Keigo Higashino : portrait d’un incontournable du polar japonais
Depuis son premier roman traduit en français en 2010, La maison où je suis mort autrefois chez Actes Sud, Keigo HIGASHINO s’est bien implanté en France avec une vingtaine de romans. En octobre dernier, l’auteur est revenu dans nos librairies avec Le Cygne et la chauve-souris. Une belle occasion pour revenir sur cet auteur incontournable, 7 ans après notre premier article dédié à Keigo Higashino, maître du roman policier japonais.
Keigo Higashino : d’ingénieur en génie électrique à écrivain
Ancien employé de Denso Corportation, un fabricant de composants automobiles implanté dans le monde entier, Keigo Higashino a toujours été passionné par le polar. Il écrit ses premiers textes dès le lycée, avant de commencer à les soumettre au prix Edogawa Ranpo dédié aux romans policiers japonais, une fois entré dans la vie active. Après plusieurs nominations, c’est finalement en 1985 avec son roman Après l’école que l’auteur obtient le prix tant convoité. L’auteur peut alors vivre son rêve en se consacrant entièrement à l’écriture. Commence alors une longue carrière avec plus de 80 ouvrages, romans et nouvelles confondus ! Spécialiste des intrigues à suspense, Keigo Higashino a écrit de nombreuses histoires passionnantes, dont deux séries particulièrement appréciées des lecteurs par la présence de personnages récurrents : d’abord le physicien Yukawa, puis l’enquêteur Kaga Kyoichiro.
Yukawa est un personnage que le public français ne découvre qu’en 2011 avec Le Dévouement du suspect X, bien que déjà présent chez l’auteur en 1996 dans son roman Moeru, non traduit en français. Professeur de physique à l’université de Tokyo, Yukawa est surnommé Galilée par la police qui fait appel à ses capacités pour l’aider à résoudre des enquêtes particulièrement complexes. C’est avec l’inspecteur Kusanagi, réputé pour son aptitude à retrouver n’importe qui en traquant les moindres indices, que les deux protagonistes vont former le duo de choc qui viendra à bout des mystères de Le Dévouement du suspect X (2011), Un café maison (2012) et L’Équation de plein été (2014). Étalée sur 18 années d’écriture, de 1996 à 2014, la relation Kusanagi-Yukawa a rencontré un tel succès qu’une série intitulée Galilée, adaptation de Le Dévouement du suspect X, a vu le jour sur le petit écran japonais en 2007 et qui, elle-même, a été une grande réussite avec un taux d’audience moyen supérieur à 20 % (cf. Nippon).
Kaga Kyoichiro, lui, est un enquêteur particulièrement observateur. Quelque peu espiègle, il s’attache non seulement à résoudre l’affaire sur laquelle il enquête, mais aussi à aider ceux qu’ils rencontrent à dépasser leur culpabilité et avouer leurs mensonges. On le retrouve dans 3 ouvrages : Les doigts rouges (2020), Les sept divinités du bonheur (2022), et, le plus récent, Le Nouveau (2021). Ce dernier se distingue des autres par un découpage original. En effet, l’enquête apparaît aux premiers abords comme un fil rouge qui amène l’inspecteur adjoint Kaga à la rencontre de différentes personnes – qui l’aideront dans son enquête – qu’il ne laissera pas indifférentes. Ses capacités de déduction font de lui une personne à part : le moindre détail, la moindre incohérence, et c’est la porte ouverte aux déductions.
Mais Keigo Higashino est aussi un écrivain qui aime tenter de nouvelles choses. Si les polars, il les connait bien, le fantastique et le manga sont de nouveaux challenges pour l’auteur. En 2005, il s’associe avec le dessinateur Motorou MASE pour publier la série Heads, un manga psychologique en 4 tomes. En 2020, c’est avec Les miracles du bazar Namiya qu’il surprend les lecteurs. Dans ce roman fantastique, s’entremêlent les destins de différents protagonistes, à différentes périodes.
