Kodomo no hi : fêtons les enfants en mai !
Depuis 1948, sous l’occupation américaine, le 5 mai est un jour férié au Japon. Lors du Kodomo no hi (子供の日), on célèbre les enfants (et tout particulièrement les garçons depuis l’époque de Kamakura) tout en exprimant reconnaissance et gratitude envers les mères. Le mois de mai n’étant pas encore fini, retour sur cette fête importante du calendrier pour les familles japonaises !
De la fête chinoise Duanwu au Tango no sekku
L’année est rythmée entre autres par 5 fêtes traditionnelles (五節句 go sekku) qui sont faciles à retenir car le jour et le mois sont doublés :
- Le 1er janvier (1/1), c’est le nouvel an (ganjitsu) ;
- Le 3 mars (3/3) : Momo no sekku, la fête des fleurs de pêche ou Hina matsuri, la fête des poupées ou des filles ;
- Le 5 mai (5/5) : Tango no sekku devenu Kodomo no hi ;
- Le 7 juillet (7/7) : Tanabata, la fête des étoiles ;
- Et le 9 septembre (9/9) : Kiku no sekku, la fête des chrysanthèmes.
La fête d’origine chinoise du duānwǔ (端午), plus connu en Occident sous le nom de Festival des bateaux-dragons, est introduite à la cour impériale pendant l’époque de Nara (710-794) en même temps que les autres fêtes saisonnières et marque le début de l’été. Elle prend alors le nom de Tango no sekku (端午の節句 que l’on peut traduire par « fête saisonnière de Duanwu »). Une légende raconte comment sont nées deux traditions de cette « fête du double cinq » : la course de bateaux-dragons et les zòngzi, gâteaux à base de riz gluant.
Durant la période des Royaumes Combattants (475-221 avant notre ère), le Royaume de Chu était en guerre contre celui de Qin. Qu Yuan, ministre et grand poète chinois appela à la résistance et proposa une alliance avec le royaume de Qi. Destitué et expulsé de la capitale par le roi, il écrivit ses célèbres poèmes Li Sao (« Tristesse de la séparation ») et Huai Sha (« Regretter Changsha »), son dernier texte après avoir appris la défaite de Chu. De désespoir, il se suicida le 5e jour du 5e mois lunaire en se jetant dans la rivière Miluo. Les habitants de Chu essayèrent alors de retrouver son cadavre en sillonnant la rivière sur leurs bateaux. Pour éviter que les poissons ne dévorent la dépouille du poète noyé, ils lancèrent des boulettes de riz dans l’espoir de détourner les poissons.
Avant l’introduction du calendrier grégorien sous l’ère Meiji (1868-1912), la fête avait lieu le 5e jour du 5e mois lunaire selon le calendrier chinois. Selon le taoïsme, le cinquième mois de l’année, où avait lieu le repiquage des plants de riz par les femmes, était considéré comme néfaste. Pour protéger la communauté, des rituels purificatoires avaient ainsi lieu. A la Cour comme dans le peuple, des feuilles de shōbu (acore odorant ou Acorus calamus) et de yomogi (armoise) sont accrochées aux avant-toits des maisons. L’usage du roseau proche de l’iris aux vertus médicinales donne l’autre nom de cette fête appelée aussi Shōbu no sekku (菖蒲の節句).
De l’iris à la fête des garçons
Ce n’est qu’à l’époque de Kamakura (1185–1333) que cette tradition qui protégeait en majorité des femmes devient la fête des garçons. Les rites purificatoires du Tango no sekku ne sont alors plus à la mode et les familles de samouraïs vont donner à cette journée un nouvel élan en remettant à leurs jeunes enfants des éléments d’armure, faisant ainsi du casque de samouraï (kabuto) l’un des symboles de la journée. Les Japonais aiment jouer avec les mots et les homonymes : shōbu en plus de désigner l’iris (菖蒲) peut signifier « esprit guerrier » quand il est écrit avec les kanji 尚武. La tradition des « bains d’iris » (shōbu-yu) se démocratise aussi à cette époque.
Encore aujourd’hui, les familles décorent leur maison ou leur appartement avec une figurine de Kintarō dans l’espoir que leur progéniture soit aussi forte et courageuse que le petit garçon héros du folklore japonais. La décoration peut être assez simple avec un heaume mais il n’est pas rare de trouver une armure entière (gogatsu ningyō ou « poupée de mai ») avec katana, arc et flèches dans l’alcôve de la maison (tokonoma).
La fête de tous les enfants aujourd’hui
Et sous l’occupation américaine, en 1948, le 5 mai devient une fête nationale, pour tous les enfants, garçons comme filles. La pâtisserie japonaise ne manque pas de bons gâteaux à déguster pour chaque moment de l’année. Si pour le nouvel an, il y a le Kagami mochi, le gâteau de riz gluant se décline sous deux formes riches pour le 5 mai. Le Kashiwa mochi a la particularité d’être fourré à la pâte de haricot rouge (anko) et enveloppé dans une feuille de chêne, symbole d’une longue descendance. Il y a aussi le Chimaki, gâteau enveloppé dans une feuille bambou aux vertus protectrices.
Kodomo no hi clôt la Golden Week, série de quatre jours fériés au Japon concentrés sur sept jours, du 29 avril au 5 mai. Les Japonais en profitent pour sortir en famille sur les berges de certaines rivières et certains parcs décorés pour l’occasion avec une multitude de koinobori 🎏. Les guirlandes de poissons au vent sont l’autre élément décoratif principal avec le kabuto du 5 mai. Depuis l’époque d’Edo (1603-1868), pour symboliser la famille, il est de coutume d’accrocher à un mât des carpes colorées, en papier ou en tissu : la noire représente le père ; la rouge pour la mère auxquelles s’ajoute une carpe pour chaque enfant de la famille. Le poisson symbolise le succès, le courage et la longévité. Une légende chinoise raconte qu’une carpe aurait réussi à remonter le courant d’une cascade et se serait transformée en dragon.
Kodomo no hi est une fête importante pour les familles japonaises et les symboles que sont la carpe et le casque de samouraï s’exportent de plus en plus, hors des frontières du Japon. De nos jours, même en France, de plus en plus d’endroits proposent des activités pour fêter les enfants à la japonaise. Et vous, que faites-vous le 5 mai ?