Robots – émergence d’une culture japonaise : rencontre avec Baptiste Caillaud
Depuis décembre, l’Espace Richaud à Versailles accueille une exposition des plus surprenantes. Dans cet ancien hôpital royal réaffecté sont alignées plusieurs centaines d’anciens jouets japonais tous plus colorés les uns que les autres. Et pas n’importe lesquels : ce sont ceux qui, à la fin des années 70 avec Goldorak en tête de navire, ont conquis les cœurs et les esprits de nombreux enfants. Journal du Japon a eu le plaisir de s’entretenir avec Baptiste Caillaud, l’heureux propriétaire d’une collection à la diversité et à la quantité ahurissante et commissaire de l’exposition Robots – émergence d’une culture japonaise.
« C’est tout ce cheminement que j’aime, et j’espère ne jamais y arriver complètement pour que cette quête reste toujours là »
Journal du Japon : Bonjour et merci d’avoir accepté cet entretien. Tout d’abord, pouvez-vous vous présenter rapidement à nos lecteurs ?
Baptiste Caillaud : Je m’appelle Baptiste Caillaud, j’ai 38 ans. Comme j’aime bien le dire : dans ma « vraie » vie, je suis acteur et professeur d’art dramatique au Cours Florent, et dans une vie un peu plus imaginaire, je collectionne depuis une vingtaine d’années les jouets japonais des années 70 à 90. Actuellement, j’ai conçu une exposition à l’Espace Richaud à Versailles : Robots – émergence d’une culture japonaise.
Dans la courte vidéo que vous avez réalisée pour l’exposition, vous revenez sur l’origine de votre collection : lors d’un vide-grenier avec votre père vous êtes tombés sur des jouets Goldorak. Votre premier contact avec l’esthétique particulière des jouets japonais s’est-il donc fait par le jouet lui-même ou bien, plus jeune, par une des nombreuses séries diffusées à la télévision ?
Je suis né en 1985 donc je suis plus jeune que la génération Goldorak. J’ai vu en revanche la fin de la série sur Récré A2, durant les dernières diffusions quand je devais avoir 7 ou 8 ans. Mais il n’y avait plus de jouets Goldorak dans les magasins car dans les années 90 les jouets en plastique avaient déjà envahi les rayons des magasins de jouets pour enfants. Il n’y avait plus beaucoup de jouets en métal qui étaient de l’ordre, déjà, du passé. Un jour, avec mon père, en faisant la brocante de Porte de Vanves, on est tombé sur un carton où il y avait un Goldorak et un Raideen (NDLR : robot protagoniste de l’anime de 1975 Yûsha Raideen dont les jouets ont été commercialisés en France bien que la série n’ait jamais été diffusée) en métal, deux jouets qui avaient été édités en France. Ils étaient évidemment abimés : il manquait les poings, mais je me souviens du moi de 7 ans qui a été émerveillé par ces objets, avec leurs couleurs très primaires et vives, et surtout le poids dans ma main. Je n’avais pas l’habitude d’avoir des jouets comme ça. Cela a été vraiment un émerveillement, une source de rêve et de fascination immédiate.
Après avec mon père, qui a certainement vu le caractère marquant que cela avait eu chez moi, on a commencé à se renseigner un petit peu sur l’histoire de ces jouets : quand est-ce qu’ils étaient sortis, combien il y en avait eu… Évidemment, on est tombé progressivement sur tout l’univers de ces jouets au Japon, parce qu’en France il y en a eu très peu comparé à là-bas où l’univers des inventeurs et l’imaginaire paraissent infinis. On a ouvert la boîte de Pandore et on est tombé sur un univers extraordinaire.
Vous avez donc commencé votre collection dès votre enfance ?
Au début, on faisait les brocantes et les foires aux jouets avec mon père. On trouvait des objets à droite, à gauche. Au fur et à mesure, j’ai commencé à vouloir les avoir en boîtes, en parfait état : autrement dit, je commençais à vouloir professionnaliser et prendre plus au sérieux ma collection. C’est à cette période que j’ai commencé aussi à ne plus dissocier le contenant du contenu qui sont pour moi un tout. Car ce n’est pas juste un jouet : c’est un jouet avec tout le packaging qui est si important pour les Japonais. Au final, on a continué là-dedans, avec mon père qui m’aidait à en acheter. On passait des nuits blanches quasiment sur Ebay pour être les derniers à enchérir sur un objet. Ainsi, progressivement, ma collection s’est enrichie. Puis j’ai rencontré des gens qui sont maintenant au Japon et qui trouvent des objets pour moi là-bas.
Aujourd’hui, combien de pièces votre collection contient-elle ?
