INAKA BENTO, des repas comme dans un foyer japonais

Shizuka vend depuis juin 2021, avec son mari Frédéric, des plats japonais fait maison. Depuis juin 2022, ils partagent leur amour pour la cuisine nippone dans les marchés de l’Eure (27) et du Val d’Oise (95). Nous sommes allés à la rencontre de cette entreprise familiale normande et les avons interrogé Shizuka sur leur parcours : arrivée en France, la création de Inaka Bento, l’avis des clients, les projets à venir… Une interview que nous vous laissons déguster !

Yakitori fondants ou Karaage croustillants ? Chirashi de poissons frais ou Yakisoba au poulet fumant ? Avec Inaka Bento, vous aurez toujours l’embarras du choix et un nouveau menu toutes les semaines. ©InakaBento

L’arrivée en France

Journal du Japon : Bonjour et merci d’avoir accepté de répondre à nos questions. Depuis combien de temps vis-tu en France ?

Shizuka : Je suis arrivée en 2009, donc déjà 14 ans.

Tu voulais venir en France depuis un moment ?

Non, c’est grâce à mon mari et à notre mariage français que je vis ici. Mais j’étais déjà venue avant pour rendre visite à ma sœur, quand elle travaillait encore à Paris. C’est comme ça que j’ai rencontré Frédéric. J’étais revenue au Japon et on a d’abord cherché des pistes pour savoir dans quel pays on allait vivre ensemble. Mais je n’avais pas encore vécu en France.

Ton arrivée en France en temps que résidente permanente s’est bien passée ?

Oui, cela change beaucoup parce que je ne parlais pas encore français. Avant, avec mon mari, on parlait toujours en anglais. Celà faisait beaucoup de changement car, avant, je travaillais au Japon : ma vie a donc totalement changé.

Mais avant de rencontrer Frédéric, tu n’envisageais pas de vivre un jour en France ?

Quand j’étais jeune, j’ai pas mal voyagé en Europe. Je considérais la France comme un pays intéressant, mais je ne pensais pas qu’un jour j’y habiterai. C’était plutôt une destination de voyage. Mais ma sœur y a habité, alors ça a changé l’idée que j’avais de ce pays. Mon vécu n’était pas loin de ce que j’imaginais avant de visiter la France. Mais entre la réalité du pays et l’imagination, c’est différent.

En plus au début je ne parlais pas français et donc je ne comprenais pas ce qui se passait autour de moi. Ce n’était pas compliqué à analyser mais ce n’est pas pareil quand on ne comprend pas la langue. Désormais, j’habite ici depuis longtemps, donc je comprends plus de choses. J’aime bien la France, c’est différent du Japon.

Toutes les semaines, Shizuka élabore avec son mari des bento (paniers repas) variés : viandes, poissons ou légumes.
Ils le font aussi avec les entrées (brochettes, gyoza, tempura) et les desserts (cookies, financiers, dorayaki) ©Inaka Bento

L’arrivée en Normandie

Inaka Bento ne s’est pas créé dès ton arrivée en France, n’est-ce pas ?

Non, mais on a commencé à en parler. On avait déjà visité quelques restaurants quand on habitait encore à Pontoise, on observait. On avait des projets en tête mais ils n’étaient pas encore concrétisés. C’est lorsque l’on a fait des recherches pour notre maison que nous avons commencé à en faire aussi pour Inaka. Mais on a choisit d’acheter la maison avant de lancer le projet, donc on s’est installé ici, dans l’Eure.

Vous avez votre maison depuis combien de temps ?

Depuis 2011.

Qu’est-ce-qui vous a donné envie d’habiter en Normandie ?

Nous n’avons pas choisit la Normandie en fait. En réalité on a choisi de s’éloigner de Pontoise pour avoir une maison. Elle est agréable et grande et c’est la première maison que nous avions visité. On a cherché 6 mois, on l’a visité et on y est resté depuis.

Mon mari vient d’Île-de-France donc on voulait rester proche de sa famille et de son travail. On n’avait pas la possibilité d’aller ailleurs. La première étape était de choisir une maison pas loin de Paris. Avant, Frédéric habitait à Paris mais ce n’était pas son choix. Et je travaillais aussi à Paris donc j’avais besoin de cette proximité. Depuis que j’ai eu mon premier enfant, en 2011, ça a changé.

