[Japan Expo 2024] Interview de Kenron Toqueen pour Piravit, le dernier fantôme
Disponible dans les librairies depuis le 5 juillet, le premier tome de Piravit, le dernier fantôme s’offre un beau lancement à Japan Expo. En effet, son éditeur Vega-Dupuis l’a bien mis en avant pour faire connaître ce gentil fantôme sorti de l’imagination de Keron Toqueen. Le mangaka chilien a quitté son pays pour la première fois et était en dédicace sur le premier salon européen dédié au Japon et à la pop culture durant 4 jours.
Journal du Japon a pu rencontrer l’auteur accompagné de son éditeur et traducteur, Frédéric Toutlemonde. Nous avons pu lui poser quelques questions et ainsi vous faire la présentation de son premier manga édité en France dans un pur esprit shônen, avec de la baston… mais pas que !
Piravit, le gentil fantôme
Si Piravit et son amie Kimé effraient les touristes d’un petit temple, c’est pour la bonne cause : financer le refuge pour animaux qu’ils gèrent ensemble. Malgré les apparences, Piravit est un gentil fantôme ne souhaitant qu’une chose, vivre en paix. Un jour, leur quotidien tranquille est troublé par l’arrivée d’une horde de démons, de mages et autres éléments paranormaux. Ces derniers souhaitent tous mettre leur main sur Piravit, qui est le dernier fantôme qui pourrait rendre immortel le premier qui l’attrapera…
Dans Piravit, le dernier fantôme, Kenron Toqueen reprend habilement tous les codes du shônen : un héros jeune et orphelin, au cœur pur, doté de pouvoirs hors normes qui va devoir lutter avec ses amis contre les forces du mal. Presque terrassé, Piravit sait trouver en lui la force de se surpasser pour se sauver lui et ses compagnons d’aventure.
Autodidacte, le mangaka chilien dont le manga préféré est One Piece est particulièrement doué pour dessiner les scènes de combat lisibles et percutantes. Dès le premier tome, les connexions entre les personnages apparaissent et démontrent tout le travail et le soin apporté sur les différents protagonistes pour s’attacher à chacun d’eux. De plus, le mystère entourant le dernier fantôme et ses pouvoirs annonce de belles révélations et des combats titanesques ! Vous l’aurez compris : on vous recommande grandement de commencer de lire les aventures de Piravit !
L’interview de Kenron Toqueen
Présentation de Kenron Toqueen
Journal du Japon : Bonjour Kenron Toqueen. Sans originalité, pouvez-vous vous présenter ?
Kenron Toqueen : Bonjour, je m’appelle Kenron, je suis auteur de séries mangas et je vis au Chili. J’aime les chiens, les écureuils, les jeux de cartes à collectionner, le jus d’orange et, bien sûr, les mangas.
Comme beaucoup de jeunes de notre génération, en France comme au Chili, je suppose que vous avez découvert le Japon et les mangas à la télévision par les animés comme Dragon Ball Z ou Les Chevaliers du Zodiaque. C’est bien cela ?
C’est exact, le premier anime que j’ai vu était Pokémon, puis Dragon Ball, mais seulement des anime : dans mon pays, les mangas en tant que tels n’étaient pas encore connus.
D’ailleurs, Piravit lance à un moment une attaque avec de nombreux fantômes à la manière de Gotenks dans DBZ : faut-il y voir un clin d’œil ?
(Rires) Peut-être inconsciemment, je suppose que nous portons tous en nous une partie de l’influence d’Akira TORIYAMA-sensei.
À un moment de l’histoire, des démons utilisent du sel purificateur. Êtes-vous superstitieux en général et croyez-vous aux phénomènes paranormaux ? Qu’est-ce qui vous a donné envie de raconter l’histoire de Piravit, le dernier fantôme ?