Il y en a à peu près 300 qui sont exposées à l’Espace Richaud à Versailles. Ma collection doit compter 500 pièces environ. 500 pièces muséales, c’est-à-dire dans les boîtes et en parfait état de conservation. Ça, c’est pour les jouets de robot, après il doit avoir 300 pièces qui sont des jouets des années 70-80, type Maître de l’Univers, Les Chevaliers du Zodiaques, dans leur boîte aussi. En tout, je dois donc avoir entre 800 et 1 000 pièces à peu près.
Comment un collectionneur français peut-il parvenir à se procurer des pièces japonaises ? Qui plus est pour des pièces qui paraissent parfois très rares ?
Ce sont des pièces qui sont effectivement très rares. Comme je le dis un peu dans la vidéo de l’exposition, c’est une quête. C’est un cheminement car une collection se pense et réfléchit et on rencontre des gens. Il y a deux ans par exemple, j’ai racheté toute la collection d’un collectionneur à Paris qui avait une quarantaine de pièces très rares. Après comme je le disais, j’ai deux personnes qui sont au Japon presque la moitié de leur temps et qui cherchent là-bas des pièces pour moi. Ou bien parfois, quand ils trouvent une pièce qu’ils considèrent comme étant très intéressante, ils m’appellent et me proposent de la prendre ou non. Il faut se décider généralement assez vite car c’est un marché très vif. Il y a beaucoup de collectionneurs et beaucoup d’attrait pour ces objets. C’est de cette manière que je me les procure parce qu’on n’en trouve plus en France aujourd’hui : tout du moins dans l’état de conservation que je souhaite et dans les pièces que je cherche maintenant.
Donc je me débrouille depuis la France en comptant sur ces deux personnes qui sont vraiment mes trésors. Sans eux, je ne ferai rien : ils sont très précieux.
Vous n’êtes donc jamais allé au Japon ? Est-ce en projet pour votre collection ou pour un voyage plus personnel ?
Évidemment, j’aimerais bien. Je pense que ce pays est tellement important pour moi. Même si j’y suis jamais allé, j’ai l’impression de le connaître énormément. C’est vrai que l’enjeu est énorme : si j’y vais, je ne peux pas y aller une semaine. Peut-être que j’ai peur d’y rester, je ne sais pas (rires).
D’un point de vue extérieur, être collectionneur est souvent synonyme de gouffre financier. Est-ce réellement le cas ?
Oui, bien sûr. Il faut toujours essayer de faire en fonction de ses moyens, mais c’est vrai que ce sont des objets qui coûtent chers. Les prix vont entre 1 000 et 30 000 euros donc ce sont des sommes conséquentes. Après c’est comme toute passion, il y a toujours un côté excessif. Mais je suis content d’avoir un métier à côté qui me permet d’en acheter et de pouvoir réussir à me faire plaisir avec ma collection.
Mais de mon point de vue, ce n’est pas un gouffre financier au final. Certes, c’est de l’argent dont je ne profite pas mais ce ne sont pas des dépenses. Je ne les vendrai jamais : je ne suis pas marchand et ne spécule pas. Ma collection ira à mes enfants un jour et je trouve ça très bien comme ça.
Votre collection semble très vaste, s’étendant des jouets venant d‘anime, de tokusatsu, avec parfois même des éditions françaises ou italiennes des figurines. Quelles règles suivez-vous pour construire votre collection ?
Il y a une seule règle : en parfait état et en boîte. Ensuite, c’est en fonction de ce que l’on me propose. Mes deux contacts au Japon savent ce que je recherche et connaissent très bien le marché ainsi que les pièces. S’ils tombent sur une pièce rare par hasard, même si je ne l’ai pas forcément demandée, ils vont m’appeler pour me la proposer. C’est donc aussi parfois de la providence et du hasard.
Comme je disais avant : c’est une quête. Pour moi, c’est ce qu’il y a de plus intéressant dans une collection, c’est comment on la construit, comment on cherche les pièces, comment on a réussi à avoir maintenant la pièce que l’on cherchait il y a 20 ans. C’est tout ce cheminement que j’aime, et j’espère ne jamais y arriver complètement pour que cette quête reste toujours là.
Exceptée cette condition de « en parfait état et en boîte », vous n’avez pas de bornes chronologiques ou thématiques ?
Ce sont les années 70 à 90. Je fais très peu de jouets récents. Même si j’en ai peu ce n’est pas le cœur de ma collection qui reste entre 70 et 90. Donc s’il y a des gens qui ont des robots en jouets de ces années-là, en parfait état et en boîte, qu’ils m’appellent ! Si c’est avant, ça m’intéresse moins et si c’est après, il faut vraiment que cela soit des pièces particulières.
Cette collection a-t-elle fait naître en vous un intérêt pour les séries dont ces jouets sont à l’origine et qui sont, pour nombre d’entre elles, presque inconnues en France ?