Avant, tu as grandi et vécu à Kyoto

Et ça a rendu le début très difficile au début, difficile de changer parce qu’il n’y a rien ici, et pour sortir il faut une voiture. En plus il n’y a pas de famille à côté, donc pour voir ma belle-mère il faut faire des kilomètres. Donc passer d’une vie en grande ville à celle dans un petit village c’était compliqué au début, oui. Il faut changer complètement son idée de vie.

Maintenant tu t’es habituée à la vie en campagne ?

Oui, ça va. Ça change beaucoup, mais en bien je pense. Pendant le Covid on a vraiment apprécié. Les enfants pouvaient sortir, on n’avait pas de problème pour ça.

Inaka Bento
Sur leur compte Instagram, Shizuka et Frédéric partagent régulièrement des informations comme des nouveaux plats : des mochis glacés (fruit de la passion ou vanille) et des ramen (avec bouillon au poulet) par exemple. ©Inaka Bento

La création de Inaka Bento

Tu faisais quel travail en 2009 en France ?

En fait j’ai créée une entreprise pour vendre des antiquités. J’achetais des assiettes d’antiquité françaises que je vendais à des clientes japonaises sur un site internet. J’ai arrêté durant deux périodes car j’ai eu des enfants. Je l’ai fait quelques années mais j’ai arrêté après l’arrivée du deuxième enfant, en 2014.

En plus il y a eut une augmentation des prix de transport. Avant ce n’était pas aussi cher, mais ça montait beaucoup donc je ne pouvais pas augmenter le prix d’objets pas chers, juste pour le transport. Après je suis restée à la maison pour garder mes enfants.

Qu’est-ce-qui vous a donné envie de lancer Inaka Bento ?

Il n’y a rien dans la campagne et il y a une demande de gens qui veulent de la cuisine japonaise. On en voit surtout dans les grandes ville0,s mais ça n’en n’est pas vraiment. En plus, c’est une cuisine populaire : ça fait du bien de pouvoir trouver facilement des ingrédients.

Que veux-tu dire par « ce n’est pas vraiment de la cuisine japonaise » ?

Ça ne me gêne pas si ce n’est pas de « la vraie cuisine japonaise« . Si c’est bon, si les gens aiment, c’est le principal. Par exemple il y a des Japonais qui cuisinent français à Paris et qui sont populaires, et pourtant ils ne cuisinent pas japonais. Il y a beaucoup de gens qui pensent aux yakitoris et aux sushis, et c’est bien de la cuisine japonaise. Mais on n’en mange pas tous les jours. Et les brochettes de bœuf au fromage ne sont pas du tout japonaises. Je n’en ai jamais mangé. Comme la sauce soja sucrée, c’est une question de goût. Je ne dis pas non.

Si on aime ce côté japonais, pourquoi pas. De mon côté je fais de la cuisine japonaise du quotidien. Ce n’est pas que des sushis et des yakitoris tous les jours. C’est de la cuisine japonaise mais moi je ne suis pas une cheffe. Je ne donne pas des cours de cuisine. En plus je suis une maman qui fait la cuisine comme je la prépare pour mes enfants franco-japonais. À la base c’est ça, c’est pour transmettre ma culture japonaise par la cuisine.

Vous avez très vite trouvé le nom ?

Pour ça, on avait cherché ce que l’on pouvait proposer. Déjà, la prononciation n’est pas difficile en français pour s’en souvenir. Mais quand je dis en japonais Inaka Bento (« panier-repas de campagne ») ce n’est pas très beau. En français les gens trouvent le nom joli et le son sympa. Pour le bento on a choisit car c’est connu, c’était un bon mot. Car si on avait juste choisit Inaka pour les gens qui ne connaissent rien, ça ne leur parlerait pas du tout. D’où le mélange.

Pour le logo aussi vous avez trouvé très vite le dessin ?

Oui, j’ai pensé au bento et à « qu’est-ce-que c’est ?« . À la base, j’avais dessiné des tests avec mes enfants, et montré à mon père qui est graphiste dans le logo. Le point rouge dans le rectangle blanc rappelle le drapeau japonais et il y a aussi un lien avec l’umeboshi. À la base dans les bentos japonais classiques il y avait du umeboshi. Il se trouve qu’il est rouge, comme le drapeau japonais, mais on ne l’utilise pas pour le goût. Ça conserve longtemps la nourriture aussi, comme à l’époque il n’y avait pas de frigo et que l’on devait garder le bento toute la journée. C’est pour ça que j’ai pris ces deux sens.

