Gaming Memories #63 – Alundra
Bienvenue dans le 63e numéro de Gaming Memories ! Cette fois-ci, nous allons nous pencher sur le studio Matrix Software, à travers leur tout premier jeu : Alundra, descendant spirituel de Landstalker dont nous avons parlé il y a quelques mois et sorti en avril 1997 sur PlayStation. Prêts pour un peu d’aventure ? Alors c’est parti !
La descendance de Climax
Commençons par présenter la société à l’origine de notre jeu du mois, Matrix Software. Basée à Kabukicho à Shibuya au Japon, cette petite société d’une centaine de personnes a été bâtie en 1994. Elle est composée, à l’origine, de membres de Climax Entertainment et Telenet Japan. Originellement proche de Sony pour la PlayStation puis PlayStation 2, elle a fini par se diriger vers Nintendo sur Wii et NintendoDS.
Développeurs d’un certain nombre de jeux par eux-mêmes, ils ont également produit beaucoup de titres pour les autres : ainsi, on les connait aussi pour leurs remakes de Final Fantasy III et IV pour SquareEnix sur NDS, Tales of VS. pour Bandai Namco, Lost in Blue pour Konami ou encore certains épisodes de la série Layton pour Level-5.
Alundra, quant à lui, est un héritier spirituel du très bon Landstalker (Climax Entertainment), et également une modernisation dans un sens. Dark Savior, sorti sur SEGA SATURN en 1996, est issu de Climax alors que beaucoup de ses membres en étaient déjà partis, et s’avère tout aussi proche dans son gameplay de base – Alundra aurait très bien pu s’appeler Landstalker 2 !
Le développement dura trois ans, ce qui explique cette inactivité apparente entre la création de Matrix Software en 1994 et la sortie du jeu sur PlayStation en avril 1997 au Japon, avant d’entamer un périple assez périlleux dans le reste du monde : huit mois plus tard (janvier 1998) signe son arrivée aux Etats-Unis ; deux mois plus tard, c’est au tour de la Grande-Bretagne mais le reste de l’Europe, elle, a dû attendre jusqu’en juin de cette même année 1998, soit plus d’un an après la sortie initiale.
Le voyageur des rêves
On incarne ici Alundra, un petit blondinet à queue de cheval que l’on dirait être le frangin de Ryle, le héros de Landstalker tant il lui ressemble. Alundra est un « Dreamwalker » – il peut entrer dans les rêves des gens pour résoudre leurs problèmes. Mais avant cela, il est lui-même confronté à des cauchemars dans lesquels un mage mystérieux n’a de cesse de l’avertir d’un danger imminent qui règne autour de l’île d’Inoa… il décide donc de s’y rendre pour savoir ce qu’il se passe réellement.
En route pour l’île en question sur un bateau, il sombre dans un nouveau cauchemar alors que le navire lui-même est frappé par une terrible tempête qui le fait couler. Est-ce réellement le mauvais climat qui est la cause de ce naufrage dont seul le jeune homme est rescapé ? Le hasard faisant parfois bien les choses, il s’échoue près de l’île d’Inoa, sa destination, dont un habitant le recueille et le remet sur pieds.
Bien vite, Alundra va se retrouver mêlé aux affaires des autres sans rien demander, tout en découvrant son don. Entre exploration de l’île, ses alentours, et songes des habitants plus torturés qu’on le croit, notre petit aventurier blondinet va jouer un rôle essentiel dans l’avenir d’Inoa…
Comme un air de Landstalker !
Alundra est un jeu en pure 2D avec des caméras fixes qui suivent notre progression au travers d’écrans à différentes sorties, tout comme les Legend of Zelda en 2D. Le personnage peut se déplacer, sauter et mettre des coups d’épée pour se défaire de monstres qui lui feraient face. Il peut aussi courir et foncer droit devant lui, ce qui permet d’aller plus vite, en plus de pouvoir asséner des attaques plus puissantes aux ennemis.
On va vagabonder dans le village d’Inoa et ses alentours, qui vont se découvrir progressivement. Alundra rencontrera des ennemis en pleine exploration, plus ou moins résistants. L’île est pleine de hautes herbes, un peu comme dans les jeux Pokémon, que l’on peut couper à coups d’épée (et qui reviennent à chaque fois que l’on change d’écran). Parfois, des objets de soin ou autres en jaillissent, permettant de ne pas avoir à utiliser l’un de nos précieux items, importants durant les donjons. Ces objets, tout comme d’autres équipements, peuvent être assignés à la touche Rond pour être utilisés, donc pas besoin de se rendre dans le menu pour l’utiliser à chaque fois. En contrepartie, on ne peut pas non plus s’en servir séparément à partir dudit menu… un choix à faire à la volée !
