Les mille et une pègres du manga
La pègre dans le manga est une source d’inspiration formidable et très riche pour la fiction. Comment est elle abordée, et sous quels prismes, dans le manga ? Avec cette petite sélection nous allons voyager à travers des interprétations très différentes de ce monde si peu hospitalier.
Une mafia à la fois drôle et explosive
Reborn, AMANO Akira (42 tomes chez Glénat Manga)
SAWADA Tsunayoshi est un lycéen mauvais en absolument tout. Il est en plus lâche et assez fainéant. Un jour un étrange bébé en costume de mafioso débarque chez lui. En effet, ce curieux personnage affirme être un professeur particulier : il est là pour former Tsunaze afin qu’il devienne le dixième parrain de la famille Vongola. Le lycéen l’ignore encore mais il est l’héritier de cette illustre famille mafieuse. Elle est en outre la plus prestigieuse et célèbre d’Italie.
Le curieux bambin est donc envoyé par cette dernière pour former son héritier… et ils n’ont pas pris n’importe qui, car il est le tueur le plus célèbre et le plus compétent du milieu : Reborn. De plus, malgré son apparence, cet enfant prouvera très vite que son titre n’est pas usurpé. Il fera assez vite étalage tant de sa force herculéenne que de ses capacités de tireur hors pair.
Le duo entre le bébé mafioso et Tsunayoshi porte le récit. Lors des crises, Reborn parvient avec ses mots à motiver son élève. Pour autant, leur relation est d’abord humoristique : toute la première partie servira avant tout à présenter les principaux concepts de l’œuvre comme les Arcobaleno, 7 bébés surpuissants ou les balles de dernière volonté, artefacts permettant de ressusciter et renforcer ceux touchés. D’abord utilisées à des fins humoristiques, ces munitions au grand pouvoir amèneront un autre concept important dans l’œuvre appelé Flamme de dernière volonté. Ces flammes, d’abord spécifiques à Tsuna deviendront par la suite indispensables. En effet, elles feront office d’énergie occulte à l’image du chakra de Naruto ou du ki de Dragon Ball.
Les événements de ces premiers tomes serviront aussi à la formation du groupe de héros et leurs alliés. Car, à travers des péripéties d’apparence anodine, Reborn forme et renforce les amis et connaissances de son élève. C’est d’ailleurs après leur combat contre le redoutable Mukuro que l’on pourra vraiment parler d’un clan, formé autour de son parrain SAWADA Tsunayoshi.
Ces huit premiers tomes peuvent paraître longs et lasser le lecteur, mais ils sont cependant indispensables pour entamer la seconde partie centrée sur l’action. Le volume 8, le point de rupture, permettra l’apparition de véritables antagonistes : Tsunayoshi et ses compagnons seront confrontés à de dangereux mafieux renégats, avant de faire plonger le lecteur dans l’histoire de la famille Vongola.
Cependant, malgré l’action, des scènes tranche de vie sont toujours présentes. Ces calmes interludes peuvent être autant drôles qu’attendrissantes et permettent de retrouver l’humour du début. Ils mettent également en exergue le développement des relations entre les différents personnages. Enfin, les dessins s’améliorent au fil du temps. D’abord simplistes et caricaturaux, ils s’affineront au fil des volumes. Akira AMANO apporte également un soin particulier aux tenues des personnages.
Il s’agit d’une œuvre à découvrir. Contemporaine de Bleach et Naruto sans être aussi culte, elle fait partie des grands shônen de son époque au Japon, moins en France, et elle reste à découvrir.
Entre violence et humour, l’ascension d’un homme juste
Sun Ken Rock , BOICHI (25 tomes chez Doki doki)
KITANO Ken est un jeune home japonais amoureux de la belle Yumin. La jeune femme travaille en Corée, dans la police. Le garçon décide de déménager à son tour à Séoul dans l’espoir de conquérir son cœur. Un concours de circonstances va l’amener à devenir le chef d’un gang aux ambitions démesurées. Entre humour potache, bagarre violente et critique sociétale, Sun Ken Rock est un seinen à lire et découvrir.
En plus de proposer un récit passionnant, des éléments réels sont intégrés au scénario, donnant une consistance au récit : l’auteur abordera de manière très frontale les conséquences de la guerre du Vietnam. Il développera également, précisément, l’éclatement de la bulle immobilière coréenne. BOICHI a travaillé ses thèmes en profondeur ; on ressent un véritable travail de recherche. De plus, en bon gourmet, il dessine avec précisions des plats traditionnels et appétissants.
