Look Back, du manga à l’animation, la joie et les peines du dessin

Trois ans après le one-shot Look Back, publié par Tatsuki FUJIMOTO sur la plateforme Jump+, le réalisateur Kiyotaka OSHIYAMA était présent au festival d’Annecy pour nous présenter son adaptation de la nouvelle déjà culte de Fujimoto. À cette occasion nous avons pu voir le film et lui poser quelques questions.

Tatsuki FUJIMOTO : du shônen effronté au récit introspectif

Pour commencer, petit retour en arrière : nous sommes en 2021, après un Fire Punch très prometteur, et un phénomène Chainsaw Man qui avait achevé la consécration de Fujimoto dans le genre de la parodie de shônen, l’auteur surprend tout le monde avec un titre type tranche-de-vie. En quelques 143 pages, le jeune mangaka parvient à synthétiser toute la complexité du métier d’auteur et la dualité qui l’habite. En effet, nombreux sont les lecteurs à avoir remarqué le parallèle entre l’auteur Tatsuki FUJIMOTO et les deux héroïnes du récit : FUJIno et KyôMOTO. Look Back nous raconte l’histoire d’une rencontre puis d’une amitié entre deux jeunes artistes qui, après avoir travaillé ensemble sur un projet de manga, vont choisir des chemins opposés. L’une devenant autrice à succès du manga “Shark Kick” (en 11 tomes comme la partie 1 de Chainsaw Man), et l’autre souhaitant poursuivre des études d’art (dans la même université que T. Fujimoto) pour se perfectionner selon le parcours académique traditionnel.

Fujino de dos à son bureau
©TATSUKI FUJIMOTO/SHUEISHA©2024 Look Back Film Partners

Évidemment on se questionne sur la part autobiographique de l’œuvre, et à quel point Fujimoto s’identifie à Fujino, droguée de travail et jeune autrice à succès ? On sent une lassitude et un regret chez Fujino, qui se retrouve seule et isolée pour continuer sa série, abandonnée par sa coéquipière de toujours Kyomoto, et incapable de trouver une assistante pour la remplacer. Des regrets, mêlés à d’autres évènements tragiques, qui la conduisent à vouloir “regarder vers le passé” pour imaginer une voie alternative.

Kiyotaka OSHIYAMA, un perfectionniste dans l’animation

Kiyotaka OSHIYAMA est à ce jour encore peu connu du grand public, alors qu’il a déjà de nombreux faits d’armes à son actif. Après un début de carrière en 2004, on trouve parmi ses premiers travaux quelques animations clefs sur Fullmetal Alchemist : Le conquérant de Shamballa en 2005. Il est ensuite rapidement promu Superviseur de l’animation en 2007 sur le chef d’œuvre de SF Dennô Coil (Mitsuo ISO), puis réalisateur d’épisodes en 2013 sur la série Space Dandy (Shin.ichirô WATANABE). C’est sur cette même série que son côté stakhanoviste va commencer à se révéler, assurant lui-même, en plus de son poste de réalisateur, le travail d’animation clefs sur près de 50 cuts pour l’épisode 18. À ce travail de réalisateur d’épisode et d’animateur sur la série il faut également mentionner qu’il participait au script, storyboard, supervision de l’animation, jusqu’aux dessins de certains intervalles. Récompense de son acharnement, on lui confie trois ans plus tard la direction de sa propre série en 2016 : Flip Flappers, où il continuera à assurer un grand nombre de rôles différents à lui tout seul. Parallèlement, il s’impose rapidement comme une figure talentueuse dans l’industrie en participant au club sélect d’animateurs des films Ghibli, dont notamment le récent Le Garçon et le héron de Hayao MIYAZAKI.

