La Confrontation Glaciale : la guerre méconnue du Japon en Alaska pendant la Seconde Guerre mondiale

Dans les annales de l’histoire militaire de la Seconde Guerre mondiale, il existe un chapitre souvent oublié : la campagne japonaise en Alaska. Dans cette région éloignée et hostile, les forces japonaises ont mené une série d’attaques contre les Américains, cherchant à étendre leur sphère d’influence dans le Pacifique nord. Cette confrontation entre les forces impériales japonaises et les défenseurs américains dans les conditions extrêmes de l’Arctique a laissé une empreinte indélébile sur l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Journal du Japon vous propose de plonger dans cette histoire méconnue, afin dencore mieux comprendre le conflit mondial.

Les îles Aléoutiennes

Située dans l’océan Pacifique, les îles Aléoutiennes composent un archipel s’étirant sur environ 1 900 kilomètres depuis la pointe sud-ouest de l’Alaska jusqu’à la péninsule du Kamtchatka en Russie. Cet ensemble compte plus de 300 îles, dont une soixantaine sont habitées. Peu faciles d’accès, celles-ci sont isolées, avec un climat rigoureux aux vents violents. Les paysages sont principalement volcaniques.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les îles Aléoutiennes représentent une position stratégique entre l’Amérique du Nord et l’Asie. En effet, certaines routes maritimes et aériennes passent par cet archipel. C’est ainsi pour contrôler ces routes que le Japon s’est intéressé à cette zone. C’était sans compter sur la rudesse du climat…

Chien japonais abonnés sur l'île de Kiska. Domaine Public.
Chien japonais abonnés sur l’île de Kiska. National Museum of the U.S. Navy. Domaine Public.

Au commencement de la guerre sino-américaine

Le 7 décembre 1941, les Japonais bombardent Pearl Harbor, un port situé à Hawaï, aux États-Unis. Cet acte plonge les États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale. Les deux ennemis savaient que les îles Aléoutiennes, situées en Alaska, sont proches du Japon et constituent une zone stratégique pour le placement de troupes américaines dans le but d’attaquer l’archipel nippon. L’armée américaine avait commencé en 1940 à renforcer ses équipements et à multiplier ses hommes sur ce territoire, notamment à Anchorage, une base aérienne très importante à l’époque. En 1939, l’Alaska comprenait seulement 500 militaires, les transports étaient essentiellement composés de chiens de traîneaux, les routes étant peu existantes… En vue de la menace japonaise, il devenait urgent pour les Américains de remédier à cela.

Soldats américains sur l'île de Kiska.Domaine Public.National Museum of the U.S. Navy
Soldats américains sur l’île de Kiska.National Museum of the U.S. Navy. Domaine Public.

Le 3 juin 1942, les Japonais bombardent Dutch Harbor, un port situé sur l’île Unalaska qui abritait deux aérodromes construits à la hâte par les Américains dans le plus grand secret. La base contient également des sous-marins, qui ont pris le large quelques jours avant l’attaque et des réserves de carburant. Ce plan de bombardement est basé sur une diversion : quatre escouades de bombardiers se dirigent vers Midway, lorsqu’à mi-chemin deux escouades se détachent de la formation pour attaquer le port. Les Américains sont prévenus de cette attaque et même si l’attaque a fait 25 morts, les dégâts sont limités. En revanche, peu d’aviateurs japonais ont pu regagner la base. C’est à partir de ce jour que la bataille glacée commence. Les 6 et 7 juin 1942, les Japonais débarquent sur l’île de Kiska puis d’Attu pour y établir une base. Ils occupent le village de 42 habitants.

Le temps de l’occupation

Cette première invasion est une diversion de la part des Japonais, pour engager les Américains à les chasser pendant que l’armée impériale s’occuperait à attaquer des zones plus importantes. En effet, le ravitaillement sur ces deux îles pour les soldats japonais est difficile. Cependant, les Américains décident le 11 juin 1942 d’envoyer plusieurs avions et bombardiers sur l’île de Kiska. La routine mortelle s’installe.

