Gaming Memories #65 -Altered Beast
Bienvenue dans le 65e numéro de Gaming Memories, juin 2024 ! Cette fois-ci, nous allons revenir d’entre les morts pour secourir la déesse Athéna : oui, carrément ! Êtes-vous prêts à endurer cette tâche difficile ? Oui ? Alors rendez-vous en arcade en juin 1988. Ah, et préparez un bon nombre de pièces avant d’émerger de votre tombe… en avant, Altered Beast !
La Team Shinobi accueille un nouveau membre
Ce n’est pas la première fois que nous parlons de la Team Shinobi dans Gaming Memories. Golden Axe, Alien Storm, Streets of Rage et bien entendu Shinobi, tous sont des titres à succès, emblématiques de ce studio de SEGA qui a su marquer l’histoire de l’arcade, de la Mega Drive et même du jeu vidéo au fer rouge. Avec Altered Beast, ils accueillent un nouveau membre, Makoto UCHIDA, dont c’était le premier projet !
Parmi ses inspirations pour le jeu, il a dévoilé avoir puisé dans un film de 1981, The Howling (Hurlements en français) ainsi que le clip vidéo Thriller de Mickael JACKSON. Le cadre de la Grèce Antique, pas très souvent exploité dans le jeu vidéo, a été choisi pour donner un aspect fort, puissant aux protagonistes. Altered Beast étant son premier jeu en tant que producteur, c’est auprès des développeurs de l’équipe qu’il a recueilli des conseils pour une bonne balance dans le gameplay.
Bien que satisfait de la réception de la part des joueurs durant les phases de test, UCHIDA dut mettre certaines de ses idées – plutôt intéressantes, d’ailleurs – au tiroir. En effet, il souhaitait à l’origine ajouter un système de boutons avec différents niveaux de pression. Selon la force que le joueur mettait lorsqu’il appuyait sur une touche, son personnage aurait fait une action différente. Malheureusement, cela ne put se faire pour des raisons techniques. Ce qui ne l’a pas empêché d’ajouter quelques références à d’autres jeux, telles les tombes d’un certain Alex et Stella dans le premier niveau… oui, comme Alex Kidd et sa petite amie. Référence de goût un peu douteux, cela dit, qui laisse toujours planer le mystère : était-ce une annonce très en avance de l’arrivée de Sonic qui le remplacerait totalement ? On peut, pour terminer, saluer le design global des monstres, signé feue Rieko KODAMA à qui l’on doit une partie des Phantasy Star, Skies of Arcadia ou encore 7th Dragon.
Le jeu sortira en juin 1988 dans le monde entier, développé sur la carte arcade System 16 qui accueillera par la suite nombre d’autres titres de la Team Shinobi entre autres, tels que Alien Storm ou le fameux Golden Axe.
Welcome to your doom !
Dans la Grèce antique, le Démon majeur Zeff a enlevé Athéna, la fille du dieu Zeus. Celui-ci ressuscite l’un de ses centurions – vous – pour aller la sauver. Il va donc vous falloir traverser le cimetière, lieu de votre sommeil éternel, et poursuivre le démon toujours plus profondément dans les limbes pour la retrouver.
Ainsi, au travers de cinq niveaux au défilement automatique, vous serez amené à éliminer les hordes de Zeff qui se jetteront sur vous pour vous arrêter. Des créatures en tous genres, des démons volants, des zombies, et même des Chicken Leg, qui deviendront des sortes de mascottes dans Golden Axe ! Pour vous défendre, vous pourrez utiliser un coup de poing et de pied au sol, accroupi ou en plein saut, chacune de ces actions ayant une touche dédiée. Si la plupart des attaques frappe en face, le coup de pied bas fait carrément s’allonger le personnage pour « tenter » de frapper l’adversaire… tenter, oui, car au final cette attaque s’avère assez inutile.
Le parcours dans les niveaux tourne en boucle jusqu’à avoir rempli un objectif bien précis : en effet, en éliminant certaines créatures, celles-ci relâcheront leur âme qu’il faudra récupérer au plus vite. Cela permet au personnage de gagner des forces en devenant plus musclé, modifiant aussi ses attaques au passage, jusqu’à la troisième transformation : celle en bête qui donne son nom à la production. Là, le festival commence enfin : une sensation de puissance monte et le joueur se transforme en loup-garou, en tigre ou autre dragon pour dévaster les rangs adverses ! Mais jusqu’à là, le vil Zeff se contentera de nous narguer en nous attendant à certains endroits… jusqu’au moment ou vous récupérez votre transformation et pourrez alors le combattre. Sur quoi ce personnage détestable vous volera notre force avant de s’enfuir… vous obligeant à le suivre et à recommencer.
