Shokuhin Sampuru : des assiettes gourmandes plus vraies que nature !
Il n’est pas rare de voir derrière les vitrines de restaurants Japon des bols garnis de nouilles. Ou des coupes débordant de crèmes. Ces plats très réalistes sont en réalité des reproductions. Leur mission ? Faire saliver et attirer les curieux. Ils permettent aux futurs clients, même s’ils ne parlent pas japonais, de comprendre ce qui les attend dans leurs assiettes. Les prix étant très souvent indiqués sous les contenants. Il devient possible pour tout touriste de commander son plat préféré simplement en montrant au serveur la photo qu’il en a prit. Penchons-nous sur la méthode de fabrication des sampuru et sur leur popularité dépassant l’usage premier !
Des vitrines japonaises aux foyers internationaux
Les Shokuhin Sampuru 食品サンプル existent depuis 1920, donc avant la popularisation des appareils photos et des menus détaillés que nous connaissons aujourd’hui. Le terme est dérivé du mot anglais « sample » , qui se traduit par « échantillon », et s’appelle parfois directement « food sample ». Le premier sampuru commercialisé est l’omurice de Iwasaki-bei en 1932 à Osaka. Takizo IWASAKI, son fondateur, avait exploité les propriétés intéressantes de la cire : une fois chauffée elle est malléable, une fois refroidie elle devient robuste. Son entreprise est aujourd’hui le leader dans le domaine des répliques alimentaires.
Depuis les années 70, presque tous les sampuru sont en plastique pour palier aux défauts de la cire (les couleurs ternissent avec le temps et la chaleur peut les déformer). Encore aujourd’hui ils sont fabriqués, ou au moins assemblés, à la main dans des usines ou dans des petits ateliers. Pour chaque demande, les clients envoient des photos et des recettes détaillées pour que la réplique ressemble exactement à ce qu’ils servent. Par leur coût élevé (une reproduction de tasse commence à 20€) et l’espace qu’ils occupent, les sampuru sont achetés sur du long terme, les restaurateurs qui s’en procurent changent peu leur carte tout le long de l’année. Ou ils exposent seulement leurs plats phares. Face aux commandes japonaises peu nombreuses et à la concurrence, les entreprises de sampuru s’intéressent aux marchés internationaux et rivalisent d’inventivité pour s’adapter à leurs spécialités culinaires.
L’objectif est de reproduire visuellement la coloration, la texture et la brillance de chaque ingrédient. Certains artisans exploitant des techniques proches de celles de la préparation des vrais aliments. Les reproductions ne se limitent pas aux ramens et aux tempuras. Desserts, boissons, glaces, snacks et poissons emplissent eux-aussi les cataloguent pour répondre aux demandes variées. Les sampuru permettaient aussi aux japonais de découvrir les menus de restaurants exotiques. Leur permettant d’avoir une ouverture sur les diversités culinaire tandis que leur pays s’ouvrait sur le monde. Désormais les pizzas, burgers et crèmes glacées ont eux-aussi droits à leurs propres répliques sophistiquées.
Les entreprises se sont adaptées aux demandes des touristes, souhaitant ramener des souvenirs insolites chez eux, et aux restaurateurs avec peu de budget. Elles proposent des produits standardisés, des versions miniatures, des détournements en porte-clefs… Si vous souhaitez approcher, voir acheter, ces reproductions délicieuses vous pourrez trouver votre bonheur à Asakusa. Dans ce quartier de Tokyo, la rue Kappabashi est réputée pour ses commerces spécialisés dans la cuisine. En plus des sampuru, vous pouvez vous y procurer des ustensiles de cuisine de très bonne qualité (notamment des couteaux). Si vous souhaitez créer votre propre bol de ramen ou votre coupe de glace maison, il est possible d’assister à des ateliers ou d’acheter des kits à monter soi-même.
