Portrait de figures locales : Kento Kiba, l’homme aux perles


Nichée dans le département de Mie, Toba est une petite ville côtière dynamique qui abrite et accueille de nombreux artisans japonais. Découvrez notre série sur ces artistes qui vous présentent leurs arts si particuliers, une occasion de donner encore plus envie de s’intéresser à la culture japonaise.

Située à proximité de l’île aux perles de Mikimoto, Kiba Pearl incarne l’héritage familial et l’innovation dans le domaine des perles depuis plus de six décennies. L’industrie perlière japonaise est synonyme d’excellence et de tradition, et cette entreprise en est un exemple emblématique. Journal du Japon s’est entretenu avec Kento Kiba, le directeur de Kiba Pearl, pour en savoir plus sur cette entreprise prestigieuse et sur le monde fascinant des perles.

L'entrée de l'île de Mikimoto à Toba.©Toba city
L’entrée de l’île de Mikimoto à Toba ©Toba city

L’histoire de la culture des perles au Japon

La culture des perles au Japon a été transformée par Kokichi Mikimoto à la fin du 19e siècle. En 1893, Mikimoto a accompli un exploit révolutionnaire en produisant les premières perles de culture grâce à une technique novatrice. Cette méthode consistait à utiliser des greffons de tissu de manteau et de noyaux insérés dans des huîtres Akoya, une technique qui a permis de créer des perles presque parfaitement sphériques avec un éclat et une qualité inégalés. En 1896, Mikimoto a breveté cette technique, posant ainsi les bases de la perliculture moderne. Cette avancée a transformé le Japon en leader mondial de la production de perles de culture.

Les perles japonaises : symbole de pureté et de savoir-faire

Les perles japonaises, en particulier les perles Akoya, sont réputées pour leur lustre exceptionnel et leur qualité supérieure. La perle Akoya, souvent désignée comme la reine des perles, est cultivée principalement dans les eaux côtières du Japon. Cette perle se distingue par son éclat brillant et ses nuances subtiles de couleur, qui varient du rose au bleu en passant par le vert. Le processus de culture des perles Akoya est un art délicat qui nécessite une attention minutieuse et un savoir-faire transmis de génération en génération. Les conditions environnementales, telles que la température de l’eau et la salinité, jouent un rôle crucial dans le développement de la perle. Les cultivateurs de perles surveillent attentivement ces conditions pour garantir la meilleure qualité possible.

Kiba Pear..©Toba city
Kiba Pear ©Toba city

Aujourd’hui, malgré les défis environnementaux et économiques, des régions comme Ise-Shima, Ōmura (Nagasaki) et Uwashima (Ehime) continuent de produire ces précieuses perles.Les perles restent enracinées dans la culture japonaise, marquant des événements importants de la vie tels que les mariages, les cérémonies de passage à l’âge adulte, et les funérailles. Elles sont également appréciées pour leur symbolisme de pureté et de luxe discret.

Une entreprise florissante

Fondée en août 1959, Kiba Pearl a su évoluer et prospérer grâce à la passion et au savoir-faire transmis de génération en génération. Ce magasin familial, qui a débuté comme un atelier de transformation de perles, s’est rapidement imposé comme un acteur majeur de l’industrie, offrant une gamme variée de bijoux en perles de haute qualité.L’engagement de Kiba Pearl envers la qualité et l’authenticité se reflète dans chaque aspect de leur travail, depuis l’achat et la transformation des perles jusqu’à la vente en gros et au détail. En mettant l’accent sur les méthodes traditionnelles et les innovations modernes, Kiba Pearl continue de séduire une clientèle diversifiée. L’entreprise met également un point d’honneur à promouvoir des pratiques durables et respectueuses de l’environnement.

Kiba Pear..©Toba city
Kiba Pear ©Toba city

Entretien avec Kento Kiba


Kento Kiba partage avec nous l’histoire de Kiba Pearl, les défis et les opportunités de l’industrie perlière, ainsi que les valeurs et les traditions qui guident cette entreprise familiale.

 

Journal du Japon :Bonjour et merci pour votre temps, d’où venez vous et quel est votre parcours ?

