Hokusai de Hajime HASHIMOTO: portrait d’un artiste en 4 saisons
Les biopics sont à la mode et Hokusai méritait bien un film ! Hajime HASHIMOTO ne tombe pas pour autant dans le piège du genre : plus qu’un long-métrage sur la vie du célèbre peintre de La Grande Vague de Kanagawa, la Joconde du Japon, le réalisateur japonais décrit le contexte artistique, politique et social de l’époque Edo. En somme, un voyage dans le « monde flottant » (Ukiyo-e) et dans le temps que nous vous proposons de découvrir ci-dessous, pour sa sortie en salle ce 26 avril !
Edo et la censure des Tokugawa
Tout le monde connaît le nom d’Hokusai et sa célèbre Vague. Dans ce biopic, le réalisateur ne se contente pas de retracer uniquement le parcours du peintre né en 1760 dans les quartiers populaires d’Edo (la future Tokyo). Si le film tourne autour du « fou de dessin » dans sa vingtaine (Yūya YAGIRA) mais aussi sa vieillesse sous les traits de l’acteur Min TANAKA, le réalisateur décrit la société corsetée par les Shôgun Tokugawa lors de l’époque Edo (1603-1868). Dans le but de restaurer l’ordre moral dans l’archipel, le gouvernement lance des réformes conservatrices et de nombreux artistes en sont réduits, pour survivre, à vendre leurs œuvres (livres illustrés érotiques, estampes érotiques) de façon clandestine.
Le début du film commence avec la descente de la police shôgunale dans la librairie de Tsutaya JÛZABURÔ, « le plus grand des éditeurs d’estampes » de l’époque Edo. La boutique est mise à sac et les estampes sont alors brûlées. Le ton est donné d’emblée et les samouraïs ne plaisantent pas avec la loi. Produire des manuscrits censurés ou des livres subversifs qui « corrompent la morale publique » peut coûter très cher… et même la vie. D’ailleurs, le thème de la censure et de la liberté des artistes est développé tout au long du film. Il y a le passage où Utamaro, artiste particulièrement connu pour ses représentations de jolies femmes (bijin-ga) et ses albums érotiques (shunga), est arrêté. Plus tragique encore est l’histoire de Tanehiko RYÛTEI, le samouraï à la littérature interdite !
Hokusai, l’artiste épris de liberté
Hokusai n’est pas un documentaire retraçant la vie du peintre aux 120 patronymes et se limitant à ses toiles et grands moments de sa biographie. Mieux que cela, en choisissant l’ellipse narrative, Hajime HASHIMOTO se concentre dans la première partie du film sur les débuts du Maître. Le réalisateur propose de s’immerger dans le « monde flottant » en explorant le quartier des plaisirs de Yoshiwara. Dans ce quartier rouge se lâchent les samouraïs et commerçants, bien loin des exigences morales prônées par l’élite japonaise. On découvre comment Shunrō KATSUKAWA, qui deviendra le fameux Hokusai, se fait surnommer le « singe sauvage » par la courtisane (oiran) Asayuki qu’il laissa debout de nombreuses heures pour réaliser une estampe. Tsutaya JÛZABURÔ décide de le prendre sous son aile pour en faire un grand artiste.
Banni de son école Katsukawa pour s’être essayé aux styles Yamato ou Kanō et avoir frappé un disciple aîné, il n’en fait qu’à sa tête et ne peint que ce qu’il veut. Le maître Utamaro lui explique que ses dessins sont superficiels et manquent de vie car il se contente de reproduire ce qu’il voit. Son mentor l’interroge sur ses motivations pour qu’il réfléchisse à son style et à l’art en général. De l’artiste Sharaku TÔSHÛSAI connu pour ses dessins d’acteurs de kabuki, Hokusai prend à nouveau une leçon de peinture qu’il a du mal à accepter.
Le voyage et les paysages (la mer, le mont Fuji) métamorphosent l’artiste et son art qui signe dorénavant avec son fameux nom en hommage à l’étoile Polaire, « la seule qui ne bouge jamais ». A ce moment, on découvre la graine en train de germer, qui annonce son futur chef d’œuvre, la Grande Vague de Kanagawa qui sera publiée à son 70e anniversaire. Le mariage puis la naissance de sa fille O-Ei semble l’apaiser et on découvre un nouvel homme. D’ailleurs, on vous recommande Miss Hokusai, un film d’animation réalisé par Keiichi HARA qui se focalise sur la grande oubliée de l’histoire, qui dessinait dans l’ombre du maître et de son père.
Son mentor mort et l’été arrivant avec le chant des cigales, l’élève est devenu maître. Après la perte de sa femme, il se dévoue corps et âme à la peinture. Pour que les scènes de peinture soient les plus réalistes, le réalisateur s’est entouré de Daisuke MUKAI de l’Université des Arts de Tokyo pour montrer aux acteurs comment tenir leur pinceau. À tout âge, Hokusai apprend et il jugeait d’ailleurs n’avoir rien produit de bon avant ses 60 ans… et il se réjouissait des progrès qui l’attendaient à l’âge de 75 ans ! Epris de liberté, le vieil homme prend la route à travers tout le Japon malgré sa santé et sa condition physique. En 1830, à 70 ans, il signe ses plus emblématiques œuvres, les Trente-six vues du Mont Fuji, séries d’estampes de paysage dont la fameuse Vague. A sa mort à l’âge de 89 ans, Hokusai laisse derrière lui plus de 30 000 dessins et estampes !
Si les estampes sont des chefs d’œuvre aujourd’hui qui peuvent valoir cher, à l’origine, elles étaient imprimées en grande quantité. Il s’agit de gravures sur bois, de créations en quatuor comme on l’explique dans cet article. Dans le film, le spectateur voit le processus de fabrication avec des artisans qui respectent fidèlement les techniques employées pour réaliser les ukiyo-e de l’époque Edo. A partir du dessin original de l’artiste (eshi), interviennent le graveur (horishi), l’imprimeur (surishi) et l’éditeur (hanmoto) pour obtenir les estampes.
Accouchant d’un film plutôt court (1h30), le réalisateur Hajime HASHIMOTO a néanmoins trouvé la bonne formule pour le biopic dédié à la longue vie du célèbre peintre à la Grande Vague de Kanagawa. Plus qu’un documentaire, c’est une belle porte d’entrée pour découvrir les artistes derrière les estampes et dans quelles conditions ils pouvaient exprimer leur art. Rendez-vous dans les salles obscures dès le 26 avril pour s’immerger dans le « monde flottant » avec Hokusai, l’artiste épris de liberté qui n’aura cessé de progresser toute sa vie !
Le film est court, 1h30, mais ce qui est étonnant aussi c’est qu’il ait été raccourci en France, il durait 2h09 à sa sortie au Japon (en 2020)
Bonjour,
En effet, la version internationale est plus courte que la version originale japonaise. Aucune idée des raisons de cette coupe. En espérant qu’à la sortie physique, en DVD/BR, on puisse avoir les 2 versions pour comparer.
Le film n’en reste pas moins un film intéressant, notamment sur la période d’Edo et sa censure.
Un peu plus de 50 000 spectateurs ont vu le film lors de sa première semaine en salle de cinéma, nous vous conseillons tout de même de vous faire votre propre avis sur le film en le regardant.
Bon film !