Ma sœur est morte à Chicago : la vie des nippo-américains pendant la Seconde Guerre mondiale
Édité pour la première fois en 2022 en format broché, les éditions 10/18 publient cette année la version poche de Ma sœur est morte à Chicago écrit par Naomi HIRAHARA et traduit en français par Pascale Haas. C’est l’occasion pour Journal du Japon de redécouvrir ce polar.
Ma sœur est morte à Chicago
Aki est une nisei, une Nippo-américaine de deuxième génération. Ses parents sont des issei, « première génération », des Japonais qui ont émigré en Amérique. Bien qu’elle soit née aux États-Unis, elle reste une étrangère aux yeux des occidentaux. Si sa famille et elle jouissaient d’une vie plutôt tranquille en Californie, tout s’arrêtera soudainement après la terrible attaque de Pearl Harbor en 1941. L’attaque « surprise » de l’armée impériale japonaise sur la célèbre plage d’Hawaï marqua un tournant dans la Seconde Guerre mondiale et le gouvernement américain ne lésina pas sur les moyens de vengeance. Tous les Japonais et les Américains d’origine japonaise se retrouvèrent ainsi traités comme du bétail, enfermés dans des camps d’internement. Aki et sa famille dirent alors adieu à leur vie à Tropico pour rejoindre le camp de Manzanar.
Très attachée à sa grande sœur Rose, Aki doit accepter leur séparation lorsque cette première parvient à quitter le camp de Manzanar en septembre 1943, laissant Aki et ses parents derrière elle. Vive et déterminée, Rose présente une force de caractère que sa petite sœur lui a toujours admirée. Aki voit en elle une femme différente, qui ne se laisse pas marcher dessus, contrairement à elle qui ne parvient pas à se faire respecter. Lorsque, à son tour, la famille Ito parvient à quitter Manzanar pour rejoindre Rose à Chicago, c’est un drame qu’aucun membre de la famille n’avait un jour imaginé qui se présente à eux : Rose s’est suicidée, la veille de leur arrivée.
La nouvelle est difficile à encaisser pour tous les membres de la famille. Mais ils doivent vite se faire une place à Chicago et trouver du travail. Les parents Ito ravalent alors leur chagrin pour tenir le foyer, tandis qu’Aki ne parvient pas à accepter le décès de sa sœur. Ou, plutôt, ne parvient pas à accepter la thèse du suicide avancée par les forces de l’ordre. La Rose qu’elle connait n’aurait jamais fait ça, et encore moins la vieille de leurs retrouvailles. Déterminée à retrouver l’assassin de sa sœur, Aki se lance alors en quête d’indice dans une aventure qui l’amène à se découvrir elle-même…
La vie des nippo-américains pendant la Seconde Guerre mondiale
Plus qu’un polar, Ma sœur est morte à Chicago est avant tout le témoignage d’une nisei, une Américaine née de parents japonais émigrés, en pleine Seconde Guerre mondiale. Si le décès de Rose est le fil conducteur du roman, l’autrice s’attarde plus à décrire les sentiments et les embûches qu’Aki doit surmonter dans cette quête de vérité, que de réellement faire avancer l’enquête. Cette dernière prend alors son temps, tout comme Aki commence tout doucement à se questionner sur sa vie et son deuil. Doit-elle vraiment aller jusqu’au bout ?
Le lecteur suit l’évolution d’Aki qui passe d’un petite fille admirative de sa grande sœur, seule source de fierté dans sa vie, à celle d’une jeune femme qui met tout en œuvre pour arriver à ses fins. Et le tout dans un contexte géopolitique qui lui est défavorable. Au-delà alors de suivre les aventures d’une jeune nisei en quête de réponses et de s’aventurer dans un polar qui nous envoie dans le Chicago des années 40, Ma sœur est morte à Chicago nous plonge surtout dans le quotidien des Nippo-américains suite à l’attaque de Pearl Harbor : racisme, injustice, hostilité… C’est ici le portrait de la communauté nippo-américaine des années 40 que l’autrice, Naomi Hirahara, nous livre, à travers la jeune Aki qui doit apprendre à s’affirmer dans un pays qui la rejette à cause de ses origines.
Peu représentée, cette période de l’histoire américaine n’est pas des plus connues. Les camps américains ne sont pas ceux que l’on retient de la Seconde Guerre mondiale : pourtant ils ont bien existé. Celui de Manzanar est l’un des plus connus. Si la vie était dure à l’intérieur des camps, l’extérieur n’était pas non plus des plus joyeux pour les Japonais et leurs descendants américains. Naomi Hirahara aborde de nombreux sujets dans son roman, tel que l’avortement aux États-Unis, la corruption dans la police, et bien entendu la place des Nippo-américains dans cette société. Livre plus historique que policier, Ma sœur est morte à Chicago vous plonge en plein cœur des États-Unis des années 1940.
Belle découverte littéraire, il plaira à tous ceux qui s’intéressent à l’histoire du peuple japonais et qui souhaitent en connaître d’avantage sur cette sombre période de l’histoire des États-Unis. Pour vous procurer Ma sœur est morte à Chicago, rendez-vous sur le site Lisez!.