L’histoire dévoilera un héros aux multiples facettes. KITANO Ken est présenté comme un jeune homme normal sans grande aspiration, son seul talent étant son don pour la bagarre. En outre, sa force et son caractère altruiste attireront un certain Park Tae-Soo. Le jeune mafieux cherchera à former une organisation autour de la figure de Ken, contraignant le Japonais à endosser le rôle de parrain. Bien qu’agissant à contre cœur, Ken deviendra une source d’inspiration et de respect pour les pauvres citoyens qu’il mettra sous sa protection. Le titre Sun Ken Rock fait référence à comment il est perçu par les habitants qu’il sauve et protège : sun car il brille comme le soleil et rock car il est solide comme un rocher.
À travers l’ascension de la Sun Ken Rock team, BOICHI dépeint un héros des plus humains. En dépit de ses exploits, il est avant tout un jeune homme amoureux. Il recherche une situation stable et simple. Par la force des choses, les évènements l’amèneront à devenir un leader accompli et un guerrier. Il ne le deviendra pas par ambition ou cupidité, ce qui le différencie des autres grands noms du milieu. Sa confrontation avec les différents criminels du milieu l’amèneront à ce statut de protecteur des faibles. Malgré l’influence grandissante et ses potentiels privilèges, il restera inflexible et fidèle à ses principes et son mode de vie humble.
En outre, l’œuvre n’est pas avare en humour. Il y aura donc des blagues potaches, symptomatiques de l’humour grivois de BOICHI. Si les plaisanteries peuvent paraitre un peu lourdes, elles ne sont pas pour autant inutiles. En effet, elles permettent de s’attacher aux personnages, de les découvrir en dehors du monde de la pègre.
L’auteur nous partagera, enfin, nous en parlions plus haut, sa passion pour la cuisine. On le verra notamment dans un chapitre suivant deux personnages secondaires. Cette courte histoire mettra en scène le duo lors d’un voyage au Japon, l’occasion de faire un tour des restaurants de sushi nippons. Sun Ken Rock est un seinen avec différentes facettes qui en font un divertissement complet. C’est également une plongée dans l’univers à la fois sombre et drôle de BOICHI, très différente de son travail sur Docteur Stone, publié dans le Shônen Jump.
Quand les guerres de gangs se règlent par des duels de surhommes
Soten no ken, HARA Tetsuo/ BURONSON (En cours chez Mangetsu)
L’intrigue se déroule durant les années 1930 à Shanghai. Pré-quelle du monument Hokuto No ken, ce manga retrace l’histoire de KAZUMI Kenshiro, 63e héritier du Hokuto Shinken. L’homme s’est retiré du milieu et a donc renoncé à sa précédente identité : Yanwang, le Roi des Enfers. Il est ensuite devenu enseignant au Japon. Le récit met en scène l’affrontement entre le Syndicat de Jade et l’Union du pavot sanglant, les deux grands gangs de la ville.
Le trait convient parfaitement à l’univers dépeint par les deux auteurs. Il parvient à retranscrire les bas fonds chinois de l’époque. En outre les confrontations sont dignes de Hokuto No Ken avec une grande variété d’écoles d’arts martiaux. Contrairement à d’autres œuvres portant sur la mafia, on n’assiste pas à l’ascension d’un gang : que ce soit Kenshiro ou ses amis, tous ont déjà un passé glorieux au sein du milieu. L’enjeu principal sera donc pour le Syndicat de reprendre sa place à Shanghai.
Evidemment leurs adversaires feront tout pour les en empêcher et Kenshiro fera face à divers combattants envoyés par le gang ennemi. A travers ce conflit, deux visions d’un gang vont s’affronter. Tout d’abord, le Syndicat a un code d’honneur et maintient une certaine paix dans les bas-fonds. Et, à l’opposé, l’Union règne de manière égoïste et use de la corruption pour pouvoir agir en toute impunité. En outre, les combats d’arts martiaux sont avant tout des affrontements interposés entre les deux organisations.
Les combats apportent une dimension presque fantastique à l’oeuvre. Le Hokuto Shinken par exemple permet autant détruire littéralement un géant que de tuer à retardement avec un seul doigt. Cependant ces pugilats s’intègrent très bien à cette représentation des années 1930. Ils ajoutent également à l’œuvre une dimension cinématographique et exagérée permettant de dépeindre des moments très durs avec une certaine distance.
Soten No Ken s’inscrit dans la chronologie de Hokuto No Ken. Les événements narrés ont lieu avant la catastrophe nucléaire qui ravagera la terre. On peut donc trouver plaisant les clins d’œil ou similitudes au manga d’origine, que les fans de la saga apprécieront !