Je suis beaucoup plus sensible aux objets qui ont été issus de ces séries qu’aux séries en elles-mêmes. Il y en a comme Astro Boy, Tetsuwan Atom en japonais, que je trouve quand même particulièrement extraordinaire. Ce Pinocchio japonais, créé par un chercheur à l’image de son fils décédé, je trouve ça d’une poésie folle. D’ailleurs, il lui dit cette phrase très juste : « avec le pouvoir que tu as, tu peux soit détruire la Terre ou la sauver ».
C’est mon interprétation, mais il y a un côté qui me fascine chez les grands mangakas comme Osamu TEZUKA, qui est cette tendance où on donne beaucoup la parole et le pouvoir aux enfants ou aux jeunes gens. Ce sont des jeunes dans un monde d’adultes, c’est ça aussi qui a bouleversé notre imaginaire quand c’est arrivé en France. On avait des dessins animés enfantins dans un monde d’enfants, ou des adultes dans un monde d’adultes. Mais là pour la première fois, il y avait des enfants ou des jeunes gens dans un monde adulte qui sauvaient l’humanité, faisaient des choses importantes et étaient le pivot de l’histoire. C’est passionnant de réfléchir à tout ça. Il y a évidemment une réponse à la Seconde Guerre mondiale et à la bombe atomique à laquelle on ne peut s’empêcher d’y penser. L’adulte a failli et peut-être que les enfants sont l’avenir.
Pour revenir à la question, c’est vrai que je suis plus sensible aux objets qu’aux mangas ou aux séries, même si j’ai toujours réfléchi à acheter, par exemple, des planches originales de Gô NAGAI. C’est très cher mais ça m’intéresserait beaucoup. Je ne connais pas par cœur l’histoire de Mazinger Z et des autres, Goldorak si par contre. Je regarde aussi les séries qui se font actuellement comme Pluto, et je me renseigne un petit peu, ne serait-ce que pour me tenir au courant si par hasard il n’y a pas un jouet de très bonne facture qui sort, car il y en a toujours qui sont commercialisés aujourd’hui.
Dans l’exposition on peut voir par exemple les nouvelles éditions de jouets Mazinger Z.
Tout à fait, et par exemple j’ai acheté dans la gamme des Soul of Chôgôkin, qui sont les rééditions par Bandai des jouets iconiques, la figurine de Franky, le cyborg de One Piece. Ils l’ont édité d’une manière superbe : il est magnifique, avec tellement de détails. Il n’a pas été édité en beaucoup d’exemplaires, mais j’avais acheté celui-ci.
« L’Espace Richaud, pour moi, c’est un peu une représentation de ma tête, de mon cerveau »
Pouvez-vous nous expliquer de quelle manière vous avez classé vos nombreuses pièces pour le public de non-initiés ?
J’ai réfléchi avec Matthieu Piel, un de mes amis collectionneurs qui a aussi prêté quelques objets pour l’exposition. Au niveau du cheminement, la première chose que j’ai voulu montrer, c’est la couverture de Paris Match avec Goldorak de 1979 parce qu’elle est iconique et montre à quel point Goldorak a eu de l’influence en France. Paris Match est à l’époque un des organes de presse les plus influents : il n’y avait pas de réseaux sociaux ou autres. Qu’un héros de dessin animé, à fortiori japonais, se retrouve en couverture d’un média si puissant, cela veut dire beaucoup de choses.
Ensuite, l’exposition est conçue sur un fil conducteur où l’on voit d’abord Osamu Tezuka et les précurseurs. Après, on navigue avec Goldorak et la marque Poppy. Puis, avec des manufactures japonaises qui ont édité des jouets sortis uniquement au Japon. C’est une traversée du jouet robot japonais des années 70 à 90. Avec toute une partie destinée au super sentai (NDLR : genre de série tokusatsu mettant en scène des équipes colorées) et, une salle de Gô NAGAI évidemment.
En ce qui concerne la scénographie pure, c’est-à-dire à la fois la création des supports et des agrandissements pour les visuels, j’ai voulu absolument les mettre à hauteur d’enfant. Je voulais me placer dans les yeux d’un petit enfant de 7 ans qui serait à hauteur de ces jouets pour recréer l’émerveillement que cela peut susciter. Comme moi, j’avais été émerveillé à 10 ans dans la galerie des jouets du Musée des Arts Décoratifs. Je voulais recréer ça, car c’est une collection certes, mais ce sont des jouets et donc je souhaitais garder le contact avec les plus jeunes générations.
Après, la couleur noire des supports a été choisie car elle fait ressortir les couleurs et donne un relief extraordinaire au jouet. Au niveau des agrandissements, j’ai voulu travailler sur la partie graphique des boîtes. Les packaging sont très importants et les Japonais font un travail extraordinaire de présentation. Le contenant a pour moi autant de charme que le contenu. Ces boîtes sont magnifiques : en même temps d’une naïveté et d’une complexité folle. Les caractères japonais se prêtent aussi énormément au travail de graphisme, et je trouve toutes ces couleurs primaires et vives très attrayantes. C’était aussi une façon, en les mettant sur les murs de l’Espace Richaud, qui est un lieu historique, de faire confronter à l’austérité de la pierre les couleurs vives ainsi que cet univers totalement décalé.
