Sex Machineguns et Ningen Isu : deux monstres du metal japonais
En décembre dernier, Journal du Japon s’est rendu sur Kawasaki, dans la banlieue de Tôkyô, pour vous faire profiter du premier concert commun de Ningen Isu et Sex Machineguns. Retour sur ce live endiablé qui a mis des étoiles dans les yeux de plusieurs centaines de fans le temps d’une soirée au Club Citta’. Préparez-vous à décoller et à enchaîner les headbang dans votre salon !
Ningen Isu, bientôt 35 ans de carrière
C’est à 18h que le Club Citta’ ouvre ses portes pour laisser entrer quelques centaines de fans postés en rang devant l’entrée. Au Japon, l’entrée dans une salle de concert se fait par numéro : sur chaque billet est indiqué un numéro d’entrée tiré au sort et devant la salle sont disposées des pancartes qui indiquent où se placer dans la file. Les fans arborent presque tous des tee-shirts, des sweats, des bracelets, des portes-clés ou encore des serviettes éponges à l’effigie de Ningen Isu. Le public venu ce soir est mixte – il semble même y avoir plus de femmes que d’hommes – et tous les âges sont présents. La salle, qui peut accueillir jusqu’à 1300 personnes est loin d’être pleine, il est facile de se frayer une place tout près de la scène. Il suffit de regarder les tee-shirts portés aux alentours pour comprendre que se trouvent ici les admirateurs du bassiste, Ken.ichi SUZUKI, qui joue toujours sur la partie gauche de la scène.
Vers 19h, les artistes entrent en scène sous les cris et les applaudissements des fans. Ils entament immédiatement le concert, ouvrant la soirée avec le titre phare de leur dernier album : Saraba Sekai. Le son est bien lourd, les spectateurs sont heureux de voir SUZUKI en meilleure forme que lors de la tournée de septembre, pour laquelle il était resté assis en raison de problèmes de dos. Le groupe enchaîne immédiatement sur un autre titre du même album, celui composé par le bassiste : Namekuji Taisô. La voix grave de SUZUKI alliée à sa ligne de basse hypnotique finie de conquérir la salle, qui semble entrer en transe. Chacun bouge au rythme de la musique, agite la tête, mais sans jamais créer de mouvement de foule. Un particularité des lives de Ningen Isu ? En discutant avec une fan qui les a suivi dans leur tournée européenne en 2020, elle me dit que ce qui l’a vraiment étonnée dans les concerts donnés en Angleterre et en Allemagne est le dynamisme de la foule et les circle pitt : du jamais vu dans les concerts japonais du groupe !
Une courte pause permet au guitariste WAJIMA de présenter rapidement leur nouvel album avant d’annoncer : « Nous vous proposons désormais d’écouter un titre pensé comme une préparation à se diriger vers la mort : Shide no tabiji no monogatari (Voyage à pied vers l’Autre Monde) ».
Les trois musiciens enchaînent alors sur un ancien titre, issu de l’album Kwaidan Soshite shi to erosu (Les fantômes. L’amour et la mort) : Houichi Jyûnan. A la fois sombre et rythmique, ponctué de sutras, celui-ci prend pour refrain Kochi e koi, issho ni koi, osorezu koi, mayowazu koi qui signifie Viens par ici, viens avec moi, viens sans avoir peur, viens sans hésiter. Face à SUZUKI, le public se déchaîne, tous chantent avec lui avec de grands signes de la main ! L’invitation présente dans les paroles s’est retournée vers le chanteur lui-même.
Avant d’enchaîner, WAJIMA prend la parole, rappelant que le groupe fêtera ses trente-cinq ans d’existence l’année prochaine. Chacune de ses phrases sont ponctuées par quelques riffs de basse et frappes sur la batterie ; il remercie tous les fans qui les ont suivis depuis tant d’année et remarque : « nous allons sur nos soixante ans, mais notre cœur est toujours celui des lycéens que nous étions. ». Il rit, disant avoir l’impression de ne pas connaître cet homme d’un certain âge qu’il croise chaque jour dans le miroir. Avant de rappeler qu’ils ont réalisé, pour leurs trente ans, un album avec l’idée de continuer de jouer jusqu’au bout ensemble dans la même perspective que lorsque qu’ils étaient de jeunes adolescents : Shin Seinen (Nouvelle jeunesse). Et c’est donc sur le titre phare de cet album qu’ils enchaînent, celui qui les a fait connaître en dehors du Japon : Mujô no Sukyatto (Les scats impitoyables).
Est enfin venu le moment tant attendu par certains où le batteur Nakajima NOBU prend la relève au chant. « Heyyy ! Est-ce que vous passez tous un bon moment ? » hurle-il soudain avec son ton de chauffeur de salle. « Et si je prends la parole maintenant, c’est parce que sur le prochain titre, c’est moi qui vais chanter !! ». Il ponctue lui-même ses quelques phrases de rythmes improvisés avant de répéter le rituel de chaque concert : demander au public de crier son surnom « Aniki ». La salle est réceptive et c’est une salve d’« Anikiiiiii » qui vient répondre à son appel.
