Rencontre avec Les 3 Chocolats d’Emiko Sano
Pour la troisième fois, Journal du Japon s’est rendu au Salon du Chocolat de Paris pour y découvrir les artisans japonais. Cette année était effectivement le grand retour du Japon sur ce salon, avec un espace dédié. Si plusieurs chocolatiers japonais ont fait le déplacement jusqu’en France, il y avait aussi des artisans déjà installés dans la capitale française qui tenant boutique. C’est le cas d’Emiko Sano qui a fondé Les 3 Chocolats Paris en 2017 et que nous avons rencontré.
Le chocolat, une histoire de famille
Journal du Japon : Bonjour. Pourriez-vous nous parler de 3 chocolats ? Quelles sont vos boutiques et qu’est-ce que vous y proposez ?
Emiko Sano : Nous sommes une pâtisserie-chocolaterie japonaise où nous utilisons beaucoup d’ingrédients japonais. Notre boutique est dans le quartier Le Marais donc il y a beaucoup de concurrence. Il nous fallait trouver notre propre « caractère » et c’est pourquoi nous avons axé notre offre sur les goûts japonais. Je suis issue d’une famille de chocolatiers. Mon grand-père et mon père ont fait ce métier avant moi : je suis la troisième génération, d’où le nom « 3 chocolats ».
Quel a été votre parcours ? Vous avez étudié la chocolaterie en France ?
Je suis venue en France étudier le chocolat il y a 15 ans. À l’époque, je ne parlais pas un mot de français et je n’avais aucune connaissance en chocolat (rires), donc les débuts ont été difficiles. J’ai été stagiaire chez Jaques Genin, au Plaza Athéné chez Christophe Michalak, puis avec Olivier Bajard et Bruno Montcoudiol. J’ai travaillé avec beaucoup de grands chefs avec lesquels j’ai appris le métier. J’ai aussi été chef chocolatier à La petite Rose, chez Miyuki Watanabe.
Vous avez une boutique au Japon ? J’ai cru comprendre que vous vendiez au Japon les chocolats que vous faisiez en France.
Oui, nous vendons nos chocolats au Japon, en collaboration avec la boutique de mon père qui est là-bas. J’ai essayé de fabriquer au Japon, mais ce n’est pas le même goût car les ingrédients sont différents. La crème, le beurre, le cacao sont très différents que ceux en France. Pour que mes chocolats restent tels que je les ai conçus, je fabrique tout depuis mon atelier à Paris.
Être une femme dans un milieu d’hommes, être japonaise parmi des artisans concurrents français, qu’est-ce que cela a changé pour vous pour vous installer ?
Au début, c’était vraiment difficile parce que mon père m’avait dit « si des Français ouvrent un magasin de sushi au Japon, personne ne va y aller, c’est la même chose pour une Japonaise avec du chocolat à Paris ». Mais je voulais quand même essayer de prouver que mes chocolats pouvaient plaire en France. Depuis, 7 années ont passé. Très vite, j’ai continué à faire mes chocolats qui correspondaient à mon propre univers et cela va mieux. Mais les débuts étaient durs entre la concurrence et le fait que les gens ne connaissaient pas trop les goûts japonais.
C’est pour cela que j’ai commencé à faire des chocolats au matcha et au yuzu. Maintenant, je fais bien d’autres goûts : j’ai en ce moment par exemple des chocolats au kinako, au miso ou au sakura. Je pense que c’est grâce à ces goûts japonais que j’ai réussi à percer dans le milieu.
À l’époque, vous étiez la seule à faire des chocolats avec ces goûts-là. Aujourd’hui, êtes-vous toujours la seule ?
Depuis, il y a Sadaharu Aoki et Mori Yoshida qui ont développé des gammes avec ces goûts.
Vous avez reçu hier l’Award de l’inspiration, parlez-nous de ce prix du Club des Croqueurs de Chocolat.
Oui, c’était mon cinquième essai cette année. Je suis vraiment contente d’avoir eu cette reconnaissance car c’est un « Award français », et non pas dans la catégorie « Award étranger » ce qui signifie beaucoup.
Des chocolats au goût du Japon
À quel rythme créez-vous de nouvelles recettes ?
Dès que je pense à une nouvelle recette, je l’essaye tout de suite. J’essaye peut-être 10 ou 15 recettes par an. Mais en boutique, pour les clients, je change peut-être 5 ou 6 chocolats par an.
Quel est le mélange le plus fou que vous ayez voulu créer ?