Nous avons pu remarquer la quasi-absence de jouets en plastique, les fameux gunpla ou plamo produits en masse au début des années 80, en faveur des jouets en métal. Est-ce un choix de votre part pour l’exposition, ou bien est-ce que cela reflète la composition de votre collection ?
A part pour les Jumbo qui sont de grands modèles en plastique et qui seraient trop lourds pour exister en métal, c’est vrai que je me focalise sur les die-cast. Ça signifie die-cast metal, qui est un procédé de moulage sous pression dont le procédé est le même que les carrosseries des voitures. C’est pour cela que ça donne cet aspect très lourd et imposant aux jouets. Même s’ils sont petits, ils sont lourds : on a vraiment l’impression d’avoir quelque chose dans la main qui rentre en résonance avec nous par le poids. C’est mon choix de collectionneur de me concentrer uniquement sur le die-cast.
C’est vrai qu’au Japon, il y a eu plein de types de jouets différents. Même les kaijû sont sortis en vinyle dans les collections de sofubi (NDLR : abréviation de soft vinyle, série de figurines en plastique célèbre pour être centrée sur les héros et kaijû des films et séries télévisées tokusatsu). Il y a plein de choses passionnantes mais on ne peut pas tout faire, et à un moment donné, il faut savoir se limiter.
Les jouets pour filles notamment, dont une grande partie sont en métal comme les sceptres et les accessoires de magical girl ont une esthétique qui nous semble tout aussi typique que les robots japonais. Dans l’exposition, nous pouvons voir quelques poupées, mais aucun autre objet du genre. Les jouets pour filles vous intéressent-ils moins ou est-ce lié au thème de l’exposition ?
J’ai voulu montrer quelques poupées Licca-chan, notamment parce qu’elles ont été créées par la marque Takara et imaginées par une grande mangaka de l’époque, Miyako MAKI. Ce simple fait était intéressant à savoir, mais j’ai aussi choisi de les exposer parce que la marque de Takara s’est inspirée du modèle de Barbie pour Licca-chan, et qu’après le succès ils ont lancé la gamme pour garçons de Henshin Cyborg calqué sur le modèle de G.I Joe. Puis, ils ont commencé les Transformers, d’abord sous le nom de Micronauts puis Transformers. C’est vrai que le raccourci est simple, mais si les Licca-chan n’avaient pas existé, les Transformers non plus. Ça m’amusait de me dire que c’est grâce aux poupées Barbie japonaises que maintenant on a les Transformers.
C’est vrai qu’il y a eu plein de jouets pour filles qui ont existé et d’ailleurs dans les mangas et anime japonais, les figures féminines étaient bien présentes. Elles avaient souvent des rôles de guerrières aux côtés des garçons, et ce n’étaient pas des rôles secondaires. Les mangas et anime étaient aussi précurseurs pour les premières visions de l’écologie. Goldorak par exemple, défend la Terre en tant qu’écosystème : il parle d’une planète pleine de vie, de nature. C’est aussi le cas pour la représentation des femmes qui sont parfois deux sur une équipe de cinq dans les super sentai (NDLR : cette composition d’équipe majoritairement masculine mais avec un ou deux personnages féminin a un nom en japonais : 紅一点 kôitten. Ce genre d’équipe apparaît au Japon dans les années 60, notamment dans les mangas de Shôtarô ISHINOMORI comme Rainbow Sentai Robin ou Cyborg 009. Le même auteur participe à la création des premières séries super sentai dans les années 70).
S’il fallait en choisir une parmi votre collection, quelle serait votre pièce préférée ? Nous, on aime beaucoup le design du Drumlo de Dunbine et le robot/base Diaclone est aussi très impressionnant.
Le Drumlo n’est pas exposé d’ailleurs, il est juste dans le catalogue. Le Diaclone est incroyable oui, avec sa base à l’intérieur du robot.
Plus que des pièces préférées, ma collection forme un ensemble, un tout : j’ai du mal à dissocier telle ou telle pièce. Si j’ai des préférences, ça va être dû à la rareté ou bien au temps que j’ai mis à la trouver. Encore une fois, ce qui m’intéresse c’est la quête et l’histoire autour de la manière dont j’ai réussi à la récupérer. C’est ça qui me touche dans certaines pièces. Mais j’imagine ma collection comme un tout et jamais je ne pourrais l’imaginer sans telle ou telle pièce, je ne fais que l’enrichir.
