DreaMaker par Zilo – Rencontre avec un petit nouveau signé Ki-oon
Comme chaque année, l’équipe de Journal du Japon s’est pliée en quatre pour réaliser plusieurs interviews lors de Japan Expo ! On débute donc cette série de rencontres avec une interview de Zilo, l’auteure derrière l’un des titres made in France proposé par Ki-oon : DreaMaker. Peut-être même que l’autrice vous dit quelque chose puisqu’elle a remporté le dernier tremplin de l’éditeur. Journal du Japon a pu la rencontrer lors d’une entrevue exclusive et vous propose d’en apprendre plus à son sujet. Bonne découverte !
DreaMaker – Un titre entre rêve et réalité
Zilo, grande gagnante de la 3e édition du Tremplin Ki-oon offre avec son titre DreaMaker, une série mettant en avant un monde où les rêves se monnaient. Elle nous dépeint en effet un univers où les hommes ont perdu la capacité de rêver la nuit, et leur âme s’en retrouve affaiblie. Afin de remédier à ce problème, des êtres aux affinités fortes avec la magie sont apparus, les DreaMakers. Ils permettent aux personnes venant les voir de se procurer des rêves, contre quelques piécettes. La légende raconterait même qu’ils auraient terrassé par le passé un terrible démon.
Kiio, le héros de cette histoire, est un jeune garçon qui souhaite ardemment obtenir un rêve afin d’échapper à sa dure réalité. Pourtant énergique et plein de vie, chahuteur et prêt à faire les quatre cent coups, ce dernier semble cacher un dur secret et compte donc obtenir un rêve. Alors qu’il réussit enfin à réunir la somme nécessaire, il fait la rencontre d’un garçon de son âge, endormi devant la maison du mage. Dès lors une amitié forte se créé entre eux et de nouvelles aventures s’offrent alors au petit garçon. Entre imaginaire et réalité, entre secret et mystère, voici donc le quotidien de Kiio dans un univers pas si féérique qu’il y parait !
Le tout est accompagné d’un dessin affirmé, assez fort et original, qui permet de belles double-page. L’autrice joue d’ailleurs énormément avec la lumière et l’obscurité, n’hésitant pas à accentuer les ombres : ce qui apporte une ambiance pour le moins étonnante ! C’est un premier volume qui annonce quelques péripéties à l’avenir, mais un premier récit qui peut intriguer plus d’un chacun !
Afin d’en apprendre davantage sur son autrice, Zilo, voici donc son interview qui saura vous éclairer sur sa démarche : de quoi se laisser happer par le monde de DreaMaker…
Entrevue avec Zilo, créatrice de DreaMaker
Journal du Japon : Bonjour Zilo. Merci d’accorder du temps pour répondre à nos questions. Pourrais-tu te présenter un petit peu à nos lecteurs ?
Zilo : Eh bien je suis l’auteure de DreaMaker qui vient de sortir aux éditions Ki-oon.
Peux-tu nous parler un peu de ton expérience ? Et de comment tu en es arrivée à dessiner ?
En réalité, j’ai toujours dessiné, et ce depuis que je suis toute petite, c’est juste que j’ai commencé à prendre le fait de dessiner plus au sérieux quand j’étais au collège, voir au début du lycée parce que j’hésitais entre le journalisme et le droit.
Ce qui n’a en effet finalement rien à voir avec le dessin.
En effet. Finalement, je me suis dirigée du côté du dessin parce que j’y trouvais plus de liberté.
As-tu fais des études en conséquence ?
Pas du tout. J’ai eu mon bac L et suite à ça, j’ai fait une école sur Paris qui ne s’est vraiment pas bien passée. Puis je suis partie un an au Japon. J’étais dans une université en section Art dans laquelle j’avais tout ce qu’il fallait côté matériel, ce qui était différent de celle où j’étais à Paris : ce que je n’avais pas à disposition en France, je l’avais là-bas. Donc c’était bien de pouvoir travailler avec des logiciels spécifiques. Suite à ça, j’ai participé à un concours. J’ai pu être publiée sur le Jump+ avec on va dire, la version bêta de DreaMaker.
À quand remonte exactement ta rencontre avec le Japon ? Avec les mangas, mais aussi l’animation japonaise ? Quels souvenirs tu gardes vraiment de cette époque-là ?