J’ai puisé dans diverses croyances populaires du monde entier, et presque toutes avaient en commun l’élément du sel. Je me suis donc dit qu’il serait facile pour les lecteurs d’assimiler cette méthode de défense contre les fantômes, mais je ne sais pas si elle fonctionne vraiment (rire). J’ai décidé de croire aux fantômes, car ils sont ma façon de me consoler et de me dire qu’il peut encore y avoir un au-delà de la mort. D’ailleurs ma vision des fantômes n’est pas négative, au contraire : j’ai décidé de faire de mon personnage principal un fantôme justement pour montrer mon point de vue sur la façon dont je pense ce que les fantômes sont.
Comment êtes-vous devenu mangaka ?
J’ai commencé en autodidacte durant mes études. D’abord, j’ai réalisé pas mal d’illustrations, puis j’ai démarré une première série shônen manga Nocta publiée au Chili (4 tomes à ce jour). Mais je sens que je suis vraiment devenu mangaka avec la publication de Piravit, parce qu’en travaillant sur ce manga, j’ai pu ressentir ce qu’un vrai mangaka à plein temps peut ressentir. On peut dire que Piravit m’a transformé en mangaka (rire).
Et d’ailleurs, qu’est-ce que cela vous fait d’être édité par un éditeur français? Comment Vega-Dupuis vous a remarqué ?
Je suis vraiment très très heureux de tout ! C’est vraiment une grande expérience pour moi, de pouvoir travailler et me consacrer à ce dont j’ai toujours rêvé. Frédéric Toutlemonde, mon éditeur, est celui qui m’a contacté via Twitter. Nous avons alors parlé de diverses choses dont son travail en tant qu’éditeur de manga freelance pour des éditeurs français et japonais. Puis il m’a recontacté après que j’ai publié un one shot intitulé Apprendre à devenir méchant qui est le chapitre pilote de ce qui est maintenant Piravit, le dernier fantôme.
Côté travail, comment vous organisez-vous ?
Mon emploi du temps hebdomadaire est très chargé, je travaille de 7h à minuit. Je commence généralement par faire le nemu (storyboard) du chapitre, puis je l’envoie à Frédéric, qui se charge de faire les corrections nécessaires : tout cela par internet. Après avoir reçu les corrections, je commence à travailler sur l’encrage final des esquisses et la finalisation des pages. J’arrive généralement à faire entre 2 et 4 pages par jour même si, bien sûr, cela peut toujours beaucoup varier. Une fois qu’un chapitre est terminé, je recommence le même processus jusqu’à ce qu’un volume complet soit terminé.
Piravit, le dernier fantôme
Le tome 1 est très efficace et fait intervenir de nombreux personnages (fantôme, prêtresse, mage, des démons) où l’on voit des liens et des connexions se créer. Avez-vous déjà en tête l’histoire entière de Piravit ? En combien de tomes pensez-vous finir la série ?
J’ai une idée générale de ce que sera l’histoire, mais je suis sûr qu’elle changera beaucoup au fur et à mesure de son développement. D’un autre côté, je ne sais pas vraiment combien de volumes il faudra, mais j’espère pouvoir faire toute l’histoire telle que je l’ai planifiée (rire).
La date de sortie du tome 2 est prévue pour le 15 novembre, quel sera le rythme de publication : un tome tous les 4 mois ? Si oui, cela donne de la pression, non ?
C’est vrai, le prochain tome sortira très bientôt, mais j’ai travaillé sur le prochain tome à l’avance. Mon éditeur est très bon dans la gestion du temps et nous avons travaillé sans relâche donc je pense que cela nous a donné un petit avantage ; mais pour être honnête, je n’ai jamais sous-estimé les délais lorsqu’il s’agit de travailler sur un manga.
Vous reprenez les codes du shônen manga avec de la bagarre et une amitié forte qui lie Piravit le fantôme et Kimé l’humaine qui découvre ses pouvoirs de prêtresse. Quelles sont les œuvres qui vous inspirent le plus pour les scènes de combat ?
J’aime regarder les scènes de combat des anime et des films d’action, cela m’aide pour la chorégraphie des combats.