Dans les pièces emblématiques, il y a le Mekandâ DX (NDLR : issu de l’anime Gasshin Sentai Mekandâ Robo diffusé en 1977 au Japon) qui est dans sa boîte dans la première galerie. Je l’ai vu une fois en 20 ans, et je l’ai acheté. Il y en a très peu, même au Japon c’est quasiment introuvable. On a découvert l’existence de cette pièce avec mon père et on s’était dit qu’il fallait absolument l’avoir, sans même savoir comment on pouvait l’obtenir. Au final, j’ai réussi il n’y a pas si longtemps que ça, seulement deux ans. Donc la quête et le cheminement pour l’avoir me renvoie à plein de choses : des discussions avec mon père, des rêves… Elle est emblématique pour moi pour ces raisons.
Après, ça va être Mazinger Z dont la première version éditée en jouet est exposée (NDLR : le premier jouet de Mazinger Z est le modèle jumbo, grand et en plastique, commercialisé en 1973, puis le modèle chôgôkin, petit et en métal die-cast, sorti en 1974 dont il est question ensuite). Elle est extraordinaire parce que Gô NAGAI est le premier à inventer le concept du mecha : le robot géant à forme humanoïde piloté par un homme de l’intérieur, souvent de la tête. La tête n’est pas choisie pour rien, c’est une fusion entre le cerveau de la machine et l’homme. C’est le premier à créer ce rapport presque charnel entre l’homme et la machine. C’est fascinant. Le premier Mazinger Z édité en jouet est une pièce historique pour moi et je l’ai acquise il y a seulement un an. Il a plein de charme parce qu’il est tellement dur à trouver et si rare que ma pièce a des articulations souples par exemple : c’est la pièce de ma collection qui est peut-être en moins bon état. Elle est complète mais impossible à trouver dans un état parfait, donc je l’ai prise quand même.
Dans le même ordre d’idée, vous présentez les différents grands noms des créateurs de robots dans l’exposition : Gô NAGAI, Shôtarô ISHINOMORI, Osamu TEZUKA, … Kunio ÔKAWARA entre autre créateur du design du premier Gundam, est aussi bien représenté. Avez-vous une préférence pour le style de l’un d’entre eux ?
C’est vrai que Kunio ÔKAWARA est bien représenté avec la première édition du Gundam en jouet par Clover même si je ne cite pas son nom dans l’exposition.
Je trouve que Gô NAGAI a créé un univers extraordinaire. Au niveau de ce qu’il laisse comme marque dans l’histoire, c’est aussi fabuleux. Après on peut dire que le manga existe grâce à Osamu TEZUKA donc on peut difficilement passer outre. Ce que j’aime dans les deux, c’est qu’il y a une part d’enfance en eux. Ce sont deux grands enfants pour moi. D’ailleurs il y a une citation où TEZUKA dit que les mangakas sont obligés d’être de grands enfants car ils projettent un univers auquel seuls les enfants peuvent avoir accès. Au contraire, les adultes peuvent rester très froids et de marbre par rapport à tout ça. Les mangakas regardent le monde avec des yeux d’enfants et c’est fabuleux.
Il y a une naïveté de l’enfance que j’adore chez Gô NAGAI et TEZUKA, doublée d’une seconde lecture que je trouve passionnante sur la bombe atomique évidemment. Sur le nucléaire, Actarus (NDLR : héros de Goldorak) quitte sa planète qui a été détruite par des explosions en forme de champignons atomiques en prenant Goldorak et se réfugie sur Terre. Il y a des notions d’errance, de solitude, et le nucléaire est marqué à chaque instant par la blessure nucléaire du bras d’Actarus qui le fait souffrir. Astro Boy c’est Testuwan Atom en japonais donc la référence est immédiate.
C’est quelque chose qui me fascine, et c’est encore une fois mon interprétation, mais au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les Japonais n’ont plus d’armée et commencent à se demander comment ils pouvaient rayonner. Ils se sont vite rendu compte qu’ils pouvaient briller par leur culture d’une manière aussi forte, voire plus qu’en ayant une armée. C’est de là que provient le soft power japonais : de leur imaginaire. Quand l’imaginaire réussit à transcender les frontières et se propager de cette manière, je trouve ça très beau. Je trouve ça bluffant que Gô NAGAI ait inventé les méchas.
Vous évoquez une imagination proche de la candeur d’un enfant, mais les imaginaires de certains de ces auteurs, Gô NAGAI en particulier, sont aussi très cruels. Que pensez-vous de cette ambivalence ?
Oui, je connais Devilman aussi qui est très intéressant. Les enfants sont très cruels entre eux aussi parfois. Cette ambivalence est très intéressante car même si les enfants sont au centre, le traumatisme et la menace nucléaire restent omniprésents dans tous les mangas. Godzilla et les kaijû aussi sont une réponse à l’arme nucléaire. Ces monstres, qui ne sont pas forcément méchants mais nés de catastrophes naturelles, ont un rapport intime avec la planète en tant qu’écosystème.
