Retour sur l’hommage à Leiji Matsumoto rendu au Musée Guimet
Du 22 au 25 février 2024, le Musée Guimet a rendu hommage à Leiji MATSUMOTO, la grande légende de l’animation japonaise. Trois mois après sa tenu, Journal du Japon remet en lumière cet événement et vous le fait (re)découvrir. Ce cycle célèbre le premier anniversaire de la disparition du mangaka et a réuni différentes générations : pour la plupart grands fans de l’auteur, les spectateurs nostalgiques ont emmené leurs enfants, dans le but de leur faire découvrir un bout de leur enfance. L’évènement a pu voir le jour grâce au fan-club officiel de Leiji Matsumoto et du Musée Guimet.
Mais qui est Leiji Matsumoto ?
Grand révolutionnaire du monde des animés et des mangas, Leiji MATSUMOTO, a construit un univers spatial immensément vaste pendant plus de 60 ans. Il a également écrit et co-écrit de multiples ouvrages littéraires à l’attention de fans de science-fiction. Connu par tous pour être le créateur d’Albator, Leiji MATSUMOTO (ou de son véritable nom Akira MATSUMOTO) est un homme plein de talents né en 1938 à Kurume dans le département de Fukuoka sur l’île de Kyûshû.
Son père, officier du service aérien de l’armée impériale japonaise, a joué un rôle fondamental dans la carrière de son fils qu’il a plongé dans l’univers des machines aériennes puis spatiales que l’on retrouve dans chacune de ses œuvres. Très tôt, l’auteur tisse des liens avec les mangas, notamment en lisant ceux d’Osamu TEZUKA, mais aussi avec le dessin et particulièrement les productions animées du studio Walt Disney. Ces deux influences vont lui permettre, dès son plus jeune âge, d’inventer des histoires de pirates et des aventures avec des abeilles.
La production de Mitsubachi no Bôken (littéralement « Les aventures d’une abeille ») lance sa carrière de mangaka. En plus de remporter le concours du magazine Manga Shônen avec, il devient l’assistant d’Osamu Tezuka. Ce n’est qu’à partir de 1957 que le jeune Matsumoto, alors âgé de 19 ans, emménage seul à la capitale dans le quartier de Bunkyô. Sa carrière débute alors par la production de shôjos, dont Leclaire Kyôdai no Tabi en 1959. Après avoir expérimenté cette catégorie éditoriale, il décide de se diriger doucement vers le shônen qu’il lie au monde du western, un genre qui impactera beaucoup ses œuvres. En plus de produire des histoires de valeureux cowboys, l’auteur se tourne vers des récits de guerre, des histoires de science-fiction, ou bien même des aventures de ninjas. C’est à partir de ce moment que Akira Matsumoto opte pour Leiji comme nom d’auteur en combinant le sinogramme du guerrier avec celui du zéro pour signifier ainsi « le guerrier de l’infini » en référence aux histoires de SF qu’il invente.
En 1972, il remporte le prix du manga Kôdansha dans la catégorie manga pour enfants avec Otoko Oidon. Toutes ses expériences lui permettent de se lancer dans le manga pour garçons en reprenant ses thèmes de prédilection : la science-fiction, le western et la guerre. C’est à cette période que naissent ses œuvres les plus connues : Galaxy Express 999, Albator, Space Battleship Yamato, Gun Frontier… Il s’amuse également à créer de multiples liens à travers toutes ses œuvres, entre tous ses mondes qui semblent parfois pourtant si différents. Leiji Matsumoto collabore dans la production de ses œuvres avec sa femme Miyako MAKI, elle aussi mangaka. Elle travaillera sur le character-design de certains de ses personnages féminins en leur donnant des traits forts et combattifs. Ces œuvres deviennent tellement populaires à la fin des années 70 qu’elles donnent lieu à des adaptations animées sous la direction de l’auteur lui-même. Il réalise alors son plus grand rêve : celui de devenir réalisateur et animateur. Il participe à de nombreux films d’animation et séries où il s’amuse, encore une fois, à tisser des liens entre les personnages de ses univers pour le plus grand plaisir des fans.
