Blue Giant : un animé qui célèbre et fait aimer le jazz !
Adapté du manga Blue Giant de Shinichi ISHIZUKA, le film d’animation réalisé par Yuzuru TACHIKAWA est un enchantement et pas seulement à destination des amateurs de jazz. Il réussit à exprimer en images toute l’intensité de la musique jazz et à transmettre des émotions fortes par la virtuosité du dessin en mouvement, de la couleur et de la musique.
Un jeune homme veut devenir le plus grand saxophoniste au monde !
Dai, un jeune homme de Sendai, ville située au nord de l’archipel, se prend de passion pour le jazz. On ne sait pas trop pourquoi et peu importe. Le film nous plonge directement dans sa pratique. Il répète tous les jours, dehors au bord d’une rivière, les pieds dans la neige. Sa vie est métamorphosée par cette pratique : il décide de quitter sa ville natale pour tenter sa chance à Tokyo avec l’aide de son ami Shunji qui vit sa vie d’étudiant et loue un petit studio dans la capitale. Dans la ville immense, il se trouve tout de suite un nouveau lieu de répétition… au bord d’une rivière !
Dai va ensuite rencontrer une tenancière de bar passionnée comme lui par le jazz et un talentueux pianiste Yukinori, aussi jeune que lui, ils ont tout juste dix-huit ans. Ils vont décider de monter un groupe. Accompagné de Shunji qui débute à la batterie, ils forment le trio JASS. Saxo, piano et batterie : le trio gagnant !
Pourquoi tu aimes le jazz ?
Dai aime le jazz parce que c’est la meilleure musique pour exprimer ses émotions ! C’est la réponse qu’il donne à chaque fois que la question lui est posée. Dans son roman Sur la route (paru en 1957), tapé au kilomètre d’un seul jet, sur un rouleau qui s’étire comme un grand solo de saxophone, le grand auteur américain Jack Kerouac fait défiler une galerie de personnages « beat » et chante son amour pour le jazz. Il décrit notamment cet instant très particulier qui a lieu dans chaque bon concert de jazz où les musiciens atteignent un moment d’harmonie dans leur improvisation et où les spectateurs sont saisis d’une forme de transe : le « it » ; pas le « ça » de l’inconscient du bon docteur Freud, mais la pleine conscience, la conscience éveillée de l’amateur de bonne musique !
Le manga et l’animé réussissent 60 ans plus tard et dans un autre contexte culturel à véhiculer ce même amour pour une musique considérée souvent à tort comme exigeante ou réservée à des spécialistes. Alors qu’en vérité le jazz, c’est fait pour vibrer, pour danser, pour hurler de joie.
Du manga au film d’animation
Manga à succès avec onze millions d’exemplaires vendus, Blue Giant est d’abord paru au Japon en 2013 chez Shôgakukan. Il a ensuite été adapté et traduit en français par Anne-Sophie Thévenon chez Glénat, en 10 tomes à partir de 2018. Au Japon, le manga a eu un impact sur les jeunes et a remis le jazz au goût du jour chez une partie d’entre eux.
Comparé au manga, le film est plus simple dans sa narration, plus concis. Il se concentre sur la rencontre du trio d’amis et de musiciens ; leurs répétitions et leurs premiers concerts. 18 mois intenses de vie traités comme un reportage télé sur ce phénomène, ces jeunes qui renouvellent une musique que tous croyaient endormie.
Le style de dessin manga, qui retranscrit à merveille le mouvement dans les shônen d’aventure et d’action, fonctionne aussi très bien pour les mouvements des musiciens de jazz. Ajoutez à cela la dynamique propre à l’animation, ainsi que la musique, et vous obtenez dans ce film, une combinaison parfaite qui vous plonge dans un concert comme si vous y étiez. Et assis aux meilleures places. À voir absolument sur grand écran !
Une bande originale géniale !
Si l’on dit du manga Blue Giant que c’est un « manga dont on peut entendre le son », la grande force de l’animé repose sur ses couleurs, sa dynamique et surtout son exceptionnelle bande-son. La musique du long-métrage Blue Giant a été composée par la pianiste et compositrice japonaise Hiromi UEHARA, née en 1979. C’est elle, aussi, qui joue du piano lorsque le personnage de Yukinori pratique sur le sien. Hiromi est une vraie star du jazz au Japon, reconnue pour ses compositions et la fougue dont elle fait montre lors de ses concerts. Acclamée pour sa virtuosité et son énergie, elle place l’improvisation au centre de sa musique. Cette caractéristique la rapproche du héros de l’animé, Dai. Elle a déclaré :
« En fait, je suis inspirée par tous ceux qui ont une grande, grande énergie. Ils me touchent vraiment directement au cœur. »
Ils n’ont pas participé au film, mais pour tous les lecteurs qui voudraient en savoir plus sur les principaux musiciens de jazz japonais, voici quelques autres noms notables : Toshiko AKIYOSHI, pianiste, compositrice et cheffe d’orchestre, Sadao WATANABE, saxophoniste alto renommé, Terumasa HINO, trompettiste, ou encore Ryo FUKUI, pianiste prolifique.
Une histoire d’amour au long cours entre le jazz et le Japon
La note bleue, cette sonorité typique du jazz, qui crée un léger tremblement dans la musique ou dans la voix, est peut-être partie d’Afrique, a voyagé jusqu’aux Amériques, a engendré le blues, puis le jazz… Cette note bleue s’est aussi très bien développée au Japon. Les Japonais ont commencé à écouter du jazz dès les années 1920. Avec le développement de l’industrie du disque, les enregistrements de jazz ont commencé à être importés au Japon. Certains musiciens de jazz étrangers ont également visité le Japon pour des tournées, exposant ainsi le public japonais à cette forme de musique. Au fil du temps, le jazz est devenu de plus en plus populaire au Japon. Des villes comme Tokyo et Osaka sont particulièrement reconnues pour leurs scènes jazz animées.
Le Blue Note Tokyo, situé dans l’arrondissement de Minato, est un club de jazz affilié au célèbre label Blue Note Records. Il accueille régulièrement des artistes de renommée internationale ainsi que des musiciens locaux. Le Cotton Club est un autre club emblématique de Tokyo, réputé pour son ambiance élégante et ses performances de haute qualité. On peut aussi citer Body & Soul à Shibuya ou encore le Pit Inn à Shinjuku. Dans l’animé au fil de leurs premiers concerts, les trois jeunes de Blue Giant vont se rapprocher de leur but : se produire au So Blue, le club de jazz le plus célèbre du Japon. Ce club n’existe pas dans la réalité mais il s’inspire bien sûr du Blue note et des autres clubs tokyoïte. Bleu, bleu, bleu, le monde est bleu.
Le manga et le film d’animation ravivent l’intérêt pour la musique jazz au Japon et il faut espérer que cela soit de même en France. Que vous soyez déjà amateur de cette musique ou pas du tout, n’hésitez pas : le plaisir est garanti et la salle de cinéma est certainement moins intimidante qu’une salle de concert ou qu’un club de jazz pour une première expérience !
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