Il y a toujours aussi cette ambivalence entre le bien et le mal. Goldorak à l’origine n’était pas un gentil : il a été construit pour faire le mal mais Actarus dérobe le robot pour se sauver. Rien n’est jamais si manichéen, surtout dans Goldorak qui se construit comme un mythe avec des personnages Shakespearien extraordinaires. Minas et Minos par exemple avec Minas qui est cachée dans le visage de Minos, c’est comme Lady Macbeth. Pour moi qui adore le théâtre, il y a des analogies qui sont folles dans Goldorak. Le Grand Stratéguerre, par exemple, c’est Richard III. C’est extraordinaire d’imaginer ce genre de choses.
« Pour moi, mon plaisir personnel c’est de partager mes connaissances et ma collection »
L’exposition Robots – émergence d’une culture japonaise n’aurait jamais pu voir le jour sans une collection comme la vôtre. Pensiez-vous un jour être à l’origine d’un événement de la sorte ?
Non jamais, mais c’est vrai qu’à un moment donné, je me suis dit que cela serait bien de partager et transmettre ma collection. J’ai donc commencé à contacter des personnes : la conservatrice du Musée des Arts Décoratifs et le Musée du Jouet de Colmar qui ont été les premiers à accepter de faire une exposition, une expérience très enrichissante. Ensuite il y a eu le Musée du Quai Branly. Mais c’est vrai que jamais je n’aurais pensé ça, et d’ailleurs c’est ce qui est beau aussi. Une passion part des rêves et à un moment donné on voit les rêves qui se concrétisent, ce qui est très agréable mais inimaginable à l’origine. C’est pour ça que je dis partout qu’il faut croire en la puissance des rêves : si on y croit vraiment, ça peut se produire.
Ce contact entre vous et les musées a tout de même pour origine votre initiative, c’est ça ?
Bien sûr. Après pour le Musée du Quai Branly et pour Versailles, ce sont eux qui sont venus me chercher. J’aime bien quand c’est dans ce sens. D’abord que les gens aient ce désir de voir les pièces de ma collection, et après travailler la scénographie et réfléchir comment avec l’espace et le lieu on peut construire une exposition. Quand le désir part des autres, c’est toujours plus facile après.
De quelle manière décidez-vous des pièces à exposer dans les différentes expositions auxquelles vous avez participé ?
Le lieu compte beaucoup. C’est intéressant pour moi car je trouve que ces jouets-là peuvent tout autant sublimer un lieu qu’être sublimés par un lieu. C’est tout à fait différent de les voir à l’Espace Richaud dans une chapelle qui fait 12 mètres de haut que de les voir dans une vitrine chez soi. J’aime bien trouver des lieux emblématiques parce que je pense que chacune de mes pièces est une œuvre d’art qui mérite des lieux comme le Musée du Quai Branly ou l’Espace Richaud. Donc le premier choix se fait en fonction du lieu. Je veux des lieux qui sont emblématiques, qui sont des institutions, qui ont une histoire, quelque chose à raconter.
Après ça dépend s’il y a un budget ou pas. C’est du temps : j’installe tout, je crée la scénographie… Je fais tout de A à Z parce qu’actuellement personne en France n’a l’expertise pour manipuler ces pièces, sortir les jouets des boîtes, à part peut-être 5 ou 6 personnes. De toute façon, je ne laisserai personne manipuler ma collection. J’ai mis cinq jours d’installation à l’Espace Richaud, il y aura cinq jours de désinstallation aussi. J’ai organisé les séances photos avec le photographe Irving Pomepui et Daniel Rous qui ont fait un travail formidable notamment pour les agrandissements des illustrations des packaging.
J’aime bien aussi amener une histoire dans une exposition. Ce n’est pas simplement exposer des pièces, il faut amener quelque chose : l’Espace Richaud pour moi, c’est un peu une représentation de ma tête, de mon cerveau. Donc tout ça se réfléchit, se pense, se travaille.
Pour l’exposition de Versailles, vous êtes également commissaire d’exposition. Selon vous, le rôle du collectionneur, en dehors du plaisir personnel, est-il aussi de partager ses connaissances ?
Pour moi, mon plus grand plaisir, c’est de partager mes connaissances et ma collection. Faire ma collection pour moi et la laisser dans mon stockage dans des boîtes en plastique, cela ne m’intéresse pas. Enfin, d’une certaine manière si, mais c’est plus l’acquisition de la pièce qui m’intéresse. Après, je la stocke dans un stockage sécurisé mais je ne la vois pas. Je vois mes pièces quand elles sont exposées. Donc évidemment, j’ai envie de les partager. C’est même essentiel. Comme ça, c’est bien aussi de pouvoir en parler de façon sérieuse sans qu’on nous prenne pour des fous, enfin on nous prend pour des fous mais pas pour des idiots ce qui est déjà pas mal (rires).