Mais même en ayant atteint le haut de la chaîne de commandement (si on omet les postes de producteurs du processus de création), Oshiyama n’était toujours pas satisfait. La production d’anime étant par nature un processus collectif, et qui plus est extrêmement segmenté au Japon, jouer les bourreaux de travail perfectionnistes n’aura pas suffit pour garder sa vision de réalisateur inaltérée. C’est peut être ce qui l’a conduit a fonder en 2017 son propre studio, Durian, grâce auquel il participera à d’autres projets d’envergure tels que l’animation du film hybride The First Slam Dunk, les designs des effets du remake du classique de science-fiction Trigun par le studio Orange (Trigun Stampede), ou encore le clip Heikôsen pour la marque de chocolat Lotte en collaboration avec le groupe en vogue Eve. Cette structure semble par ailleurs lui permettre de poursuivre ses velléités d’artiste indépendant, comme en témoigne le projet SHISHIGARI, un court métrage qu’il réalise et anime entièrement seul, à l’exception des décors du français Aymeric Kevin et de la bande son signée Kenji KAWAI.

Look Back au cinéma : jouer collectif ou perso ?

Après avoir dépeint un tel portrait, rien d’étonnant alors de le retrouver à la tête du projet d’adaptation de Look Back. Tout comme Fujimoto et ses alter égo Fujino et Kyômoto, Oshiyama est un auteur qui a déjà expérimenté les joies de l’aventure collective qu’est la création d’un film, mais qui parallèlement ne peut s’empêcher de chercher à garder un contrôle maximal pour préserver son intention initiale de réalisateur. Cette exigence s’est révélée d’autant plus nécessaire pour cette adaptation d’un manga au style aussi particulier. Pour y répondre, Oshiyama a développé un workflow novateur permettant de conserver la spontanéité du trait de Fujimoto et l’expressivité du trait des animateurs. Contrairement au pipeline traditionnel, découpé en Layout – première animation clef – seconde animation clef – breakdown – clean – intervalle, chaque étape étant potentiellement prise en charge par un animateur différent, ici les animateurs étaient chargés de leur plan de A à Z.

Dans les crédits du film, on trouve les animateurs crédités sous le terme de gendôga, à mi-chemin entre l’animation clef (genga) et l’intervalle/clean (dôga) : les images sont déjà finalisées, et prêtes à être colorisées. Ce fonctionnement nécessitait donc évidemment de travailler avec des personnes expérimentées (comme Toshiyuki INOUE) qui pouvaient se charger de plans entiers sans avoir besoin de repasser derrière pour les retoucher. Néanmoins, difficile de réunir une équipe entière d’animateurs de la trempe d’Inoue. Ainsi Oshiyama a quand même gardé le système de la seconde animation clef (dai ni genga, parfois raccourci en nigen), où les animateurs expérimentés comme Takashi KOJIMA et Ken.ichi KONISHI (Les Enfants de la mer et La Chance sourit à Madame Nikuko) étaient là pour compléter les animations clefs des rookies. Deux noms récurrents du festival d’Annecy 2024 : en plus de Look Back, Kojima et Konishi se trouvent à la supervision de l’animation respectivement de The Colors Within et de The Imaginary, tous deux dans la catégorie compétition officielle. De son côté, Oshiyama s’est chargé à lui tout seul de la moitié des animations clefs du film car on ne perd jamais de bonnes habitudes.

fujino et kyomoto
©TATSUKI FUJIMOTO/SHUEISHA©2024 Look Back Film Partners

Mais l’animation, davantage que le manga, est définitivement une œuvre collective, et Oshiyama n’a pas pu tout faire tout seul cette fois-ci. Alors quitte à travailler en équipe, autant s’entourer des meilleurs ! Nous avons déjà mentionné la participation de Toshiyuki Inoue ou encore Takashi Kojima, animateurs émérites. Mais on peut aussi noter la présence de Kiyoshi HIROSE au montage (INU-OH, Mob Psycho 100, …) qui fait honneur à la passion bien connue de Fujimoto pour le cinéma en utilisant un montage dynamique et inventif souvent emprunté au cinéma live. On relèvera notamment les utilisations astucieuses des effets Zoom In et Zoom out. À l’opposé, quand il s’agit d’adapter en dessin animé le yonkoma (gag manga en 4 cases) que Fujino publie dans le magazine de l’école, la mise en scène devient très simpliste et enfantine, à l’image de son manga. Une régression du style plus technique qu’il n’y paraît car, on le sait bien, “il faut toute une vie pour apprendre à dessiner comme un enfant”.