Les 2 amis gèrent le refuge pour animaux abandonnés qu’ils ont créé. Êtes-vous engagé dans la cause animale ou avez-vous des animaux domestiques ? Les animaux auront-ils un rôle à jouer plus tard aussi ?
Les deux personnages ne sont pas animalistes mais ils sont très attachés au bonheur des animaux. Leur engagement dans un refuge pour animaux est une façon de montrer que les personnages ont une qualité humaine qui s’est perdue de nos jours, celle de protéger ceux qui ne peuvent pas se débrouiller seuls. Je pense que c’est l’essence même de ce que c’est que d’être un être humain. Dans le cas de Piravit, il vient montrer que même un être dimensionnel possède des sentiments comme la bonté, qui le rendent très proche d’un humain, en l’occurrence Kimé.
Un soin particulier au chara-design semble apporté : les cheveux de Piravit par exemple. Quelles sont vos méthodes pour rendre uniques et mémorables les personnages, et pas seulement les principaux ?
J’essaie toujours de m’inspirer de la nourriture, d’utiliser des concepts bizarres ou des éléments de la nature – si vous remarquez, la tête de Piravit est comme la feuille d’un arbre en automne (rire).
Avez-vous effectué des recherches sur les démons (démonologie chrétienne), les fantômes et la magie qui sont des thèmes forts du manga ? Avez-vous puisé dans votre culture chilienne ou d’Amérique du Sud ?
J’aime beaucoup connaître les figures spirituelles ou religieuses des autres cultures, j’aime voir les similitudes et les choses qui les rendent uniques et spéciales. Je pense que les croyances des cultures contiennent beaucoup d’informations précieuses pour l’histoire de l’humanité.
Quelle est la planche (ou plusieurs) que vous préférez et pour quelles raisons ?
J’aime les pages où Piravit invoque ses amis fantômes. J’aime les concevoir et les dessiner avec le personnage principal. J’aime aussi les pages où un personnage apparaît pour la première fois, car cela me permet de montrer son design complet.
Les mangas et le Chili
Il y a de plus en plus de Français qui se lancent dans le manga. Y a-t-il ce même phénomène de mangaka au Chili ou êtes-vous le rare élu à être mangaka au Chili ?
Pas du tout, il y a beaucoup d’auteurs de manga indépendants et plusieurs qui travaillent avec des petits et grands éditeurs. Les gens consomment de plus en plus de manga, c’est pourquoi beaucoup de gens sont apparus afin de montrer leur travail au monde, ceux qui aspirent à être mangaka et certains qui le sont déjà.
En France, de nombreux mangas sont édités tous les ans. Est-ce pareil au Chili ?
Oui, il y a des auteurs qui publient un ou deux livres par an, sans compter ceux qui publient en numérique, qui sont nombreux.
Y a-t-il dans votre pays de grosses conventions manga/pop culture comme Japan Expo ? Que pensez-vous de la convention et de la France ?
Oui, il y en a, surtout des salons qui mettent en avant le design, l’illustration et le manga, qui fait partie de la culture japonaise. En ce qui concerne la convention, au moment où j’écris cette réponse, je n’y aurai pas encore participé, mais il ne fait aucun doute que certains d’entre eux seront ma première participation à un événement d’une telle ampleur, et je suis sûr que ce sera une expérience inoubliable. Je peux dire la même chose de la France, c’est le premier pays étranger où je suis allé car je n’étais jamais sortie du Chili auparavant. Donc la France est devenue quelque chose de très précieux et de très beau pour moi. J’ai eu beaucoup de nouvelles expériences que je garderai précieusement dans mon cœur pour toujours.
Encore merci à Kenron Toqueen et Frédéric Toutlemonde pour leur disponibilité et la dédicace ainsi que les magnifiques cartes à collectionner ! Rendez-vous le 15 novembre dans les librairies pour découvrir le tome 2 et des salons où d’autres cartes seront distribuées…
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