[Interview] 2020-2023 : retour sur 3 années complexes… avec Pika édition
Nous continuons aujourd’hui notre série d’entretiens sur le marché français du manga. Après avoir débuté avec les éditions Glénat Manga, rencontré les éditions Mangetsu, fêté les 10 ans de nobi nobi ! et découvert la plateforme Piccoma, nous revenons à l’analyse du marché du manga en France, du début de la pandémie à l’année 2023.
Nous avons eu l’opportunité de rencontrer Mehdi Benrabah, directeur éditorial des éditions Pika, pour évoquer avec lui la pandémie puis l’explosion des ventes de mangas qui a suivi le déconfinement, mais aussi le coût du papier, les choix d’investissements en période faste, les éditions collector et de nombreux autres sujets.
Une interview passionnante que nous vous laissons découvrir !
2020 : s’adapter et redéfinir les priorités
Journal du Japon : Bonjour Mehdi et merci pour ton temps. Commençons cette interview comme celle de Glénat Manga et remontons le temps en mars 2020. Nous sommes, alors, tous confinés. Comment avez-vous géré cette période assez inédite chez Pika et quels souvenirs en gardes-tu ?
Mehdi Benrabah : Écoute, le souvenir que j’en garde, c’est à quel point nous nous sommes re-déployés. Nous étions à une époque où le télétravail était encore en test au sein du groupe Hachette et de Pika. Très clairement, il s’est imposé à nous tous.
Il a fallu prendre des mesures drastiques pour que tout le monde soit équipé et que chacun ait à disposition un ordinateur chez lui. Il fallait être dans les meilleures conditions pour pouvoir travailler chez soi et que les rares moments où nous étions autorisés à revenir dans les bureaux soient les mieux orchestrés possibles. Tout le monde ne pouvait pas revenir en même temps dans les bureaux au sein du groupe Hachette, il n’y avait qu’un certain nombre d’ordinateurs en libre service… Il a fallu se réorganiser sur la production pour que nous puissions faire face.
Dans le grand building Hachette où se situe Pika, combien de personnes travaillent ?
Si je ne dis pas de bêtise, je crois que nous sommes plus de 700 personnes.
Ah oui, quand même !
(Rires) Oui, très clairement, il a fallu que notre direction orchestre toutes les allées et venues pour que les jauges soient acceptables. Cela sous-entend beaucoup d’organisation, avec une mise en place du télétravail qui s’est précipitée… parce qu’il était en cours mais qu’il a fallu passer à la vitesse supérieure.
Il y avait donc ce pan-là à gérer, l’organisation de la production à revoir très rapidement… Puis il y aussi eu la gestion du planning des sorties à réorganiser.
Cela ne servait à rien de livrer des librairies qui, du reste, étaient fermées. Donc, là, cela a été un jeu d’équilibriste, un jeu très acrobatique de réorganisation du planning en fonction des nouvelles que nous pouvions avoir quant à la réouverture des libraires. Car, malgré tout, elles proposaient le click and collect par exemple, le genre d‘initiative que nous n’avons pas sous-estimé, ce qui fait que nous avons maintenu tout de même un certain rythme de sortie.
Il était aussi nécessaire de ré-orchestrer le planning dans l’optique de la réouverture des librairies, pour ne pas les bombarder de sorties… car si tout le monde faisait pareil, ce serait impossible à gérer pour eux. En somme, il a fallu arbitrer, décaler des titres à l’année suivante, en 2021.
Nous avons dû faire des choix dans les lancements, ce qui a un peu mis à mal notre stratégie. Nous devions être réactifs, mais même en l’étant, ce n’était pas l’idéal pour les lancements qui ont suivi le Covid. Il a fallu s’adapter pour ces derniers, maintenir un rythme de sortie régulier et avoir conscience que le plan établi pour l’année allait être malmené, au premier plan duquel nos 20 ans : 2020 était l’année des 20 ans de Pika. Nous avons pu proposer de belles opérations à la réouverture des librairies mais très clairement ce n’est pas l’année à laquelle nous nous attendions pour fêter un tel anniversaire… Nous nous rattraperons pour les 25 ans !
Pour les choix que tu évoques : était-ce du cas par cas à chaque fois ou y avait-il une ligne directrice, ou des critères pour faire le tri ?
Les séries qui sont les plus régulières ont eu la priorité pour les maintenir au planning, car casser le rythme de sortie d’une série est très risqué. Certains lancements avaient aussi la priorité : en janvier sortait Blue Period, et il y avait aussi The Quintessential quintuplets en février. Ces titres-là devaient avoir un rythme de sortie le moins impacté possible. Début 2020, Blue Period remportait le Manga Taisho qui récompense la meilleure série de l’année, donc il y avait tout un contexte qui faisait que nous ne pouvions pas mettre sa publication en pause.
Les séries avec une cadence de sortie plus espacée, qui avaient rattrapé le rythme de publication au Japon, étaient celles qui seraient finalement le moins impactées par des décalages.
Finalement, 3 ans après leur lancement, Blue Period et The Quintessential quintuplets ont-elles trouvé leur public, que ce soit en 2020 ou dans les deux ans qui ont suivi ?
Oui, très clairement ! Blue Period fait partie désormais des seinen les plus importants du catalogue Pika. Et pour The Quintessential quintuplets, nous avons même décidé de publier sa version tout en couleur, fait rare pour un manga !