En définitive, le tour de force d’Oshiyama dans cette adaptation est certainement le fait d’avoir réussi à concilier respect du matériel d’origine, tout en s’autorisant des ajouts pertinents du point de vue de l’histoire et intéressants pour le médium animé. Parmi les plus marquants, on peut noter la scène d’ouverture en top shot spatial pour atterrir dans la maison de Fujino. Le sentiment de solitude ressenti par Fujino quand elle se rend compte qu’elle n’est pas particulièrement talentueuse, mais une goutte dans l’océan, symbolisé par la multiplication des bureaux de ses camarades autour d’elle. La scène de danse sous la pluie en découvrant l’admiration de Kyômoto pour ses dessins. Cette dernière bénéficiait déjà d’une superbe double page inoubliable dans le manga, mais le réalisateur montre ici son ambition d’en faire le véritable money shot du film, en apportant un soin à la chorégraphie et en filmant toute la scène via un long travelling arrière. Enfin le changement de perspective quand les deux héroïnes courent à travers la ville, présentée du point de vue de Kyômoto, tirée par une Fujino rayonnante, toujours un pas devant elle…

Oshiyama en bon bourreau de travail continuait à travailler sur son film jusqu’à la veille de l’avant première japonaise, début juin. Et la version projetée à Annecy n’était même pas complète non plus, terminée à 95 ou 98% selon les estimations. Mais avec la sortie nationale au Japon le 28 juin dernier, le réalisateur a dû se résoudre à mettre un point final à la production de son film. Récoltant 172 millions de yens lors de son premier week-end d’exploitation, le film se hisse à la 2eme place du box office japonais, alors même qu’il n’est projeté que dans 112 salles, contre 300 en moyenne pour les autres films à l’affiche.

Rencontre avec Kiyotaka Oshiyama : l’envers du dessin

Production intense et accidents malencontreux

Journal du Japon : On sait que la fin de la production du film a été particulièrement intense, travaillant encore dessus jusqu’à la veille de la date de rendu (!), mais on espère que vous pourrez profiter de votre séjour en France pour vous reposer !

Kiyotaka Oshiyama : J’ai été occupé tout le temps, pas uniquement durant la seconde moitié de la production, mais c’est vrai que la fin était particulièrement intense. Maintenant, si je compare à ces jours d’enfers, tout va pour le mieux, même si je suis parfois rattrapé par le travail, ce n’est rien comparé à avant. J’en profite pour me reposer comme il faut.

Mais, malgré avoir travaillé dessus jusqu’à l’ultime moment, vous aviez confié dans une récente interview que subsistait un sentiment d’inachevé. Est-ce toujours le cas ?

Petit à petit, avec des interviews comme celle-ci, ou bien en entendant les retours sur le film, je commence à me rendre compte que le film est fini.

©EUROZOOM

Durant vos autres travaux précédents, avez vous déjà eu cette même impression ?

Sur n’importe quelle œuvre, quand on s’implique dessus pendant longtemps, nos pensées ne passent pas facilement à autre chose et on a rarement l’impression que c’est d’un seul coup terminé.

Il me semble que vous avez mentionné vouloir retoucher au film durant votre présentation lors de la projection…

La version projetée à Annecy est une version que j’ai envoyée alors que le film était encore en production. À l’origine, je souhaitais la remplacer avec la version finalisée, mais nous avons fini le film trop tard et on nous a fait savoir que l’échange de version allait être compliqué. Donc les projections à Annecy ont été organisées avec la version incomplète.

Donc, à propos de la version finale, en tant que créateur, il y a beaucoup d’aspects qui, je trouve, sont ratés ou pas assez travaillés, mais je ne souhaite pas y retoucher. La version finale est le maximum de ce que l’on pouvait faire dans le calendrier et avec les ressources qui nous ont été données, donc on peut dire qu’elle est terminée, et je ne souhaite pas y revenir pour la corriger. Même si je garde en moi une montagne de regrets.

Et concernant l’absence de bruitage dans le film pendant les projections à Annecy ?