L’année dernière, en octobre 2023, les Éditions Actes Sud nous ramène au genre qu’on lui connait le mieux, le polar, en publiant le dernier roman de l’auteur : Le cygne et la chauve-souris.
Le Cygne et la chauve-souris
Synopsis : « La vie de Kazuma bascule lorsqu’il apprend que son père, Kuraki, vient d’avouer un double homicide, le premier en 1984 – prescrit – et celui d’un avocat qui fait la une des journaux. Bien que l’enquête policière soit close et que le procès approche, la fille de la dernière victime, Mirei, et le fils de l’accusé ont l’intime conviction que Kuraki a menti. S’il est le véritable meurtrier, pourquoi personne n’arrive-t-il à corroborer ses aveux ? Chercherait-il à protéger quelqu’un ? Alors que tout est censé les opposer, Kazuma et Mirei – le cygne et la chauve-souris – vont surmonter leurs ressentiments pour plonger ensemble dans le passé de leurs pères afin de rétablir la vérité. Mais rien n’aurait pu les préparer aux rebondissements qui les attendent. »
Dans ce dernier roman paru en France, Le cygne et la chauve-souris, Keigo Higashino réutilise une méthode qu’il maitrisait déjà bien dans l’un de ses précédents romans, Les Sept Divinités du bonheur (2022) : un coupable tout désigné est présent dès le début de l’intrigue, et la présence de ce dernier arrange bien tout le monde. Pas besoin de déployer les grands moyens pour mener une quelconque enquête, les forces de l’ordre, les journalistes et l’opinion publique ont déjà établi un scénario, qui leur convient très bien. Et il n’y a pas de place pour l’erreur : la police japonaise ne se trompe jamais. Mais, heureusement, certains ne s’arrêtent pas aux apparences.
Si dans Les Sept Divinités du bonheur, le lecteur suit la progression de l’enquête par le biais de l’enquêteur Kaga (dont nous parlions plus tôt), dans Le cygne et la chauve-souris, les points de vues s’entremêlent et se complètent : l’enquêteur en charge de l’affaire, bien sûr, mais surtout les deux dommages collatéraux de cette bien triste affaire, à savoir le fils du présumé meurtrier, et la fille de la victime. Tous deux sont dans la même tranche d’âge, ils ne se connaissent pas, ne se sont jamais vus, mais partagent un point commun. Celui de connaître assez bien leur père respectif pour garder une once de lucidité dans ce malheur qui s’abat sur eux : « ça ne lui ressemble pas ». Bien qu’incompris et découragés par leur entourage, les deux protagonistes mènent le combat de la vérité, chacun de leur côté. Pour Kazuma, la bataille est d’autant plus rude qu’il est un membre de la famille du meurtrier désigné : il n’a pas son mot à dire, il doit porter en silence la culpabilité de son père.
Le cygne et la chauve-souris est un polar qui plonge le lecteur dans les codes sociaux de la culture japonaise et dans le système juridique du pays, intransigeant avec ses décisions. La découverte de la vérité par les enquêtes parallèles que mènent l’enquêteur, le fils du meurtrier autoproclamé et la fille de la victime, est un schéma qui fonctionne à merveille. Un roman incontournable du maître du polar japonais, Keigo Higashino.
Si vous ne connaissez pas encore cet auteur populaire, vous pouvez vous plonger dans n’importe lequel de ses romans pour le découvrir. Pour autant, nous ne pouvons que vous recommandez de vous lancer en premier dans Le cygne et la chauve-souris. Sa lecture vous convaincra à lui seul que Keigo Higashino mérite son titre. Quant aux habitués de l’auteur, ce dernier roman ne vous décevra pas : une réussite, comme à son habitude !
Article intéressant qui me donne envie de le lire. Plutôt passionné par l’écriture de Toshihiko YAHAGi, Jinpachi Môri, mis en valeur par le dessin de Jirô Taniguchi, je vais franchir le pas avec cet auteur.