Pendant le confinement beaucoup de personnes se sont penchées sur des animés à succès qu’ils ne connaissaient pas encore, ce qui expliquerait en partie un décollage des ventes pour ces séries fin 2020 et début 2021, à la réouverture des libraires. Que penses-tu de cette hypothèse et, avec des chiffres à l’appui si possible, est-ce que vous avez pu le constater chez Pika éditions, pour l’Attaque des Titans ou d’autres séries ?
Tu cites l’Attaque des Titans : c’est sans doute le cas le plus frappant. La série cumule à l’heure actuelle, depuis ses débuts 8 400 000 exemplaires vendus ! Je ne sais pas si c’est parce que les gens se sont intéressés au sort d’une autre humanité confinée… (Rires)
Cela fait en tout cas partie des séries incontournables sur laquelle les gens sont sûrement revenus parce qu’ils avaient du temps pour eux. Dans la top liste des animes à visionner il y avait sans aucun doute celle-ci. En plus, elle continuait d’être pré-publiée au Japon mais entrait dans son dernier arc, créant un immense buzz. L’approche du climax poussait les gens à s’y mettre ou à s’y remettre. Cela coïncidait aussi avec la mise à disposition des contenus sur certaines plateformes incontournables comme Netflix. C’est un effet que l’on ne peut pas nier ou éluder et cela participe à la mise en avant de la série.
Ce rattrapage de retard fait que, lorsque les librairies ont rouvert, il y avait une appétence en place et nous avons remarqué que, assurément, les gens sont davantage allés sur les hits comme les Titans et moins sur les séries nouvelles qui venaient d’être lancées et qui n’ont pas bénéficié de l’exposition qu’elles méritaient d’avoir.
Double question du coup. Est-ce que tu as d’autres exemples que L’Attaque des Titans pour cet essor ? Et sur les séries qui ont moins bien marché, est-ce qu’elles n’ont juste pas profité de cet essor ou est-ce qu’encore pire que ce que l’on aurait pu attendre « en temps normal » ?
Alors je pense qu’il y a quand même certaines séries qui ont fait moins bien que ce que l’on pouvait espérer, malgré leur qualité. Je pense que c’est vraiment dû à un départ moins fort que les lancements habituels, à cause du contexte du Covid que nous venons d’aborder.
L’Attaque des Titans reste de loin l’exemple le plus frappant mais nous avons d’autres séries, des best-sellers comme Fairy Tail qui, eux, ont continué de bien performer. En plus nous avions des spin-off cette année-là, pour les 20 ans de Pika, donc cela nous a permis d’alimenter une dynamique assez saine et la série à d’ailleurs dépasser les 14 millions d’exemplaires vendus depuis ses débuts.
A contrario, des séries ont été pénalisées : je pense notamment à Orient, sorti en juin 2020. Typiquement, la série aurait, je pense, pu mieux trouver son public dans un autre contexte.
2021 : comment gérer le succès ?
Nous voilà donc fin 2020 – début 2021: il y a une véritable explosion des ventes de mangas, qui vont pour ainsi dire doubler sur 2021. Vous avez un catalogue conséquent donc, entre le retard cumulé en 2020, les sorties de 2021 et cette explosion des ventes qui suppose des réimpressions : comment avez-vous géré, en termes de production et de sorties, l’après réouverture c’est-à-dire le début 2021 – et même 2021 en général ? Est-ce que cela a été compliqué, certes pour le meilleur, mais compliqué quand même ?
À cette époque nous avons des chiffres de ventes absolument gigantesques. Nous sommes assez surpris voire dépassés au début, notamment sur une série comme L’Attaque des Titans. Nous ne nous attendions pas à un tel retour en force des lecteurs en librairie. Sauf que nous avons du faire face à une pénurie de papier, les imprimeurs et papetiers étant sur-sollicités. Donc il a fallu refaire des arbitrages, tout simplement pour honorer les réimpressions.
Donc en 2021, comment se justifie le coût du papier et quelles sont les conséquences de cette augmentation ?
La demande étant plus importante que l’offre, le prix du papier s’est envolé. Dans un premier temps, face à ce succès, ce qu’il se passe, c’est que les imprimeurs n’arrivent pas à suivre le rythme. Nous sommes donc obligés d’aller en chercher d’autres, de taper à la porte d’autres imprimeurs. Alors, normalement, c’est quelque chose qui ne se fait pas : nous avons des imprimeurs avec lesquels nous collaborons de longue date.
Mais là, les arbitrages se font à un autre niveau, ils se font au niveau du groupe Hachette. Des productions sont nécessairement favorisées pour certaines maisons et pas pour d’autres. Nos fabricants essaient donc d’arbitrer en bonne intelligence, mais cela occasionne forcément des difficultés chez les imprimeurs : pour qu’ils puissent augmenter leur production d’une part, mais aussi pour leur faire adopter les spécificités du manga. Ça a l’air tout bête mais tous les imprimeurs ne sont pas forcément pourvus d’une machine nommée « jaquetteuse », qui permet de répondre aux spécificités du manga.
Nous évitons enfin de passer d’un imprimeur à un autre, pour permettre de conserver quand même une harmonie dans la fabrication des livres.
Au final c’est ce rush-là qui va, petit à petit, augmenter les coûts.