En effet, en dehors des sentiers, de la campagne ou autre, on devra parcourir des donjons, éveillé ou en plein rêve. Ceux-ci ne sont pas avares en monstres et en boss pour les conclure, mais le point le plus important est leur exploration. Ce sont de vrais petits labyrinthes de plus en plus complexes et longs dont il faut comprendre la logique sous peine de ne jamais en voir le bout.
Une aventure brillante… parfois un peu sombre.
Alors que tous les regards sont tournés vers la 3D, en avril 1997, Matrix Software prend le pari de réutiliser une patte graphique similaire à celle de Landstalker. Alundra est intégralement en 2D, et cette fois avec une vue plus proche des tout premiers Legend of Zelda sur NES, GameBoy et Super Nintendo. On voyage ainsi dans des écrans de taille différente, la caméra fixe mais qui suit le personnage.
Ces graphismes en 2D profitent d’une animation fluide et détaillée, tout comme les sprites et certaines animations impressionnantes à regarder… pour un jeu de Super Nintendo. Oui, Alundra est majoritairement une réussite graphique, mais il reste en pure 2D, ce qui n’est pas un défaut en soi mais qui ne respire ni l’originalité, ni la prouesse technique. Disons que, peut-être valait-il mieux une belle 2D qu’une 3D baveuse telle qu’on en voyait encore beaucoup à cette époque (Dark Savior, par exemple, avait des graphismes et décors en 3D de niveau parfois très inégaux…). On apprécie les détails simples mais enchanteurs comme l’herbe qui frémit lorsque l’on marche dessus, les trainées d’eau qui nous suivent lorsque l’on court…
Le savoir-faire des anciens de cet éditeur, d’ailleurs, ne se fait pas sentir que dans le coté visuel, mais aussi dans la maniabilité à la fois simple mais réactive en toute situation. Heureusement, depuis Dark Savior, on évite le catastrophique « quart de cercle » pour changer d’angle de direction entre la verticale et l’horizontale. À tel point, d’un coté, que cela donne lieu à des auto-références un peu faciles : par exemple, acheter des objets dans une boutique se fait exactement de la même manière que Ryle devait faire. On va chercher l’objet, on le saisit, on va le jeter sur le comptoir (et parfois trop loin, ce qui le projette même derrière, obligeant à sortir et rentrer à nouveau) pour pouvoir l’acheter. On a le même genre de remarques nous déconseillant de jouer les voleurs si l’on tente de sortir avec l’item dans les mains… quand on dit qu’Alundra pourrait être un Landstalker 2, ce n’est pas pour rien.
Alundra trempe dans une ambiance relativement mignonne, qui semble de prime abord chaleureuse et enfantine. Coloré, avec une bande-son joviale, le personnage se déplace avec une démarche proche de celle d’un pirate dans de vieux dessins-animés. Et pourtant… bien vite, cette aventure qui semblait un peu cliché et facile fait tomber le joueur dans un sentiment bien plus sombre, triste, mature. La gaieté apparente laisse vite place à des moments gris, voire sombres, sous un orage menaçant et une ambiance sonore sinistre. Les cauchemars dont nous devons sauver les habitants ne sont pas ceux d’enfants et nous confrontent à des thèmes difficiles tels que la solitude, la captivité, la peur et même la mort, qui se répercute parfois dans la réalité. Cette fois où quelqu’un nous supplie de ressortir du rêve dans lequel on voyage car il est trop tard, pour voir le malheureux concerné agoniser devant nous et rendre son dernier souffle arrache le cœur dans une surprise totalement inattendue qui change tout de suite la vision que l’on peut avoir de la production…
Si certains s’attendaient à des moments doux et fantasmagoriques comme dans NiGHTS Into Dreams ou Klonoa : Door to Phantomile, c’est raté. Alundra est définitivement une production mature et difficile. Difficile, aussi et surtout dans ses donjons pas forcément labyrinthiques mais de plus en plus complexes, avec divers embranchements et mécanismes à activer, un brin de plate-forme et de combats par la même occasion. Si leur complexité est basse au début, ils deviennent de plus en plus retors, au point de demander une certaine dose de réflexion à laquelle on ne s’attendait pas non plus au départ. Tout comme pour Landstalker, ils constituent un véritable challenge et même si le matériau de départ semble très similaire à celui des Zelda, il s’en éloigne en faisant de ces explorations de vrais morceaux de bravoure, toujours travaillés et réfléchis. On se sent frustré de ne pas comprendre la logique au départ, et lorsque celle-ci nous apparaît, la satisfaction et la fierté remplacent ce sentiment déplaisant, donnant toujours envie de continuer le jeu un peu plus !