« Les robots que créaient les Japonais n’existaient pas ailleurs »
Dans le texte introductif à l’exposition, vous parlez d’une « esthétique visionnaire » des jouets japonais. Selon vous, que possèdent les jouets japonais de plus visionnaires esthétiquement que les jouets français ou américains par exemple ?
Il suffit de regarder les jouets à la même temporalité : les robots que créaient les Japonais n’existaient pas ailleurs. Aux États-Unis, il y avait des jouets de l’espace un petit peu comme Robby le Robot, et tout ce qui était autour de Métropolis de Fritz Lang. C’était des automates. Les figures de mécha de leur côté sont complètement dingues avec ces jouets et tous leurs mécanismes : ils s’ouvrent, se transforment, etc. Même dans les mechanic design, les Japonais ont réussi à retranscrire d’une façon précise en jouet en métal les formes issus du manga et des anime. Ça n’existait pas avant, c’est eux qui l’ont fait. Déjà le manga est visionnaire, mais les jouets le sont aussi, notamment au niveau de leur complexité avec certains modèles développés par Poppy qui sont complètement ahurissants. Ça n’a plus jamais existé après. Quand on voit ce qui sort en France, c’est quand même pas terrible alors qu’au Japon, ils continuent d’avoir cette tradition du jouet compliqué avec du métal.
Au centre de l’exposition se dresse le Black Fire, robot de 4 mètres construit par le studio thaïlandais QFX Workshop. Le studio français de jeux vidéo Microids a également prêté une statue taille humaine de Goldorak. La culture japonaise des robots géants semble être devenue une culture internationale. Qu’en pensez-vous ?
Bien sûr, je parle d’ »émergence » parce que c’est né là-bas. Ils ont quand même une culture du robot bien plus développée que la nôtre : il y a des Gundam de 20 mètres de haut sur des places au Japon, quand nous on a des obélisques. Le robot est plus omniprésent là-bas que chez nous, même s’il est vrai que c’est arrivé désormais dans l’imaginaire collectif ici ou aux États-Unis. Les méchas sont par exemple les ancêtres des mobile suits dans l’armement, ils sont complètement installés dans l’imaginaire européen et occidental. Mais ça a émergé là-bas, et j’ai utilisé le mot « émergence » car cette culture a ensuite inondé le monde. Je voulais voir comment cette culture japonaise a émergé puis conquis la France, le Canada, la Belgique, l’Italie, l’Allemagne, etc.
A leur arrivée en France, les robots japonais ont choqué une grande partie des parents mais ont passionné presque tous les enfants de l’époque. Selon vous, pour quelles raisons cet écart de réception est-il né ?
C’est la lutte des générations. Les gens trouvaient que le jeu vidéo était une aberration par exemple. Mes parents, eux, trouvaient ça très bien, mais c’est vrai que quand les dessin animés du type Goldorak sont arrivés sur Récré A2, les gens les trouvaient trop violents parce que ça sortait de l’imaginaire que l’on avait du dessin animé tout gentil pour enfants. Ils ne percevaient pas le fond qu’il y avait derrière et surtout ils ne connaissaient pas. Cela bouleversait un imaginaire occidental qu’on avait : Astérix n’a rien à voir avec Goldorak. Le nom Goldorak est un mix entre Mandrake et Goldfinger, il a été appelé comme ça par les distributeurs, mais en japonais c’est UFO Robo Grendizer. Forcément, il y avait des gens qui trouvaient ça bête, parce qu’ils manquaient de recul et qu’ils ne voyaient pas d’où ça provenait. C’était trop nouveau pour eux.
Et puis encore une fois, c’est la lutte des générations. Moi, il y a des choses qu’écoutent mon fils de 8 ans qui m’échappent complétement alors que lui aime beaucoup. L’article de Guy Lagorce dans Paris Match en 1979 est très intéressant. Il y a cette phrase, la dernière de l’article, qui est magnifique à ce sujet : « Écoutez, parents, cette leçon… Écoutez-la bien, elle sonne l’heure des temps futurs. Je disais plus haut que Goldorak était né au Japon. En vérité, il est né aux frontières d’une autre vie. Une autre vie que présentent nos enfants et à laquelle – comme le temps passé – ni vous ni moi n’auront un jour accès. » Il avait tout compris.
Pour revenir à Microids, ils ont édité le jeu vidéo Goldorak et le festin des loups. Goldorak continue et continuera d’exister pendant très longtemps je pense.
Tout à fait, d’ailleurs une nouvelle série est prévue à la diffusion cette année au Japon : Grendizer U.
En plus des jouets, l’exposition montre également les illustrations des boîtes de ces derniers, imprimées sur de grands tableaux. L’esthétique de ces jouets va-t-elle au-delà de l’objet jouet en lui-même ?