Votre personnage dispose d’un certain nombre de points de vie, bien sûr, et trois vies par crédit. Toutes les attaques reçues ne font pas forcément perdre un point de vie, et à vrai dire, on est parfois un peu perdus quant à ce qui nous blesse vraiment ou non. Certains monstres mettront plusieurs coups avant que la jauge ne basse d’un point, parfois non, parfois une attaque suffit. Un système un peu hasardeux pour le joueur qui sera, d’ailleurs, repris dans Golden Axe l’année suivante. Notons, au passage, que le jeu est jouable à deux !
Rise from your grave…
Le jeu s’ouvre sur cette phrase qui deviendra culte parmi les amateurs d’arcade de l’époque ! Ni une ni deux, on débute dans le cimetière et nous voilà assailli de créatures diverses et assez malsaines. Le jeu peut sembler un peu mou au départ, mais c’est seulement le temps de prendre son personnage en main. Après plusieurs tentatives, on finit par mieux le maîtriser et à s’amuser, à récupérer les orbes à leur première apparition aussi. Si traverser un cimetière n’est bien entendu pas quelque chose de très joyeux, on est surpris de voir la lumière et les couleurs presque flashy qui nous entourent. On apprécie aussi le sens du détail, quand les monstres partent en petits morceaux sous nos attaques !
Les autres décors font eux aussi leur petit effet. Dès le second plateau, ils nous plongent dans quelque chose d’un peu plus « infernal » (on chasse un dieu démon, après tout), pas vraiment le genre d’endroits dans lesquels on veut aller normalement. Ils sont intéressants à regarder et à traverser, pas seulement pour leur ambiance mais aussi par leur (trop rare) utilisation de plates-formes qui peuvent donner l’avantage – ou non – à notre courageux centurion. Gare aux trous mortels…! L’intelligence des ennemis n’étant pas bien plus élevée que celle d’un Lemming (soit proche du zéro), ceux-ci iront eux aussi se jeter dans un gouffre bien volontiers…
Le clou du spectacle, cependant, est et restera toujours les transformations ! Malgré qu’il n’y en ait qu’une par niveau, et qu’elles soient prédéfinies, elles sont définitivement « l’effet waouh » du jeu. Le sprite du personnage qui se transforme est énorme à l’écran, et là, c’est le festival. Le centurion file à toute allure, traverse l’écran d’une seule traite en dégommant tout ce qui se trouve sur son chemin. C’est aussi le moment où l’on se rend compte que les bestioles sont vraiment juste de la chair à canon car ils ne vont généralement pas aller plus loin qu’une seul type d’attaque. Les boss de fin de niveau, eux aussi, se contenteront de deux attaques différentes. Mais quel plaisir que de se transformer et maîtriser les patterns du méchant de service !
La bande-son, elle aussi, est un gros morceau du jeu. Elle fait beaucoup penser à celle de Golden Axe – et c’est bien normal puisqu’elles ont toutes les deux été composées par la même personne, Tohru NAKAYAMA. Il nous offre ici un ensemble à la fois épique et sinistre, soulignant très bien la quête difficile et remplie de monstres tous plus repoussants les uns que les autres. S’il n’y a pas beaucoup de thèmes différents, les joueurs retiendront tous ceux du premier niveau à tout jamais : le stage lui-même, le thème de la transformation, celui du combat de boss, qui accélère plusieurs fois pour procurer une sorte de panique au joueur… c’est également un ensemble d’une qualité surprenante, avec ses samples de voix de qualité et l’utilisation de tambours puissants et rarement utilisés dans le jeu vidéo à cette époque.
