Gaming Memories #64 – Dragon Quest
Bienvenue dans le 64e numéro de Gaming Memories. Ce mois de mai 2024 marque les 38 ans de la sortie du tout premier Dragon Quest – pour l’occasion, notre rubrique rétro vous propose donc de faire un retour sur ce RPG culte qui a posé les bases de bien d’autres séries, ainsi que l’éditeur à son origine : Chunsoft. Partons ensemble à la chasse au dragon !
Les débuts d’une légende
On associe souvent Dragon Quest à Enix. Ce n’est cependant pas la société à l’origine de la série, ni même celle qui l’a développée : Enix est au final le distributeur, ceux qui lui permettent d’être en vente une fois terminé. C’est à Chunsoft qu’il faut donner le crédit de la création et du développement de la série.
Cette firme, créée en avril 1984, s’est assez vite spécialisée dans les Visual Novel et RPG. Faisant partie d’un groupe entier, elle fusionne avec sa société sœur Spike pour devenir Spike Chunsoft en 2012. Tous leurs jeux ne sont pas réputés pour être des réussites, ce qui a résulté d’un certain nombre d’employés la quittant, malgré l’aide de SEGA lors d’une collaboration pour produire des jeux sur Dreamcast. On peut également mettre à leur crédit le développement de divers jeux pour d’autres sociétés, tel les Pokémon Donjon Mystère ; elle a développé plusieurs épisodes des Shiren the Wanderer ; aussi, bien que ce soit à l’origine une création de Spike, on peut mettre à leur crédit la série phénomène Danganronpa qui a fait trembler le monde du jeu vidéo en son temps !
Plus précisément, on retrouve Yuji HORII à la tête du projet Dragon Quest. S’il a supervisé Chrono Trigger en commun avec Square (à cet époque un rival), on peut dire que Dragon Quest est l’œuvre de sa vie : il a été actif sur tous les épisodes (spin-offs inclus) et ce jusqu’au prochain Dragon Quest XII (qui n’a pas encore de date de sortie) à 70 ans passés ! Bien sûr, on se doit de citer également l’artiste Akira TORIYAMA en tant que character-designer officiel depuis le début et Koichi SUGIYAMA, compositeur attitré de la série.
Les premières idées d’HORII pour Dragon Quest se sont faites pendant le portage de l’un de ses jeux précédents, The Portopia Serial Murder Case, un Visual Novel inspiré de plus anciennes productions comme Zork, King’s Quest ou encore Déjà Vu. C’est cependant le gameplay à base de combats aléatoires de Wizardry et la vue à la troisième personne d’Ultima qui ont été les plus grandes inspirations. Sa volonté d’exporter ce type de RPG occidentaux sur le marché des consoles japonaises a bien entendu mené à quelques modifications et simplifications, dont une interface de menus plus directe et aisée à prendre en main, alors qu’il fallait entrer ses commandes au clavier sur ordinateurs.
Dragon Quest sort en premier lieu sur Famicom en mai 1986… dans une indifférence quasiment totale ! Mais était-elle vraiment méritée ?
Le Héros sans nom (mais pas amnésique pour une fois) à la rescousse
Votre aventure commence directement dans le château du royaume d’Alefgard. Devant vous se trouve son Roi. Celui-ci vous accueille comme le messie : vous êtes le descendant du grand héros Roto, autrefois destructeur du terrible Dragonlord qui, avec ses hordes de monstres, semait la terreur et le chaos.
Le Dragonlord consume la lumière une fois de plus ; la princesse Laura est entre ses griffes ; seule l’orbe de Lumière peut en venir à bout. À l’aide de cette dernière, vous devrez secourir la demoiselle et mettre fin à la terreur qui règne sur Alefgard !
Une fois équipé et prêt, vous devrez en premier lieu aller explorer les environs. Après avoir acquis suffisamment de force, tel que le Roi vous le conseille, il sera temps pour vous d’explorer les environs, jusqu’à trouver une caverne un peu plus loin – si celle-ci est déserte, elle contient cependant des instructions quant à la manière de détruire le mal, laissée par Roto lui-même !
Serez-vous de taille à remplir la tâche qui vous incombe ? Un peu de courage. Vous êtes un Héros !… Enfin normalement.
Une modernisation qui deviendra une forte inspiration
Dragon Quest est un héritier direct des jeux de rôle sur PC des années 1980. Bien sûr, au contraire des plus anciens, on a des graphismes et pas uniquement du texte ; cependant, si l’on se promène librement dans le jeu (villes, campagne ou donjons), tout ce que l’on peut faire se décide au travers de choix. Parler en sélectionnant la direction du PNJ à qui l’on souhaite s’adresser, ouvrir une porte ou un coffre, prendre des escaliers – tout se fait dans des menus.