C’est à l’âge de 85 ans, le 13 février 2023, que Leiji Matsumoto meurt à Tokyo après avoir réalisé et produit de nombreuses productions génialissimes. Et c’est ainsi que le musée Guimet en partenariat avec le fan-club officiel de l’auteur lui rend hommage un an après sa mort du 22 au 25 février 2024 avec un cycle de projection nommé L’héritage de Leiji Matsumoto, un voyage interstellaire.
L’organisation du cycle
Le cycle hommage à Leiji Matsumoto offre une sélection du travail de l’artiste. Construire un cycle peut s’avérer difficile lorsqu’il y a de nombreuses œuvres car comme on dit, choisir, c’est renoncer. On se confronte alors à l’éternel dilemme de la sélection de telle œuvre plutôt qu’une autre. Le voyage interstellaire a ainsi commencé le 22 février à 20h00 par un long-métrage emblématique : Galaxy Express 999 en version restauré en 4K. Commencer par ce film n’est pas anodin. Comme son personnage principal, Tetsurô qui explore des planètes et des univers inconnus, le spectateur découvre également l’univers et la pensée de son auteur. A la suite de ce magnifique long-métrage, chaque séance de projection nous emmène dans un monde à part, tous reliés au travail de Leiji Matsumoto.
Les séances de projection sont chacune accompagnées de brèves présentations par le fan-club de l’auteur, dont notamment deux spécialistes : Julien Pirou, auteur du livre Hommage à Leiji Matsumoto, et Jérôme Alquié, auteur de la bande dessiné Capitaine Albator – Mémoire de l’Arcadia. Ils nous présentaient les thèmes abordés au sein de l’œuvre et quelles ont été les diverses sources d’inspiration de l’artiste. Le programme continue avec la projection d’Arcadia on my youth le 23 février à 20h00. Ce film met en scène la jeunesse d’Albator.
La filmographie se poursuit par un film collaboratif avec les Daft Punk : Interstella 5555 The Story of the Secret Star System. Ce film sert de support vidéo à Discovery, le célèbre album des Daft Punk. Leiji Matsumoto et Daft Punk possèdent chacun un univers futuriste que l’on peut lier. Joindre ainsi animation et musique n’est pas nouveau pour le mangaka. En effet, il l’avait déjà réalisé par le passé, notamment en rendant hommage à Richard Wagner en adaptant L’Anneau du Nibelung en manga avec pour personnage principal le célèbre Albator. Leiji Matsumoto utilise ce film aussi pour introduire de nouveaux personnages et résoudre par la même occasion les incohérences que l’on pouvait trouver dans ses œuvres.
Toutes ses œuvres ont un trait commun : des femmes blondes, aux traits fins et mystérieuses. Ce modèle féminin est issu d’un film qui a beaucoup marqué l’artiste : Marianne de ma jeunesse de Julien Duvivier. Lui aussi a été projeté lors du cycle hommage le 23 février à 11h00. Matsumoto s’en est inspiré pour créer, à sa manière, son archétype de femme fatale, froide et mystérieuse.
Cette séance a été suivie d’une séance de dédicaces dès 12h00 avec la présence de Jérôme Alquié et de Julien Pirou, tous deux déjà présents lors des présentations d’avant-séance. Ils font tous les deux partis des nombreuses personnes dont la trajectoire a été influencée par le travail de l’artiste. Encore aujourd’hui, beaucoup de créateurs rendent hommage à Leiji Matsumoto en créant des histoires s’inspirant de son univers, en écrivant des romans sur son travail ou bien en analysant son œuvre dans des mémoires ou des thèses.
Albator, sans conteste son œuvre la plus connue en France, a fait venir tout type de public. Après la séance de dédicace, le musée Guimet a décidé de projeter les trois premiers épisodes des deux séries cultes mettant en scène le pirate balafré : Albator 78 et Albator 84. Dans la salle, on pouvait voir aussi bien des adultes ayant été bercés par cette histoire dans leur jeunesse que des enfants venus avec leurs parents. Une séance qui illustre l’impact intergénérationnel des mondes intergalactiques du mangaka !