Alors en fait, j’ai rencontré le Japon parce que mon père a vécu là-bas, donc c’est plutôt grâce à lui que je m’y suis intéressée. En revanche, le côté manga ce n’était pas pour lui. Cela m’est venue, je pense quand j’ai regardé ce qui passait à la télévision. C’est peut-être un peu redondant, mais oui, je suis tombée sur Dragon Ball Z et d’autres séries du même genre, mais côté lecture c’était plus Gunnm. J’ai commencé par cette série, puis Samouraï Deeper Kyo, etc.
Par la suite mon père a, on va dire, enrichi ce côté animé parce qu’il ne connaissait pas grand-chose, mais comme il est chauffeur routier au Japon, il récupérait des « pertes ». Donc en étant petite bien avant tout ça j’ai regardé Akira, Evangelion…
Des oeuvres majeures en somme ?
Oui, surtout qu’à l’époque je pense ne pas avoir tout saisi, vu que j’étais jeune. Mais quand je les regarde à nouveau aujourd’hui je me dis “ah c’était donc comme ceci en fait !”
Tu en as parlé un peu mais qu’est-ce qui t’a donné vraiment envie de faire ce métier ?
Je pense que c’est dû à une découverte. Elle n’est pas du tout liée à un mangaka mais je suis très fan de la saga Final Fantasy et plus particulièrement du travail de Tetsuya NOMURA qui est character-designer et dont j’adorais les personnages. Et le fait de rentrer dans une histoire peut-être un peu aussi. Je lisais par exemple Naruto qui m’a aussi bien marqué. Mais par la suite j’ai eu aussi ma phase FullMetal Alchemist et je me suis dit que c’était ça qui me plaisait : avoir de la liberté. C’était un peu naïf de ma part.
Naïf dans quel sens ?
Eh bien je pensais pouvoir être libre, alors que je me rendais compte que le manga c’est aussi un marché. Car entre nous j’étais un peu fantasque. Donc je pensais protéger qui je veux et comme je le veux… et à un moment je pensais que si j’étais journaliste, je pourrais parler de tout ce que je veux. En fait pas totalement, et j’ai dit non à une carrière de journaliste après un stage chez France 3.
Ce n’était pas la bonne expérience ?
C’était une très bonne expérience, mais la personne qui s’est chargée de mon stage m’a dit “Tu sais, j’ai des collègues comme toi qui ont raconté tout ce qu’ils voulaient, sauf que parfois cela ne s’est pas bien terminé.” Donc c’est de cette manière que je me suis tournée vers le dessin pour en vivre avec l’idée d’être libre. Car c’était ça que je voulais : raconter mes histoires et peut-être inconsciemment, pouvoir transmettre des messages à mon niveau.
Tu y as légèrement répondu mais quelles sont donc tes influences : au niveau du dessin, du scénario… Qu’est-ce qui t’a guidé un peu vers ce que tu fais actuellement ?
Toujours Final Fantasy parce que en fait j’adore le côté fantastique et la fantasy. J’aime beaucoup ce côté où l’on rentre dans un nouvel univers avec plein de créatures et tout. Le côté horrifique également avec Junji ITO par exemple. Toujours dans ce côté fantastique/fantaisie, même si c’est un peu plus récent, ce serait Tolkien.
C’est vrai que Tolkien a un univers assez large et très développé.
Je trouve ça incroyable. C’est fou, mais il ne raconte pas seulement une histoire : il a complètement inventé son univers. Il a même inventé son propre alphabet ! Après j’ai d’autres influences car je vais piocher un peu partout, mais là tout de suite, c’est à eux que je pense tout comme Tim Burton aussi car niveau enjeux fantastiques on y est pas mal aussi.
Pourquoi avoir voulu passer par le tremplin Ki-oon qui et comment l’as-tu abordé ?
En fait le tremplin, j’ai appris son existence assez tard. Je ne sais plus trop comment mais je me souviens me voir naviguer sur Internet, avant de tomber sur le tremplin. Je crois qu’il restait, à ce moment-là, à peine un mois pour participer. Et qu’il fallait donc que je me presse si je voulais envoyer quelque chose. Je n’étais pas dans une super période car j’étais stressée : j’étais en pleine préparation pour retourner au Japon. Et je me questionnais sur les modalités d’envoie car ça indique que ce n’est ouvert qu’aux personnes en France métropolitaine et si je partais, peut-être que ma participation ne compterait pas etc. Puis il y a eu le COVID. Donc ça a permis de régler l’affaire, mais comme je l’ai découvert un peu au dernier moment, j’ai repris une vieille histoire que j’avais faite et que j’ai retravaillé : la mise en page, le dessin etc.