Il y a par exemple ce chocolat au yuzu auquel j’ai ajouté du miel de Savoie. Comme le yuzu a un peu d’acidité, j’ai voulu l’associer au miel de Savoie, et c’est un très bon mariage. [NDLR : elle nous fait gouter le chocolat en question]
C’est tellement bon le yuzu.
Mais si c’était juste au yuzu, cela serait trop acide.
C’est parfait comme ça.
Vous faites des créations pour les événements comme Halloween, Noël ou Pâques ?
Oui, nous avons par exemple ici une création pour la Saint-Valentin 2024. Pour Noël, il y aura des truffes et des recettes avec du foie gras.
Quelle est votre étape préférée dans la réalisation d’un chocolat.
J’aime toutes les étapes (rires). C’est pour ça que j’ai choisi ce métier.
Et est-ce que vous mangez du chocolat en même temps que vous les cuisinez ?
Non ! (rires)
Votre chocolat préféré parmi ceux que vous proposez ?
J’aime beaucoup le Création. J’y ai mélangé des ingrédients japonais et français et c’est celui qui me représente le mieux.
Sur votre chaine YouTube, vous avez posté une vidéo où vous visitez une récolte de sel de Guérande. Pour une recette de chocolat, comment utilisez-vous des ingrédients salés ?
Ça m’arrive souvent d’en utiliser en fait, comme avec le miso ou le soja et le wasabi qui sont salés. Il y a plusieurs sortes de miso, celui qui est utilisé dans ce chocolat est du hatcho miso qui lui donne un côté sucré-salé, un très bon mariage avec le chocolat au lait : tous les clients m’ont dit que le goût ressemblait au caramel au beurre salé.
Ce n’est pas trop compliqué de réussir à doser de tels mélanges ?
Aah, j’ai essayé beaucoup de fois !
Vous travaillez avec des produits japonais pour créer des chocolats aux saveurs du Japon. Mais si vous deviez utiliser un ingrédient français qu’est-ce que ça serait ?
En France il y a beaucoup d’herbes en cuisine, comme le basilic et la menthe. Je trouve qu’au Japon la menthe est vraiment petite et pas très odorante, alors qu’en France elles sont très grandes et sentent très fort, donc ça serait ça.
Y a-t-il des goûts impossibles à adapter en chocolat ?
J’ai essayé le tonkotsu ramen car c’est la spécialité de ma région. Je pense que c’était bon, mais quand j’ai fait goûter à mes collègues, tout le monde m’a dit « non! ». Ils n’ont vraiment pas aimé et donc j’ai arrêté d’essayer (rires).
Les chocolats japonais et le public français
Quel est votre constat lorsque vous rencontrez les visiteurs du salon du chocolat ? Comment réagissent-ils en passant sur votre stand ?
C’est la quatrième fois que l’on participe au Salon du Chocolat de Paris, donc on commence à nous connaître. Comme on est une petite boutique, beaucoup ne nous connaissent pas encore. Par exemple, hier, j’ai eu des clients qui habitent dans Le Marais, juste derrière notre boutique, mais ils n’avaient jamais vu notre boutique.
Et les gens qui passent sur votre stand et qui goûtent des chocolats comme celui au miso, qui n’est pas un goût habituel, qu’en pensent-ils ?
Tout le monde me dit que c’est vraiment particulier, que c’est surprenant, mais ils aiment tous.
Il y a quelques années, le matcha avait encore du mal à se faire une place, aujourd’hui ça doit être pareil avec des chocolats au miso ou à la sauce soja ?
Je fais beaucoup de dégustations, c’est très important. Mais je pense que les Parisiens sont curieux de la cuisine, alors même si ces deux-là sont particuliers, ils goûtent et aiment. Ils aiment découvrir.
Lequel s’est le mieux vendu sur votre stand depuis 2 jours ?
Là celui dont on a tout vendu, c’est le sakura. Une ganache aux fleurs de cerisier japonais dans laquelle j’ai mis un petit peu de prune umeboshi et de la framboise.
Comment avez-vous réparti vos chocolats sur votre stand ? Par catégorie ?
Au milieu, nous avons mis les nouveautés ; à gauche, c’est les classiques ; et à droite, les goûts japonais.
Un grand merci à Emiko Sano pour son accueil, sa bonne humeur et son sourire. Vous pouvez retrouver toutes ses créations dans sa boutique au 45 rue Saint-Paul à Paris. Les 3 Chocolats est ouvert du jeudi au lundi, de 11h à 19h. Et pour avoir un aperçu de ce qui vous y attend, rendez-vous sur le site internet ou la page Instagram de la boutique.