Une loi d’offre et de demande qui joue, donc, à la hausse sur le prix des imprimeurs…
Pas toujours. Mais parfois, oui. Pour autant, il est important de ne pas confier notre production à n’importe qui et n’importe où. Cela a donc été compliqué d’absorber ça sans pénaliser le rythme de sortie pour que nos titres continuent de fonctionner. En effet, chez nos confrères aussi, il y avait des titres qui avaient du succès donc nous devions réussir à maintenir nos séries à flot en libraires. C’est aussi comme cela que tu fais le tri : qu’est-ce qui tourne le mieux ? Sur quelle série nous ne pouvons pas nous permettre d’être en rupture ?
Est-ce que cela vous a poussé à trancher plus vite que d’habitude, en fonction du potentiel des séries peut-être ?
Il a fallu agir vite, oui, et nous avons favorisé les séries performantes que l’on ne pouvait pas stopper dans leur lancée. L’exemple le plus criant une fois de plus : L’Attaque des Titans. En mars, il y avait aussi Kaguya-sama Love is war, une love comédie qui nous permettrait d’asseoir encore plus notre offre et notre place en comédie romantique après The quintessential quintuplet, en travaillant auprès d’un éditeur-clé comme Shueisha. Il est extrêmement important de s’assurer que les volumes d’un tel lancement puissent sortir régulièrement.
Si aujourd’hui la série est achevée avec une trentaine de tomes, quand nous la lançons, elle compte déjà une vingtaine de volumes et nous planifions un rythme de publication d’un tome tous les deux mois. C’était stratégique pour nous, sur l’année 2021, de ne pas se rater sur cette série-là.
Et ça a marché pour Kaguya-sama ?
En effet, depuis ses débuts, la série affiche 450 000 exemplaires vendus au total.
Et pour les autres séries ?
Sur d’autres séries en cours, qui ont atteint si l’on peut dire leur rythme de croisière, les lecteurs sont peut-être prêts à attendre un mois supplémentaire pour avoir un nouveau tome.
Sur tous ces arbitrages il s’agissait enfin de communiquer le mieux possible aux lecteurs, car ce sont des choix que nous assumons et que nous essayons d’expliquer ensuite, à la lumière aussi des informations que nous avions… Car, en 2021, notre service de fabrication ne pouvait présager de rien : certains imprimeurs ne pouvaient pas honorer les commandes parce qu’ils étaient surbookés… Par moment, nous étions déjà bien contents d’avoir nos titres à l’heure.
Comme tu le dis, c’était un élan positif mais qui a été compliqué à absorber en interne.
Nous avons cité le retour à des séries phares mais ça n’explique peut-être pas tout de ce succès phénoménal du manga. Est-ce que tu vois d’autres raisons, toi, à cet essor du marché ?
Dans un premier temps, il faut ajouter que ces lecteurs qui reviennent sur des séries phares vont, de fait, revenir dans les rayons des librairies. Ils ont envie de découvrir de nouvelles choses. Donc, contrairement aux antipodes de 2020, les lancements de 2021 bénéficient d’un état d’esprit positif et, cela, ça leur a beaucoup profité, cette curiosité : « qu’est-ce que vous avez de nouveau ? », « quels sont les phénomènes du moment ? ».
On peut dire que cela nous a permis de mettre en orbite une série qui s’appelle Blue Lock, que nous avons sorti début juin 2021. Typiquement, cela fait partie des séries qui ont pu profiter de cet essor. On peut aussi citer Toilet-Bound Hanako-kun, toute fin juin. Ces séries ont fait partie des moteurs qui aidaient le marché du manga à avoir de telles progressions dans les volumes de vente. En effet, une fois que les lecteurs y ont goûté parce qu’ils étaient dans des prédispositions assez positives, ils ont accroché et sont au rendez-vous encore aujourd’hui… Parce que ces titres ont tenu leurs promesses, aussi.
Enfin, en plus de cette appétence, il y a le pass Culture qui a poussé les lecteurs à se dire : « vite profitons-en pour combler les trous dans nos séries »… Et là, on pouvait voir des gens qui sortaient de leur libraire avec des piles de 10 à 15 mangas pour compléter les collections. Ça a aussi aidé.
C’est quelque chose que vous avez pu constater dans vos demandes en réassort ?
Oui, il y a aussi des choses parfois surprenantes, notamment en shôjo, qu’on nous demandait de réimprimer, ce que nous avons fait.
Et du coup, quels ont été les chiffres de 2021, l’année de leur lancement, pour Blue Lock et Hanako-kun ?
En 2021, il s’est écoulé 300 000 exemplaires de Hanako-kun et 270 000 de Blue Lock.
En termes de public : est-ce que ce nouveau succès a concerné tous les types de lectorat ou est-ce que ça a concerné plus particulièrement une tranche d’âge… ou un profil de lecteur particulier ?
C’est une bonne question. J’ai le sentiment que le manga continue de se démocratiser… mais toujours auprès de la même cible de lecteurs, assez jeune. Je n’ai pas l’impression que nous avons forcément réussi à franchir un cap, à transformer l’essai auprès d’un public plus lecteur de BD, amateur de cinéma ou plus âgé.
