Hiroshige et les éventails, voyage au Japon du 19e siècle

Du 15 février au 29 mai 2023, le Musée national des arts asiatiques Guimet à Paris expose pour la première fois les dessins de Hiroshige UTAGAWA, maître de l’estampe, en s’intéressant à un support bien spécifique : l’éventail. Cet objet du quotidien des Japonais, que l’on achetait pour quelques sous par les temps de forte chaleur, a gagné ses lettres de noblesse grâce aux très nombreuses illustrations du maître. Journal du Japon vous propose un singulier voyage dans le temps.

Du 15 février au 29 mai 2023, exposition Hiroshige et l’éventail au musée Guimet ©Fundacja Jerzego Leskowicza

Mes gravures ne sont que la mise au net de croquis sur le motif reproduisant tels quels les panoramas que j’ai sous les yeux.

Hiroshige, Cent vues du Fuji, 1859

Habituellement éclairée par la lumière du jour, la rotonde du musée, au deuxième étage, baigne dans une lueur tamisée. Et pour cause, les œuvres qu’elle accueille sont d’une grande fragilité. De fines feuilles peintes datant de la fin de l’époque Edo (1603-1858), sont en ce moment exposées comme des tableaux, alors qu’on devine aisément qu’elles étaient destinées à être découpées et appliquées sur des éventails plats appelés uchiwa. Aujourd’hui, les armatures en bambou ont presque toutes disparu, et seuls les estampes sont restées, la plus grande partie étant conservée par la fondation Jerzy Leskowicz située à Paris.

Cette exposition est donc une première et a quelque chose d’unique car elle montre une nouvelle facette de l’art du déjà très célèbre peintre. Originaire de Chine, l’uchiwa est éphémère et n’est pas destiné à être conservé. Si sa version ordinaire ne coûtait que l’équivalent d’un bol de nouilles sur les étals des festivals d’été et n’avait rien de particulier, il a toujours eu une place très importante dans le quotidien des Japonais, à la maison, durant d’importantes cérémonies telles que le mariage, ou plus pragmatiquement pour de la publicité. Décorer des éventails est un art bien antérieur à l’époque Edo, et le commerce en était déjà très lucratif.

Le fleuve Chikuma-gawa dans la province de Chinano vers 1849-1854
© RMN / Fondation Jerzy Leskowicz

De nos jours dans l’ukiyo-e, nul n’atteint son niveau.

Hommage biographique du poète Tenmei Rôjin présent sur le portrait funèbre de Hiroshige, 1861

Après une introduction à la conception des éventails, l’exposition présente une sélection des différents travaux d’Hiroshige à travers le temps, certaines pièces étant désormais uniques au monde. De son nom complet Hiroshige Utagawa (1797-1858), le peintre a exécuté près de 650 dessins exclusivement destinés à orner des éventails, entre 1830 et 1850, reprenant ses thèmes favoris. Contemporain de HOKUSAI, il a introduit le paysage dans l’estampe et s’est rendu célèbre en peignant les panoramas autour de Edo (l’actuelle Tokyo), et puisant l’inspiration dans ses longs périples dans les différentes provinces du Japon.

Les estampes sont exposées par thème : paysages du Japon, compositions florales, portraits féminins, représentations de scènes historiques ou parodiques. Hiroshige a parfois réalisé des séries sur un sujet précis et chaque partie permet d’admirer sa créativité et offre une vue privilégiée sur la vie au Japon à cette époque comme les célébrités les plus en vue, les loisirs, les motifs à la mode ou des scènes iconiques du quotidien.


© RMN

L’exposition offre un parcours destiné aux enfants. Avec des cartels placés à leur hauteur, les plus jeunes peuvent observer les estampes et chercher les réponses aux énigmes qui leur sont posées. C’est plutôt facile et pratique pour garder les enfants investis.

Il est à regretter l’absence d’une appli audio pour l’accessibilité aux personnes en situation de handicap visuel. L’éventail étant un support assez petit, il peut être parfois difficile d’en apprécier les détails, les cadres et vitrines ne permettant pas de s’approcher suffisamment. La rotonde est un espace plus petit qu’il n’y paraît et elle peut vite se remplir de visiteurs. On vous conseille de bien choisir l’heure de visite pour en profiter le maximum sans trop de monde en même temps.

Et pour prolonger l’expérience, le catalogue d’exposition rassemble l’ensemble des illustrations présentées, accompagnées d’explications approfondies sur l’art de l’estampe sur éventail (Hiroshige et l’éventail, RMN-Grand Palais, février 2023, 13,50 €).

J’abandonne mon pinceau
Sur la route de l’Est
Pour sous le ciel de l’ultime voyage
M’en aller découvrir les sites célèbres
Du paradis de l’Ouest

Hiroshige, poème d’adieu, 1858

Illustrateur prolifique des dernières années de la période Edo, Hiroshige a consacré sa vie à l’estampe et son intérêt particulier pour l’éventail permet de découvrir une nouvelle facette de son art. En visitant l’exposition qui lui est consacrée, vous découvrirez un Japon vivant, élégant, délicat et simple à la fois.

Albine

Née avec un manga dans la main, bibliothécaire et collectionneuse

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