Kento Kiba : Mon nom est Kento Kiba, je suis le directeur du magasin Kiba Pearl. Mon grand-père était un artisan qui travaillait les métaux précieux : il était un sous-traitant de l’entreprise de Mikimoto* (Kokichi Mikimoto est le fondateur de la perliculture. Il a réussi à produire pour la première fois une perle de culture à la fin du 19e siècle. Le lieu de son invention est désormais l’île aux perles de Mikimoto qu’il est possible de visiter à Toba). Mon père travaillait également pour Mikimoto et avec la famille de ma mère, il était impliqué dans la culture des perles.

Le magasin Kiba Pearl a été fondé en août 1959 en tant que magasin de transformation de perles. Au début, le magasin avait différentes activités car mon père était très débrouillard. Mais le magasin avait l’avantage d’être juste en face du chemin qui emmenait les visiteurs sur l’île de Mikimoto. Pour ma part, je travaille dans l’industrie perlière depuis 1984.

Pouvez-vous nous parler un peu de l’histoire de Kiba Pearl et de son engagement dans l’industrie des perles ?

Le magasin actuel existe depuis août 1959, nous achetons, transformons et vendons des bijoux réalisés en perles et réalisons aussi de la vente en gros de perles.

Kento Kiba devant sa boutique.©Toba city
Kento Kiba devant sa boutique.©Toba city


Sur votre site, vous mentionnez l’éclat des perles en fonction de leur qualité. Pourriez vous expliquer en quoi consiste cette échelle de qualité et comment elle influence le choix des clients?

Le bel éclat qui est produit par les perles proviennent des différentes couches de nacres qui se sont formées au fur et à mesure des mois et des années. Pour produire ces couches il faut à la fois le calcium et la conchyoline qui est un complexe de macromolécules organiques, sécrété par le manteau d’un mollusque. Ces deux éléments vont produire des couches de nacre qui vont se superposer comme un mille-feuille, et à mesure qu’elles se chevauchent, elles changent d’éclat et de couleur, créant cette brillance unique aux perles. La brillance et la couleur dépendent de l’épaisseur de la couche de nacre et de son absence d’impuretés.

Si vraiment on voulait analyser une perle scientifiquement et mesurer la quantité du nacre, il nous faudrait faire appel aux rayons X ce qui n’est pas très pratique ! De notre côté, nous analysons la quantité de réflexion, comme un miroir, lorsque l’on rapproche un objet de la perle. Cela nous permet de voir comment par exemple au lieu d’une simple couleur on retrouve différentes tonalités de rose, le bleu le vert dans une perle. En analysant le reflet nous pouvons juger de l’épaisseur de la nacre et de la présence ou de l’absence d’impuretés, et nous sommes sûrs de pouvoir fournir des produits de bonne qualité.


Pourquoi avez-vous choisi d’inclure des perles imparfaites dans votre collection et comment sont-elles perçues par vos clients?

Comme vous le savez, les problèmes environnementaux entraînent des changements majeurs dans la production d’espèces marines (on observe une diminution voire une extinction des espèces) et la perliculture n’échappe pas à la règle. Ces dernières années, les cas d’échec suite à une mauvaise croissance des huîtres perlières se succèdent, et il est difficile d’en déterminer la cause. La production de perles est également en baisse constante.
Auparavant, seulement 20 % environ de la production totale de perles de culture parvenait sur le marché car la priorité était la conservation de la plus haute qualité possible des perles. Pourtant, depuis un certain temps, les perles aux formes imparfaites et contenant des d’impuretés (communément appelées perles baroques) avaient elle aussi un certain attrait et quelques clients osaient même les réclamer. Ces dernières années, en raison des mauvais résultats dans la culture des perles, ces perles imparfaites ont été reconsidérées et leur valeur marchande a augmenté. De plus, nous pensons qu’augmenter la valeur des perles baroques pour les cultivateurs conduira à une démarche plus durable.

Kiba Pearl.©Toba city
Kiba Pearl ©Toba city


Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les types de réparations que vous effectuez et sur la manière dont cela contribue à prolonger la durée de vie des bijoux de vos clients?