Pour moi, c’est tout simple : ils créaient un jouet mais le packaging était aussi pensé, travaillé, réfléchi. Parfois sur les tranches il y avait des illustrations où on voyait l’intérieur du robot, tous les circuits électriques. C’est un travail de réflexion immense et ils avaient compris que le packaging est quelque chose de très important : c’est la première approche du désir. Les kanji et les katakana pour les noms des robots se prêtent en plus très bien aux déclinaisons en couleur, en perspective, en relief. Ce travail de graphisme est tellement important qu’il est indissociable du jouet. C’est pour cela que j’expose le robot et souvent les boîtes derrière. Les packagings étaient créés dans le but d’attirer le regard des enfants. Quand on rentre dans un magasin de jouets japonais, des photos que j’ai vues du moins, il y a des couleurs partout. Même les mangas, quand on voit une bibliothèque les dos sont bariolés, on a envie de les prendre. On a envie de les toucher, de les attraper. C’est pour ça que les boîtes sont indispensables, et les notices également d’ailleurs.
De par son découpage chronologique, l’exposition ne montre que très peu de robots récents. Suivez-vous tout de même les évolutions contemporaines des jouets robots japonais ?
Oui, je suis l’actualité évidemment. J’en achète même un tout petit peu, pas énormément. Enfin, j’essaie de la suivre parce qu’ils ont un rythme « insuivable » là-bas. Je pense que je ne connais pas d’ailleurs les trois quarts de ce qui sort au Japon, parce que c’est très compliqué de tout connaître depuis la France. Mais oui j’essaie de me renseigner un petit peu sur les jouets qui sortent, toujours sur du made in Japan.
Comment faites-vous pour vous renseigner depuis la France ?
Sur Internet surtout, ou bien j’écoute les personnes qui sont sur place. Souvent, ils me disent quand une pièce peut m’intéresser, puis je tape le nom sur Internet pour voir.
A part se rendre à l’exposition à Versailles, auriez-vous des lieux en France à recommander pour les amateurs de l’esthétique des robots japonais ?
La boutique Lulu Berlu en a peut-être un petit peu mais plus beaucoup. C’est une boutique avec plein de couleurs et plein de jouets vintage des années 70. C’est vraiment une sorte de musée et ils sont très sympathiques.
Sinon je ne vois pas où. Il faut me laisser un peu de temps pour envahir Paris avec ma collection. Il y a un rond-point vers Clermont-Ferrand avec un Goldorak de 20 mètres de haut au milieu, ce qui est assez marrant. Il se passe toujours des choses à Japan Expo même si j’y vais jamais. Mais si vous cherchez des robots d’entre les années 70 et 90 il faut aller à l’Espace Richaud. Il n’y a pas d’autres endroits actuellement, même si il y a d’autres lieux où j’aimerais exposer : la Fondation Cartier, surtout qu’ils ont déjà fait une exposition appelée Un Monde Réel (en 1999, collection du Suisse Rolf Fehlbaum) sur les robots à remontée mécanique, le Musée des Arts Décoratifs aussi qui serait très bien, le Grand Palais qui avait accueilli l’exposition Des Jouets et des Hommes. Il y a plein de lieux qui m’intéressent.
En site internet, il y en a plein : Toybox DX, Collection Dx où on peut voir des photos. Sinon, il y a plein de livres à acheter qui présentent les jouets en die-cast, souvent en japonais. Il y en a deux qui ont été édités sur ma collection, le catalogue de l’exposition à l’Espace Richaud et le premier, plus épais, qu’on ne retrouve plus maintenant.
Merci beaucoup pour vos réponses et votre exposition à l’Espace Richaud qui propose quelque chose que l’on ne peut voir que très rarement en France. L’exposition est à découvrir jusqu’au 25 février 2024.
« Il y a toujours aussi cette ambivalence entre le bien et le mal. Goldorak à l’origine n’était pas un gentil : il a été construit pour faire le mal mais Actarus dérobe le robot pour se sauver. Rien n’est jamais si manichéen, surtout dans Goldorak qui se construit comme un mythe avec des personnages Shakespearien extraordinaires. Minas et Minos par exemple avec Minas qui est cachée dans le visage de Minos, c’est comme Lady Macbeth. Pour moi qui adore le théâtre, il y a des analogies qui sont folles dans Goldorak. Le Grand Stratéguerre, par exemple, c’est Richard III. C’est extraordinaire d’imaginer ce genre de choses. »
Si le sujet l’intéresse, je conseille vivement à M.Caillaud la lecture du livre « Gô Nagai, mangaka de légende », sorti en 2017 aux éditions Fantask, et qui explore cette thématique en profondeur.
Bonjour et merci pour ce conseil !
Je transmets la recommandation, c’est vrai que ce livre est très riche en information et analyse !