Tunnel creusé par l'armée japonaise. Domaine public. National Museum of the U.S. Navy
Tunnel creusé par l’armée japonaise. National Museum of the U.S. Navy.Domaine public.

Entre les bombardements, les Japonais instaurent une routine et travaillent à renforcer les fortifications. Ils construisent des tunnels, des baraquements semi-enterrés dont le toit est camouflé. La plupart des soldats japonais venant de l’île d’Hokkaido sont habitués au froid et possèdent des équipements adaptés au climat, comme les manteaux ou les bottes qui adhérent à la neige.

Avions américains survolant l'ile de Kiska. Domaine Public.
Avions américains survolant l’ile de Kiska. National Museum of the U.S. Navy. Domaine Public.

Ils côtoient la civilisation d’Attu qui leur apprennent comment survivre sur ces terres hostiles. Certains Japonais déclareront même qu’ « ils nous ressemblent tellement physiquement, seul le langage n’est pas le même, mais les gestes suffisent ». Malgré cette complicité, le 14 septembre 1942, les peuples d’Attu et de Kiska, soit 42 personnes sont renvoyées avec leurs affaires vers Hokkaido, au Japon. Ils y resteront prisonniers jusqu’à la fin de la guerre en septembre 1945. 24 d’entre eux périront de maladie au Japon, malgré des traitements beaucoup plus favorables par rapport aux autres prisonniers de guerre. Durant un an, les Américains tentent de déloger les Japonais de l’Alaska, les Japonais se maintenant.

L’offensive des Américains

Entre 1942 et 1943, les Américains construisent de nouvelles bases sur les îles Aléoutiennes, se rapprochant de plus en plus de Kiska et d’Attu. Les premières bases sont celles de d’Adak et Amchitka, des points stratégiques qui leur permettent de bombarder plus fréquemment les Japonais. En 1943, le plan d’envahir les deux îles d’Attu et de Kiska se précise. Kiska devait être la première visée mais 6 000 soldats japonais étaient établis sur place contre 600 (en réalité ils étaient entre 2300 et 2600) sur l’île d’Attu. Les Américains ne disposaient que de peu de bateaux et décidèrent de commencer l’invasion par l’île d’Attu.

Atterrissage à Amchitka, base américaine dans les îles Aléoutiennes. Domaine Public.
Atterrissage à Amchitka, base américaine dans les îles Aléoutiennes. National Museum of the U.S. Navy. Domaine Public.

Les soldats américains s’entraînent alors en Californie, où les conditions climatiques n’ont rien à voir avec celles d’Attu. Le gouvernement ne donne même pas d’équipements adaptés aux soldats, jugeant que ce ne sera l’affaire que de trois jours pour récupérer le territoire. Le plan est le suivant : 29 bateaux amarreront à Cold Bay, puis les hommes déferleront sur l’île en attaquant les Japonais par le nord et l’ouest. Une unité bloquera leur fuite vers le sud. Les forces américaines ont pour but de pousser les Japonais vers le port de Chichagof où ils seront ensuite pris au piège.

La bataille finale d’Alaska

En mai 1943, 17 000 soldats américains déferlent sur les troupes japonaises sur l’île d’Attu.

Plan de bataille sur l'île d'Attu.
Plan de bataille sur l’île d’Attu.

Le plan initial fonctionne, mais au lieu des trois jours prévus, il met trois semaines à se réaliser. Le climat impacte toute l’opération. Les soldats venus de Californie ne maîtrisent pas cette météo capricieuse et surtout le brouillard dense. Les forces aériennes ne sont d’aucun secours et les Japonais connaissent le terrain depuis presque un an, ils tirent à travers le brouillard. L’arrivée des vivres et munitions est perturbée par le terrain montagneux et le manque de route sur l’île.