Cette aventure haute en rebondissements portera donc le joueur entre bonne humeur et moments plus sombres pendant environ une quinzaine d’heures en brut. Un chiffre bien hypothétique qui concerne surtout ceux qui le connaissent déjà et savent quoi faire, car tout n’est pas si facile avec ces donjons. Certains dialogues sont même parfois un peu trompeurs : « Viens Alundra, allons à la mine ! »… et en s’y rendant, rien ne s’y passe car il fallait d’abord aller rendre visite au Maire et à un autre habitant du village pour faire avancer les choses. Comment le deviner soi-même si ce que l’on nous dit est faux ? On regrette aussi que le personnage soit totalement muet et que son avis ne soit retranscrit qu’au travers d’agaçants « Alors tu penses que… » « D’après toi, c’est… » et autres expressions du genre… rien de plus exaspérant à la longue que ces personnages qui passent leur temps à répéter ce que l’on dit juste parce que le nôtre n’a pas le droit à ses propres lignes de texte.
Toute cette aventure est rythmée par un ensemble sonore composé par le prestigieux Kohei TANAKA, connu pour son travail sur Gravity Rush, Sakura Taisen, One Piece ou encore Gunbuster pour ne citer que ces quelques œuvres. Il offre ici un ensemble généralement aventureux, dynamique et digne d’un grand RPG bien dans l’air de son temps, pour se tourner vers certains thèmes où se ressentent la méfiance, puis la tristesse, et la peur, avec des tambours simulant des battements de cœur et des cris d’horreur au passage. Alundra termine ainsi d’asseoir sa position de grand jeu d’aventure qui prend tout le monde à contrepied par sa bande-son, qui se permet tout de même quelques écarts avec des thèmes plus ambiants et détendus.
Définitivement un grand jeu, Alundra sait faire du neuf et surprenant avec du vieux, et avec brio. Il n’est pas parfait car la logique n’est pas toujours des plus pertinentes (on peut se servir de bombes au bout d’un moment mais celles-ci ne brisent que les objets décidés par les développeurs), et on passe parfois au travers de certains éléments graphiques sans raison. Les textes passent parfois automatiquement sans raison alors que les autres non, et aussi souvent trop vite. On aura tendance à remarquer que toutes les maisons d’Inoa se ressemblent, mais ce serait pousser le vice sur un détail assez anecdotique, surtout devant la maîtrise globale de Matrix Software qui offre bel et bien là un grand jeu doublé d’un hommage vibrant à Landstalker.
Alundra et la fin du rêve… ?
Tout comme Landstalker en son temps, Alundra reçut un succès détonnant – les critiques de l’époque vont majoritairement entre 8 et 9/10. Le succès commercial, en revanche, resta légèrement en retrait avec quelque 140.000 copies vendues environ au Japon sur toute l’année. Les Etats-Unis y rajoutèrent 100.000 jeux vendus supplémentaires en seulement un mois jusqu’aux débuts 1998 !
Une suite voit le jour en 1999. « Suite », devrait-on plutôt dire car ce nouvel épisode passe de la 2D à la 3D, et surtout, suit les aventures d’un autre personnage sans aucun lien avec le fameux Alundra. Ce n’est pas la suite tant attendue par les fans, mais cela ne l’empêche d’être une bonne aventure, qui profite bien de la 3D pour proposer des donjons encore plus retors !
Alundra ne réapparut pas après ce deuxième jeu portant son nom. Climax Software, initiateurs du mouvement, ne revint pas dessus non plus et c’est assez dommage car la qualité était suffisante pour imposer d’excellents rivaux pour les Legend of Zelda. Notre petit blondinet du mois aura, cependant, fait un saut sur PlayStation 3 dans un portage mais pas plus. Et c’est bien dommage !
Alundra… Il fait partie de ces fameux jeu dont je voyais souvent la pochettes et quelques images dans les magazines mais sans y avoir jamais joué. Rien qu’avec quelques visuels j’étais déjà content et je fantasmais sur ce jeu !
Merci pour ces souvenirs et ce dossier découverte ^^
Je connais ce sentiment! J’ai eu le même avec Grandia. Vu dans une page de publicité dans un magazine, bavé dessus pendant plus de dix ans avant d’enfin pouvoir y jouer! Enfin, Alundra vaut le coup d’être essayé, surtout si on aime bien se triturer un peu les méninges.
Merci de nous lire et pour le commentaire 🙂