Le cycle de Leiji Matsumoto s’est terminé avec une table ronde juste après avoir projeté le film Harlock : Space Pirate, Harlock étant le nom japonais d’origine du célèbre Alabator. Ce film 3D, dernière apparition en date du pirate dans l’animation, conclut le cycle des films rendant hommage à Leiji Matsumoto. Contrairement aux autres films projetés – sauf Marianne de ma jeunesse – Matsumoto est moins impliqué dans Harlock : Space Pirate : le film est réalisé par Shinji ARAMAKI, et bien qu’il soit basé sur le manga Albator, il remanie certains éléments clés de l’univers.
Critiques de films vus
Durant le cycle, Journal du Japon a assisté à deux projections, le film Galaxy Express 999 et les trois premiers épisodes des séries 78 et 84 d’Albator. Voici, à la suite, quelques mots sur les films que nous avons pu voir.
Galaxy Express 999 et le voyage initiatique
Après l’assassinat de sa mère par le comte Mécanique, Tetsurō est invité par Maetel à quitter la Terre pour rejoindre la planète La Métal à bord du Galaxy Express 999.
Le film Galaxy Express 999 est sorti août 1979. Il est produit par le studio Tôei sur l’œuvre de Leiji Matsumoto avec Rintarô à la réalisation et Kazuo KOMATSUBARA en tant que superviseur de l’animation.
Le film est la meilleure porte d’entrée pour commencer le cycle, car on retrouve la plupart des personnages emblématiques de son univers. À travers ce long-métrage on suit le voyage initiatique de Tetsurô Hoshino qui va vivre des aventures avec une jeune femme blonde et mystérieuse, aisément rattachable à la femme blonde du film Marianne de ma jeunesse. Tetsurô va monter à bord du Galaxy Express, le train qui mène jusqu’à Androméda, la planète mère de la mécanisation. À bord du train, il va effectuer diverses escales sur des planètes définies par des principes simples : une planète sans loi où la liberté et le crime coexistent, une planète accueillant les corps des personnes devenues des robots, etc. Néanmoins, on sait que le film ne traite pas les aspects des planètes aussi loin que l’animé car celui-ci est un condensé de la série animée.
La problématique entière du film se base sur l’histoire du Tetsurô Hoshino qui souhaite venger la mort de sa mère en devenant un être-machine dans le but de tuer le comte Mécanique. Une quête de vengeance et d’immortalité qui se transforme rapidement en voyage initiatique qui va lui enseigner les valeurs de la vie, accompagné de la figure maternelle de Maetel, et où il devra lutter contre la tristesse ou la colère suite à la mort de certains de ses compagnons lors de l’affrontement contre le comte Mécanique.
Dans le film, on retrouve également le thème de la machine qui est récurent et cher à Leiji Matsumoto. Les machines ont eu un impact dès l’enfance de ce dernier en raison du travail de son père, pilote au sein des forces impériales japonaises. Dans Galaxy Express 999, le mangaka travaille sur l’opposition entre l’homme et la machine et il montre à la fois sa fascination envers elle tout en mettant en garde contre la dangerosité de ces technologies. On retrouve un dernier thème présent dans beaucoup de ses œuvres : les pirates qui sont le symbole de la liberté.
L’histoire du film Galaxy Express 999 se poursuit avec le film Adieu Galaxy Express 999 sorti en 1981 et le film Galaxy Express 999 Eternal Fantasy en 1998.
Albator 78 et Albator 84 deux séries phénomènes des aventures du pirates de l’espace
Résumé d’Albator 78 : En 29773, la population terrienne nage dans l’opulence : les Terriens ont envoyé des robots automatisés qui exploitent les ressources d’autres planètes ; tout ce qui est récolté est distribué gratuitement à la population. Par le truchement de l’« abrutisseur mondio-visuel », les dirigeants de la Terre bloquent les réflexions critiques de leur population, qui est maintenant un peuple asservi. Dénué de tout pouvoir de pensée, ceux-ci se croient heureux. Pourtant, une mystérieuse sphère noire, recouverte de glyphes inconnus (en réalité des idéogrammes mayas), arrive un jour sur Terre et s’y écrase. Alors que le gouvernement mondial se montre incapable de réagir, une menace extraterrestre se concrétise peu après via les Sylvidres, un peuple extraterrestre de femmes guerrières, longilignes et au teint verdâtre. Mais leurs forfaits sur Terre sont attribuées à un terrien, le capitaine Albator et à ses pirates de l’espace. Seul parmi les humains, Albator comprend la menace des Sylvidres et décide de les combattre.