Je prends l’exemple d’un titre chez nous comme The Fable – qui a été lancé en mars/avril 2021 – qui est un seinen très « tarantinesque ». Tous ceux qui l’ont lu autour de moi sont accros et veulent le tome suivant…
Nous aussi ! (Rires) Bon après, je suis un lecteur de furyô, si on peut le classer en furyô… Mais c’est vrai qu’il fait partie des bons !
Ah ben merci, ça me fait plaisir de te l’entendre dire… Et je suis d’accord pour le classer en furyô aussi, de par ce héros électron libre un peu étrange au beau milieu des yakuzas… un peu comme l’on se demande ce que fait un Onizuka dans le milieu de l’enseignement… C’est un peu le même genre de loustic.
Sur ce manga, donc, nous allions plutôt chercher un lectorat plus âgé, amateur de seinen, d’univers que l’on peut lire en comics ou en bandes dessinées franco-belges… Des BD sur des tueurs, il y en a beaucoup et ça plaît. Nous sommes satisfaits des résultats mais nous n’avons pas observé la même explosion que sur les titres que nous avons évoqués précédemment.
L’Attaque des Titans peut aller chercher des lecteurs de BD ou de comics mais c’est un phénomène, nous n’avons pas vraiment d’autres exemples en la matière. Nous restons sur le même cœur de cible, sur le même profil de lecteur mais je pense que le manga se démocratise toujours plus sur cette tranche d’âge adolescent – jeune adulte.
Si on prend un autre angle sur ce succès, en 2021 et 2022, j’ai eu l’impression que le succès du manga a ouvert un peu plus de portes chez la presse généraliste et grand public. Les lecteurs de manga sont arrivés à la rédaction BFM TV et d’autres grands médias, il y a quelques années, et cela commence à porter ses fruits ?
Je pense en effet qu’en interne dans ce genre de grand média, il y a des lecteurs et des amateurs de manga qui souhaitent en parler. Ils n’ont pas attendu cette explosion des ventes pour proposer un papier à leur rédacteur en chef. Mais jusque-là, il leur répondait non, leur disant que le manga reste une niche… J’ai le sentiment que les planètes étaient bien moins alignées. Mais à partir du moment où le manga est vraiment devenu incontournable grâce à certaines séries phares, des rédacteurs en chef ont peut-être dû se rendre à l’évidence. Il fallait couvrir un tel phénomène !
J’en reviens au pass Culture qui a été rebaptisé « Pass Manga » : le gouvernement qui passe sous pavillon manga comme ça, cela donne des leviers plus facilement actionnables pour des journalistes en interne, qui étaient déjà dans les starting-blocks pour proposer des sujets intéressants.
Pour en finir avec 2021, en termes de segments (shônen, shôjo, seinen), et si l’on excepte le phénomène Attaque des Titans, est-ce que tous ont profité de la hausse ?
Non clairement : c’est le shônen qui s’est une fois de plus taillé la part du lion. C’est dans cette catégorie que nous avons le plus recruté. Si je regarde nos chiffres de ventes, que ce soit shôjo et seinen, nous sommes restés sur des standards de vente. Nous ne constatons pas sur ces catégories l’essor des ventes constaté sur le shônen et au global.
Face à ces succès, quels ont été les choix d’investissement fait chez Pika ? Avec tous ces bénéfices, qu’est-ce que vous avez fait de l’argent ? (Rires)
On est parti à Las Vegas avec, évidemment ! (Rires)
Plus sérieusement : à partir du moment où nous avons identifié des séries à même de devenir des hits de demain au catalogue, c’est très important pour nous de les mettre en orbite et d’investir pour leur permettre de décoller. Donc, sur des séries comme Blue Lock ou Hanako-kun, nous avons vraiment appuyé sur le champignon pour que ces mangas puissent encore plus briller, aux travers d’éditions limitées et d’actions promotionnelles.
Sur L’Attaque des titans, même logique : nous étions déjà dans les discussions des 10 ans de la publication en France, avec l’arrivée de la fin de la série. Nous réfléchissions déjà à ce moment fort et à la sur-exposition que nous pouvions donner à la série. Donc là aussi, c’est un investissement avec des opérations de promotion commerciale comme « un manga acheté, le deuxième offert » . Ces dispositifs étaient là pour permettre à ces séries de passer des paliers.
À l’occasion de tout ça, nous nous sommes creusés la tête pour proposer du bonus à nos lecteurs, et je pense notamment aux éditions collector. Pika a toujours été pionnier dans les éditions collector – maintenant c’est devenu monnaie courante donc les gens ne s’en souviennent plus forcément. Mais il était important pour nous de proposer les meilleures éditions collector possible comme en octobre 2021 avec le tome 34 de l’Attaque des Titans, et de même courant 2022, car nous voulions continuer de pousser la série.
Il s’agissait de faire un travail éditorial en fait, pour donner l’accès à la série aux gens qui ne s’y étaient pas encore mis avec des coffrets de la série principale, que nous avions découpés en saisons, saisons d’animé s’entend. Le but était de proposer au lecteur du bonus, des choses que l’on a au Japon mais que l’on voit plus rarement en France.
Je pense aussi à The Quintessential Quintuplets, pour les 20 ans de Pika, que nous avons décidé de proposer dans son édition couleur, un peu comme un redémarrage de la série. C’est une série qui le méritait largement… pour ceux qui l’aimaient déjà et avaient envie de la redécouvrir sous cette forme, mais aussi pour ceux qui étaient passés à côté.