Des câbles élévateurs sont mis en place pour faire monter les munitions en haut des montagnes. Les hommes marchent des kilomètres pour acheminer les armes. Une chaîne humaine est même mise en place pour se faire passer les boîtes. Il existe peu d’endroits pour atterrir. En plus du brouillard, la neige recouvre les sommets augmentant la lenteur des troupes américaines non équipées pour l’hiver. Les engelures sont nombreuses, les hommes souffrent du froid. De plus, les Japonais soupçonnant une attaque imminente sont équipés avec une quantité suffisante d’artillerie.

Troupe américaine avançant dans la neige.
Troupe américaine avançant dans la neige. Domaine Public.

Durant trois semaines, 549 Américains meurent. Malgré les difficultés rencontrées, la victoire est cependant écrasante et seulement 28 Japonais survivent.

Nebu TATSUGICHI, un médecin japonais envoyé sur l’île écrira dans son journal personnel :
« Bataille. Aujourd’hui à 20h, nous nous sommes assemblés devant le quartier général. L’hôpital militaire est aussi mobilisé. Le dernier assaut est sur le point d’être mené. Tous les patients dans l’hôpital sont prêts à commettre un suicide. J’ai seulement 33 ans et je vais mourir ici, je n’ai aucun regret. Gloire à l’empereur ! Je suis reconnaissant d’avoir atteint la paix dans mon esprit avec le Christ au dessus de moi. À 18h, j’ai pris le soin de fournir des grenades aux patients. Au revoir Taeko, ma femme dévouée qui m’a aimé jusqu’à ma fin. Jusqu’à ce qu’on se retrouve, je te souhaite bonne chance, Misako, qui vient juste d’avoir 4 ans, et qui va grandir sans entraves. Le nombre de participants à cette attaque est d’un peu plus de 1000 personnes pour prendre les positions ennemies. Il semble que l’ennemi s’attend à une attaque totale demain. »

Après la bataille, il est retrouvé sur le sol de l’hôpital entouré de patients allongés morts dans leur lit, d’une overdose de morphine.

Le 13 août 1943, les troupes américaines et canadiennes débarquent sur l’île de Kiska, après trois semaines de bombardements. Cependant, les Japonais ont pris la fuite sous l’épais brouillard, l’île est abandonnée.

Après la guerre 

28 Japonais furent constitués prisonniers. Environ 2 300 compatriotes ont perdu la vie sur l’île. Deux cimetières ont été établis sur l’île pendant la guerre. Les corps ont été déterrés par la suite et renvoyés chez eux. Il existe un mémorial à côté d’Anchorage où se trouve les cendres de soldats japonais : le Ford Richardson National Cimetery. Le peuple de l’île d’Attu qui a pu survivre est retourné vivre en Alaska, sur l’île d’Atka.

À voir 

Alaska Aviation Heritage Museum-Anchorage-Alaska

Située à Anchorage aux États-Unis, ce musée propose de nombreuses maquettes d’avion et retrace l’histoire de la guerre oubliée des îles Aléoutiennes.

Les îles Attu et Kiska 

De nombreux vestiges de la seconde guerre mondiale sont toujours visibles sur ces deux îles. Accès uniquement en été.

La campagne japonaise en Alaska pendant la Seconde Guerre mondiale, bien que souvent méconnue, a été un chapitre crucial de l’histoire militaire de cette période. À travers les îles Aléoutiennes, les forces japonaises ont cherché à étendre leur emprise dans le Pacifique nord, mettant ainsi en jeu des intérêts stratégiques vitaux pour les États-Unis.

La guerre en Alaska a laissé un héritage, non seulement en termes de stratégie militaire, mais aussi en termes de mémoire et de reconnaissance pour les soldats qui ont combattu dans ces conditions extrêmes. Pour en savoir plus sur l’événement qui a propulsé les États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale, retrouvez notre article sur Pearl Harbor :

Madeline Chollet

@mad_ctravel

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