Le son était finalisé, mais il y a eu un accident : une partie des pistes sonores ne se sont pas lancées lors de la projection d’hier (NDT : le lundi 10 juin 2024). Par conséquent, il n’y avait plus aucun bruitage, une partie des instruments ou parfois la voix des chanteurs étaient aussi absents de la musique du film, donc la projection a montré un état incomplet du film.

Du manga à l’animation : favoriser l’expression par le trait

Comment avez-vous découvert le manga Look Black ?

Quand Look Back a été publié sur Jump+, je ne l’ai pas lu directement mais j’ai vu qu’il commençait à créer de l’engouement sur les réseaux, et j’ai ensuite décidé d’y jeter un œil. Avant ça, comme je travaillais sur les designs de démons dans l’anime de Chainsaw Man, une autre œuvre de Fujimoto, je lisais les mangas de l’auteur, et j’ai donc lu ce nouveau one-shot dans le même esprit. J’ai trouvé que le style changeait beaucoup par rapport à Chainsaw Man. C’était stimulant, on pouvait ressentir l’étendue de la palette d’expression de Fujimoto en tant que mangaka.

Comment en êtes-vous venu à adapter Look Back en film ?

J’ai reçu une invitation de Avex pour faire le projet ensemble ; je n’avais jamais pensé une seule fois de mon côté à adapter Look Back en film, c’était seulement une œuvre que j’avais apprécié lire en manga. C’est après l’invitation d’Avex que j’ai commencé à réfléchir à comment l’adapter en film.

Votre style simple et dynamique semble correspondre à merveille au style de Fujimoto, lui aussi très flexible.

À mon avis, Fujimoto était lui aussi sans doute un jeune garçon qui voulait devenir doué en dessin et qui ne s’est pas arrêté de dessiner. Je pense qu’il n’était pas forcément destiné à s’exprimer en tant que mangaka comme maintenant. Moi aussi je suis quelqu’un qui ne s’est jamais arrêté de dessiner, mais je suis de mon côté arrivé dans le monde de l’animation pour m’exprimer. Finalement, même si mangaka et réalisateur ce n’est pas la même chose, je trouve que nous sommes assez proches sur ce point là.

Fujino entrain de courir
©TATSUKI FUJIMOTO/SHUEISHA ©2024 Look Back Film Partners

L’aspect brut des traits du film était-il un moyen de se rapprocher du style de Fujimoto ?

J’avais dans l’idée de me rapprocher du style de Fujimoto mais je n’ai pour autant pas fait exprès de salir les traits. Ce résultat est le plus soigné que nous pouvions réaliser. Si on a l’impression que l’écran est sale, c’est parce que l’on voit directement les animations clefs des animateurs à l’écran. J’ai choisi volontairement cette méthode car elle embrassait les thèmes du film. Cependant, elle obligeait aussi les animateurs à produire une grande quantité de dessins, et il était donc difficile d’obtenir des lignes aussi propres que des plans de constructions, à l’instar de ce que font les animateurs des dessins d’animations (dôga). C’est donc devenu un peu brut, mais c’était le maximum que nous pouvions faire avec cette méthode pour adapter ce manga en film.

La barre était très haute pour la section qui s’occupait de la colorisation de ces animations clefs aux traits bruts, parce qu’il arrivait que les lignes ne soient pas jointes et que la couleur se mettent donc à déborder, ou bien qu’il y ait des saletés sur le dessin, comme des bouts de gomme qui sont normalement retirées. Mais au vu du thème du film, nous avons dit aux personnes en charge de les laisser sur les dessins. Parce que c’est pour moi le propos principal du film que de colorier ces dessins au trait brut. Mais oui, c’est une réalité que nous n’avons pas pu faire plus propre que cela.

Mais, comme il y a du dynamisme dans les dessins de Fujimoto, adopter cette méthode était aussi pour moi un moyen de retourner vers l’œuvre d’origine sans trop s’en écarter.

Je trouve que les traits rappellent également les gekiga anime avec l’arrivée de la xérographie, était-ce un choix délibéré ?