Nous réalisons différents types d’opérations comme le montage de perles, le renfilage de colliers, le polissage, la réparation, l’assemblage des pièces de joaillerie, ou encore le redimensionnement des bagues. Plusieurs facteurs peuvent provoquer la détérioration des perles comme l’humidité, la sécheresse, les rayons ultraviolets, la poussière, ou les substances acides, etc. Cela dégrade et détruit les substances qui composent la perle. Au fur et à mesure, la couleur de la perle deviendra jaune et son éclat deviendra plus terne. Toutefois, il faut compter environ 30 ans pour les perles d’eau douce et plus de 50 ans pour les perles de mer pour que cet effet se produise. (*Le processus de production des perles d’eau douce et des perles de mer est différent. les perles d’eau douce ne sont pas élevées dans des huîtres mais dans une moule de rivière et les conditions d’élevage elles aussi varient.)

Il faut éviter autant que possible les facteurs qui provoquent une détérioration. Par exemple, il ne faut pas laisser les perles dans des endroits humides ou secs (y compris déshydratants). Il ne faut pas les exposer de manière prolongée aux rayons ultraviolets (lumière du soleil, lampes fluorescentes, etc.) ou les laisser dans un endroit poussiéreux. Si elles sont en contact avec du vin, du jus d’agrumes ou de la sueur, il faut les essuyer rapidement et ne pas les laver à l’eau du robinet.

Pour les colliers de perles, nous recommandons de remplacer les fils périodiquement tous les 10 à 15 ans. Le fil du collier ne dure pas aussi longtemps que les perles, il se cassera s’il se détériore. Il existe aussi un risque que les perles enfilées se désagrègent. Mais de façon générale je pense que le meilleur entretien est de porter les bijoux en perles. D’ailleurs je suis très heureux lorsque je reçois une demande de réparation ou d’entretien de perles qui m’ont été transmises de mère en fille (même si elles sont fabriquées par une autre entreprise). En effet, je peux voir que les clients traitent avec soin leurs perles et qu’ils ont cette volonté de les transmettre.


Pourriez vous nous expliquer le processus de production des perles?

1) Des jeunes jeunes huîtres sont élevées et, la deuxième année, nous allons réaliser une greffe. Cette opération consiste à introduire un greffon et un nucléus à l’intérieur de la glande sexuelle d’une huître. Le nucléus provient de la coquille de l’espèce Sinanodonta woodiana et le greffon est un petit morceau du manteau interne d’une huître Akoya.
2) Les huîtres sont élevées en mer de 8 mois à 2 ans et pendant cette période, des travaux de nettoyage fréquents, un contrôle de la température ou de la quantité de plancton dans l’eau est scrupuleusement surveillé. En fonction des conditions les cordes où se trouvent les huîtres sont ajustées et dans le cas de l’arrivée d’un typhon il faut aussi déplacer les huîtres pour les mettre à l’abri. Cette étape est cruciale pour l’obtention d’une perle de qualité.
3) Un prétraitement des perles a ensuite lieu après la récolte en hiver.
4) Pendant environ trois mois les perles vont être traitées avec des opérations de détachage et de perforation.
5) Nous trions et sélectionnons les perles en fonction de la qualité (à en juger par la brillance, la couleur, la taille, etc.), l’assemblage final (la finition en collier, etc.) et l’assortiment de paires (correspondance à la couleur et à la taille des boucles d’oreilles, etc.).
6) Ensuite vient l’étape de la commercialisation.
7) Enfin la dernière étape concerne la vente.
On peut trouver des perles en vente partout dans le Japon mais les principaux lieux de production sont dans l’ordre croissant Uwashima (Ehime) Ōmura (Nagasaki) et enfin Ise-Shima où se trouve Toba. Même si nous sommes la région où Mikimoto a inventé la culture perlière la baie d’Ise-shima reste plus petite et ne permet pas une production aussi massive que dans les deux autres régions. Nous sommes cependant très fiers d’obtenir des perles de si bonne qualité grâce aux propriétés de l’eau de la baie. Les touristes sont souvent impressionnés de voir autant de magasins spécialisés dans les perles. C’est un gage de qualité. car nous ne vendons effectivement aucun autre bijoux ou pierres précieuses.


Quels sont les types de bijoux les plus populaires parmi vos clients? Y a-t-il des tendances récentes que vous avez observées en termes de styles ou de designs de bijoux en perles?

Si je regarde les pièces qui sont les plus prisées on retrouve
① Les boucles d’oreilles
② Les pendentifs avec une ou plusieurs perles
③ Les Colliers
④ Les bagues
⑤ les Broches
La partie la plus intéressante de la vente de perles est le collier de perles. Les tendances en matière de bijoux changent constamment, c’est pourquoi nous prêtons toujours attention à ce que portent les célébrités, les artistes, les annonceurs, etc. dans les médias et sur les réseaux sociaux.

