Tokyo crush de Vanessa Montalbano : une plongée pleine d’humour au cœur des applications de rencontre et des relations amoureuses au Japon !
Journal du Japon vous emmène à la découverte de Vanessa, trentenaire qui a débarqué au Japon avec un PVT. École de langue et travail le soir dans un izakaya… et très vite l’envie de faire des rencontres pour converser en japonais arrive. D’où la création d’un profil sur Tinder, qui la fera pénétrer dans un monde étonnant, drôle, bizarre, et surtout plein de codes à découvrir !
Un livre léger en apparence mais qui plonge le lecteur au cœur des relations homme-femme au Japon
C’est avec un aller simple pour Tokyo que Vanessa arrive en PVT. Très vite il faut plonger dans le bain de la recherche de logement, de l’administration japonaise. Elle apprend la langue dans une école et obtient le JLPT N2 en deux ans (bravo !). Elle travaille le soir dans un izakaya, idéal pour progresser à l’oral. Mais cela a ses limites et elle décide de s’inscrire sur Tinder pour avoir des « langage partners ». « Si j’avais su où la seule création de ce profil m’emmènerait… »
L’univers étrange du dating à la japonaise !
Sur les applications de rencontre au Japon, on écrit ses messages en keigo (langage honorifique), on se décrit selon des critères qui peuvent paraître bien étranges pour les Occidentaux : groupe sanguin, visage, chien ou tanuki, sel ou sauce soja, Heisei ou Shôwa ! « Les hommes affichent leur taille, leur poids et leur type de corpulence, se classant en catégories précises : « gorilles », maccho, hoso-maccho. On précise son groupe sanguin, critère décisif pour certains. Enfin, on décrit sa personnalité, ses attentes, dans un langage codifié : « X1 » pour les divorcés, « 3Kō » pour les hommes grands, éduqués et à hauts revenus, « P- katsu » pour ceux qui veulent une relation avec une fille qu’ils sont prêts à aider financièrement ».
Tout est également très codifié, très organisé lors des rendez-vous. Le dating est un véritable art au Japon !
« Les hommes attentionnés se chargeaient d’organiser le date dans ses moindres détails. On allait voir une expo, faire de la poterie, pratiquer l’escalade en salle, assister à un match de base- ball ou s’entraîner dans un batting center. On passait des heures dans les game centers, à s’affronter aux jeux vidéo, faire des purikura, ces petites photos instantanées à customiser, ou gagner des peluches aux jeux à pinces. Je suis montée en haut de la Tour de Tokyo et de la Sky Tree. On m’a proposé d’aller faire du trampoline, de l’accrobranche ou du kayak sur les rivières qui traversent la capitale. »
Le restaurant est souvent italien, comble du romantisme, les love hotel sont la suite logique mais il ne s’y passe souvent pas grand chose (enfin si, il est possible de regarder des films, de jouer à des jeux vidéo et bien d’autres choses très sages). Mais déclarer sa flamme s’avère souvent compliqué pour les hommes qui manquent d’humour, de spontanéité, de passion ! Peut-être tout cela est-il trop réfléchi : les femmes doivent offrir des chocolats à la Saint-Valentin (à tout le monde y compris au bureau !) et en recevoir en retour pour le White Day (valant trois fois la valeur de ceux reçus). Et beaucoup d’autres petits riens qui peuvent s’avérer lourds de sens : partager un parapluie c’est faire un pas vers l’autre, partager la même paille ou le même goulot de bouteille est un baiser indirect. Quant à l’alcool, il s’immisce partout dans les relations et fait partie du processus de séduction… avec un effet plus ou moins réussi !
Tout est tellement codifié, préparé (en lisant les nombreux livres sur le sujet, en regardant drama et animés) que Vanessa a même écrit la check-list du gentleman :
« Avant le date, demander ce que je veux manger, et s’assurer de ce que je ne peux pas manger. Choisir un endroit facile d’accès, de préférence entre chez lui et chez moi, mais un peu plus proche de mon domicile que du sien. Rechercher et sélectionner plusieurs options, les suggérer. Après confirmation du lieu et de l’heure, faire une réservation. Pendant le repas, s’assurer que je suis bien installée, à la meilleure place, ouvrir le sachet de la serviette humide pour se laver les mains, puis servir, et enfin aller payer discrètement. S’assurer que je n’ai pas froid, que je ne suis pas fatiguée, porter mon sac s’il est lourd. Dans la rue, marcher côté voitures, et sur un escalator, qu’il monte ou qu’il descende, toujours se positionner plus bas que moi : pour prévenir une chute, et me protéger des regards pervers si je porte une jupe (c’est un vrai problème au Japon, il y a même des affiches de prévention à ce sujet dans les gares). Si l’on mange des bonbons, ouvrir le paquet pour moi, et une fois le sachet vide, le mettre dans sa poche jusqu’à la prochaine poubelle. Je n’y aurais pas pensé. »
Les relations homme-femme au Japon
Derrière ses mots légers et drôles, Vanessa dresse un tableau plutôt amer des relations entre les hommes et les femmes au Japon. Les femmes doivent répondre à tout un tas de critères pour espérer trouver l’amour (langage particulier, savoir-faire à maîtriser : cérémonie du thé, tenue des comptes, bento…). Il existe des écoles pour devenir la parfaite épouse, des livres et des agences pour trouver le partenaire idéal. Tout comme il existe des agences et des détectives lors des ruptures (qui vont même jusqu’à fabriquer des preuves d’adultère).