Je n’ai pas pensé une seule fois vouloir imiter les anciens animés, qui avec la méthode gekiga faisait ressortir le trait des animateurs. À l’origine je n’avais pas l’intention de rendre le trait brut, je voulais que l’écran soit propre, mais je pense que nous sommes arrivés à la limite de ce que nous pouvions faire. Je souhaitais cependant très fort montrer directement les lignes des animations clefs, et comme c’était une histoire de dessinateur par des dessinateurs, je voulais exprimer une impression de dessin à travers le film.

En faisant cleaner les animations clefs par les personnes des dessins d’animation, on perd irrémédiablement le mouvement et la vigueur du trait. En bien ou en mal d’ailleurs. J’ai pensé qu’en faisant comme ça, le film en tant que plateforme d’expression perdrait de sa puissance, et c’est donc pour la conserver qu’il fallait absolument utiliser directement les animations clefs. C’est différent de vouloir montrer le trait crayonné des animateurs.

L’année dernière l’anime de Chainsaw Man a pris une direction différente de la votre concernant l’animation des personnages. Comment avez-vous abordé les designs de votre côté ?

Mappa est rempli de jeunes talents, mais aussi de beaucoup de main d’œuvre : c’est ce qui a permis la création de Chainsaw Man en anime. De l’autre côté, Studio Durian est une petite structure, donc nous n’avions aucune chance de gagner face à Mappa avec des méthodes de création similaires. C’est pourquoi j’ai pensé qu’en créant quelque chose grâce à un moyen d’expression que l’on peut réaliser uniquement si l’on est peu nombreux, on pourrait distinguer notre travail du style de Mappa.

Il se trouve que l’œuvre d’origine allait bien avec une méthode de création ne comprenant que peu de personnel, presque comme un film indépendant, où moi-même, en tant que réalisateur, produisait les designs, dessinait la majorité des animations clefs, et utilisait directement les traits des animations clefs. De cette manière, je voulais que l’on puisse distinguer mon film des autres productions d’animation commerciales auxquelles on a l’habitude, et qu’il puisse par la même occasion se tenir à la même hauteur que ces dernières.

Entre collectif et contrôle

On a remarqué au générique la présence du terme de dessins clefs pour l’animation (gendôga) plutôt que l’utilisation habituelle du crédit d’animations clefs (genga). Que signifie pour vous ce changement ?

Concrètement, le crédit d’animation clefs était tout aussi bien. Mais comme les animateurs clefs ont dessiné beaucoup de dessins d’animations (dôga) et que nous avons utilisé leur dessin directement, j’ai pensé que c’était différent du crédit habituel d’animation clefs. Et en me creusant un peu la tête, j’ai fait en sorte de les créditer au poste de dessins clefs pour l’animation (NDT : gendôga combine le mot genga et dôga), un crédit qui n’existait pas jusqu’ici.

Habituellement quand on dessine une animation clefs on ne l’utilise pas directement pour la colorisation. Donc j’ai demandé aux animateurs clefs de réaliser leurs animations comme si c’était des dessins d’animation. Par exemple, sur les animations clefs, on utilise un code couleur particulier, et on donne des indications de couleurs en coloriant des parties du dessin. Je leur ai demandé au contraire de salir le moins possible leur dessin, comme pour les dessins d’animations.

Kiyotaka Oshiyama ©Quentin Dumas pour Journal du Japon

On a l’impression que ça a parfois été dur de lâcher prise sur Look Back, que si cela était possible, vous auriez réalisé le film tout seul. Est-ce le cas ?

Si le planning me le permettait, j’aurais bien voulu tout dessiner moi-même. J’ai déjà réalisé seul toute l’animation du court métrage SHISHIGARI, donc dans le même esprit, si le temps me le permettait avec environ un an de plus, j’aurais probablement pu tout faire tout seul. Même les couleurs de SHISHIGARI ont été appliquées par moi et mon producteur.

Comment s’est déroulée la collaboration avec un animateur légendaire comme Toshiyuki Inoue ?

Inoue reçoit beaucoup d’offres je pense, mais comme on se fréquente depuis Dennô Coil, il a eu la gentillesse d’accepter mon invitation sur le film. Après Dennô Coil, nous avons eu souvent l’occasion de travailler ensemble, c’est à mon avis pour ça que Inoue a choisi de travailler sur mon film.

