Naruto : Les Arcanes de Konoha par Pauline Croquet

Grand incontournable de la pop culture japonaise, Naruto est l’un des mangas les plus populaires. Inutile de vous le présenter : même les non initiés connaissent le nom du plus célèbre des ninjas. Pour autant, on peut s’étonner du peu d’ouvrages français autour de ce classique. Si les romans, les fan-fictions et toutes sortes d’écrits fantastiques ne manquent pas, les analyses de l’œuvre, de sa création et de ses références se font plus rares.

Après les ouvrages Détective Conan : une affaire de styles et Naoki Urasawa : l’ambassadeur du manga, les éditions Pix’n Love sont revenus en force à la fin de l’année dernière en s’attaquant au plus célèbre des ninja, Naruto, avec l’ouvrage Naruto – Les Arcanes de Konoha ! L’occasion pour Journal du Japon de rencontrer son autrice, Pauline Croquet.

© DRLM

Journal du Japon : Bonjour Pauline et merci d’avoir accepté cette rencontre ! Pour commencer, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Pauline Croquet : Bonjour et merci également. Je suis journaliste au quotidien Le Monde depuis 2014 où je suis spécialiste des cultures web et des communautés en ligne. Étant lectrice assidue de mangas et le manga étant une composante importante de la culture Internet (mais aussi désormais de la culture populaire française), lorsque j’ai intégré la rédaction, on m’a proposé de chroniquer la BD japonaise pour le journal. Ce qui m’amène à vous aujourd’hui.

Comment décririez-vous votre relation avec le Japon ?

Elle est très classique – banale même je dirais – pour une amatrice française de pop culture japonaise. Ma découverte du Japon s’est faite enfant par les animés et les mangas mais aussi certains arts martiaux que j’ai pu pratiquer. Et puis, elle a fini par s’élargir aux sujets de société et à l’histoire du pays, à la mode et aux arts japonais. Contrairement à certains spécialistes du manga qui ont une connaissance pointue de la langue et de l’Archipel, mon affection pour ce pays n’est pas exclusive pour autant. Je me passionne aussi énormément pour la culture d’Amérique centrale par exemple.

Quelle est votre histoire avec Naruto ?

Naruto Les Arcanes de Konoha

Je ne suis pas de la génération qui a grandi enfant avec Naruto. Je l’ai découvert plus tard quand j’étais étudiante à la fac mais, face au nombre de volumes et à mes maigres économies, j’étais plutôt tournée vers des séries courtes et des one shots que l’on trouve plus volontiers en seinen et shôjo. Toutefois, j’ai suivi plus ou moins sporadiquement la série à la télé, en médiathèque ou assise dans les rayons de librairies. J’avais été marquée par le démarrage et le dynamisme de l’histoire, mais aussi le côté attachant de Naruto. Je croisais aussi énormément Naruto dans les discussions sur les forums en ligne dédiés au manga au début des années 2000 et donc de fait, ce personnage a toujours rodé dans mes parages.

Quels sont les moments qui vous ont le plus marqué dans l’histoire du ninja de Konoha ?

Il y en a beaucoup, mais ceux qui me reviennent instinctivement sont plusieurs séquences de combat : celui de Neji et Naruto, celui aussi entre le Troisième Hokage et Orochimaru, l’affrontement entre Gaara et Rock Lee mais aussi celui de Sakura et la vieille Chiyo contre Sasori. Ce n’est pas tant la teneur des combats, pourtant formidables, entre les protagonistes que je retiens mais surtout les dialogues à cette occasion et le fait que ces séquences servent à comprendre véritablement l’état d’esprit et l’étoffe des personnages qui partent perdants sur ces batailles. Outre les duels, comment ne pas se rappeler du dénouement poignant entre Itachi et Sasuke mais aussi de la discussion entre Tsunade et Jiraya à propos de Naruto qu’il avoue considérer comme son petit-fils, avant son trépas.