La princesse Masako porte les perleS de Kiba Pearl lors de son mariage en 1993. ©Toba city
La princesse Masako porte les perles de Kiba Pearl lors de son mariage en 1993 ©Toba city


Pourriez-vous nous parler du profil de vos clients?

Il y en a un peu tous les âges car l’achat de perles est souvent associé à une étape clé de la vie d’une personne comme la cérémonie de passage à l’âge adulte a 20 ans, un mariage ou encore la naissance d’un enfant. Après l’éclatement de la bulle économique au Japon, le format du pendentif avec une simple perle est devenu populaire. Nous cherchons à proposer des pièces qui correspondent aux attentes personnalisées de nos clients.

Pourriez-vous nous en dire plus sur la tradition du port de la perle et sur les différentes significations associées aux perles, en particulier en ce qui concerne les funérailles?

La coutume de porter des perles vient de la famille impériale, lorsque l’impératrice Michiko a commencé à porter des perles. En réponse à une question des médias sur le collier de perles que l’impératrice émérite portait pour ses propres fiançailles, elle a déclaré : « Il m’a été offert par Son Altesse Impériale » (l’empereur Akihito), qui était le prince héritier à l’époque. Cette réponse a conduit à la coutume d’offrir un collier à la mariée comme cadeau lors de la cérémonie de mariage. On peut dire que c’est l’élément déclencheur qui a fait que les perles cultivées avec succès par Mikimoto qui étaient jusqu’à présent considérées comme un article de luxe, sont devenues un article familier.

De nos jours, les perles sont de plus en plus achetées non seulement pour les mariages, mais aussi comme cadeaux occasionnels et anniversaires (cérémonies de passage à l’âge adulte, naissance, anniversaires de mariage, etc.). Lors des funérailles, les perles sont appréciées comme le bijou à porter avec les vêtements de deuil. On dit que ce bijou se fond bien avec la peau et qu’il peut être porté pendant toute la journée sans aucun désagrément. On le retrouve aussi dans les légendes japonaises comme représentant les larmes des sirènes ou encore la lumière du crépuscule.

Au Japon, lors des funérailles, il est déconseillé de porter des colliers comportant plus de deux brins, des colliers longs ou des colliers de plus de 11 mm lors des funérailles. La raison en est que deux brins consécutifs rappellent le« chevauchement » que constitue la période du deuil. Un collier long signifie aussi « long, persistant » et rappelle le deuil. Les Japonais n’aiment pas plus attirer l’attention que la personne concernée par la cérémonie funéraire.


Kiba Pearl.  ©Toba city
Kiba Pearl ©Toba city


Comment Kiba Pearl promeut l’héritage culturel lié aux perles, tout en s’adaptant aux tendances du marché de la bijouterie?

Comme mentionné précédemment, ces dernières années, la production et la qualité des perles ont diminué. Les perles sont des pierres précieuses organiques et elles sont une ressource rare. C’est pourquoi il faut éviter la surpêche lors de la collecte de perles naturelles, celle-ci doit être contrôlée lorsqu’elle est réalisée. Je crois que la technologie, la qualité et la gestion environnementale sont nécessaires dans le domaine de la culture de produits de haute qualité. Cependant, la réalité est qu’il devient difficile de maintenir cet objectif face aux récents changements environnementaux et il y a des incertitudes sur l’avenir de mon métier. Je pense qu’il nous faut prévenir le gaspillage des ressources et dénoncer la destruction des environnements marins et terrestres.


Le magasin de Kiba peal est situé tout près de l’île aux perles de Mikimoto, au centre-ville donc n’hésitez pas à vous y arrêter.
Adresse :
木場真珠店−Kiba Oriental Pearl
1 Chome-4-55 Toba
Mie 517-0011


Pour en savoir plus retrouvez leur site internet.
Vous pouvez les suivre sur les réseaux sociaux : Facebook
ou Instagram.
Pour en savoir plus sur la ville de Toba : Site officiel , Facebook et Insta
gram.

Pour aller plus loin, retrouvez notre article sur la perle de Mikimoto:

Madeline Chollet

@mad_ctravel

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