à partir de l’époque Meiji, on peut avoir des photos d’époque. Certaines ont même été recolorisées et c’est assez formidable parce qu’on a le matériel pour vraiment retranscrire ces ambiances-là. Après, quand on crée un jeu de rôle ou un univers, c’est intéressant aussi de le donner à d’autres. On le donne à des auteurs pour qu’ils créent un scénario, un supplément, un contexte… pour qu’ils apportent finalement leur vision de l’univers. Et l’illustrateur c’est exactement pareil : il va s’approprier l’univers qu’on lui a donné et il va en donner sa version avec sa sensibilité. Et du coup, c’est intéressant parce que cela enrichit le point de vue et la manière d’appréhender les choses. C’est donc important aussi de faire intervenir des illustrateurs.

Rendez-vous demain pour la suite de l’interview avec au programme : la découverte des 5 époques, les conseils pour appréhender Chtulhu no kami et les projets pour la suite de cette gamme.

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