Tu ne l’as donc pas abordé très sereinement.
Un peu quand même en réalité car je pensais juste “ça passe ou ça casse”. J’étais arrivée à un moment dans mon esprit artistique où c’était la dernière chance que je me donnais pour percer dans le dessin parce que j’étais fatiguée. Je n’ai pas fait énormément de concours, peut-être 2 ou 3. Mais j’étais tellement perdue dans l’univers de l’édition en France… Ce n’est pas du tout comme au Japon. Par exemple les éditeurs ne vont pas à Japan Expo pour trouver des artistes, contrairement au Japon… donc pour les concours c’est une occasion assez rare de pouvoir montrer ce que l’on peut faire en France.
Mon expérience au Japon, ça me donnait cette impression que je ne voulais pas être édité au Japon, mais j’étais curieuse du fonctionnement. Là-bas, les éditeurs vont directement dans les conventions, du type Comiket ou Comitia, et on peut leur présenter nos projets : je l’ai fait avec Square Enix par exemple.
Pourquoi ne pas essayer après tout ?
Oui et de toute manière en France cela reste différent.
Tu as fait allusion tout à l’heure à une parution dans le Jump+ : était-ce stressant ? Une différence avec la participation au Tremplin et son déroulé ?
Avec le Jump+, c’était en partenariat avec un concours qui a eu lieu à Monaco dans lequel j’étais arrivée 2e. Cela me permettait d’avoir mon histoire publiée sur le Jump+. Grâce à ça, j’ai rencontré les éditeurs, c’était super intéressant parce qu’il y a le responsable éditorial du Jump+ et du Jump et qui étaient les tanto de Masashi KISHIMOTO et Eiichiro ODA, donc c’était enrichissant. J’ai pu leur poser des questions. Et il y avait aussi Tite KUBO qui faisait partie du jury. J’ai pu lui poser des questions par rapport à mon travail et c’était hyper enrichissant d’avoir leur vision… en plus du petit côté fan.
Pour obtenir des retours en fait ?
J’ai posé des questions sur ODA et KISHIMOTO (rires). Je suis contente d’avoir participé au concours et d’avoir participé au Trempli Ki-oon parce que je ne me vois pas signer au Japon. Leur façon de travailler ne me correspond pas.
Une fois que tu as su que tu avais remporté le tremplin Ki-oon, comment as-tu travaillé pour arriver à l’ébauche de DreaMaker ?
En fait, DreaMaker, c’est une histoire que j’ai depuis que je suis au collège. C’est une histoire qui m’a accompagnée depuis tout ce temps. C’est un vieux projet. Quand j’ai gagné le tremplin, on m’a demandé si je voulais poursuivre avec l’œuvre que j’avais présenté, mais je ne la voyais que comme un one-shot. Un one-shot qui s’inscrit dans l’univers de DreaMaker, mais vraiment comme je ne la voyais pas autrement, et je leur ai donc proposé plutôt DreaMaker.
Comment s’est mis en place le travail avec Ki-oon pour arriver à ce volume un ? Est-ce qu’ils t’ont guidé ? Est-ce que tu étais libre de faire tout ce que tu voulais ?
J’étais complètement libre, et c’est ça qui était super. Quand je proposais mes planches, Ahmed (NDLR : Ahmed Agne, Directeur éditorial des éditions Ki-oon) lisait les chapitres, les validait ou non, mais il est assez ouvert. Donc cela s’est passé ainsi.
Pas de règles ni de limites ?
En fait, non, et c’est justement ce qui m’a fait un petit peu peur, peut-être. Car je n’étais pas très sûre de moi, je demandais souvent “c’est sûr que ça va là ?”, en réalité il a fallu me rassurer vu qu’il y avait peu de retours.
Tu expliques que DreaMaker est une vieille histoire, mais pourquoi en es-tu venu à parler de ce thème de l’imaginaire et des rêves ? Est-ce que c’est lié par exemple à ton personnage principal que tu as donc créé il y a longtemps ou est-ce totalement autre chose ?