C’est un RPG au tour par tour des plus classiques de nos jours, mais très accrocheur pour l’époque. En se promenant dans la campagne, en dehors de villes, on se fait régulièrement attaquer par un monstre. Là, le joueur aura le plus souvent l’initiative et pourra frapper en premier, mais parfois, les bestioles le surprendront et attaqueront avant. On dispose d’une attaque physique, de magies, et on peut se servir d’objets ou fuir. Rien n’a changé depuis le temps, il faut tuer les monstres pour gagner le combat et glaner des points d’expérience, ainsi que de la monnaie pour acheter des soins, équipements et autres.
Si l’attaque simple reste juste un coup d’épée ou de masse, les dégâts infligés sont aléatoires et peuvent être plus ou moins dévastateurs (voire critiques), et les magies, quant à elles, sont sans doute ce qui fait le sel des affrontements. Boule de feu, soin, ou « berceuse » pour endormir son adversaire plus ou moins longtemps, tout est déjà là. Les bestioles en face ne sont pas non plus juste des amas de pixels tout juste bons à se défouler ! Non contents de pouvoir faire des dégâts variables aussi, certains seront moins sensibles aux attaques physiques, résisteront mieux à la berceuse et pourront même nous l’infliger, etc.
Une aventure plus intense qu’il n’y paraît…
Dragon Quest débute sur ce thème d’introduction qui bercera toute la série. Face au Roi dès le départ, celui-ci nous explique ce qu’il attend de nous et l’aventure commence directement ! En explorant le château, puis la ville autour, on finit bien vite par partir à l’aventure dans les plaines verdoyantes du royaume qui attend désespérément qu’on le sauve…
Si les combats aléatoires sont d’une fréquence assez acceptable au départ, celle-ci augmente bien vite au point qu’il n’est pas rare, par moments, d’avoir un affrontement tous les deux pas, et même juste en se retournant des fois. La difficulté est progressive tant que l’on reste dans les rails sans aller plus loin qu’on le devrait, et pourtant, la production appelle à l’aventure… !
En effet, on visite le royaume plutôt aisément. Les habitants des villages donnent des indications par rapport à la démarche à suivre, et de même la progression est intuitive. Si notre objectif n’est pas dans telle direction, essayons-en une autre et ainsi de suite. Il faut cependant rester vigilant et ne pas hésiter à fuir un combat si l’on se retrouve soudainement face à des bestioles bien trop fortes pour nous… mais Dragon Quest étant un jeu réfléchi, le royaume d’Alefgard est séparé par des ponts qui symbolisent les différents niveaux de difficulté et donc de force des ennemis !
Les graphismes du jeu contribuent à rendre cette visite intéressante ; les couleurs sont chatoyantes pour une NES et on reconnait les endroits où l’on se trouve ; même si l’on doit faire des allers-retours réguliers, on peut se retrouver sans trop de problème. On peut cependant regretter de ne pas vraiment sentir la différence sur le sprite de notre avatar peu importe la direction dans la laquelle on regarde. Et niveau combats, c’est un peu moins réjouissant aussi… si l’on se bat en vue interne, peut-être pour une plus grande immersion, les animations de combats sont cependant assez décevantes…
Frapper ou se faire frapper se résume au même bruitage (peu importe le type d’arme dont on se sert) avec un flash et un clignotement d’écran. Utiliser une magie, dans le même domaine, aura également le même résultat : le même flash de lumière avec le même bruitage, sans rien de plus. Le nom de certaines magies n’est également pas très intuitif et oblige à s’en servir au moins une fois pour comprendre à quoi elle sert…
Parfois, on se retrouvera à crapahuter dans les couloirs d’un chemin souterrain ; l’ambiance est de mise car il faut avoir des torches dans son inventaire pour y voir quelque chose, et sans aller jusqu’à proposer de vrais labyrinthes saisissants tels que ceux du premier Phantasy Star (qui étaient en vue interne), il faudra retenir les tracés pour éviter de se perdre. Certains d’entre eux sont vides, mais les autres seront infestés de monstres, pour ne pas aider !