Il a été responsable de quatre scènes. Celle de la première rencontre entre Kyômoto et Fujino, quand la première sort en courant de sa maison. Celle où toutes les deux sortent en ville.

[spoil]


Le moment où, dans la seconde moitié du film, Kyômoto décède et, après ses funérailles, Fujino s’effondre en pleur dans le couloir.

Et enfin, celle où, après que Fujino ait vu le dos de la veste de Kyômoto, elle se lève et retourne à son bureau.

Cette fois encore vous collaborez avec Takashi KOJIMA, mais qui est crédité à la deuxième animation clefs (dai ni genga) cette fois ci. En quoi consiste ce rôle dans cette production si particulière ?

Concernant la deuxième animation clefs, j’avais pour objectif de faire l’animation clefs avec une petite équipe, en touchant moi-même au scénario, au story-board, au design, tout en faisant mon travail de réalisateur. J’étais donc à la barre de la conception, en contrôlant seul le long-métrage, et j’ai sciemment dessiné sans me référer à mes propres designs. Les dessins sont des êtres vivants. En tout cas, comme je voulais les traiter comme des êtres vivants à travers cette œuvre et parce que j’ai refusé de faire un travail d’équipe similaire aux autres animés commerciaux, mes dessins se sont mis à changer progressivement au sein du film, et il était alors difficile pour les animateurs clefs de suivre ce changement.

Comme ils n’arrivaient pas à se conformer à cette façon de faire différente des œuvres habituelles, certains n’ont pas réussi à aller jusqu’au bout des animations clefs, ou à respecter le calendrier. La situation de la production demandait d’autres compétences que celles auxquelles ils étaient habitués. Une section pour faire des animations clefs convenables est donc devenue nécessaire, et nous n’avons pas eu d’autre choix que de recruter en urgence une équipe qui tienne ce rôle de seconde animation clefs. Elle avait pour rôle de tirer vers le haut les animations clefs.

Pouvez-vous nous parler de la longue collaboration entre vous et Kojima ?

J’ai rencontré Kojima pour la première fois sur le film Fullmetal Alchemist : l’étoile sacré de Milos du Studio Bones, où nous avons tous les deux travaillé à l’animation clefs. Mais pour être franc, nous n’avons pas eu beaucoup l’occasion d’échanger à l’époque. Ensuite, lors de la pré-production de la série Flip Flappers, la question du character design s’est posée, et j’ai alors organisé une audition où j’ai convié Kojima. À partir de là, j’ai eu la chance de pouvoir travailler avec lui de manière assez approfondie, et notre relation, où nous nous aidons souvent sur nos travaux respectifs, est née.

Par exemple, sur le film Doraemon : le nouveau dinosaure de Nobita (2020), Kojima était en charge du character design, et m’a invité à l’aider sur le film : j’ai participé à la mise en scène de quelques parties, l’animation clefs ou la supervision de l’animation.

Un grand merci à Kiyotaka Oshiyama de nous avoir parlé longuement de la production de son film ainsi qu’à son équipe du studio Durian et d’Avex, mais aussi Eurozoom, d’avoir permis cette rencontre.

Interview elliot tetedoie et kiyotaka oshiyama
Elliot Têtedoie et Kiyotaka Oshiyama durant l’interview ©Quentin Dumas pour Journal du Japn

Adapter le style si unique de Tatsuki Fujimoto représente toujours un défi de taille, et Oshiyama s’en est ici brillamment sorti en proposant une vision fidèle portée par une méthode travail originale. L’interview a quant à elle permis de mieux saisir ses intentions de réalisation et son fonctionnement de travail. À présent, des rumeurs concernant une adaptation de l’autre one-shot de Fujimoto – Good Bye Eri – circulent déjà… Reste à savoir si Oshiyama se chargera également de celle-ci ?

Partie critique : Quentin Dumas
Conception de l’interview : Quentin Dumas et Elliot Têtedoie
Conduite, transcription, traduction de l’interview : Elliot Têtedoie

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