Comment as-tu choisi tes plats et tes ingrédients ?

À la base je fais des recettes classiques : karaage, yakitori, saumon teriyaki, tout ce que l’on retrouve dans un bento classique. Il faut que ce soit coloré et amusant, on doit le rendre appétissant. Je propose du choix selon les saisons. La cuisine japonaise est sombre, notamment la sauce soja, donc je fais attention aux couleurs.

Racine de lotus ? Biscuits au sucre complet ? Assortiments de sushi ?
Shizuka et Frédéric expérimentent au fil des demandes des clients. ©Inaka Bento

Le rapport aux clients

Tes clients apprécient-ils les plats populaires ou préfèrent-ils les moins connus ?

Ça dépend des gens. Il y en a qui n’aiment pas la viande et qui préfèrent le poisson, d’autres qui n’aiment pas les légumes… C’est pour ça que je propose plusieurs choix chaque semaine : poisson / viande et nouille / riz / légumes. Je propose aussi des sushis, donc au choix du poisson cru ou cuit.

C’est étonnant, il y a pas mal de gens qui veulent découvrir ma culture. Je pense par exemple aux sushis de coquille saint-jacques : pour nous les Japonais c’est normal, mais pour les français c’est original. Pourtant ils en ont déjà mangé, mais sans penser à cette combinaison. C’est intéressant de leur faire redécouvrir des choses qu’ils connaissent déjà.

Tu as des idées de nouveaux plats à proposer ?

Maintenant, je travaille plus de recettes végétariennes, et je pense que c’est un défi intéressant pour moi aussi. Plus de clients s’y intéressent pour changer du poisson et de la viande, pour découvrir de nouveaux goûts. Mais au Japon on ne mange pas que du karaage, yakitori ou matcha…On mélange pleins de pays. Parfois les gens disent que l’on ne cuisine pas que du japonais, mais c’est notre quotidien.

Par exemple, j’ai commencé à faire des curry japonais. Pour les gens c’est le curry indien, donc ça pique. Mais en y goûtant ils ont compris que celui japonais ne pique pas. Petit à petit je veux montrer des plats qui changent de ce que connaissent les français. Par exemple je n’ai pas encore fais de Omurice car je ne sais pas si ça intéressera les clients qui ne connaissent pas la cuisine japonaise. Ça peut surprendre de manger du riz avec du ketchup. Peut-être que les gens n’auront pas envie d’y goûter mais qu’en essayant ils vont apprécier.

Quels sont tes arguments pour les clients méfiants envers l’inconnu ?

En France, les gens sont curieux : ils sont ouverts à la nouveauté et ils le demandent. Ce n’est pas trop compliqué avec eux. Après ça dépend des gens. C’est grâce aux films et animés japonais qu’ils connaissent certains plats, et j’apprécie qu’ils veulent les goûter. Après je ne sais pas si ils vont aimer, mais ils veulent tester.

On s’intéresse à ce que les clients veulent dans le coin. Les repas à emporter offrent des services limités, on ne peut pas proposer de plats chauds. On doit penser à ce qui est faisable, mais qui reste bon à emporter.

Qu’est-ce-qui vous a motivé à venir sur les marchés, un an après la création de Inaka Bento ?

Ça nous permet d’avoir plus de visibilité et de parler avec plus de gens. On peut discuter avec une plus grande variété de clients. Parfois les gens passent mais n’achètent pas. Parfois ils s’arrêtent pour discuter et on peut savoir ce qu’ils recherchent. Ils veulent de la nouveauté, c’est notre challenge. Il faut leur donner plus de nouveautés mais en restant dans le quotidien japonais, dans notre réalité.

Il y a quelques trucs que je veux essayer mais c’est compliqué. Par exemple le tofu est une spécialité de Kyoto mais ce n’est pas évident à mettre dans un bento. Il faut aussi trouver du bon tofu ici. C’est notre nouveau défi, mettre mes origines dans nos bento. Beaucoup d’idées viennent de ma mère, qui vient de Kyoto et qui cuisine beaucoup. C’est pour ça qu’elle m’a appris plein de choses, donc à la base c’est la cuisine de ma mère.

« À la base, ma cuisine, c’est celle que tous les parents cuisinent pour nourrir leurs enfants et les amuser tous les jours. À la maison on ne s’ennuie pas car ça change tous le temps. » ©Inaka Bento

Shizuka et la cuisine

Quand tu étais petite, tu voulais déjà vivre de ta cuisine ?