Bon, tout ça, c’est bien beau, mais on ne va pas vous mentir pour autant : Altered Beast est raide et punitif à souhait. Des attaques qui devraient toucher les ennemis en premier ne passent pas ou ne sortent même pas à temps alors que l’on avait appuyé avant que l’animation d’un monstre commence ; monstres qui ne se gênent pas pour nous enchaîner avec plusieurs petites mandales bien senties, ou une grosse attaque bien violente ; on se fait même littéralement harceler et certaines attaques sont quasiment impossibles à éviter ou annuler à cause de cela. Perdre de la vie gratuitement ? C’est cadeau ! On se dit alors que le soft est du genre de ceux qui doivent être appris par cœur – et ce n’est pas totalement faux, même si cela ne fonctionne pas à tous les coups, et bien loin de là…
La difficulté est abordable et passe plutôt bien dans les deux ou trois premiers niveaux, une fois qu’on a pu les apprendre un peu mieux, mais elle augmente drastiquement avec le quatrième pour les raisons évoquées plus haut. Cela dit le titre a la bonne idée de ne pas nous presser, en faisant pas, par exemple, défiler l’écran plus vite, du genre « dépêche-toi ou le décor va te tuer ». Il n’y a même pas de limitation de temps, ce qui est plutôt une bonne nouvelle car il est déjà difficile sans cette contrainte de ne pas rater l’orbe de power-up, ou même carrément la bestiole à éliminer pour les avoir. Celles-ci, généralement dociles, ne se privent parfois pas de nous foncer dessus telle une vilaine provocation.
Le jeu ne progressant pas tant que l’on n’a pas acquis tous les power-ups pour se transformer, sa durée globale est assez variable et va dépendre du joueur. Sans être trop long pour autant, disons qu’un quart d’heure suffit à un joueur rodé pour arriver à la fin, alors que quelqu’un qui découvre ou n’a pas encore totalement les mécaniques en main passera la barre des 35 minutes. Ce qui est plutôt court, mais rappelons que c’est un jeu d’arcade de la fin des années 1980, ce qui en fait au final une durée correcte. Et… très variable en fonction du nombre de pièces que l’on souhaite y mettre, bien sûr.
Never Give Up…!
Altered Beast a reçu un excellent accueil à sa sortie : il a été le second jeu le plus joué en arcade durant le mois de juin 1988 ! Pourtant, les avis des critiques de presse n’ont pas toujours été tendres avec lui, pour des notes assez moyennes. Toutefois, Altered Beast fait partie de ces softs SEGA qui ont su, littéralement, inonder le marché du jeu vidéo. Son nombre de portages juste hallucinant inclut le MS-DOS, Amstrad CPC, MSX, Atari ST, Amiga et… pour les plus surprenant, les concurrentes les plus directes, la PC-Engine et même la NES !
Le meilleur de tous ces portages, comme on pourrait s’en douter, a été celui sur Mega Drive, dont l’architecture interne a de toute façon été basée sur le System 16. Certes un peu en retrait par rapport à l’arcade (en particulier du coté des voix bien plus « crachotantes »), le jeu a eu plus de succès du coté des États-Unis et de l’Europe et a fini par être directement vendu en bundle avec la console, jusqu’à l’arrivée de Sonic qui l’a remplacé.
Deux autres jeux dérivés sont sortis : le premier a été développé par 3d6 Games (aussi derrière l’assez médiocre The Revenge of Shinobi sorti en 2002 et qui n’est absolument pas un portage du jeu culte de 1989 sur Mega Drive) et ajoutait de nombreux niveaux (16 au total) et des transformations. Le second, développé par SEGA, a vu le jour sur PlayStation 2 en 2005 mais n’est resté qu’au Japon.
Altered Beast a par la suite fait quelques excursions en dehors de ces trois jeux. Il apparait dans Project X Zone et sa suite où la transformation en loup existe aux cotés d’Ulala, l’héroïne de Space Channel 5. L’artiste Matthew SWEET a nommé l’un de ses albums Altered Beast en référence au jeu en 1993 et, pour finir, le vilain Zeff apparaîtra dans le film de Pixar « Le Monde de Ralph » aux cotés du Dr Eggman.
Bien qu’ayant moins bien vieilli que d’autres productions de la Team Shinobi, Altered Beast n’en reste pas moins l’un des titres cultes du paysage arcade peint par SEGA dans les années 1980 et 1990. Désormais, la version Mega Drive, son meilleur portage, fait partie d’absolument toutes les compilations dédiées à cette console ; alors vous aussi, réveillez-vous de votre tombe et n’abandonnez jamais !
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Bon article, une époque où les bons d’arcade finissaient sur notre console de salon. Jeux finis, certes avec parfois des défauts. Mais la génération actuelle de jeux de 40 gigas avec 80 gigas de mises à jour nous rends nostalgique des années 80/90. Merci à cette rubrique
« L’avenir est dans le rétro »! Enfin, on aimerait bien, parfois… ^^
Merci de nous lire!