DQ est un jeu difficile : le leveling y est long, la collecte de monnaie pour améliorer ses équipements (qui coûtent cher) prend du temps – pas seulement quelques minutes mais plutôt du genre à prendre des heures. Il n’est donc pas rare de trainer autour d’une ville pour juste s’entraîner pendant un bon moment jusqu’à finalement se voir monter d’un niveau et enfin être plus puissant, résistant ou chanceux. Les objets de soin que l’on peut avoir sur soi sont en nombre limité et pour sauvegarder, nul autre choix que de retourner au château du roi, là où la quête commence ! En contrepartie, la mort n’est ici pas une fatalité… on sera juste rapatrié audit château, où le roi ne se privera pas de nous traiter d’incompétent…
Notre bon vieux roi, par ailleurs, est le seul à pouvoir sauver notre vie mais pas uniquement en nous la redonnant : le jeu ne dispose d’aucune sauvegarde. Seuls des mots de passe, qu’il est le seul à pouvoir nous donner, permettent de conserver la progression dans l’aventure… obligeant, comme vous l’aurez compris, à revenir jusqu’au château de départ et à refaire tout le trajet jusqu’à notre précédent point si l’on doit arrêter ! À moins de payer des objets de téléportation pour le retour en terre connue… Manque de moyens techniques ou budgétaires, qui sait, mais on ne peut retirer ce point noir à la production…
Si le jeu se base sur le fait de devoir faire tous les choix au travers d’un menu, comme dit précédemment, on apprécie en revanche l’ergonomie dont il fait preuve pour son époque et que l’on ne retrouvera pas forcément dans tous les autres RPG aux alentours : en effet (et c’est une idée à la fois toute bête et brillante), les marchants rachèteront automatiquement notre vieil équipement une fois que l’on en achète un autre ! Non pas que faire tous ces choix soient ennuyeux, car ils proposent plus de diversité d’actions que les autres jeux de l’époque…
La quête de notre héros sans nom se sépare, grossièrement, en deux parties : trouver et secourir la princesse Laura et tuer le dragon qui est la cause des problèmes sur l’île. Le jeu peut se terminer en une quinzaine d’heures si tout se passe bien, mais le farming d’expérience en prend une grande partie. L’exploration de certains donjons peut également prendre une bonne partie de l’expérience, surtout quand celle-ci est bercée par une telle bande-son que celle du premier DQ !
Celle-ci un point marquant de la production. Elle a une saveur typiquement fantasy des années 1980. Elle n’est pas spécialement joyeuse et conserve un sentiment de danger, d’aventure qui jure sans doute un peu avec ce grand ciel bleu sous lequel on évolue à l’extérieur. En revanche, une fois en intérieur, dans les donjons, on sent que la tâche qui nous a été donnée va être difficile, de plus en plus difficile jusqu’au point de sombrer dans une décomposition qui a une odeur de mort imminente : si certaines mélodies sont reprises avec une légère variation seulement, celle des donjons ralentit de plus en plus au fur et à mesure que l’on s’enfonce d’étage en étage jusqu’à être de plus en plus lente, telle un cœur qui ralentirait de plus en plus ! Un sentiment particulièrement étrange et pessimiste mais qui donne aux compositions une saveur unique et appréciable !
Le premier Dragon Quest, que certains considèreront comme une père de tous les J-RPG qui ont suivi, n’est pas parfait. Peut-être un peu court en soi, peut-être un peu trop long en leveling – mais il est cousu d’idées intéressantes qui tissent une aventure marquante et toujours appréciable même de nos jours, peu importe que l’on apprécie les combats nombreux et les choix omniprésents ou non. Définitivement une pièce maîtresse du jeu vidéo japonais !
La Quête contre le Dragon ne s’arrête pas là
La légende voudrait que les ventes initiales du tout premier « DraQue », tel que les japonais appellent affectueusement la série, étaient si basses à sa sortie qu’Enix allait perdre de l’argent… mais l’affection des japonais pour le character design de TORIYAMA et quelques coups de pouce via le célébrissime magazine Shônen Jump auraient fait remonter la pente au jeu… dont un million d’exemplaire se sont finalement venus en six mois ! Au total, 1.5 millions se sont écoulés au total si l’on ajoute toutes les cartouches vendues par la suite.
Toutes ses reviews à l’époque n’étaient pas fameuses pour autant, certains lui octroyant un assez moyen 3/5. En revanche, le très réputé magazine Famitsu n’a pas hésité à le couronner meilleur jeu de 1986, meilleur scénario/character design/programmer et meilleur RPG de l’année, rien que cela ! Il a, par la suite, été porté sur un nombre incalculable de machines, telles que les MSX, PC-9801, Super Nintendo et son système en ligne Satellaview, GameBoy Color, Wii, Switch et bien d’autres.
Sa version originale, quant à elle, prit son temps pour traverser les mers et atteindre les États-Unis sous le nom Dragon Warrior, pour arriver en juillet 1989 ! L’Europe, en revanche… hé bien… Nintendo considérant les joueurs européens comme incapables de comprendre et apprécier les RPG à cette époque… il a forcément fallu attendre quelques années et portages supplémentaires, tout comme le premier Final Fantasy d’ailleurs. Cependant, l’attente valut le coup car quelques améliorations ont y ont été appliquées, tels de plus gros sprites et surtout… une sauvegarde.
Gaming Memories, comme vous le savez, se focalise tout particulièrement sur le premier épisode d’une série, et c’est pourquoi nous ne nous pencherons pas sur le reste de la série (pour le moment… ?). Maintenant que son character designer attitré nous a quittés, on serait en droit de s’inquiéter sur son avenir, mais d’autres séries (telles que Sakura Wars ou Tales of) ont déjà été dans le même cas de figure, et cela ne les a pas empêchées de perdurer. Espérons donc que Square Enix donnera la même attention à Dragon Quest que c’est le cas avec Final Fantasy, avec un nouvel épisode prochainement !
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Bon article, qui m’a rappelé que j’ai joué à un DG sur Nintendo DS, et bien que pas ma tasse de matcha , j’avais bien aimé ce jeu et y avait passé pas mal de temps.