Naruto : les Arcanes de Konoha n’est pas votre premier ouvrage, n’est-ce pas ?

En effet, chez le même éditeur Pix n’Love, j’ai écrit en 2020 un ouvrage sur Rumiko TAKAHASHI (Ranma ½, Maison Ikkoku, Inu-Yasha…) qui est passé un peu plus inaperçu en raison des confinements et de la pandémie. J’avais envie d’écrire sur cette mangaka star dans son pays et qui, pour moi, il est absolument impératif de connaître pour comprendre notamment comment l’animation puis le manga ont gagné le cœur des Européens et des Américains. C’est une autrice majeure de la bande dessinée mondiale qui a eu une influence sur de nombreux auteurs de BD et lecteurs.

Pourquoi avoir choisi d’écrire sur Naruto ?

Quand je suis devenue journaliste, au-delà de ses qualités narratives, c’est Naruto comme phénomène littéraire et de société qui m’ont fascinée. J’avais envie de percer à jour ce fait et aussi soulever le capot de cette saga. La relecture de la série – qui était sur le point de s’achever – avec un regard plus mature et aguerri m’a aussi confirmé ses qualités mais m’a également fait prendre conscience de certaines faiblesses ou défauts sur lesquels je n’avais pas forcément mis le doigt avant. Le fruit de ma curiosité et de mes recherches m’a conduit à écrire mon livre, en me disant qu’une partie de mes découvertes et de mon cheminement à propos de Naruto pourrait intéresser les lecteurs. 

Pourquoi ce titre, Les arcanes de Konoha ?

Il fait à la fois référence aux noms des invocations surnaturelles de la série mais aussi parce qu’arcanes renvoyant aux mystères et aux secrets, le terme me paraissait approprié pour une série à la fois très connue mais qui recèle énormément de références, d’influences que l’on a pas toujours en tête. Enfin, la référence à Konoha me paraissait importante parce que je ne souhaitais pas d’un livre centré sur le seul héros mais bien tout le village, tout le monde qui a forgé ce personnage.

L’histoire du ninja dans la représentation japonaise tient une place très importante dans votre ouvrage, forcément. Étiez-vous initialement familière avec ce sujet, ou l’avez-vous découvert en même temps que vous écriviez ?

Absolument pas ! Comme pour la majorité des Occidentaux, les ninjas étaient pendant longtemps pour moi des personnages en kimono noir et cagoulés qui courent sur les toits, des personnages d’arrière-plan de films très clichés et plus ou moins réussis. J’ai véritablement fait œuvre de naïveté dans mes recherches, et suis partie du principe que cela pouvait être le cas de nombreux lecteurs francophones.

Votre ouvrage est particulièrement riche en références historiques et culturelles. Comment s’est déroulée son écriture ? Quelle charge de travail un tel ouvrage représente-t-il ?

Cela s’est fait en plusieurs étapes après être convenus de cet ouvrage au premier trimestre 2022 avec mon éditeur. J’ai ensuite avancé thème par thème dans mes recherches en listant au préalable les sujets qui me paraissaient encore obscurs en relisant Naruto et toutes les questions que je me posais encore. Et puis, au fur et à mesure, plein de sous-thèmes que je n’avais pas prévus se sont révélés. C’est une période d’enquête – et de quête même – qui a duré environ un an. Je travaillais dessus sur mon temps libre, à côté de mon travail de journaliste à temps plein au Monde. En parallèle, j’ai recherché des interlocuteurs sur ces différents thèmes et mené de nombreux entretiens pour varier les points de vue. Je n’avais pas envie que ce livre ne soit le fruit de ma seule analyse personnelle, Naruto étant un bien culturel universel.

Enfin, la phase de rédaction et correction en tant que telle a duré 6 mois, toujours pareil à la marge de mon travail à temps plein de journaliste. J’ai donc cohabité avec Naruto les nuits et les week-ends jusqu’à temps que le résultat final soit cohérent à la fois pour des lecteurs qui connaisse la série sur le bout de doigts et ceux qui la suivent avec plus de distance mais s’intéressent au manga.

