Rentrée littéraire : entre musique et thriller, deux romans à ne pas rater
C’est la rentrée littéraire et comme tous les ans Journal du Japon livre ses coups de cœur : Suite Inoubliable d’Akira MIZUBAYASHI, et La leçon du mal de Yûsuke KISHI. Au programme : de la musique… et de l’horreur !
Suite inoubliable d’Akira MIZUBAYASHI : du Japon à la France, de la guerre à la paix, un violoncelle et la musique de Bach contre la folie des hommes, unissant les générations par-delà la mort
Si vous avez aimé Âme brisée et Reine de cœur où apparaissaient un violon et un alto, vous allez adorer Suite inoubliable dans lequel Akira MIZUBAYASHI met en mots émouvants les thèmes qui lui sont chers : la musique, l’absurdité de la guerre, le fanatisme des dirigeants japonais durant la « guerre de quinze ans » (de 1931 à 1945), l’amour, la langue, la transmission. Vous vibrerez au son des notes du violoncelle au fil d’une histoire tragique mais aussi lumineuse dans laquelle vous retrouverez même quelques personnages croisés dans les précédents livres. Mais pas d’inquiétude, chaque livre peut se lire indépendamment des autres, et celui-ci vous donnera peut-être envie de découvrir les deux autres, c’est tout ce que nous vous souhaitons !
« En lui, la musique parlait français depuis qu’il l’avait vécue en France. En se livrant à la conversation avec Hortense, il avait la sensation d’interpréter un duo avec elle, sensation qu’il ne connaissait pas lorsqu’il s’exprimait dans sa langue maternelle, le japonais. »
Ken et Hortense habitent tous les deux au Japon lorsque celui-ci reçoit le sinistre papier l’enjoignant à rejoindre l’armée en 1945. Il confie le précieux violoncelle qu’il a reçu en prêt, après avoir remporté un concours à Lausanne. Un Groffiller de 1712 qu’il doit rendre avant juin 1946.
Ken joue pour sa sœur Rin dans une clairière près de chez eux :
« Lorsque Ken eut fini d’interpréter tout le morceau en une vingtaine de minutes, il marqua une pause, une pause longue de plusieurs dizaines de secondes. Il ne bougeait pas, il semblait être plongé dans une profonde méditation. Rin sentit, dans ce silence et dans cette immobilité, se propager tout autour d’elle un frissonnement doux et étrange. C’est alors que son grand frère commença à jouer en supplément un morceau paisible qu’elle n’avait jamais entendu jusque-là, ni à la maison ni dans les différents terrains vagues explorés depuis une semaine. C’était une petite pièce dont la durée était de trois minutes à peine. Rin embrassait maintenant ses jambes pliées ; la musique planait au-dessus d’elle. Elle avait l’impression d’entendre pépier une colonie d’oiseaux.
Ce jour-là, Rin préféra, au lieu de jouer au badminton, écouter encore une fois le morceau habituel et la petite pièce supplémentaire. Ken accepta de bon cœur.
Sur le chemin du retour à la maison, Rin fit part à son grand frère des oiseaux qui s’étaient envolés de son violoncelle.
— Merci, Rin. C’est le plus beau compliment que tu puisses me faire ! »
Plusieurs décennies plus tard, Pamina, jeune luthière, démonte ce violoncelle sur lequel joue Guillaume pour le réparer. Elle y découvre une lettre. Commence alors une longue enquête qui l’amènera à la découverte d’un passé douloureux mais aussi nimbé de la musique qui fait vibrer les cœurs, qui se transmet dans les familles, entre amis, qui permet de lutter contre la folie de la guerre. Retracer l’histoire de Ken et sa famille, d’un autre habitant du même village et de son jeune fils lui aussi parti à la guerre, retrouver des personnes en lien avec ces histoires, partager, lire, écouter … les liens tissés à la fin de la guerre reprennent vie et le violoncelle lui-même leur réservera de belles surprises !
Au fil des pages, la musique et une langue autre que celle des censeurs, des oppresseurs deviennent des outils de résistance, de vie.
Les destins se croisent, l’amour est puissant mais souvent tragique, les familles sont déchirées, détruites … Mais la musique reste, se transmet. Ainsi les vivants et les morts la partagent comme une lumière précieuse qui se transmet, de main en main.
Le livre vous fera probablement pleurer de rage, de tristesse, mais également de beauté et de joie. Et vous aurez envie d’aller écouter ou réécouter les musiques qui sont si bien décrites par cet auteur mélomane !
