Elden Ring – Shadow of the Erdtree : une extension monumentale
Sacré jeu de l’année en 2022, Elden Ring compte déjà parmi les titres majeurs du jeu de rôle japonais. Il aura fallu plus de deux ans pour retourner en Entreterre, mais l’attente valait le coup. Plus qu’une simple extension, Shadow of the Erdtree est presque un jeu à part entière. Ambitieuse, mémorable, cette nouvelle aventure célèbre tout ce qui a fait la renommée mondiale du studio From Software depuis le succès du premier Dark Souls.
Avertissement : au contraire de jeux plus linéaires, aucune partie d’Elden Ring ne se ressemble : le jeu de base offrait déjà une grande liberté d’exploration et des constructions de personnage très variées. C’est également le cas de cette extension. Pour cette raison, plusieurs passages de ce test sont écrits à la première personne afin de témoigner de l’expérience de jeu du rédacteur. Ils n’engagent que son propre ressenti et il est possible que le vôtre diffère grandement selon le chemin que vous prendrez dans l’aventure de Shadow of the Erdtree.
Le joueur mis à l’épreuve
Question inévitable lorsqu’on évoque les titres de From Software : Shadow of the Erdtree est-il difficile ? Pour faire court : oui, il l’est. Il l’est sans doute davantage que la majeure partie d’Elden Ring. Cette extension s’adresse principalement aux joueurs les plus avancés dans le jeu de base. Pour accéder au Royaume des Ombres, la nouvelle zone, il est nécessaire d’avoir vaincu deux boss majeurs, le général Radahn et le seigneur du sang Mohg. Il est recommandé pour ce dernier d’avoir un personnage de niveau 100 minimum. Si l’exploit prendra moins de temps aux joueurs expérimentés, la plupart considèreront Shadow of the Erdtree comme du contenu endgame voire postgame. De plus, la difficulté augmentera si vous jouez avec un personnage en New Game Plus.
J’avais bien préparé mon arrivée dans ces contrées maudites. Mon personnage était au niveau 300 en New Game Plus et se spécialisait dans les sorts de flammes spectrales. Je disposais aussi de l’ensemble des magies et des équipements du jeu de base. Je me suis donc montré confiant en touchant le bras décharné du dieu Miquella pour pénétrer dans les Plaines sépulcrales. Pourtant, à peine me suis-je avancé au milieu des blés et des tombes qu’un monstrueux danseur s’abattait sur moi. Capable de me tuer en trois coups, il me força à consommer la moitié de mes potions de soin et à esquiver frénétiquement pour en venir à bout. J’ai eu beau triompher, j’étais exsangue après quelques pas. Dans ma tête résonnaient alors ces mots célèbres :
L’Enfer est vide, tous les démons sont ici.
William Shakespeare
Soyez bénis par l’arbre des ombres !
Si vous craigniez de survoler cette extension avec un personnage surpuissant, rassurez-vous : Shadow of the Erdtree est prêt à vous accueillir ! Le Royaume des Ombres dispose en effet de son propre système de progression, les bénédictions de l’arbre occulte. Comme les graines dorées qui augmentaient votre nombre de potions, il faut parcourir la nouvelle carte pour les récolter. Ils vous confèrent alors un bonus statistique non négligeable. Un moyen intelligent de récompenser l’exploration en permettant à chacun de moduler la difficulté. Les joueurs hardcore pourront les ignorer et triompher des boss par la force de leur apprentissage, les autres faciliteront ces affrontements en récoltant davantage de bénédictions. J’ai pu affronter Messmer, l’égérie de cette extension, avec un niveau 7 de bénédiction puis au niveau 18. Le reste de mon build restait inchangé, idem pour mon niveau de personnage. Pourtant, ce bonus de statistiques plus important a tout changé pour moi.
Le niveau de personnage garde toutefois son importance. Malgré un faible niveau de bénédiction, je restais en mesure d’éliminer facilement la plupart des ennemis de la première zone. De plus, la difficulté des titres From Software se révèle rarement injuste. Connaître les vieux tours du studio vous aidera à survivre plus longtemps : avancer à pas feutrés, se méfier des angles morts ou des ennemis faibles qui sont regroupés. Contrairement au récent Lords of the Fallen, les ennemis ne vous submergeront pas en nombre dans des chemins étroits. Attendez-vous à quelques surprises dignes de la sentinelle de Nécrolimbe, et ne vous reposez pas sur vos acquis du jeu de base. Même les catacombes, si familières, vous prendront de court. Certains boss représenteront cependant un mur de difficulté, même en exploitant le système de bénédictions, et mériteraient de laisser quelques instants de répit au joueur qui vient d’entrer dans l’arène.
S’aventurer dans les ténèbres
Shadow of the Erdtree nous raconte le pèlerinage d’une cohorte de chevaliers sur les traces de Miquella. Ce dieu de lumière, frère de la sinistre Malenia, inspire une loyauté infaillible chez ses fidèles par sa grande bonté. Votre tâche est de marcher dans ses pas, mais vous comprendrez très vite que le Royaume des Ombres n’a rien d’un sentier droit et paisible.