Les chats errants et leur société de l’ombre
Street fighting cats, SP NAKATEMA (4 tomes chez Doki doki)
Ce manga, reprenant tous les codes du furyo retranscrits à travers le prisme des chats, conte l’ascension de Hige un félin faible et lâche. Il est donc méprisé et maltraité par tous les chats errants du quartier. Tout destine la boule de poils à un destin misérable. Pourtant, un jour, il croise la route d’un énorme matou gris, Nobunaga. Cette rencontre pourrait bien chambouler l’équilibre de tous les territoires félins. Les deux protagonistes vont affronter les différentes bandes de chats et débuteront leur ascension au sein de la hiérarchie féline.
Avec son trait presque semblable à du cartoon, l’auteur dépeint des personnages uniques et affirmés. En effet, bien qu’ils soient tous des chats, les protagonistes principaux sont aisément identifiables. Hige au un pelage noir et blanc et une tache en forme de moustache au niveau de la truffe. Ce signe distinctif donne une personnalité au petit félin : un air de stratège quand il concocte ses plans. Torao est un chef de bande au pelage roux et blanc, couvert de cicatrices. On devinera aisément à son apparence qu’il est un grand combattant.
Si les personnages sont plutôt archétypaux, c’est le fait de voir ces modèles représentés par des chats qui fait la force de ce manga en 4 volumes. En plus de personnages hauts en couleur, une véritable société féline de l’ombre est représentée. Car les chats ont un code d’honneur, des territoires délimités. Ils ont aussi une règle d’or, celle d’avoir un comportement félin ordinaire s’ils croisent le regard d’humain.
On est donc face à un vrai furyo avec des enjeux territoriaux plutôt sérieux, en décalage avec le style très caricatural mais appréciable du dessin. Ainsi, en quatre tomes, le mangaka parvient à développer un scénario construit et complet autour du duo Hige/Nobu.
Un ancien tueur devenu chasseur de primes
Black cat, YABUKI Kentaro (20 tomes chez Glénat Manga)
Ce shônen explosif narre les aventures du nettoyeur Train HEARTNET et de son acolyte Sven. Leur profession consiste à capturer les criminels et les livrer livrent ensuite à la police contre une prime. Les deux protagonistes ont un passé trouble qui va vite les rattraper. Entre rencontres, combats et règlement de comptes, c’est une histoire rythmée et accessible.
Déjà à l’époque, le trait de l’auteur de To Love était fin et précis. Ses personnages ont tous une apparence très soignée, qualité que l’on retrouve dans ses séries suivantes. De plus les affrontements sont très fluides et plutôt violents avec un coté spectaculaire.
Le duo de solides gaillards deviendra assez vite un trio. Les deux compères rencontreront Eve. Si cette dernière apparait comme une simple fillette, son identité est tout autre. Elle est en vérité une arme biologique créée par les nanomachines. D’abord utilisée par des mafieux, elle sera délivrée par Train et Sven. Cette humaine artificielle apportera ensuite une dynamique nouvelle au groupe de protagonistes. En effet, elle vient tout juste de naitre : son regard sur le monde est donc empli d’innocence et d’ignorance, à l’inverse de Sven et Train. C’est à leur coté qu’elle découvrira le monde et trouvera sa voie.
Le récit raconte trois parcours de vie différents qui, par la force des choses, se rejoignent tous. Eve grandira donc au côté des deux nettoyeurs. Ainsi sa personnalité se développera et s’affirmera au fur et à mesure des épreuves. Malgré sa conception artificielle, elle se montrera bien plus humaine que les criminels qu’ils affronteront au fil du récit. Elle apporte aux deux as de la gâchette une innocence et un regard candide.
Cette série en 20 tomes permet de découvrir le talent de YABUKI avant qu’il ne se spécialise dans le ecchi. Il est, en effet, un excellent dessinateur et narrateur de récit d’action. Il renoue d’ailleurs avec ses combats vifs et spectaculaires dans sa série courte Ayakashi Triangle.
Ces quelques œuvres offrent chacune une vision différente de la société de l’ombre. Le manga est un format formidable permettant d’offrir des versions totalement opposées d’un thème commun. Ces cinq œuvres vont certes parler du monde la pègre mais au travers de points de vue et de tons différents…
Si vous en connaissez d’autres que vous aimez particulièrement, dites-nous en plus en commentaire !
UNE de l’article : KATEKYO HITMAN REBORN ©2004 by Akira Amano / SHUEISHA Inc.