Mythes et légendes du Japon – Chroniques de kami et de yôkai aux éditions NuiNui
Les éditions NuiNui développent leur collection de livres autour du Japon avec la sortie le 30 mars de Mythes et légendes du Japon – Chroniques de kami et de yôkai. Comme à leur habitude, il s’agit d’un bel ouvrage avec de magnifiques illustrations de Jô Saladino pour agrémenter les 15 histoires de Gavin Blair traduites en français par Cécile Breffort. À la (re)découverte du folklore japonais avec ses kami, ses yôkai et autres histoires de fantômes !
Des mythes et des légendes du Japon
Des kami primordiaux au premier empereur (mythologique) du Japon
En mythologie japonaise, il y a deux incontournables : le Kojiki (« Chronique des faits anciens ») et le Nihon Shoki (« Annales ou Chroniques du Japon »). Écrits au 8e siècle, ces textes mythologiques retracent la genèse du monde, du Japon en particulier par le couple divin Izanagi et Izanami, ainsi que les péripéties de nombreux kami et la vie des premiers empereurs d’essence divine sur le trône du Chrysanthème. Il n’est donc pas étonnant de commencer le livre par la cosmogonie japonaise et le couple Izanagi et Izanami. On poursuit avec un autre épisode bien connu, celui du combat de Susanoo contre le dragon Yamata no Orochi, sorte d’hydre à 8 têtes. Le 3e récit est l’histoire du lapin blanc d’Inaba et de la légende d’Ôkuninushi, descendant du kami Susanoo qui développe le pays d’Izumo.
Art divinatoire et bouddhisme contre les démons
La 5e histoire est celle d’Abe no Seimei et explore l’art divinatoire et magique de l’onmyōji. Elle se base sur l’histoire du clan Abe qui exerça sur plusieurs générations à la cour impériale et dirigea le Bureau d’onmyō durant plusieurs siècles. Au programme, la rencontre avec le kami kitsune de la forêt de Shinoda, des pouvoirs extraordinaires et un duel de sorciers au palais impérial. La légende de l’enfant né dans une pêche Momotarō est très connue et Gavin Blair a choisi de raconter l’histoire d’un autre héros fort, celle de Kintarō affrontant le terrible oni Shuten Dōji. Le devin Abe no Seimei est d’ailleurs consulté pour localiser le repaire du démon ivrogne. Aujourd’hui, à l’occasion de la fête des enfants (kodomo no hi), les familles exposent des poupées de l’enfant avec son bavoir rouge marqué du kanji 金 (Kin) signifiant « or » et sa hache de bûcheron souhaitant à leurs bambins d’être aussi forts et courageux que Kintarō.
Les démons sont légion dans l’imaginaire nippon et dans l’histoire de l’onibaba, l’ogresse mangeuse de chair humaine d’Adachigahara vaincue par la piété d’un moine et l’assistance de la déesse de la miséricorde Kannon. Dans le 12e récit, le bouddhisme (et le sūtra du Lotus) est aussi salvateur et le pauvre moine Anchin qui, malgré ses vœux, a du mal à résister aux charmes de la jolie Kiyo-hime. Trahie par le jeune homme et folle de rage, elle le poursuit sous la forme d’un monstrueux serpent capable de cracher du feu.
Des histoires de yôkai polymorphes
Les histoires de yôkai sont assez nombreuses. L’histoire de la ravissante Tamamo no Moe, kitsune à 9 queues dont la malédiction causa la mort des empereurs Konoe et Toba, est intéressante et explique la guerre de succession qui a mis fin à l’ère de paix (Heian) qui annonça le conflit de Genpei et la domination du pays sous l’autorité du gouvernement militaire du Shōgun. Si le renard kitsune peut être très dangereux, le tanuki ou chien viverrin japonais a lui aussi des pouvoirs métamorphes. Le conte de Bunbuku chagama raconte les péripéties d’un tanuki espiègle capable de se transformer en bouilloire. La morale de l’histoire de Uriko-Hime, la princesse née dans un melon rappellera le conte du petit chaperon rouge où le rôle du loup est joué par le yôkai démoniaque amanojaku.
Des histoires de fantômes (yūrei)
Le recueil ne pouvait pas faire l’impasse sur les histoires de fantômes : on pense aux « histoires étranges » (Kwaidan) de Lafcadio Hearn que l’artiste Benjamin Lacombe avait sublimé dans son beau livre Histoires de fantômes du Japon. Les lecteurs ne risqueront pas ici de relire les mêmes récits. L’auteur Gavin Blair s’est inspiré pour Yotsuya Kaidan, l’histoire d’Oiwa, du film Histoire de fantômes à Yotsuya de Kinji FUKASAKU (1994). La cupidité est un vilain défaut et le rōnin Iemon en fera les frais. Il y a aussi la tragique histoire de la domestique Okiku jetée dans un puits qui revient sous forme d’un fantôme hanter le château de son maître assassin. L’avant-dernière histoire, Kasane Ga Fuchi, le fantôme de Kasane, elle aussi terrible, fait intervenir un prêtre qui est appelé pour exorciser une jeune fille possédée par l’esprit de Suke, morte noyée à cause de son beau-père. Le livre de mythes et de légendes du Japon se termine avec Botan Dōrō, le célèbre conte de la lanterne pivoine devenu un classique des théâtres rakugo et kabuki. La traduction anglaise de Lafcadio Hearn (ou Yakumo KOIZUMI sous son nom japonais) est d’ailleurs basée sur la version kabuki de l’histoire.
Gavin Blair a vécu et écrit sur le Japon pendant plus de deux décennies pour des journaux. Comme Lafcadio Hearn collecta et rédigea en son temps ses histoires étranges, l’auteur de Japon – La vie en zen et de Le Japon en 100 mots, publiés eux aussi chez NuiNui, livre aux lecteurs un condensé de 15 mythes et légendes du Japon destinés à des connaisseurs de l’archipel comme à des néophytes qui souhaiteraient s’initier aux contes japonais d’antan. Aux kami et autres monstres mythologiques, on passe ensuite à la magie et la religion, en passant par des yôkai polymorphes et des fantômes. À JDJ, on vous recommande ce bel ouvrage à offrir ou s’offrir pour (re)découvrir le folklore japonais.