C’est ce genre d’initiatives, pas forcément perceptibles du grand public, que nous avons tenté pour secouer un peu le marché. Nous avons aussi essayé de réinvestir dans des séries à grand potentiel, pour éclater un plafond de verre, si jamais il y en avait un.
Ce sont des initiatives que vous n’auriez pas tenté, en tout cas pas dans cette ampleur, si le marché n’avait pas été aussi porteur en fait.
C’est possible, oui.
Et du coup quel est le bilan, commercial ou éditorial, de ces initiatives et expérimentations : plafond de verre cassé ou pas ?
On peut dire que nos efforts ont payé : ces mises en avant ont permis à certaines séries de passer des paliers, à l’image de Blue Lock, quand on voit ses chiffres de vente aujourd’hui.
Du prix au lectorat : les évolutions du marché
On arrive en 2022 où en février éclate la guerre en Ukraine. Comment elle a impacté les éditeurs manga, et Pika en particulier ?
J’en parlais justement avec mon responsable de fabrication : tout ce qui est automatisation des chaînes de production est maintenant devenu quasi-optimum chez les imprimeurs, ce qui n’était pas encore le cas comme nous l’évoquions plus haut. Mais ensuite, c’est surtout le coût des matières premières qui a posé problème et qui en pose toujours. Il s’est stabilisé désormais mais à des valeurs assez élevées car il a explosé… à cause du conflit que tu cites, mais pas seulement.
Si l’on s’intéresse aux emballages par exemple : les emballages en plastique ont tendance à fortement disparaître et à être remplacés petit à petit par des emballages en carton ou en papier. Donc c’est surtout le marché de la pâte à papier qui est particulièrement tendu. Ce marché est désormais sur-sollicité et pas seulement par les éditeurs de livres.
C’est vrai que l’on ne fait pas forcément le lien mais des gobelets qui ne sont plus qu’en carton accouchent indirectement d’un livre qui coûte plus cher.
Il suffit par exemple d’aller dans certains fast-foods pour s’en convaincre. Quand tu prends une salade, ce ne sont plus des couverts en plastique mais en bois, les emballages sont en cartons ou en papier… Tout ça se fait pour de très bonnes raisons bien évidemment !
Mais cela a des conséquences.
Exactement. Il y a aussi une volonté des marques d’avoir des matières labellisés avec cette dimension de recyclage qui va entraîner une concentration sur certaines matières premières et une augmentation de leur coût. Ce sont ces facteurs qui font que, malheureusement, on en vient à des augmentations de prix. Ce n’est évidemment pas de gaieté de cœur mais il y a une réalité qui nous pousse à faire ce genre de choix.
L’augmentation du prix du papier était de quel ordre de grandeur ?
Sur la question des prix du papier en 2022 avec ce qu’a entraîné la guerre en Ukraine, on était sur un ordre d’augmentation de 25%, pour mon fabricant.
C’est suffisamment important pour que nous réfléchissions à deux fois avant de lancer des fabrications, sur des éditions collector notamment. Dans ce cas précis, tu souhaites avoir un objet séduisant, un goodies qui va compléter la valeur de ton livre, mais également un emballage séduisant parce que, comme je disais tout à l’heure, il y a une surenchère dans l’édition collector, donc il faut savoir se distinguer. Mais nous sommes obligés de garder un œil sur ces coûts et l’augmentation est telle que nous avons souvent dû y réfléchir à deux fois… voire ne pas faire certains produits.
L’année 2022 correspond à la fin de l’envolée avec une légère progression sur l’année mais il y avait déjà l’amorce d’un recul sur le second semestre. Quel bilan fais-tu pour le marché du manga en 2022 et plus particulièrement pour Pika ?
Sur 2022, les séries vraiment mises sur orbite en 2021 le sont restées pour la plupart, pour Blue Lock ou Hanako-kun notamment : on peut dire que nous avons pédalé dans la descente. La dynamique s’est atténuée sur L’Attaque des Titans mais quoi de plus normal : la série s’est achevée et il n’y avait plus de nouveaux tomes pour alimenter les ventes, la baisse était donc naturelle. Ainsi, il était d’autant plus important que Blue Lock et Hanako-Kun soient un relais. Et c’est ce qui se passe donc nous en sommes très contents.
Ces séries se sont installées si je comprends bien. Est-ce qu’après avoir été dans le top lancement de 2021, elles se sont fait une place dans le top ventes global par série, le top 20 ou 10 ?
Ces séries sont plus qu’installées dans le top désormais, oui : dans le top 10 pour Blue Lock, et dans le top 20 pour Hanako-Kun.
Ensuite, quid des nouveautés ?
Pour ce qui est des lancements en 2022, nous avons eu des résultats moins forts. Le shônen a continué de très bien fonctionner comme avec Four Knights of the Apocalypse ou A couple of Cuckoos, des titres qui ont su performer, tout comme Komi cherche ses mots également. C’est en juillet 2022 que nous avons lancé cette love comédie pour pleinement asseoir Pika sur cette catégorie de titres. Si nous sommes très contents des résultats, il ne s’agit plus des résultats de 2021, où nous étions dans une sorte de bulle si je puis dire. Mais cela reste donc de très bons résultats sur ces titres, qui en plus se confirment en 2023.