Le chapitre 8 revient sur le succès mondial de Naruto, et plus précisément sur son accueil en France et ses ventes exceptionnelles toujours d’actualité. Selon vous, qu’est-ce qui fait que Naruto ait trouvé un public si présent en France ?

Naruto nous a toujours paru très original, exotique même. Les thèmes et références très classiques pour les lecteurs japonais ne l’étaient pas du tout pour nous. Naruto est aussi une série qui à la capacité de séduire à la fois un jeune public et un lectorat plus mature grâce à ses nombreux personnages richement travaillés et le fait qu’on grandisse avec le personnage. Le fait également que la série n’ait de prise avec aucune époque définie lui offre une certaine longévité.

Enfin, depuis qu’il a débarqué, Naruto n’a eu de cesse d’avoir de nombreux défenseurs sur Internet et les réseaux sociaux, arguant que c’est leur série préférée et l’une des meilleures qu’ils connaissent : ce qui a perpétué sa réputation dans le temps. 

Boruto - ADN

Et à l’inverse, pourquoi Boruto ne prend pas si bien?

Je ne sais pas si on peut dire aussi catégoriquement que Boruto ne prend pas bien et que la série soit moins populaire que son illustre prédécesseur. En même temps, à ma connaissance, les spin-offs et suites d’œuvres font rarement les scores de l’œuvre originale. Et les lecteurs se disent sûrement que, quitte à entrer dans l’univers Naruto, même s’ils appartiennent plus de la génération de Boruto, autant commencer par le début. Et également commencer avec le créateur de la saga, Masashi Kishimoto, qui ne signe que le scénario dans Boruto.

À la fois du point de vue de l’histoire comme celle du marché du manga, je crains fort que Boruto ne reste perpétuellement dans l’ombre de son père qui a accompli tant d’exploits. Mais laissons lui tout de même une chance !

Vous mettez en avant la passion des fans de Naruto à travers des œuvres créées à partir de l’univers du célèbre ninja, tel que l’écriture de fan-fictions. Vous présentez Naruto comme une grande source d’inspiration pour les plus imaginatifs. Avez-vous fait partie de ceux-là ?

Si je n’ai pas eu le talent ni la patience d’écrire des fan-fictions, j’en ai lu beaucoup. Cela m’a permis de découvrir certaines œuvres et personnages sous des angles différents, de valoriser voire chérir des personnages que j’avais tendance à déprécier dans la matière originale. Pour moi, une grande partie de l’expérience dans la lecture des mangas, plutôt solitaire, était la célébration et l’échange en ligne autour de séries. Cela m’a aussi donné la possibilité de comprendre en tant que lectrice que nous étions nombreuses contrairement à ce que l’on veut nous faire croire. De ce point de vue, je dirais donc qu’en effet Naruto m’a aidé à forger mon imagination mais aussi des convictions.

Encore merci pour le temps que vous nous avez accordé. Quelle est la suite des aventures pour vous ?

Merci à vous ! Pour l’heure, je n’ai pas prévu de me replonger dans la rédaction d’un ouvrage mais je vais continuer à chroniquer le manga pour Le Monde, bien sûr. J’ai aussi envie de combler mes lacunes dans certaines catégories de manga à la faveur de sorties et rééditions qui vont avoir lieu en France dans les prochains mois, notamment en matière de shôjo. A voir si cela pourra ensuite nourrir des écrits.

Pour vous procurer l’ouvrage Naruto – Les arcanes de Konoha, rendez-vous sur le site de l’editeur.

Rokusan

Roxane, passionnée depuis l'enfance par le Japon, j'aime voyager sur l'archipel et en apprendre toujours plus sur sa culture. Je tiens le blog rokusan.fr dédié aux voyages au Japon.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Verified by MonsterInsights