C’est en partie lié au personnage principal. Ensuite cela vient aussi de quand j’étais amateur : je regardais les autres travailler et je me disais qu’ils vendaient du rêve, en quelque sorte. Ça peut paraître un peu bateau, mais moi je le voyais de cette manière. Mais quand j’en parlais à d’autres de ce côté rêve, on me répondait que les rêves c’était pour les enfants, etc. Avec cet esprit où tu continues de prendre ton goûter avec un chocolat chaud.
Je trouve que c’est stupide de penser comme ça et je sais que je parle aussi avec des personnes qui sont plus vieilles qui ont honte de dire que par exemple à 60 ans de parler de rêve ou qui ont dans l’idée de vouloir reprendre des études car c’est leur rêve, etc. Donc pour moi, il ne faut pas avoir honte d’avoir des rêves. C’est cool d’en avoir. Si vous n’avez pas de rêves, vous n’avancez pas. Moi en tout cas, c’est de cette manière que je vis. J’ai mes rêves, mon but et j’ai réussi puisque je suis quand même là, donc je suis contente. Il faut s’y accrocher à ses rêves.
Pour ce qui de l’imaginaire et des rêves c’est aussi parce que j’adore le folklore et que l’on représente beaucoup le folklore japonais et yokai dans les mangas, mais moins celui de chez nous. Pourtant en Europe et en France, on a un super folklore et j’adore les créatures. Donc c’était aussi un prétexte aussi pour faire des créatures et présenter tout le folklore que l’on a.
Le choix de DreaMaker c’est donc un mix ?
Oui, de plusieurs choses.
Est-ce que ton personnage principal a défini toute ton histoire ?
Non, pas vraiment. Il y avait l’univers tout autour de lui. Et depuis toutes ces années, lui-même a changé, donc tout n’est pas parti de lui.
Tu sembles avoir quand même une certaine appétence pour la dualité lumière/obscurité. Comptes-tu exploiter cet aspect tout le long de ta série ou pas du tout ?
Très bonne question. En fait, la série évolue en même temps que moi. C’est juste que j’ai des interrogations. Je les mets sur le papier et je me remets en question, tout comme tout ce qu’il y a autour de moi. Donc je ne pense pas, peut-être ? Cela évoluera en même temps que moi et ce qui m’entoure.
Est-ce que dans ton esprit, tu as un nombre précis de volumes prévus ?
Pour DreaMaker, j’avais un “nombre précis” à la base, comme 3 ou 5 tomes, car c’est très bien pour moi, ayant beaucoup d’idées mais aussi parce que je me lasse vite. Donc finalement cela sera plutôt 3 volumes.
Qu’est-ce que ça te fait tout simplement d’être ici à Japan Expo pour parler de DreaMaker ?
En fait, je pense que je suis en pleine dissociation. Parce que c’est beaucoup pour moi tout ça et, comme je le signale, le tremplin est arrivé à un moment où je pensais laisser tomber. Je forçais trop. Finalement je suis là et je pense que je ne réalise pas bien, et en même temps je me dis que c’est aussi grâce à la Communauté que j’ai sur Instagram. Il n’y a pas beaucoup de gens, mais ce sont des personnes qui m’ont pas mal poussé. Et à mon ami Momo aussi, qui m’accompagne depuis des années. Je ne suis vraiment pas une personne confiante donc de me voir là je pense que je suis juste contente.
Es-tu justement rassuré des premiers retours des personnes qui ont lu DreaMaker ?
Oui, je m’étais préparé aux côtés négatifs, mais pas aux autres côtés et ça fait du bien d’avoir autant de retour positif. Je me dis que j’ai bien travaillé.
Aurais-tu justement un dernier mot à dire à toutes ces personnes qui ont déjà lu d’un côté DreaMaker et ceux qui ne l’auraient pas encore lu pour les pousser à lire ?
Ceux qui ont déjà lu DreaMaker : déjà merci. Merci d’avoir juste pris un peu de votre temps pour découvrir ma série. Et si ça vous apporte quelque chose alors j’ai tout gagné.
Pour ceux qui n’ont pas encore lu DreaMaker. S’ils sont fans du côté horrifique ou fantastique, je pense que ça peut vous parler, si vous êtes fans de créatures.
Merci beaucoup.
Journal du Japon remercie Ki-oon pour avoir permis cette entrevue ainsi que Japan Expo.
Retrouvez un extrait de DreaMaker sur le site de Ki-oon et suivez le travail de Zilo sur son instagram ou sur son compte twitter.