L’explosion des ventes en 2020-2021 nous a amené assez haut, mais penses-tu que nous avons atteint un palier assez stable ou que nous risquons de voir tout cela se dégonfler et revenir au volume de vente de 2019… qui était déjà une très bonne année ?
J’ai l’impression que nous sommes sur un palier supérieur. Ce qu’il y a d’intéressant, c’est aussi une grande ouverture d’esprit des lecteurs.
Des titres qui pouvaient être en difficulté avant ont finalement réussi à trouver leur public. Les lecteurs s’ouvrent et vont chercher des titres plus originaux et plus qualitatifs. Je pense notamment à Criminelles Fiançailles avec lequel nous avons ouvert l’année 2022 : nous avons alors de très bons retours, c’est un succès critique et commercial dont nous sommes très satisfaits.
Nous sentons dès lors que nous pouvons essayer d’installer quelque chose. Certes, il y a les shônen que nous avons évoqués, que nous devons continuer d’accompagner pour qu’ils franchissent des caps, mais on ne néglige jamais des titres comme celui-ci, dans la lignée d’un Blue Period – qui est d’ailleurs issu du même magazine, l’Afternoon de Kodansha. Les lecteurs apprécient vraiment les seinen très qualitatifs.
Est-ce que ce serait le sillon ado / jeune adulte qui a été beaucoup creusé comme on le disait plus haut, qui s’est développé mais pas uniquement sur du shônen, et qui s’ouvre désormais sur ce genre de titres ?
À la lumière du succès de ces titres, on peut franchement le penser, oui.
C’est une bonne chose que ces middle-sellers qualitatifs qui étaient plutôt dans le bas de cette catégorie, en termes de ventes, arrivent à grappiller des places.
C’est en ça que nous avons le sentiment de faire avancer le marché, en fait. Et ce, dans toutes les catégories. En shôjo, sur la fin 2022, nous avons lancé Ton visage au clair de lune qui est sorti en octobre. C’est un titre dans l’air du temps, graphiquement magnifique, avec des personnages profonds et intéressants, qu’on a envie de suivre. Les lectrices – et lecteurs aussi, j’espère ! – ne s’y trompent pas et y vont.
Finalement, 2022 constitue donc une année très positive malgré le ralentissement des dynamiques. En ce qui nous concerne chez Pika, si l’on doit parler de baisse, elle s’est clairement polarisée sur L’Attaque des Titans et son recul expliqué par la fin de la série.
Durant cette interview, tu évoques un désir d’asseoir Pika dans la love comedy à plusieurs reprises. C’est un segment important pour Pika ?
La comédie romantique ou love comedy fait partie de l’ADN de Pika depuis très longtemps, depuis des titres comme Love Hina. Depuis nous continuons d’en proposer année après année, comme The Quintessential Quintuplets, Kaguya-sama, A Couple of Cuckos, Komi cherche ses mots et ainsi de suite. C’est une composante de notre ligne éditoriale, parmi plein d’autres… Et c’est aussi ça qui est génial en tant qu’éditeur.
Cela fait désormais 7 ans que je suis chez Pika, qui est un éditeur de manga généraliste : c’est passionnant de pouvoir autant toucher à tout, de proposer un manga dans n’importe quel courant, parlant de n’importe quelle thématique… de la love comedy aux isekai avec I am a Spider so what par exemple… C’est un vrai kiff.
2023 : bilan, perspectives… et optimisme !
Nous arrivons donc à 2023 pour finir notre entretien. 2023 c’est la redescente…
(Rires) La redescente carrément !
Oui, me voilà dans une sémantique de drogué ! (Rires)
Ça donne l’impression qu’on a fait la fête toute la nuit et qu’en 2023 c’est 5h du mat’, les lumières s’allument, on est aveuglés et on nous demande de sortir de la boîte ! (Rires)
Il y a de ça ! (Rires)
Sur 2023 donc, l’année de… la baisse ! Des chiffres de l’institut GfK évoquent un recul des ventes de 18% pour le marché du manga en France de janvier à mai. Quid pour Pika ?
2023 marque en effet un recul du marché, et c’est assez net. Chez Pika, nous nous en sortons pas trop mal sur le premier semestre de cette année. Nous avons la chance d’avoir des lancements qui se placent pour le moment dans les top 5 ou top 10, qui ont réussi à sortir leur épingle du jeu. Ça commence avec le Péché originel de Takopi arrivé en janvier. Puis pour Windbreaker en février. S’il était sorti en 2021 ou même 2022, il aurait certainement fait un carton mais il fonctionne tout de même très bien. Ce n’est pas par hasard non plus. Ce sont les séries sur lesquelles nous investissons le plus.
En termes de promotion, nous faisons beaucoup d’efforts : PLV en magasin, opérations commerciales, goodies disponibles à l’achat des tomes. Cela reste des paris sur l’avenir, mais un animé pour Wind Breaker est annoncé en 2024 donc nous restons confiants. De fait, ces deux séries-là restent sur les meilleurs lancements.
Il en va de même pour Gachiakuta qui date de juin mais il a déjà de très bons chiffres, à l’aune du contexte.
Il y a aussi des bons retours sur des titres qui ne sont pas forcément des vraies nouveautés : je pense au spin off de Blue Lock, Blue Lock – Épisode Nagi, qui fait un démarrage incroyable presque au niveau du tome 1 de la série principale en 2021 !