S’ensuit ainsi Mirai kara no dasshutsu que NOBU chante de bout en bout, seulement accompagné de la voix de ses deux compagnons sur le refrain. Puis le groupe renoue avec ses débuts en jouant un titre présent sur leur tout premier album : Ringo no namida (Les larmes de la pomme). A l’annonce de ce titre, c’est un véritable cri de joie qui s’élève de la salle, provenant de tous les fans de la première heure qui les connaissent depuis cette époque. Après une courte prise de parole de WAJIMA qui nous souhaite à tous de réussir à vivre pleinement la nouvelle année qui se profile malgré le triste état du monde, le titre suivant fait également des émules. Uchû no dengeki.tai, présent sur le tout dernier album, a pour refrain « fan, fan, fan, fan ! »… Il n’en faut pas plus pour que tous les fans se mettent à agiter leur taoru (serviettes éponges) à l’effigie du groupe au dessus de leur tête dès qu’arrive le refrain, de la même manière que les spectateurs allument en cœur leurs briquets lors des concerts de certains artistes.
La prestation se clôture finalement avec Hari no yama (La montagne d’Aiguilles) un vieux titre que le groupe a l’habitude de jouer en live et qui est en fait, sur le plan musical la reprise japonaise d’un titre du groupe de hard rock gallois Budgie intitulé « Breadfan ».
Set list :
1 – Saraba Sekai (Adieux au Monde)
2 – Namekuji Taisô (La gymnastique de la Limace)
3 – Shide no tabiji no Monogatari (Voyage à pied vers l’Autre Monde)
4 – Hôichi Jyûnan (Le supplice de Hôichi)
5 – Mujô no Sukyatto (Les scats impitoyables)
6 – Mirai kara no dasshutsu (Évasion depuis le futur)
7 – Ringo no namida (Les larmes de la pomme)
8 – Uchû no dengeki.tai (Forces spéciales de l’Univers)
9 – Hari no yama (La montagne d’Aiguilles)
Sex Machineguns : la tournée des 25 ans
Groupe japonais de heavy metal fondé en 1989, Sex Machineguns compte plus de dix albums à son actif. Après plusieurs séparations et restructurations, la formation actuelle est composée de quatre membres : le chanteur et guitariste d’origine Anchang (de son vrai nom Koji ANDO), le bassiste Shingo TAMAKI, le batteur Thomas et le guitariste Sussy (Masahito FURUYA).
Fêtant leur vingt-cinq ans d’existence, le groupe vient de réaliser de nombreux concerts à travers tout le Japon depuis le mois d’avril 2023, avant de finir en beauté avec ce live au Club Citta’ à la mi-décembre. Leur tout dernier album, intitulé Jigoku no bôsô ressha est sorti le 12 avril dernier.
Tout de noir vêtus, cheveux longs, vêtements en cuir, chaînes, clous et maquillage, les membres arrivent sur scène avec fougue, sous les cris et les applaudissements des fans.
Le chanteur commence par exprimer tout son bonheur de jouer ce soir à la suite de Ningen Isu, un groupe avec qui il rêvait depuis plusieurs années de partager une soirée. Puis, il rit en faisant remarquer que les membres de Ningen Isu ont accepté de faire la première partie de leurs 25 ans, alors qu’ils fêteront bientôt, eux, leurs 35 ans. « Sont associés ce soir les pommes d’Aomori avec les mandarines d’Ehime » continue-t-il sur le même ton. Le chanteur originaire d’Ehime, une région connue pour sa production de mandarine, fait ainsi un clin d’œil à la précédente chanson Ringo no namida qui évoque les pommes devenues spécialité d’Aomori, la préfecture d’origine des membres fondateurs de Ningen Isu. Avant d’enchaîner sur leur titre intitulé Mikan no uta (la chanson des mandarines). Le public de métalleux se déchaîne tout autant sur le refrain « mikan, mikan, mikan » (mandarines, mandarines, mandarines) que sur le précédent « ringo, ringo, ringo » (pommes, pommes, pommes) de Ningen Isu !
L’ambiance entre les quatre membres semble excellente, ils se relaient pour prendre la parole entre deux titres, des interventions ponctuées de riffs, de cris et de phrases pour haranguer le public. Le groupe tout entier dégage une énergie incroyable, le public est en transe et les headbangs affluent de titres en titres, tandis que le bassiste court d’un bout à l’autre de la scène. Les titres du nouvel album comme Furue (Tremblement) s’enchaînent à un rythme frénétique pendant lequel les musiciens donnent tout.
« Merci d’être venus au Club Citta’ en cette période de l’année si chargée. »
Au tout début du concert, le batteur lance une discussion sur le nom du groupe et la présence du mot « sex ». « Le Heavy Métal est érotique, non ? » en vient à dire Anchang. « Alors ce soir, mettez à nu cette part honteuse de votre cœur et laissez vos cheveux tourner au dessus de votre tête ! Car c’est ça le Heavy Métal ! »
Un très bel évènement qui nous rappelle que la scène métal japonaise est bien plus vaste et plus riche que nous pouvons le penser depuis la France… Et qu’il nous reste encore beaucoup à découvrir. Deux groupes que nous aurons un jour le bonheur de voir au Hellfest ?!
Set list
1 – Mikan no Uta (La chanson des mandarines)
2 – Fami-res Bomber
3 – HEAVY METAL THUNDER
4 – Mori no Kumasan (L’ours de la forêt)
5 – ONIGUNSOW
6 – Moero!! Japameta (Brûle ! Métal japonais)
7 – Aijin 28 (Amant 28)
8 – BURN -Ai no Honou wo Moyase– (BURN – Faire brûler les flammes de l’amour)
9 – Sakurajima (Le mont Sakurajima)
10 – German Power
Pour aller plus loin :
Site officiel de Ningen Isu
Site officiel de Sex Machineguns
Écouter le dernier album de Ningen Isu :
Écouter le dernier album de Sex Machineguns :