La solitude est l’autre face cachée de toute cette frénésie du dating : les sexless dont la vie amoureuse est virtuelle sur smartphone, les herbivores qui ne veulent pas de vie sexuelle, de relation amoureuse et ne se marient pas. En parallèle, le business du porno, des maid cafés et de toutes sortes de produits sexuels plus ou moins glauques se porte très bien car il accompagne ces solitudes.
Pour les femmes en mal d’affection, il existe également les host clubs… Vanessa vous fera d’ailleurs découvrir Roland, le roi des hosts qui a bâti tout un empire avec ses livres, émissions télé, restaurants, salons de coiffure et esthétique, et plein de produits dérivés. Une plongée dans une société encore très sexiste où hommes et femmes ne se mélangent pas, où la pression pour être un homme parfait ou une femme parfaite est énorme, avec en plus la pression de la « date de péremption » !
Un livre qui se dévore avec gourmandise, qui regorge d’anecdotes drôles, d’informations étonnantes, et qui finalement en dit beaucoup sur la société japonaise ! Un livre également très personnel sur l’itinéraire d’une jeune femme qui trouve sa voie dans un Japon parfois étrange mais tellement attachant. Une femme battante et libre.
Plus d’informations sur le site de l’éditeur.
Quelques questions à Vanessa Montalbano
Journal du Japon : Comment s’est passée l’écriture du livre ? Aviez-vous un cadre, des consignes en nombre de mots, chapitres etc. ?
Vanessa Montalbano : Je racontais souvent mes anecdotes de date, mes découvertes sur la culture, et mon apprentissage du Japonais sur Twitter, et c’est comme ca que j’ai rencontré mon éditeur, Pierre Bottura, qui fondait sa maison d’édition Komon. Il m’a fait confiance, m’a laissé une grande liberté et a fait grandir mon récit avec son regard bienveillant de professionnel.
Recommanderiez-vous les applications de rencontre aux étrangers qui s’installent ou vivent au Japon pour améliorer leur japonais ?
Oui, c’est un bon moyen de parler à des personnes aux vies très différentes, d’échanger sur des tas de sujets et de devenir meilleur dans l’art de la conversation !
Avez-vous constaté des évolutions dans les relations hommes-femmes au Japon depuis votre arrivée ? Êtes-vous optimiste ou pessimiste sur ce sujet (« herbivores », baisse du nombre de mariages, de la natalité etc.) ?
La difficulté de faire des rencontres je la constate autour de moi au Japon comme en France, je pense que c’est un phénomène global. Au Japon, il y a beaucoup de pression de la part de la société pour se marier, avoir des enfants… s’ajoutent tous les codes sociaux et comportementaux : comment parler, s’habiller, dire « je »… Et puis il y a du changement : les herbivores proposent une definition de l’homme loin de l’image traditionnelle, les divorcés perdent leur mauvaise image et sont désormais vus comme des personnes avec de l’expérience… Je comprends que tout le monde se sente un peu perdu. J’en parle dans mon livre en évoquant Alain de Botton : notre éducation sentimentale, influencée par les dramas, la fiction, ne nous rend pas service ! Les avancées scientifiques, technologiques, l’évolution des mentalités, vont changer de plus en plus la façon dont on voit l’autre, la sexualité, le couple. J’ai hâte de voir comment on va se rencontrer et aimer à l’avenir. J’ai envie d’être optimiste.
Avez-vous des nouvelles de Roland ?
Je n’ai encore jamais rencontré Roland, mais je ne doute pas qu’il va finir par entendre parler de moi ! Il est ami avec Florent Dabadie, qui a publié son livre Comment je suis devenu Japonais avec mon éditeur. J’espère avoir un jour l’occasion de lui offrir un exemplaire de mon livre.
Comment décririez-vous votre histoire d’amour avec le Japon ?
Je suis extrêmement reconnaissante, parce que venir vivre au Japon, avec tous les défis que j’ai du relever (et encore aujourd’hui) m’ont permis de devenir la femme que je suis aujourd’hui : libre, forte, en paix.
Journal du Japon remercie Vanessa pour le temps qu’elle nous a consacré. Plongez dans son livre, vous découvrirez tout un univers passionnant !