Ah oui, tout de même !
Oui, les lecteurs ne s’y trompent pas et ils ont vraiment accroché à l’univers. L’édition anniversaire des 10 ans de L’Attaque des titans, le tome 1, connaît aussi un très gros succès. Donc oui, le marché marque le pas mais nous ne sommes clairement pas les plus à plaindre sur cette période-là.
Est-ce qu’avec le recul des ventes progressif, fin 2022 puis en 2023, après l’envol des ventes incroyable, les libraires ne risquent pas de faire du surstockage, qui entraînera des retours massifs ?
C’est quelque chose que nous surveillons en effet, en parlant avec nos équipes commerciales pour avoir justement ce précieux « retour terrain » dont nous avons besoin. Et nous constatons qu’il y a plus de prudence chez les libraires.
C’est à nous d’ajuster nos tirages, d’après ces remontées, pour ne pas souffrir des taux de retour qui ont, de fait, un peu augmenté. Il faut faire les bons choix. Sur les lancements, nous sommes plus prudents pour la mise en place de départ mais nous comptons sur un bon retour de la série, sur un bon bouche à oreille et la qualité de la série, tout simplement, pour ensuite faire plus de réassorts… Nous travaillons davantage en flux tendu. Mais c’est toujours un peu acrobatique parce qui dit grosse série, dit grosse mise en avant en magasin. Il faut que tu sois vu pour que les lecteurs puissent être briefés, si je puis dire. C’est un équilibre à trouver.
Comme je le disais sur les années précédentes, nous continuons de soigner les séries très bien lancées en 2021. De ce point de vue-là, cette année nous avons une super actualité Hanako-kun qui revient en animé et nous proposerons trois éditions collector, un artbook : éditorialement nous avons un très bon programme pour toujours soigner ces séries qui sont déjà en très bonne santé. Ce n’est pas parce que ces séries marchent bien qu’il ne faut rien faire, et nous veillons à animer au maximum le catalogue.
Toujours en termes de bilan sur ces 3 années écoulées, et en lien avec les investissements que nous évoquions tout à l’heure : certains éditeurs évoquent une augmentation du prix des licences. Satoko INABA chez Glénat parlait dans notre interview “des prix chimériques”. On peut comprendre qu’avec l’essor du marché et l’arrivée de nouveaux éditeurs, la concurrence se soit accrue, qu’en est-il de ton point de vue ?
Alors, au niveau des enchères, si c’est là qu’elle veut en venir j’imagine… Dès lors qu’un titre important se manifeste, il y a toujours eu des offres formulées qui étaient assez déraisonnables de suivre, mais je ne peux pas dire qu’il y a eu quelque chose de plus fou qu’avant.. C’est quelque chose de chronique.
Cela fait partie du métier…
Oui voilà, de temps en temps, plusieurs éditeurs surenchérissent et nous ferions mieux d’être plus raisonnés. Mais cela dépend des titres en question. Sûrement que les bon résultats du marché ont entrainé des propositions plus enflammées que d’habitude, pour des titres qui sont allés ailleurs. Néanmoins, je pense qu’il faut rester prudent, savoir raison garder parce qu’après il faut assumer l’offre et il va falloir l’amortir.
Par contre, ce qu’il y a de différent, c’est la recrudescence de nouveaux éditeurs, ça c’est sûr. Avec le succès du manga, il y a eu de nouveaux entrants et là, m’occupant de Pika avec plusieurs collections que j’entends bien alimenter, j’ai pu constater que, même sur des collections plus confidentielles, il y a désormais de la compétition. Et ça, c’est assez nouveau.
Ok donc la bataille pour le shônen du moment, il y a eu et toujours eu, mais désormais, on doit aussi batailler pour des titres plus confidentiels où, auparavant, vous pouviez être les seuls, ou quasiment, à faire une proposition. Tout le monde veut de tout en quelque sorte…
Exactement. Et là, au bout d’un moment, nous essayons d’en appeler à la raison, et essayons d’être pédagogue – si je peux permettre de le dire comme cela – en tentant d’expliquer à nos ayants droit japonais que nous ne pouvons pas monter trop haut sur des titres qui ont un potentiel donné. Nous ne pouvons pas non plus à chaque fois vendre pour la gloire. Il faut, au minimum, que nous rentrions dans nos frais.
Je trouve donc que, parfois, toute proportion gardée, il y a des offres beaucoup trop importantes par rapport au potentiel véritable de l’œuvre. Je trouve cela un peu dommageable pour le marché.
Dernière question, en nous tournant vers l’avenir. Nous sommes donc ressortis, ou en tout cas nous ressortons en 2023 de cette vague du manga, de cette bulle peut-être, même. Comment justement on sort de cette période lorsque l’on est éditeur, comment on envisage la suite, en 2024-2025 ?
Nous avons passé un grand pic de l’activité, cela nous a permis d’installer de nouvelles séries et de faire un passage de relais entre des titres du catalogue. Mais finalement, il n’y pas à être inquiet car ce que j’observe, c’est le talent de plus en plus immense des nouveaux auteurs au Japon alors que c’est leur première série. Je trouve vraiment qu’au niveau du potentiel…
Il y a un beau vivier de nouveaux auteurs ?