Non, mais je cuisinais tous le temps avec ma mère quand je finissais l’école. Elle m’achetait des poissons venant directement de pêcheurs. Je faisais des gâteaux avec ma mère ou avec ma copine, et j’en fais tous le temps. Mais ce n’était pas mon métier. Je n’y ai jamais pensé. Peut-être que pour moi « bien manger » c’était mon quotidien. Ce n’était pas un choix de métier.

Quels sont les retours des clients ?

Ça dépend. Il y en a certains qui veulent tous le temps commander la même chose et d’autres qui me demandent « qu’avez vous en nouveauté ? ». Pour ça il faut s’adapter aux deux profils de clients, il faut garder du classique. De toute manière on change toutes les semaines la composition des bentos, mais on gardera toujours des sushis.

Tu as un jardin, pour pouvoir proposer tes propres produits ?

Oui, pour pouvoir proposer une petite salade japonaise, du shiso, des plantes à mariner dans la sauce soja… Mais il n’y en a pas assez pour tout le monde, peut-être pour quelques herbes aromatiques.

Comment trouves-tu l’inspiration pour tes bento ?

Je discute avec mes parents et ma sœur, pour connaître les nouveautés au Japon et ce qu’ils cuisinent en ce moment. Ma mère a toujours plein d’idées, elle m’inspire plein de plats. En France aussi les gens inventent des recettes donc je regarde aussi de leur côté. Ce n’est pas forcément que pour de la cuisine japonaise. J’aime bien m’intéresser à la cuisine des autres, regarder ce qu’ils proposent.

Par exemple, le mochi glacé est la mode ici. On peut en trouver en supermarché. Les français connaissent le mot. Ça devient plus facile de lancer des nouvelles recettes qu’ils connaissent déjà. Ils m’apportent des idées, donc c’est plus facile de les satisfaire.

Où te procures-tu tes produits ?

On a essayé de trouver des produits proches de chez nous, mais certains ne se trouvent pas en Europe. Je vais les acheter dans des enseignes japonaises, mais je vais essayer des challenges avec ceux que l’on peut trouver ici.

Penses-tu que c’est une bonne chose que les Français connaissent surtout les sushis quand ils parlent de cuisine japonaise ?

C’est bien parce que si ça existe dans les supermarchés, c’est qu’ils en cherchent. C’est pour ça que lorsque je fais des courses, je regarde qu’est-ce-que les gens souhaitent manger. Dans les rayons il y a des nems, des nouilles sautées, des pad thaï, tout ça. Quand j’avais vu des yakisobas j’étais agréablement surprise.

Déjà les gens connaissent les mots. Je n’ai pas besoin de présenter les plats, c’est eux qui viennent me voir « Vous avez des ramens ? et des yakisoba ? » C’est impressionnant parce qu’ils connaissent pas mal de vocabulaire japonais ! C’est vraiment apprécié.

C’était déjà le cas quand tu es arrivée en France ? En 2009 ?

Non, c’était le début et des gens connaissaient juste les sushis. Il y avait des restaurants à Paris mais il y avait moins de monde qui y allait. On ne parlait pas encore d’okonomiyaki ni de yakisoba. Ça à beaucoup changé en 10 ans je pense. À l’époque beaucoup de gens voulaient déjà aller au Japon mais n’y allaient pas. Ils ne connaissaient pas la vrai cuisine japonaise comme maintenant. La plupart de nos clients ont déjà été au Japon. Ils connaissent sa réalité. On ne peut pas leur mentir sur la cuisine.

Il est possible de commander puis de récupérer son repas directement chez Inaka Bento
ou de les acheter sur les marchés : Vétheuil, Magny-en-Vexin, Chaussy, Ecos… et dans des festivals locaux !

Merci Shizuka pour la présentation de Inaka Bento, de ton parcours de vie et de ta passion pour la cuisine !

Commandez directement leurs repas au 06.65.66.99.49, à récupérer au 5 rue de Moulincourt 27630 Vexin sur Epte.

Marie jenck

Bien que touche à tout, je tend à me spécialiser dans les articles consacrés à la cuisine japonaises ou aux jeux vidéos. Si j'ai l'occasion de mettre en avant la licence Pokémon, l'amour des japonais pour la Normandie (et vice-versa) ou des sujets insolites ; comptez sur moi pour vous régaler en articles passionnants de gens passionnés.

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