« La musique d’une subtilité ineffable se poursuivait comme la trace tangible d’une âme humaine se recherchant, se construisant, se déployant dans toute la gamme de ses émotions entre la certitude et le doute, entre la joie et la tristesse, entre la colère et la sérénité. Il semblait à Pamina, qui suivait le moindre geste du violoncelliste avec une attention extrême, que traverser les Suites d’un bout à l’autre, en glissant d’une danse à une autre, en passant au mode mineur pour le numéro 2 ainsi que pour le numéro 5, était l’occasion de se connaître, et surtout de reconnaître, dans le portrait de l’homme libre et pleinement épanoui que cet homme des Lumières que fut Jean-Sébastien Bach dressait magistralement, la figure d’une humanité nouvelle à venir. »
Un chef d’œuvre d’humanité !
Plus d’informations sur le site de l’éditeur. Vous pouvez retrouver le livre chez nos partenaires Cultura, Fnac et Amazon.
Chantage, manipulations et meurtres sanglants : bienvenue dans La leçon du mal de Yûsuke KISHI
Sorti au format poche cet été, La leçon du mal est le premier roman de Yûsuke KISHI paru en français. Cette œuvre aux accents de thriller psychologique et horrifique nous plonge au sein du lycée Shinkô Gakuin, un établissement sur lequel règne le charismatique professeur d’anglais Seiji HASUMI. Adulé par ses élèves et admiré par ses collègues, cet homme a priori charmant et toujours à l’écoute semble dévoué corps et âme au bon fonctionnement du lycée. Il apparaît aux yeux de tous comme l’enseignant parfait, face à des collègues peu sympathiques et des élèves fauteurs de troubles… Sauf peut-être à ceux des lecteurs, qui décèlent dès les toutes premières pages de troublantes pensées et de singuliers comportements.
Dans La leçon du mal, tout se joue crescendo, au rythme de « La complainte de Mackie », une musique issue de L’opéra de quat’sous (Kurt Weill) qui accompagne le récit. La tension monte doucement, les actes de violences laissent peu à peu la place aux meurtres, jusqu’à atteindre leur paroxysme dans une scène finale de massacre qui se déroule sur une centaine de pages.
Car en dehors de ses cours dynamiques où il se sert de méthodes issues des théories psychologiques et managériales afin de capter l’attention de ses élèves, Hasumi passe son temps à dénicher des informations sur chaque membre de sa classe et chacun de ses collègues, puis à les compiler et les analyser pour mieux manipuler, faire chanter, éliminer.
« Tu te crois de ma famille, avec ton chat ? Quelle méprise… Le chat est ton animal. Et toi, tu es l’animal de ton professeur, ton rôle est de lui faire plaisir.«
Mais le fait d’éliminer toute personne se mettant en travers de son chemin crée peu à peu une réaction en chaîne : tout soupçon appelle au meurtre et tout meurtre appelle au soupçon. Le passé du personnage apparaît par flash dans la deuxième partie du roman et c’est alors la vie d’un être dénué d’émotions et de toute empathie qui se révèle, d’un psychopathe doté d’une capacité intellectuelle hors du commun, dont seule une logique implacable guide les actes.
« Lorsqu’elle vit son visage, elle hurla. De loin, c’était un visage normal, mais en s’approchant, on comprenait que ce n’était qu’un masque. Ce n’est pas un humain. C’était un monstre qui se déguisait en homme.«
Derrière la description d’Hasumi, l’auteur dénonce de nombreuses dérives de notre société et des comportements humains en général. Car si le personnage parvient à cacher ses crimes pendant des dizaines d’années, c’est bien en raison du règne de l’apparence qui dirige la société. Le professeur d’anglais incarne aux yeux de tous la réussite et l’intelligence. Hasumi est un monstre, mais ses collègues sont également loin d’être des saints. Harcèlement, chantage, relations sexuelles avec les élèves et magouilles en tous genres sont monnaies courantes dans ce lycée qui – comme Hasumi – n’est au final qu’une vitrine.
Un roman à suspense, violent, qui nous tient en halène jusqu’à la dernière page, à mettre dans les mains des amateurs de thrillers et de slasher.
Véritable phénomène au Japon, La leçon du mal a été porté à l’écran par le célèbre réalisateur de films d’horreur Takashi MIIKE en 2012 et est également à retrouver en manga sous le titre Lesson of the evil (chez Kana éditions).
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Et vous, quelle pépite avez-vous découvert en cette rentrée littéraire ? Dites-le nous en commentaire !