Vivre l’expérience visuelle hors des sentiers battus
Bien que les sampuru soient des spécialités de Tokyo, vous pouvez aussi trouver des boutiques et des ateliers dans la préfecture de Gifu. Plus précisément dans la ville de Gujo Hachiman, qui en fait sa spécialité. Mr.Iwasaki y étant originaire. Vous pourrez y voir à l’œuvre les artisans du Sample Village Iwasaki. Ou participer à une initiation au Shokuhin Sample Kombo. En sachant que plus de la moitié des faux plats proviennent de cette ville ! Bien que les visites touristiques se concentrent sur l’histoire et la création des food sample, le « Petit Tokyo » a d’autres charmes. Tels que son architectures anciennes, son atmosphère montagnarde et son festival estival de danse Gujo Odori.
Les créateurs de Food Sample sont reconnus comme des artistes à part entière. Leurs assiettes deviennent des œuvres d’art. Ils n’hésitent pas à créer des mises en scène : tasse renversée, nouilles pincées avec des baguettes, légumes tranchés… Ou à détourner la réalité. On n’hésite pas à faire intervenir des artistes inspirés par ces œuvres et justifiant leur présence dans les galeries d’art. Ou à solliciter le PDG de Iwasaki Mogei lors de l’exposition américaine The art of ramen bowl (2022) . On remarquera que dans cette dernière, la place des sampuru égale celle des céramistes et des cuisiniers. Cette exposition n’était pas seulement l’occasion de mettre en valeur ce plat emblématique du Japon. Un article des organisateurs, l’équipe de Japan House, étant justement consacré à ces faux plats plus vrais que nature. Les reproductions permettant de se rapprocher au plus prêt de la réalité des consommateurs. Mais les faux-plats ne volent pas la vedette au reste de la collection. Elles complètent les explications et les documents d’archives. Ce qui en fait plus qu’un outil d’expression artistique : un vecteur d’histoire et de culture au sein des musées.
Un commerce qui soulève des indignations
Si les sampuru peuvent aujourd’hui reproduire n’importe quel aliment (liquide ou solide) , c’est grâce à l’usage du PVC. Créer à partir de chlorure de vinyle, un gaz très toxique, il offre une souplesse incroyable. Mais aussi la transparence recherchée pour les bouillons ou sodas. Employés dans des moules en silicone et peint avec expertise à la main, le rendu final du plastique est saisissant ! Cependant, même si il n’est plus dangereux une fois solidifié, les étapes de créations du PVC mettent en danger la santé des employés concernés. Surtout si ces derniers ne sont pas équipés ni renseignés efficacement pour manipuler cette matière en toute sécurité. L’effet secondaire le plus souvent dénoncé étant le développement d’un cancer du foie. Sachant que le PVC contient du pétrole, cette autre matière est très problématique quant à ses propriétés nocives pour la santé comme pour l’environnement.
Des articles dénoncent ces entreprises car produisant des déchets non-recyclables. Le gaz pouvant impacter durablement les espaces environnant les usines (eaux, terres, foyers…) sans être forcément détecté. Le marché étant fortement concurrentiel, les entreprises évitent de diffuser les ingrédients de leurs composants plastiques et de leurs peintures. Même chose quant aux conditions de stockage et de manipulation. Les règlementations ne sont pas aussi avancées qu’en France, qui contrôle sa composition et limite progressivement son exposition depuis les années 70.
La manipulation du PVC brut ne met pas en danger les personnes entrant en contact avec cette matière. C’est le choix de leur consommation (ateliers, achats, visites guidées) qui encourage ou non leur production. Et ainsi leur répercussion sur la population et l’environnement japonais. Pour préserver les pratiques traditionnelles et encourager l’exploitation d’une matière moins dangereuse, il est possible de s’intéresser aux petits ateliers locaux exploitant encore la cire. Le tourisme vient ainsi impacter les commerces locaux en encourageant ou non leurs méthodes de fabrications. Ce qui peut influencer à long terme le développement des prochains modèles de shokuhin sampuru.
Connaissiez-vous l’existence des sampuru ? Avez-vous désormais envie d’en remplir votre cuisine ou votre trousseau de clef ? Préférez-vous le modèle en cire traditionnel ou le modèle en plastique réaliste ? Partagez votre ressenti en commentaire !