Ils sont assez hallucinants, oui. Et ça nous conforte beaucoup parce que nous avons envie – et nous le faisons d’ailleurs – de prendre des paris sur ces auteurs et autrices sortis de nulle part et capables de tutoyer des sommets du top Oricon alors que c’est leur première série…
As-tu des noms, des exemples en la matière ?
Ah oui, complètement, vu que c’est le cœur de notre stratégie cette année : Le péché originel de Takopi, en deux tomes, a été le lancement numéro 1 du marché du manga au Japon. Un auteur qui réussit cette performance alors que c’est son premier titre, ce n’est pas rien.
L’autrice de Windbreaker, sans que ce soit son premier titre mais qui est en début de carrière tout de même, a eu d’excellents résultats. Kei URANA, l’autrice de Gachiakuta : première série et déjà énorme mise en avant dans le Weekly Shônen Magazine, elle polarise beaucoup l’attention. En sang neuf, il y a aussi Mokumokuren, avec The Summer Hikaru Died, qui sort en octobre, première œuvre de l’autrice avec laquelle elle a remporté avec le Kono manga ga sugoi, prix sûrement le plus prestigieux au Japon.
D’ailleurs le top 3 du Kono manga ga sugoi c’est The Summer Hikaru Died, Adieu Eri de Tatsuki FUJIMOTO, auteur confirmé, et enfin Taizan 5 avec Le péché originel de Takopi. Sur ce top 3, on retrouve un auteur confirmé et deux newcomers, qui se hissent au niveau des plus talentueux dès le départ. Et ça, c’est passionnant.
En même temps, nous avons toujours notre politique d’auteurs que nous allons continuer à suivre comme Hiro MASHIMA et d’autres. Mais la relève est déjà là alors que les auteurs confirmés ont encore beaucoup de choses à raconter et à écrire, et c’est plutôt enthousiasmant.
Le marché français du manga, même s’il est encore jeune par rapport à celui du Japon, a déjà connu des cycles haussiers puis baissiers, notamment à la fin des années 90 et à la fin des années 2000. Mais peut-être que ces nouveaux talents nous permettront d’éviter cette fois une période de recul ou de creu après cet essor…
C’est le sentiment que j’ai, effectivement. Il y a beaucoup trop de créativité pour qu’elle passe inaperçue en manga.
Ce que j’aime aussi, c’est que c’est dans l’ADN de Pika : L’Attaque des Titans, c’est la première série d’Hajime ISAYAMA. L’Atelier des sorciers, c’est la première série longue de Kamome SHIRAKAMA. Avec cette nouvelle génération, nous ne devrions pas nous ennuyer…
Et tout ça, sans que l’ancienne génération n’ait passé le flambeau, c’est ça qui est assez encourageant. Parce que si l’on parle de vieux de la vieille, il y a des collections comme Pika Masterpiece où l’on peut remettre des auteurs in-con-tour-nables comme Masanori MORITA avec Rokunedashi BLUES. Le public a aussi de l’appétence pour ces titres et il est prêt à s’intéresser à ces mangas fondateurs.
Donc, oui, certainement, il y aura des moments de recul, c’est évident et nous nous y préparons, mais j’ai envie de faire confiance à la créativité et à l’envie de ces jeunes auteurs.
Je pense que c’est une belle façon de conclure cette interview. Merci à toi Mehdi et une belle rentrée littéraire à Pika !
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Remerciements à Mehdi Benrabah pour ses réponses et son temps ainsi qu’à Camille Hospital et l’équipe Pika pour la mise en place de cette interview.
Merci, cette année encore, pour ces interviews des éditeurs, qui permettent d’avoir un retour des coulisses ! Toujours passionnant d’avoir le point de vue des éditeurs, et de connaitre les séries qui cartonnent le mieux, de voir les difficultés auxquelles les ME sont confrontées…
Je serai aussi assez curieuse d’avoir plus de détails sur certains middle-seller, et de manière générale des retours sur des collections plus confidentielles comme Pika Graphic, H2T ou même les shojos, qui avec leurs chiffres de vente plus bas, sont rarement évoqués. Mais bas à quel point ? Est-ce quand même rentable ?
En tout cas, une lecture que j’attends tous les ans avec impatience ! D’autant plus avec cette pause de 3 ans, et ces circonstances exceptionnelles dues au Covid.
Bonjour Maneki,
Paul OZOUF, rédac-chef et auteur de l’interview. Merci de nous avoir lu et du commentaire. Actuellement nous continuons de réaliser de nouvelles interviews : un petit éditeur sera fait dans le courant du mois et arrivera dans nos colonnes en décembre, je refais un poids lourd toute fin novembre qui arrivera fin décembre début janvier et avant un autre mastodonte en février, je réfléchis justement à un éditeur de moyen taille. Et logiquement après, et avec d’autres sources plus confidentielles, je pourrais établir un panorama des ventes, que nous publierons au T2 2024. Encore du travail de prévu, mais des choses passionnantes.
Sans oublier en décembre ou janvier les ventes 2023 du Japon /o/
Enfin un éditeur qui nous éclaire sur les chiffres de vente. On sait qu’un titre est un gros ou moyen succès mais c’est très difficile de savoir jusqu’à quel point. Bref, interview très enrichissante à plusieurs niveaux, merci !