Résumé d’Albator 84 : Dans un futur lointain, l’Atlantis, un vaisseau spatial banni de la Terre, parcourt l’espace à la recherche de la « planète idéale ». Son équipage, avec à sa tête le capitaine Albator (« Harlock » en VO), est confronté aux redoutables Humanoïdes (Illumidas). Maîtres de la galaxie, les Humanoïdes asservissent les planètes qu’ils ont conquis et exterminent tous ceux qui leur résistent. Avec l’armement de l’Arcadia, un puissant vaisseau de combat conçu par son fidèle ami Tochirô qui, après sa mort voit sa conscience transférée dans l’ordinateur central du vaisseau, Albator résiste de toutes ses forces à l’hégémonie des Humanoïdes. Mais les pires ennemis de l’humanité sont peut-être les Terriens eux-mêmes, résignés ou complices des Humanoïdes, à l’image de Monsieur Zon, un ingénieur vendu à l’envahisseur humanoïde et ennemi juré d’Albator.
Albator 78 et Albator 84 sont deux séries animées. Albator 78 est une série francisée aussi bien dans le générique et dans les noms des personnages, même au-delà du nom orignal d’Harlock transformé en Albator. On ressent dans la série de 78 une douceur et une poésie, que l’on perd un peu dans celle de 84. En effet, dans le version de 78, la petite fille Stellie amène un côté plus humain au pirate de l’espace que l’on pourrait croire à première vue méchant. La première itération atténue également le rapport manichéen entre les méchants envahisseurs extra-terrestres et les gentils Terriens.
La version Albator 84 ne possède pas la même écriture que celle de 78. Albator 84 est vraiment une série manichéenne qui met en avant Albator et son ami Toshirô, les gentils, face aux humanoïdes de la Terre, les méchants, qui ne dépassent jamais leur nature unidimensionnelle d’antagonistes. Cependant, la série reste agréable à voir grâce à sa mise en scène : Albator 84 possède des combats spatiaux fantastiques et épiques avec des scènes d’actions intenses en émotions. Ce sont donc deux versions qui ont chacune leur point fort bien que la première conserve une aura culte inégalable.
Ce cycle a permis à de nombreuses personnes de retourner en enfance en (re)découvrant ses créations. Pour finir sur une touche personnelle, j’ai, par ce cycle, découvert le film Galaxy Express 999 et apprécié le personnage de Testurô qui découvrait, comme moi, l’immensité de la galaxie. Son voyage m’a transporté au sein d’univers parfois sombres et difficiles mais qui m’ont permis de m’attacher à ce film. Enfin, le fait d’avoir retrouver le personnage d’Albator m’a beaucoup touchée et amenée directement en enfance lorsque mon père me faisait regarder les épisodes de la série 84.
L’auteur Leiji Matsumoto arrive à étendre son influence sur plusieurs générations grâce à des thèmes récurrents qui peuvent intéresser toutes les générations des cinquantenaires des années 70 aux enfants des années 2010. Les thèmes de la guerre, des machines, des pirates de l’espace ont influencé des nombreux artistes et certains animés, de Mobile Suit Gundam à One Piece. En plus de ses thèmes intergénérationnelles, Leiji Matsumoto inclut à l’intérieur de ses œuvres des personnages complets qui nous transmettent des valeurs morales et psychologiques nous permettant d’évoluer avec eux. Une rétrospective hommage à la fois sincère et riche pour commémorer le premier anniversaire du décès de ce grand mangaka.
Et vous êtes-vous un grand admirateur de son travail ? Quelle est votre œuvre préférée de Leiji Mastumoto ?