Malgré son level design exemplaire, Elden Ring restait simple à parcourir. Chaque région se délimitait des autres et présentait rarement un relief sur plus de deux niveaux. Même dans les cimes des géants, la carte et le paysage se lisaient aisément. Or, le Royaume des Ombres se révèle plus proche de Dark Souls premier du nom avec des espaces qui s’enchevêtrent et des zones difficiles d’accès. Bien sûr, n’espérez pas compter sur vos talents d’escalade ou sur un deltaplane façon Breath of the Wild ! Cette topologie vous oblige à non seulement lire votre carte et observer le décor avec minutie, mais surtout vous montrer audacieux. Il sera peut-être nécessaire de bondir sur une falaise ou de galoper sur la dépouille d’un dragon pour parvenir à votre destination !
Chevauchées fantastiques et errances infinies
Ainsi, vous pourriez finir estomaqués au terme d’une chevauchée hasardeuse ou d’une grotte que vous pensiez quelconque. Elden Ring s’était déjà fait une spécialité de ces surprises. Souvenez-vous de cet ascenseur perdu en pleine forêt et qui débouchait sur une gigantesque cité souterraine ! Je me suis par exemple écarté du chemin principal pour suivre les cris rauques d’un personnage. En poursuivant dans cette direction, je suis entré dans une grotte d’hommes-bêtes dont j’ai finalement vaincu le boss. Or, l’arène de ce dernier comportait une autre sortie, menant sur un paysage irréel : une montagne battue par l’orage, foyer des dragons anciens.
Cette géographie du secret peut avoir des limites. Impossible pour moi d’atteindre la dernière région du Royaume des Ombres, même en étudiant ma carte sous tous les angles ou en observant les lieux depuis les falaises limitrophes ! C’est grâce aux messages laissés à terre par les autres joueurs que je me suis finalement rendu dans un donjon plus au nord. Je suis entré dans une salle cachée derrière une cascade et franchi un passage secret. Puis j’ai suivi le cours d’une rivière jusqu’à un autre donjon en contrebas. Ce n’est qu’au terme de ce dernier que je suis parvenu à destination. J’ignore combien de temps cela m’aurait pris en m’en remettant uniquement au hasard.
Éblouissant Royaume des Ombres !
Vous l’aurez compris : Shadow of the Erdtree n’a rien d’un long fleuve tranquille. Ses boss comptent parmi les défis les plus relevés du studio, et son monde ouvert résistera aux joueurs ayant l’habitude de compléter rapidement leur carte dans les espaces larges et plats des jeux Ubisoft. Pourtant, Elden Ring n’est jamais complexe pour le seul plaisir de vous faire souffrir. Sa difficulté a un but : susciter chez chacun de nous des émotions fortes – le dépassement de soi, le sentiment de puissance, ou encore l’émerveillement.
Les level designers de From Software ont l’habitude de se transformer en peintres et d’esquisser des niveaux dignes des rêves – ou des cauchemars – d’un peintre du 19ème siècle. Le Royaume des Ombres montre l’aboutissement de leur technique. Dès que l’on pénètre dans un couloir, on est assuré de voir l’espace s’ouvrir soudain en un panorama époustouflant ! Un procédé popularisé notamment par Breath of the Wild, lorsque Link découvre pour la première fois Hyrule depuis le Plateau du Prélude. Ici, les inspirations artistiques et les gammes de couleur créent une véritable variété aux décors.
Des lueurs dans la nuit
On s’émerveille également en ayant l’impression, après moultes errances et épreuves, d’enfin percer les secrets du jeu. Le Royaume des Ombres possède une histoire riche, mais il apporte surtout des réponses. Des réponses à des questions posées dans le jeu de base, sur la déesse Marika et ses origines, sur les dragons ou encore la nature des guerriers en forme de pots. Exhumer ces détails au fil des dialogues ou des descriptions d’objets donne le sentiment d’être un archéologue. Les joueurs les plus investis dans le lore verront ainsi d’un autre œil les rebondissements du scénario et son ultime dénouement. Cependant, un tel niveau de compréhension n’est pas nécessaire pour profiter du jeu.
Enfin, notons le rôle de la bande originale pour créer des ambiances soignées tout au long de la partie. Efficace pour rendre le monde plus dangereux encore, elle s’autorise des instants de grâce bienvenus, comme dans ce village reculé où quelques notes aiguës de harpe ponctuent le silence. Les boss majeurs gagnent également en majesté grâce à des thèmes de combat efficaces. On retrouve une fois encore les élans symphoniques et les chœurs solennels qui hantent depuis des années les oreilles des fans.
Le producteur Hitedaka MIYAZAKI confiait qu’Elden Ring représentait sa plus proche tentative de créer le jeu d’aventure de ses rêves. Cette extension prouve que From Software ne repose pas sur ses illustres lauriers. Shadow of the Erdtree a été annoncée comme la seule extension du jeu, et sa réussite et son audace augurent le meilleur pour les prochains titres du studio.